L’Inde après le Bouddha/Livre 1/Chapitre 1

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CHAPITRE PREMIER

PÉRIODE HISTORIQUE DE RÉNOVATION RELIGIEUSE


La prédication du Bouddha pour substituer l’altruisme et le prosélytisme à l’égoïsme religieux et social, n’était point un événement isolé et borné à l’Inde, mais seulement la manifestation la plus éclatante d’un travail ou mouvement général dans l’humanité qui se révèle presque partout à partir environ de l’an 1000 avant J.-C. Le point de départ, tout semble le prouver, fut l’Égypte, dont les prêtres ont seuls une série de siècles de loisir et de retraite pour approfondir dans le secret, avec une transmission héréditaire continue continue, tous les problèmes religieux.

D’après Dolliger, la doctrine secrète de Thèbes ou de Memphis se divisait en trois degrés :

1° Le dualisme ou le dogme des deux principes ; après avoir adoré dans le démonisme les génies du bien et du mal représentant les forces naturelles bienfaisantes et malfaisantes, la tendance vers l'unité qui nous est naturelle et l'esprit de synthèse propre aux penseurs et aux savants, avait conduit les prêtres d’Égypte à réunir en seul principe ou une seule personne toutes les forces bienfaisantes, et en un principe opposé toutes les causes du mal ; ce dut être la première doctrine secrète. Elle n’impliquait aucun culte particulier et elle pouvait tolérer l’idolâtrie populaire.

2° Le Zéobatisme, espèce de Panthéisme naturaliste. En Égypte, comme dans l’Inde, la force de beaucoup d’animaux supérieure à celle de l’homme alors mal armé, et la puissance irrésistible de la nature animale par le nombre, comme par exemple celle des sauterelles, portèrent les peuples à diviniser les animaux, à leur faire des sacrifices pour les apaiser. De là le Panthéisme naturaliste des prêtres. Les Égyptiens adoraient les animaux comme étant des incarnations de la divinité. On retrouve, même aujourd’hui, cette idée dans l’Inde qui a une espèce d’animaux sacrés et divins dans chaque genre, par exemple, le Milan brame, l’espèce la plus belle, que les Indiens recueillent et nourrissent dans leur vieillesse.

Lorsqu’on voit au musée de Boulacq le nombre infini d’animaux de tout ordre qu’adoraient les Égyptiens et lorsqu’on songe, en même temps, à la prodigieuse animalité de l’Égypte et à l’antiquité presque insondable de sa civilisation, on ne peut s’empêcher d’admettre, ainsi que l’écrivait Hérodote, en l’an 455 avant J.-C. qu’elle fut le berceau de la métempsycose, avec le dogme de l’Individualité de l’âme Immortelle, bien reconnu par les prêtres d’Égypte sous le second empire et proclamé par le Bouddha.

3° Le troisième degré de la doctrine secrète était le Hiohahisme (ressemblance de nom avec Jéhovah) ou le culte unique d’un Dieu indépendant du monde matériel. — « Les Inscriptions », dit M. de Voguë, démontrent, qu’au fond de la religion Égyptienne et malgré les apparences contraires, il y a la croyance au Dieu unique et éternel. Moins personnel que celui de la Bible et, surtout moins distinct de la matière créée, le Dieu Égyptien est pourtant incorporel, invisible, sans commencement ni fin. Les innombrables divinités du Panthéon sont les attributs personnifiés, les puissances divinisées de l’Être incompréhensible et inaccessible. Cause et prototype du monde visible, il a une double essence ; il possède et résume les deux principes de toute génération terrestre, le principe mâle et le principe femelle. C’est une dualité dans l’unité ; conception qui, par suite du dédoublement des symboles, a donné naissance à la série des divinités femelles ».

La doctrine du Hiohanisme ainsi commentée nous donne, par son alliance avec le Panthéisme, les systèmes Indiens ; détachée au contraire de lui et spiritualisée, elle devient le monothéisme sémitique. L’historien Juif Joseph raconte que Moïse, avait, épousé la fille du roi d’Abyssinie et Joseph le fils de Jacob, l’esclave de Putiphar, la fille du grand prêtre d’Héliopolis.

