L’Italie libérée - Lettres au prince Napoléon/01
DU ROI VICTOR EMMANUEL II
ET DU COMTE DE CAVOUR
La formation de l’unité italienne tient presque entière dans les pages qui suivent.
D’abord, l’entrée en relations du comte de Cavour avec le prince Napoléon ; puis, après les entrevues de Plombières, que l’Empereur a provoquées et dont M. de Cavour rend au Roi un compte détaillé, la marche qu’il adopte, et, selon le plan qu’il a arrêté, le développement de son action. On peut suivre, jour par jour, l’action parallèle de l’Empereur et de son cousin, le prince Napoléon. Les lettres de l’Empereur qui font défaut ici feront l’objet d’une publication spéciale.
Celle-ci comprend une première partie allant de 1857 aux préliminaires de Villafranca dont le prince Napoléon a donné dans la Revue un récit personnel [1] .
FRÉDÉRIC MASSON.
Par cette lettre du 28 novembre 1857, le comte de Cavour, ministre des Affaires étrangères du roi de Sardaigne, entre en relations avec le prince Napoléon.
A Turin, le 28 novembre 1857.
Monseigneur,
J’ai reçu avec une profonde reconnaissance, et j’ai lu avec un vif intérêt, le rapport sur l’Exposition de 1855 que Votre Altesse a présenté à l’Empereur [2] . J’ai été heureux d’y voir traitées, dans un sens aussi juste que libéral, plusieurs questions que j’ai travaillé à faire résoudre, dans mon pays, d’une manière conforme aux vues que Votre Altesse expose avec tant de courage et de netteté. Les enseignements remarquables que votre rapport renferme, fondés sur des faits d’une incontestable évidence, éclairés par une pratique qu’on peut dire universelle, auront une bien autre efficacité en France que les leçons du Collège de France, et contribueront puissamment au triomphe des saines doctrines que les préjugés et les intérêts égoïstes coalisés pour empêcher l’œuvre réformatrice entreprise par votre auguste cousin.
Je suis heureux de pouvoir dire à Votre Altesse que nous allons mettre en pratique l’opinion qu’elle émet sur les expositions universelles partielles. Une exposition nationale devant avoir lieu à Turin l’année prochaine, j’ai obtenu qu’on la rendit universelle pour ce qui a rapport aux soies. C’est là une application restreinte, mais telle que le comporte l’état de notre pays, des idées que vous développez d’une manière si lumineuse dans les considérations générales par lesquelles vous avez clos votre rapport. J’espère que les résultats que nous obtiendrons de cet essai, leur donneront une confirmation pratique. L’amour que Votre Altesse porte à la cause de la liberté, m’est un sûr garant de l’intérêt qu’elle aura pris aux élections qui viennent d’avoir lieu en Piémont. Le parti clérical, agissant dans l’ombre, mais avec un ensemble incroyable, suivant l’impulsion et la direction qui lui sont venues de Rome et du comité central de Paris, a obtenu, par l’emploi des moyens les plus odieux et les plus répréhensibles, une série de triomphes partiels qui lui constituent, dans la future Chambre, une minorité redoutable. Il nous prépare une lutte désespérée, dirigée, non seulement contre le ministère, mais contre les institutions libérales et l’esprit du siècle. Mais ses efforts seront impuissants, le Roi et le pays ne veulent pas de lui. Une conspiration jésuitique, tramée dans toutes les sacristies du Royaume, a pu obtenir un succès de surprise ; elle ne saurait se soutenir au grand jour de la discussion, alors surtout que le trône et la nation sont d’accord pour marcher, avec modération, mais fermeté, dans la voie de la civilisation et du progrès.
Je prie Votre Altesse de vouloir bien agréer, avec l’hommage de ma reconnaissance, l’assurance de mon respectueux et parfait dévouement.
CAVOUR.
Baden, 24 juillet 1858.
Sire,
La lettre chiffrée que j’ai expédiée à Votre Majesté de Plombières n’a pu donner à Votre Majesté qu’une idée fort incomplète des longues conversations que j’ai eues avec l’Empereur. Je pense qu’elle sera par conséquent impatiente d’en recevoir une relation exacte et détaillée. C’est ce que je m’empresse de faire à peine après avoir quitté la France, par cette lettre que j’expédierai à Votre Majesté par M. Tofi, attaché à la Légation de Berne.
