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L’Inceste royal/03

La bibliothèque libre.
Éditions Prima (Collection gauloise ; no 29p. 10-18).

iii

La jalousie du roi


Mais les imprudents, dans leur hâte de s’aimer, avaient négligé de fermer la porte du pavillon. Ils n’avaient pas pris garde que quelqu’un les avait guettés et suivis… et, soudain, un cri retentit derrière eux, un cri qui les arracha à leurs transports.

— Oh ! C’est infâme !… C’est un crime de lèse-majesté !…

Ils se levèrent, effrayés, et tous deux ensemble laissèrent échapper la même exclamation de surprise et d’effroi, résumée en deux mots :

— Le roi !

Benoni XIV, en effet, était devant eux… C’était le jeune souverain qui les avait épiés et venait de les surprendre.

Ils se jetèrent à ses pieds…

— Sire, suppliait Séraphine, pitié pour lui, je l’aime !

— Sire, criait Hector, prenez ma vie, mais épargnez la princesse !…

Mais le roi les repoussa :

— Non, dit-il. Non, je ne peux pardonner.

Se tournant vers sa cousine, le jeune souverain déclara :

— Rentrez au palais, Altesse, et regagnez vos appartements. Le duc, votre père, décidera du sort qui doit vous être réservé.

Puis s’adressant à Hector :

— Messire, rendez-moi votre épée… Et si vous êtes un noble gentilhomme et un sujet respectueux, allez sur-le-champ vous constituer prisonnier auprès du capitaine des gardes. Vous lui direz de vous conduire immédiatement dans la Tour du Silence ; je lui donnerai des ordres ultérieurs en ce qui vous concerne.

Séraphine voulut encore protester :

— Non, Sire… Non, ne l’enfermez pas dans la Tour du Silence où l’on met les prisonniers d’État qui doivent y demeurer toute la vie… Ayez pitié… ou enfermez-moi avec lui.

Mais le roi eut un rire qui parut féroce à la pauvre princesse.

— Vous seriez trop aise d’être enfermée avec lui, et la prison vous serait trop douce à l’un et à l’autre si vous y passiez vos jours ensemble.

Altesse, vous avez oublié votre rang ; vous méritez une peine sévère… Quant à vous, votre crime, en osant porter les yeux et la main sur une princesse du sang, est de ceux qui ne sauraient être rachetés par un châtiment trop sévère… Soumettez-vous.

Séraphine voulut se jeter dans les bras de son amant, mais le roi tira son épée et dit :

— Obéissez… De votre soumission à l’un et à l’autre dépend la vie de celui ou de celle que vous aimez.

Résignés, désespérés, les coupables obéirent.

— Adieu, Hector.

— Adieu, Séraphine.

Après avoir échangé ces deux mots, ils allèrent, lui se remettre aux mains du capitaine des gardes, elle se retirer dans ses appartements, se demandant quel serait leur futur destin.

Le malheureux Hector pensait :

— Le roi ne m’est jamais apparu ainsi. Il doit aimer la princesse, car je ne peux attribuer sa colère qu’à la jalousie.

Benoni XIV rentra, lui aussi, au palais. Lorsqu’il se trouva seul, il se laissa tomber sur son lit, et, chose extraordinaire pour qui l’eût vu ainsi, il se mit à sangloter, en s’écriant :

— Misérable Hector !… Me tromper ainsi !…

Pourtant, il se ressaisit, et fit appeler le capitaine de ses grdes :

— Le fils du sénéchal, lui demanda-t-il, s’est constitué prisonnier entre vos mains ?

— Oui, Sire.

— Vous l’avez conduit à la Tour du Silence ?

— Oui, Sire.

— Vous l’avez mis au secret.

— Oui, Sire.

— C’est bien. Veillez seulement maintenant à ce qu’il soit bien traité dans sa prison. C’est tout ce que j’exige pour le moment.

— Vos ordres seront exécutés, Sire, dit le capitaine des gardes en se retirant.

De nouveau seul, Benoni XIV s’écria :

— Et maintenant, à l’autre !

Chose étrange, sa voix était beaucoup plus courroucée en pensant à Séraphine que lorsqu’il s’agissait d’Hector, et il paraissait en vouloir bien davantage à sa cousine qu’au fils du grand sénéchal.

Il se rendit immédiatement auprès du duc de Boulimie.

— Mon cousin, lui dit-il, il ne faut plus songer à une union entre la princesse et moi.

Le duc — on le conçoit — se montra fort surpris. Il en faillit tomber à la renverse. C’était l’écroulement d’un projet échafaudé depuis vingt ans. Le trône lui échappait une seconde fois.

— Mais pourquoi, fit-il, pourquoi ?…

Alors, avec une indignation et une colère qui n’étaient nullement feintes, le jeune souverain raconta ce qui s’était passé et comment il avait surpris la princesse Séraphine en conversation coupable avec le fils du grand sénéchal.

— Mort de ma vie ! s’écria le duc… Je vais sur-le-champ passer mon épée au travers du corps de ce jeune Vergenler.

— Non, mon cousin, je vous le défends.

— Sire, vous ne pouvez m’interdire de laver dans le sang l’odieux affront fait à ma maison… et, dans la personne de ma fille, à toute la famille royale.

— Précisément, parce que je suis le gardien de l’honneur de la famille royale, il n’appartient qu’à moi de punir. Et il faut punir sans éclat.

Le comte est enfermé dans la Tour du Silence ; il y restera jusqu’à son dernier jour.

— J’espère que ce dernier jour luira bientôt et qu’à défaut. de mon épée, la hache du_bourreau… abattra ce Vergenler insolent.

— Calmez votre colère, mon cousin. Si nous mettons encore le bourreau dans notre secret, tout le royaume finira par le connaître. Le comte Hector sera supposé officiellement parti en mission à l’étranger, où il succombera d’accident, ce qui paraîtra tout naturel.

Je me charge de lui.

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