L’ensemble des avis et des témoignages qui viennent d’être cités donne lieu de penser que l’Égypte a fourni le germe de toutes les grandes doctrines religieuses y compris le dualisme Iranien.

À cause de la facilité avec laquelle de petites embarcations peuvent se rendre de Suez dans, l’Inde en suivant les côtes de la mer Rouge, ainsi que nous l’avons vu faire encore aujourd’hui par des chaloupes Arabes, il y a eu, de toute antiquité, des relations constantes entre l’Égypte et l’Inde. Suivant Mr de Maspero la reine Hatasou appartenant à la XVIIIe dynastie des Pharaons envoya une flotte pour prendre la terre de Pount située à mi-chemin entre l’Inde et l’Asie sémitique où les vaisseaux Hindous venaient apporter les richesses du Dékan. En même temps, les Phéniciens servaient de trait, d’union entre toutes les parties du monde alors connu.

Selon toute vraisemblance, il y eut une importation des doctrines et de la civilisation de l’Égypte dans l’Inde avant l’élaboration des six grands systèmes Orthodoxes ; et à leur tour les Aryens de l’Inde et de l’Iran réagirent sur l’Occident, d’abord avant la venue du Bouddha ; puis, après sa mort, par l’expansion sans limites de l’Apostolat bouddhique. Les Assyriens, en déplaçant et dispersant au loin des peuples captifs, avaient déjà préparé une fusion des mœurs et des idées. L’Empire Médo-Perse qui embrassait l’Égypte et la Palestine relia la Grèce et l’Inde dont il occupait les provinces extrêmes et s’étendit jusqu’aux confins du monde de la Chine ; de là les théories Indiennes que l’on trouve dans la métaphysique de Lao Tseu ; de là les emprunts qu’Orphée a faits à l’Inde, et à l’Égypte pour ses mystères et ceux d’Éleusis et pour les règles de l’initiation.

D’après lui, livres VII et VIII, le monde terrestre est l’enfer ; le séjour de l’expiation en même temps que de l’épreuve.

Le fonds des mystères, c’est le dogme des vies successives : les différents grades de l’initiation sont les symboles des divers degrés de la vie future, de même que Bouddha avait des grades de perfection se correspondant sur la terre et dons les sièges ou séjours supérieurs. Dans les mystères anciens et modernes, il est défendu à l’initié d’un grade de pénétrer les secrets du grade supérieur avant d’y être promu. Cette interdiction est la condamnation implicite du suicide. L’homme ne peut s’affranchir volontairement du degré terrestre de l’initiation. Le même motif de condamnation du suicide existe dans le Bouddhisme, tandis que le Brahmanisme y excite les fanatiques. — On voit là encore ce qui forme la différence radicale entre le Brahmanisme et le Bouddhisme ; la croyance de ce dernier à l’individualité de l’âme immortelle. C’était évidemment aussi la différence radicale entre la religion des mystères qu’on peut considérer comme se confondait avec la doctrine des philosophes (Socrate, Platon etc.,) et la religion payenne. De là la haine populaire contre les Initiés et les philosophes. On peut remarquer d’ailleurs, que cette question se lie à celle du sacrifice des victimes. La glorification du suicide se trouve dans toute religion où le sang des victimes est considéré comme agréable à la divinité. La philosophie Sañkya qui a eu l’immense mérite d’établir bien, nettement pour la première fois dans l’Inde, l’individualité de l’âme immortelle, a rejeté presque absolument le sacrifice.

Les degrés de l’initiation variant suivant les progrès et ; la valeur de l’Initié, on en déduisait le principe : la récompense est proportionnelle aux mérites. ; C’est encore le principe bouddhique pour la hiérarchie religieuse et pour le classement dans la vie à venir. Même, nous verrons plus loin le Bouddhisme admettre qu’il devait y avoir trois credo différents pour trois états échelonnés, d’instruction et de perfection.