L’Empereur, dès que je fus introduit dans son cabinet, aborda la question, cause de mon voyage. Il débuta en disant qu’il était décidé à appuyer la Sardaigne de toutes ses forces, dans une guerre contre l’Autriche, pourvu que la guerre fût entreprise pour une cause non révolutionnaire, qui pût être justifiée, aux yeux de la diplomatie, et plus encore de l’opinion publique, en France et en Europe.
La recherche de cette cause présentant la principale difficulté à résoudre pour se mettre d’accord, j’ai cru devoir traiter cette question avant toutes les autres. J’ai proposé d’abord de faire valoir les griefs auxquels donne lieu la peu fidèle exécution, de la part de l’Autriche, de son traité de commerce avec nous. A cela, l’Empereur a répondu qu’une question commerciale, de médiocre importance, ne pouvait donner lieu à une grande guerre destinée à changer la face de l’Europe.
Je proposai alors de mettre en avant, de nouveau, les causes qui nous avaient déterminés, au Congrès de Paris, à protester contre l’extension illégitime de la puissance de l’Autriche en Italie, c’est-à-dire le traité de 1847 entre l’Autriche et les ducs de Parme et de Modène, l’occupation prolongée de la Romagne et des Légations, les nouvelles fortifications élevées autour de Plaisance.
L’Empereur n’agréa point cette proposition. Il observa que, puisque les griefs que nous avions fait valoir en 1856 n’avaient pas été jugés suffisants pour amener l’intervention de la France et de l’Angleterre en notre faveur, on ne comprendrait pas comment, maintenant, ils pourraient justifier un appel aux armes. « D’ailleurs, a-t-il ajouté, tant que nos troupes sont à Rome, je ne puis guère exiger que l’Autriche retire les siennes d’Ancône et de Bologne. » L’objection était juste. Il me fallut donc renoncer à ma seconde proposition. Je le fis à regret, car elle avait quelque chose de franc et d’audacieux qui allait parfaitement au caractère noble et généreux de Votre Majesté et du peuple qu’elle gouverne.
Ma position devenait embarrassante, car je n’avais plus rien de bien défini à proposer. L’Empereur vint à mon aide et nous nous mîmes ensemble à parcourir tous les États de l’Italie pour y chercher cette cause de guerre, si difficile à trouver. Après avoir voyagé dans toute la Péninsule sans succès, nous arrivâmes, presque sans nous en douter, à Massa et Carrara, et, là, nous découvrîmes ce que nous cherchions avec tant d’ardeur Ayant fait à l’Empereur une description exacte de ce malheureux pays dont il avait d’ailleurs déjà une idée assez précise, nous convînmes que l’on provoquerait une adresse des habitants à Votre Majesté, pour demander sa protection et réclamer même l’annexion de ces duchés à la Sardaigne. Votre Majesté n’accepterait pas la sédition proposée, mais, prenant fait et cause pour les populations opprimées, adresserait au duc de Modène une note hautaine et menaçante ; le duc, fort de l’appui de l’Autriche, y répondrait d’une manière impertinente. Là-dessus, Votre Majesté ferait occuper Massa et la guerre commencerait. Comme ce serait le duc de Modène qui en serait la cause, l’Empereur pense qu’elle serait populaire, non seulement en France, mais également en Angleterre et dans tout le reste de l’Europe, vu que ce prince est, à tort ou à raison, considéré comme le bouc émissaire du Despotisme. D’ailleurs, le duc de Modène n’ayant reconnu aucun des souverains qui ont régné en France depuis 1830, l’Empereur a moins de ménagements à garder envers lui qu’envers tout autre prince.
Cette première question résolue, l’Empereur me dit : « Avant d’aller plus loin, il faut songer à deux graves difficultés que nous rencontrerons en Italie : le Pape et le roi de Naples ; je dois les ménager ; le premier pour ne pas soulever contre moi les catholiques en France, le second pour nous conserver les sympathies de la Russie qui met une espèce de point d’honneur à protéger le roi Ferdinand. » Je répondis à l’Empereur que, quant au Pape, il lui était facile de lui conserver la tranquille possession de Rome au moyen de la garnison française qui s’y trouvait établie, quitte à laisser les Romagnes s’insurger ; que le Pape, n’ayant pas voulu suivre, à leur égard, les conseils qu’il lui avait donnés, il ne pouvait trouver mauvais que ces contrées profitassent de la première occasion favorable pour se débarrasser d’un détestable système de gouvernement que la cour de Rome s’était obstinée à ne pas réformer ; que, quant au roi de Naples, il ne fallait pas s’occuper de lui, à moins qu’il ne voulût prendre fait et cause pour l’Autriche ; quitte toutefois à laisser faire ses sujets, si, profitant du moment, ils se débarrassaient de sa domination paternelle.
