L’Impôt Progressif en France/79

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Le travail, seule source légitime de la richesse





Il n’est pas nécessaire de réfléchir longtemps pour se convaincre de cette vérité, que toute richesse est créée par le travail de l’homme, et que la rente, cette différence entre le produit brut et la dépense, va au capital, enfin, que le possesseur de ce capital peut vivre sans travail utile par un prélèvement qu’il opère sur le produit par l’intérêt ou usure, par le fermage et le loyer. Nous avons, en France trois cent mille rentiers qui n’ont pas autre chose à faire que de vivre sur le produit de douze millions de laboureurs, ouvriers, artisans, etc. La statistique le démontre d’une manière certaine, et nous osons marchander lorsqu’on vient nous dire que notre devoir est de supporter la grande part de l’impôt, de fournir, à la collectivité qui nous donne tout, une part de ce qu’elle nous donne, plus grande, que celle fixée par les lois actuelles. Attendrons-nous, dans notre imprévoyance, que les masses ouvrières, les millions de travailleurs plus instruits et plus convaincus de leurs droits viennent dire aux détenteurs de la richesse : C’est nous qui créons cette richesse, et ce n’est pas nous qui avons fait les lois au moyen desquelles vous vous attribuez une part trop considérable des produits qui sont notre œuvre. Vous abusez de la puissance du capital qui est entre vos mains et qui ne vous donnerait rien si notre travail cessait de le féconder ».

Tout le socialisme, tout le communisme, tout le collectivisme sont dans ce raisonnement qui donne la formule vraie de ce qui existe dans les esprits, d’une manière peut-être vague et inconsciente, mais qui peut se réveiller tout à coup violente, irrésistible, dans un moment de révolution. Que faudrait-il pour déchaîner cette tempête où le droit de propriété individuelle serait attaqué dans son essence même ? Une guerre, une mauvaise récolte, une famine ? moins que cela peut-être, un simple accident, un fait personnel, un rien qui devient énorme, exagéré par la passion ?

Le dix-huitième siècle a supprimé assez brusquement les titres de noblesse ? Prenons garde que le vingtième ne se mette en tête de supprimer les titres de propriété. Cela ne pourrait pas se produire d’une manière perpétuelle et comme un principe social ; mais quel bouleversement, quelles difficultés ensuite de remettre les choses en place ! N’est-il pas plus simple et plus prudent, pour toutes les classes sociales, d’admettre ce principe, déjà connu et appliqué dans plusieurs grands États, de la progression de l’impôt, en raison de la richesse, et de l’exemption de l’impôt, en raison de la privation de fortune et des charges de famille.