La religion des mystères inspira toute la philosophie Grecque depuis Pythagore. Ses dogmes se propagèrent dans la Sicile et l’Italie et jusqu’en Gaule où ils furent vraisemblablement apportés d’Égypte par les Phéniciens. Selon Jean Reynaud, les Druides empruntèrent beaucoup aux Perses, notamment la doctrine de la transmigration des âmes que César leur attribue dans ses commentaires.

Ainsi s’étendait partout la lutte plus ou moins ouverte entre le naturalisme ou polythéisme d’une part, et de l’autre la doctrine de la délivrance, de l’affranchissement graduel des âmes individuelles et immortelles.

Le massacre des mages par Darius fils d’Hystape fut le triomphe de Zoroastre sur le Démonisme et la Magie ; mais le polythéisme grec, ennobli par l’art, résista, bien que miné par la philosophie et ne céda qu’au Christianisme. Avant de reprendre l’histoire religieuse de l’Inde, il convient d’indiquer sommairement ce que cette contrée a inspiré aux plus beaux génies de la Grèce et surtout à Pythagore qui prit le premier le titre de philosophe au lieu de sage (φιλο-σοφια ami de la connaissance) équivalent de bodhi-sattva). Si son entreprise n’avait pas été étouffée dans le sang, on aurait pu l’appeler le Bouddha grec ; son nom ressemble singulièrement à Bouddha gourou.

Né en l’an 570 avant J.-C. et probablement contemporain du Bouddha, il personnifie en Grèce les doctrines de l’Inde, fusionnées avec celles de l’Égypte, et forme par cela même trait d’union entre les Aryens de la Grèce et de l’Inde et les Sémites de l’Égypte et de l’Asie.

D’après Dollinger Pythagore emprunta la métempsycose aux mystères d’Égypte, l’astronomie à Babylone, la purification à la Perse. Il naquit d’un riche marchand en Phénicie à Sidon, alors la ville cosmopolite par excellence, il eut pour maîtres successivement Phérécide le Syrien ; le médecin Anaximandre et enfin Thalès de Milet qui l’engagea à se rendre en Égypte, pour étudier sous les prêtres de Memphis. Sur sa route, il s’arrêta au mont Carmel où il y avait un couvent d’hommes ; c’étaient les prophètes successeurs de Moïse qui prenaient le nom d’Essayius dont on a prétendu que l’origine est bouddhiste, Mr Mislin a vu des restes de ce couvent ; c’étaient des cellules disposées autour d’une cour centrale.

Pythagore resta en Égypte 22 ans à étudier les mathématiques, l'astronomie et la doctrine Secrète. (Initia). Il fut emmené captif à Babylone par un soldat de Cambyse et, selon Anquetit Dupéron, y suivit les leçons de Zoroastre qui, alors, avait un corps de prêtres à Balk. Ce récit est confirmé par Porphyre qui assure que Pythagore étudia aussi avec les Chaldéens et les Hébreux.

De retour à Samos à l’âge de 56 ans, il essaya d’enseigner par des symboles, c'est-à-dire d’inaugurer la religion des mystères pour des Initiés, avec des représentations symboliques susceptibles d’une double interprétation, l’une commune pour le vulgaire et l’autre secrète. Ayant échoué dans cette tentative à Samos, il quitta cette île et se rendit à Crotone dans la grande Grèce (Sicile). Il eut dans cette ville jusqu’à 600 disciples qui avaient tout en commun ; de là leur nom de Cénobites (ϰοῖνος βιος, vie commune).

Il faisait un choix parmi ceux de ses auditeurs qui désiraient entrer dans la communauté ; il les soumettait à un noviciat de 3 ans, puis à un silence de 5 ans. Il reconnaissait par des épreuves ceux qui étaient capables de garder inviolablement le secret de l’enseignement reçu, et il les admettait comme disciples de l’intérieur. Il rendait leurs biens aux autres non admis.

