L’Italie d’hier/Teatro di Borgognissanti

La bibliothèque libre.
Charpentier & Fasquelle (p. 79-82).

Teatro di Borgognissanti.

Des affiches attirantes comme celle-ci :

La sera di Mercoledì 23 gennajo
Si replica a richiesta
Griselda
ovvero
Virtù vince l’orgoglio
con Stenterello
gran titolato
Poscia pecorajo
E famoso suonator di zampogna.
Azione spettacolosa
Adorna di marce con trombe
Con caccia al naturale
e vari animali vivi
sulla scena
[1]

Une toile, qui représente une villa aux fontaines de marbre, où se voit Boccace disant un de ses contes, au milieu d’un Décameron d’hommes et de femmes, ayant au dos le petit mantelet des personnages de Watteau, et dont les mandolines dorment à terre. Un souffleur, dont l’habitacle a pour toit une vieille capote de cabriolet, hors de service. Lorenzo Cannelli, le successeur du célèbre Amato Ricci, est le stenterello de l’endroit. Stenterello n’est pas un type, n’est pas un homme : il est le gros bon sens, et l’opinion publique de la foire, sous le faciès d’un rustre indépendant, dont la voix roule des éclats paphlagoniens, et les gros mots salés d’un carnaval aristophanesque. Stenterello représente la liberté du dire et du rire, réfugiée sur les trétaux, insoucieuse des For-l'Evêque, et rebondissante de 48 heures de prison, plus joyeuse, plus gouailleuse, tolérée d’ailleurs par le grand-duc, comme la franchise irrespectueuse d’un Triboulet, qui, dans je ne sais quelle pièce, se permet de dire : « Nous sommes à Florence trois stenterelli : primo Leopoldo, seconda...

Le répertoire ordinaire, autrefois composé de pièces tirées de Boccace, est aujourd’hui presque entièrement rempli par des pièces démocratiques, dans le genre des pièces de Félix Pyat.

Le soir, où nous sommes à ce spectacle, voici la pièce à laquelle nous assistons : Un cenciajuolo (un chiffonnier, — et la manière dont les chiffonniers chiffonnent ici la nuit, est particulière, ils ont une lanterne attachée à une longue ficelle, qu’ils balancent comme un Portrait de Lorenzo Cannelli, le stenterello du théâtre Borgognissanti encensoir), — un cenciajuolo a une fille séduite par le fils d’un général, sorti du peuple, ainsi que nos généraux de l’Empire, et donnant les mains au mariage de son fils, avec la fille du chiffonnier. Mais comme à ce mariage la mère du jeune homme apporte une résistance d’aristocrate, le chiffonnier a l’adresse de découvrir de cette mère une correspondance adultère, qui la fait chasser, et le mariage a lieu en pleines tirades, à tout casser, contre la noblesse de naissance.

Cannelli, une grosse voix, un gros entrain, un gros rire et un gros et bon comédien.

  1. Théâtre Borgognissanti — Ce soir, mercredi 23 janvier, reprise à la demande générale, de griselda ou la Vertu triomphant de l’Orgueil, avec Stenterello, grand seigneur, devenu berger, et fameux joueur de chalumeau. Pièce à grand spectacle, avec marches aux trompettes, et une chasse au naturel, où l’on voit sur la scène, divers animaux vivants.