Il fut ainsi conduit à établir parmi ses disciples deux catégories ; les Pythagoriciens et les Pythagoristes. Les premiers qui avaient la vie et les biens communs pendant toute leur vie étaient des modèles de perfection que les seconds imitaient de loin, gardant leurs biens séparés ; mais se réunissant dans un même lieu pour l’étude. (C’est à peu près la division des Bouddhistes en religieux et simples dévots).

Il y avait deux formes de philosophe ou deux sortes de disciples : ceux qui apprenaient par démonstration μαθηματιϰοι : de μαθειν apprendre, les hommes de science) et ceux qui se contentaient de la tradition et de l’enseignement sans démonstration (αϰουσματιϰοι ceux qui écoutent c’est-à-dire reçoivent de confiance la parole du maître, les hommes de foi). Les premiers refusaient aux seconds le titre de Pythagoriciens, de même que Kapila n’admettait la tradition ou l’autorité du témoignage qu’en l’absence de la démonstration logique. C’est sans doute dans ce sens que Platon a écrit : θεοι μεν αυτοι μαθηματιϰοι, les dieux eux-mêmes sont logiciens.

Il y avait entre tous les disciples une exhortation réciproque à accomplir la loi, à repousser toute transgression ; ils s’aidaient les uns les autres à vaincre la tristesse, la colère, la haine etc. C’était une fraternité complète dont l’exemple n’avait encore été donné nulle part.

Les Pythagoriciens devaient, en rentrant dans la maison, se poser ces trois questions : Quelle faute ai-je commise ? Quel bien ai-je fait ? Quels devoirs ai-je omis d’accomplir ?

Au nombre de ces devoirs étaient la dignité et la tenue ; les disciples devaient porter la robe blanche et pure en laine comme les prêtres d’Égypte. C’était peut-être aussi une imitation des Brahmes.

Pythagore prescrivait : le respect des parents, l’équité et la bienveillance envers les égaux ;  : envers les jeunes gens, la douceur et des admonestations toujours paternelles ; — l’amitié de tous pour tous : des dieux pour les hommes et des hommes pour les dieux par la piété et la science contemplative, de l’âme envers le corps, des hommes entre eux, citoyens et étrangers (charité universelle), du mari envers sa femme, des frères entre eux ; de tous entre eux et même envers les animaux par la justice et la bonté ; enfin de l’homme envers lui-même par la paix et l’harmonie de ses sens et de ses facultés.

Il donnait à tout cela le nom d’amitié. Il appellait aussi l’amitié égalité, parce que des amis doivent tout se partager.

À ses yeux les femmes étaient presque des êtres privilégiés. « Il a vu dit-il, tourmenter dans les enfers ceux qui tourmentent leurs épouses. »

« Les femmes ne doivent dire que des paroles agréables » (renouvelé de Manou).

« À cause de leur piété, elles doivent toutes avoir un surnom divin : la vierge Coren ; la mariée Nymphe ; celle qui a eu des enfants, en dialecte dorique Maya (matrem), nous retrouvons la Maya-Aryenne.

L’institution et la doctrine de Pythagore étaient admirables, mais peu conformes au génie grec amoureux de la forme et dont l’idéal était tout extérieur. Le principal grief qu’on eut contre lui fut le secret dont il entourait sa doctrine et l’isolement dans lequel ses disciples se tenaient à l’écart de la foule. On les calomnia et on ameuta contre eux la populace qui les massacra. Ils auraient pu échapper à la mort dans leur fuite, s’ils avaient voulu violer leurs préceptes ; Une femme s’arracha la langue pour être bien sûre de ne pas dévoiler les secrets de la doctrine.

Les deux amis qui, en se remplaçant comme otages auprès de Denys l’ancien, firent l’admiration du tyran, étaient des Pythagoriciens.

Après la mort de Pythagore, son disciple Thyside qui fut le précepteur d’Épaminondas, mit son enseignement en écrit ; voici la doctrine qu’on lui attribue :

L’âme est immortelle ; elle habite diverses espèces d’êtres animés et, après un certain nombre de circuits, elle retourne à son point de départ ; il n’y a point de création, tous les êtres animés sont de même nature.

L’âme humaine se divise en trois, la raison, l’intellect et le cœur (le manas indien). Les animaux ont l’intellect et le cœur, l’homme seul a la raison qui seule est immortelle. Après la mort, l’âme chassée erre dans l’air. Hermès (Mercure), gardien des âmes, emmène les âmes détachées des corps, les pures et les purifiées dans un haut lieu, les autres aux enfers où elles sont livrées aux Furies. Tout l’air est peuplé d’âmes, démons et héros, qui envoient ceux-ci la santé, ceux-là la maladie, aux hommes et au bétail. C’est à eux qu’il faut faire les lustrations, les expiations, les divinations et toutes choses du même ordre.

Ce dernier alinéa rappelle les croyances primitives de la cité antique (Coustel de Foulanges).

L’âme est ce qu’il y a d’essentiel dans les hommes pour les porter au bien. Heureux les hommes auxquels une bonne âme est échue ! (c’est la prédestination brahmanique).

On lui prête d’avoir enseigné que la croyance en un seul Dieu est nécessaire pour la vertu ; ce serait le résultat de son séjour parmi les prophètes du mont Carmel.

Il défendait de jurer par les Dieux. Il prescrivait d’honorer d’abord les Dieux, puis les demi-Dieux, puis les parents. — C’étaient donc, comme chez les Bouddhistes, de simples honneurs rendus à des êtres supérieurs mais non l’adoration.

Il interdisait les sacrifices sanglants en général ; on ne devait offrir aux dieux que des fleurs, de l’encens, quelquefois des poulets et des petits porcs, jamais de bœufs et de béliers. (On se rappelle que Socrate, le jour de sa mort, fit sacrifier un coq à Esculape[1] ;) on ne devait pas manger certaines parties des victimes, la tête, le pubis, les pieds, les entrailles.

Il déclarait que les grands dieux regardaient plutôt le sentiment de celui qui offre que la valeur de l’offrande ; mais il en était autrement des dieux inférieurs, surtout des dieux infernaux qu’il fallait apaiser avec beaucoup plus de frais. — Il est permis de douter que Pythagore ait fait cette dernière concession aux croyances populaires les plus anciennes.

Il admettait la divination par des augures, des oracles, par l’encens ; si cela est vrai, c’était encore une concession.

Il guérissait ses amis malades par des incantations, et par le chant et la musique. — Emprunt évident à l’Inde.

Les Pythagoriciens, disciples du 1er degré, s’abstenaient de toute nourriture animale, à cause de la parenté des hommes et des animaux. Aux adhérents qui n’étaient point cénobites, l’usage de la viande était permis, mais avec exclusion de certains animaux et de certaines parties du corps. Par exemple le poisson et la fève étaient interdits comme impurs, le premier aussi sans-doute comme aphrodysiaque.

Il était défendu de faire du mal aux plantes et aux animaux qui n’étaient point nuisibles.

On devait apporter la plus grande modération et retenue dans les plaisirs charnels, et s’éloigner des courtisanes.

Il fallait poursuivre trois espèces de choses : l’honneur et la gloire ; — Ce qui était nécessaire à l’existence ; — les plaisirs graves et honnêtes comme ceux représentés par les Muses ; surtout la vérité, car cela seul rendait les hommes semblables aux dieux.

Pythagore avait plusieurs enseignements suivant la capacité des personnes (comme les Bouddhistes). Il formulait souvent ses dogmes en aphorismes (comme Kapila).

Comme Bouddha, il racontait ses anciennes vies et enseignait que ceux qui sont purifiés peuvent se souvenir des vies antérieures.

La fin de sa philosophie était de détacher l’esprit de ses chaînes et de lui rendre une liberté indispensable pour apprendre le vrai et le bien ; — Selon lui, l’esprit voit tout, entend tout ; tout le reste est sourd et aveugle.

Pour Pythagore, la loi des choses est le nombre, objet de la pensée non des sens, et le seul véritable être.

L’unité est le principe des nombres, tous en sortent et y reviennent. Par suite, le principe des êtres est l’un ou la monade, d’où sort la Dyade.

La monade est unité, esprit, lumière, perfection, le Bien ou Dieu. La Dyade est le monde, pluralité, matière, ténèbres, imperfection, le Mal. Mais l’opposition du bien et du mal est conciliée par l’union des contraires en Dieu. (Iranien). Puisque, tout vient de l’Un ; l’Un enveloppe tout ; la matière est déjà dans la Monade et on trouve encore l’esprit dans la Dyade.

À mesure que les nombres s’éloignent de l’unité, et les êtres multipliés de leur principe, ils descendent les degrés de l’imperfection ; mais ils doivent par degrés remonter vers le bien jusqu’au principe ou à l’Un, en se détachant des liens corporels. L’âme s’affranchit non par le suicide ; car elle est immortelle, mais par le renoncement au monde et la contemplation de l’Un poussée jusqu’à son Identification avec lui. En quittant le corps, elle peut s’abaisser et descendre dans le règne animal, ou bien restant au même degré, se continuer dans des vies humaines, ou franchir plusieurs degrés et enfin tous les degrés jusqu’à Dieu.

Cette théorie est, sous une forme mathématique, la doctrine Brahmanique et Bouddhiste de la métempsycose.

Pythagore amenait les hommes à la béatitude par la contemplation de la vérité, obtenue par des exercices gradués (Porphyre) (cela est tout-à-fait bouddhique). Il y employait les mathématiques.

D’après cet exposé, la doctrine de Pythagore serait un éclectisme cosmopolite de toute, la science religieuse de son époque, dans lequel dominaient les idées Indiennes, et où se faisait déjà sentir le génie Grec. On y trouve la croyance aux esprits, et démons, reste ennobli et spiritualisé de l’Animisme ; la transmigration et la rétribution des œuvres, la division en Cénobites et laïques, conceptions presque exclusivement bouddhistes ; enfin et cela, est très remarquable, la croyance en un seul dieu, très vraisemblablement personnel, le dieu des Sémites, déjà, providence dans Isaïe et Jérémie et arianisé par les rapports entre la Perse et la Judée. L’École de Pythagore serait ainsi le commencement du Christianisme défini, en se plaçant au point de vue humain : la fusion du Monothéisme Sémitique avec la Métaphysique Aryenne. Socrate et Platon ont développé ce germe fécond, pendant que les grands prophètes d’Israël universalisaient et humanisaient le Judaïsme. Tous, poussés par un courant supérieur, travaillaient séparément à préparer la grande fusion du génie sémitique et du génie Aryen.

Les éléments grecs dans le système de Pythagore étaient la distinction très nette, entre l’âme et la vie ; l’amour de la gloire et des arts ; et surtout l’importance très grande donnée à l’Harmonie et aux-nombres, etc.

C’est avec raison que l’on a appelé Pythagore le père de la philosophie grecque, car elle dérive du principe posé par lui : l’excellence de l’âme humaine appelée par sa partie divine à la science universelle (théorie de la Sankya et du Bouddhisme) ; elle n’a qu’à se regarder attentivement pour arriver à la vérité (théorie de Lao-Tseu-Chinois). Le γνωθι σεαυτον de Socrate est une des plus vieilles maximes de l’Inde d’où Pythagore a tiré l’examen de conscience prescrit à ses disciples.

Les Pythagoriciens unirent tout ce qui relève du nombre, l’Astronomie, la musique, l’Arithmétique, la géométrie, l’Esthétique et même la danse.

Platon met dans la bouche de Socrate la doctrine de la rémunération par la transmigration : « ceux qui sont adonnés à la volupté, à la bonne chère, à l’intempérance entrent vraisemblablement dans le corps d’animaux semblables. Et ceux, qui n’ont aimé que l’injustice, la tyrannie et les rapines, vont animer des corps de loups, d’éperviers et de faucons. Les autres âmes ont une destinée en rapport avec la vie qu’elles ont menée ».

La gloire suprême de Socrate est d’avoir dégagé très nettement les deux idées de l’Immortalité de l’âme et de la Providence.

Au dessus de la métempsycose et d’un enfer temporaire, Platon admet une immortalité spirituelle réservée aux seuls philosophes (hommes de science et de vertu) qui consiste non pas à s’absorber en Dieu comme les Brahmes mais à vivre en quelque sorte en société avec lui, à participer de sa pureté, de sa félicité, de sa sagesse — si on remplace ici le mot philosophes par celui de saints, on a le paradis des chrétiens. Comme les Hindous, Platon admet des dieux inférieurs ministres ou agents de Dieu (αγγελοι), (les régents du Bouddhisme).

Le secret dont Pythagore, Socrate et les Initiés aux Mystères enveloppaient leurs dogmes, les rendait suspects et antipathiques à la foule et donnaient créance à toutes les calomnies de leurs ennemis. Socrate tomba sous les coups d’Aristophane, victime de la lutte entre le Polythéisme populaire et les Philosophes ou Initiés. Tout en se moquant des dieux, Aristophane défendait la religion officielle dans l’intérêt du parti aristocratique auquel il appartenait. Ses Oiseaux, figurant les philosophes, édifient entre le ciel et la terre une cité qui intercepte la fumée des sacrifices, nourriture des dieux, et font capituler Jupiter. On disputait alors à Athènes, comme auparavant dans l’Inde, sur l’efficacité du sacrifice aux Dieux. Aristophane s’attaquait plutôt aux philosophes qu’aux Initiés dont beaucoup appartenaient plutôt aux premières classes. Il dit quelque part : Tous ceux qui participaient aux Mystères menaient une vie innocente, et comptaient sur les Champs-Élysés.

Dans sa République, Platon reproche à Hésiode et aux autres poètes leurs fictions sur la vie future et il ajoute : Il y a de détestables théories dans Athènes. Les Prêtres mendiants (αγῦπται) assiègent les portes des riches, offrent de leur vendre à bas prix le paradis pour eux et les leurs, quelques crimes qu’ils aient commis, et l’enfer pour leurs ennemis, quelqu’honnêtes qu’ils soient).

Ce texte prouve qu’on faisait alors à Athènes abus de la vie future et que des Charlatans, sans doute venus d’Égypte, exploitaient la crédulité publique ; il pouvait s’y trouver aussi des Mendiants Bouddhistes qu’on confondait avec les Charlatants.

On sait que les Mystères orphéïques et Égyptiens furent portés à Rome. Cicéron et Plutarque les louent. Plutarque dit : Il se commettait des fautes dans les mystères, parce que de mauvais sujets s’introduisaient dans les réunions.

APPENDICE AU CHAPITRE I

Fabre d’Olivet a donné de la doctrine de Pythagore un résumé qui confirme notre appréciation du rôle que ce philosophe a joué dans l’humanisme en général et dans la Grèce en particulier. Nous devons le reproduire parce qu’il est souvent cité :


Pythagore admettait deux mobiles des actions humaines, la puissance de la volonté et la nécessité du destin ; il les soumettait l’un et l’autre à une loi fondamentale appelée la Providence, de laquelle ils émanaient également.

Le premier de ces mobiles était libre et le second contraint : en sorte que l’homme se trouvait placé entre deux natures opposées, mais non pas contraires ; indifférentes, bonnes ou mauvaises suivant l’usage qu’il savait en faire. La puissance de la volonté s’exerçait sur les choses à faire ou sur l’avenir : la nécessité, du destin sur les choses faites ou sur le passé ; et l’une alimentait sans cesse l’autre, en travaillant sur les matériaux qu’ils se fournissaient réciproquement.

D’après cette doctrine, la liberté règne dans l’avenir, la nécessité dans le passé et la providence sur le présent. Rien de ce qui existe n’arrive par hasard, mais par l’union de la loi fondamentale et providentielle avec la volonté humaine qui la suit ou la transgresse en opérant sur la nécessité.

L’accord de la volonté et de la Providence constitue le bien, le mal naît de leur opposition. L’homme a reçu, pour le conduire dans la carrière qu’il doit parcourir sur la terre, trois forces appropriées à chacune des trois modifications de son être et toutes trois enchaînées à sa volonté.

La première, attachée au corps, est l’instinct ; la seconde, dévouée à l’âme, est la vertu (sans doute la conscience) ; la troisième, appartenant à l’intelligence, est la science ou la sagesse. Ces trois forces, indifférentes par-elles-mêmes, ne prennent, ce nom que par le bon usage que la volonté en fait, car, dans le mauvais usage, elles dégénèrent en abrutissement, en vice et en ignorance. L’instinct perçoit le bien ou le mal physique résultant de la sensation ; la vertu connaît le bien et le mal moraux existant dans le sentiment ; la science juge le bien ou le mal intelligibles qui naissent de l’assentiment. Dans la sensation, le bien et le mal s’appellent plaisir ou douleur, dans, le sentiment, amour ou haine ; dans l’assentiment, vérité ou erreur.

La sensation, le sentiment et l’assentiment résidant dans le corps, dans l’âme et dans l’esprit, forment un ternaire qui, se développant à la faveur d’une unité relative, constitue l’homme considéré abstractivement.

Les trois affections qui composent ce ternaire agissent et réagissent les unes sur les autres ; et s’éclairent ou s’obscurcissent mutuellement ; l’Unité qui les lie, c’est-à-dire l’homme se perfectionne ou se déprave, selon qu’elle tend à se confondre avec l’Unité universelle ou à s’en distinguer (brahmanique).

Le moyen qu’elle a de s’y confondre ou de s’en distinguer, de s’en rapprocher ou de s’en éloigner, réside tout entier dans sa volonté qui, par l’usage qu’elle fait des instruments que lui fournissent le corps, l’âme et l’esprit, s’inctinctifie ou s’abrutit, se rend vertueuse ou vicieuse, sage ou ignorante et se met en état de percevoir avec plus ou moins d’énergie, de connaître et de juger avec plus ou moins de certitude ce qu’il y a de bon, de beau et de juste dans la sensation, le sentiment ou l’assentiment, de distinguer avec plus ou moins de force et de lumière bien et le mal ; et de ne point se tromper enfin dans ce qui est réellement plaisir ou douleur, amour ou haine, vérité ou erreur.

L’homme placé sous la domination de la Providence, entre le passé et l’avenir, doué d’une volonté libre par son essence et se portant à la vertu ou au vice de son propre mouvement doit connaître la source des malheurs qu’il éprouve nécessairement et, loin d’en accuser cette même providence qui dispense les biens et les maux à chacun selon son mérite et ses actions antérieures, ne s’en prendre qu’à lui-même s’il souffre par une suite inévitable de ses fautes passées, commises avant ou pendant l’existence présente.

Cette nécessité dont l’homme ne cesse de se plaindre, c’est lui-même qui l’a créée par l’emploi de sa volonté ; il parcourt, à mesure qu’il avance dans le temps, la route qu’il s’est déjà tracée à lui-même ; et suivant qu’il la modifie en bien ou en mal, qu’il y sème pour ainsi dire ses vertus et ses vices, il la retrouvera plus douce ou, plus pénible, lorsque le temps sera venu de la parcourir de nouveau.


Cette citation est la théorie de la métempsychose avec substitution du dogme de la providence justicière au dogme bouddhique du fruit inhérent aux œuvres. C’est le commencement de l'alliance du Monothéisme et de la métaphysique Aryenne.

  1. Les Hébreux paraissent n’avoir sacrifié des béliers et des bœufs que dans les grandes solennités, témoins ces versets du miserere : (David) Si voluisses sacrificium, dedissem utique, holocaustis non delectaberis, — Sacrificium deo Spiritus contribulatus… donec edificentur muri Jerusalem ; tunc imponent super altare tuum vitulos.

    Isaïe et les prophètes qui le suivirent condamnent formellement les sacrifices sanglants, contrairement aux prescriptions de Moïse dans le Pentateuque. Ils sont interdits par le Talmud qui forme aujourd’hui la loi.