Cette réponse satisfit l’Empereur, et nous passâmes à la grande question : Quel serait le but de la guerre ?
L’Empereur admit sans difficulté qu’il fallait chasser tout à fait les Autrichiens de l’Italie, et ne pas leur laisser un pouce de terrain en deçà des Alpes et de l’Isonzo ; mais ensuite, comment organiser l’Italie ?
Après de longues dissertations dont j’épargne le récit à Votre Majesté, nous avons à peu près convenu des bases suivantes, tout en reconnaissant qu’elles étaient susceptibles d’être modifiées par des événements de la guerre. La vallée du Pô, la Romagne et les Légations auraient constitué le royaume de la Haute-Italie sur lequel régnerait la maison de Savoie. On conserverait au Pape Rome et le territoire qui l’entoure. Le reste des États du Pape, avec la Toscane, formerait le royaume de l’Italie centrale. On ne toucherait pas à la circonscription territoriale du royaume de Naples. Les quatre États italiens formeraient une confédération, à l’instar de la Confédération germanique, dont on donnerait la présidence au Pape pour le consoler de la perte de la meilleure partie de ses États.
Cet arrangement me parait tout à fait acceptable, car Votre Majesté, en étant souverain de droit de la moitié la plus riche et la plus forte de l’Italie, serait souverain de fait de toute la péninsule.
Quant au choix des souverains à placer à Florence et à Naples, dans le cas fort probable où l’oncle de Votre Majesté, et son cousin prendraient le sage parti de se retirer en Autriche, la question a été laissée en suspens. L’Empereur n’a pas caché qu’il verrait avec plaisir Murat remonter sur le trône de son père et, de mon côté, j’ai indiqué la duchesse de Parme comme pouvant occuper, du moins d’une manière transitoire, le palais Pitti. Cette idée a plu infiniment à l’Empereur qui paraît attacher un grand prix à ne pas être accusé de persécuter la duchesse de Parme en sa qualité de princesse de la famille de Bourbon.
Après avoir réglé le sort futur de l’Italie, l’Empereur me demanda ce qu’aurait la France et si Votre Majesté céderait la Savoie et le Comté de Nice. Je répondis que Votre Majesté, professant le principe des nationalités, comprenait qu’il s’ensuivait que la Savoie dût être réunie à la France ; que, par conséquent, elle était prête à en faire le sacrifice, quoiqu’il lui en coûtât excessivement de renoncer à un pays qui avait été le berceau de sa famille et à un peuple qui avait donné à ses ancêtres tant de preuves d’affection et de dévouement ; que, quant à Nice, la question était différente, car les Niçards tenaient par leur origine, leur langue et leurs habitudes plus au Piémont qu’à la France et que, par conséquent, leur accession à l’Empire serait contraire à ce même principe qu’on allait prendre les armes pour faire triompher. Là-dessus, l’Empereur caressa à plusieurs reprises ses moustaches et se contenta d’ajouter que c’étaient là pour lui des questions tout à fait secondaires dont on aurait le temps de s’occuper plus tard.
Passant ensuite à examiner les moyens pour que la guerre eût une issue heureuse, l’Empereur observa qu’il fallait tâcher d’isoler l’Autriche et de n’avoir affaire qu’avec elle ; que c’était pour cela qu’il tenait tant à ce qu’elle fût motivée par une cause qui n’effrayât pas les autres Puissances du continent et qui fût populaire en Angleterre. L’Empereur a paru convaincu que celle que nous avions adoptée remplissait ce double but.
L’Empereur compte positivement sur la neutralité de l’Angleterre ; il m’a recommandé de faire tous nos efforts pour agir sur l’opinion publique dans ce pays pour forcer son gouvernement, qui en est l’esclave, à ne rien entreprendre en faveur de l’Autriche.
Il compte également sur l’antipathie du prince de Prusse envers les Autrichiens pour que la Prusse ne se prononce pas contre nous.
Quant à la Russie, il a la promesse formelle, et plusieurs fois répétée, de l’empereur Alexandre de ne pas contrarier ses projets sur l’Italie ; si l’Empereur ne se fait pas illusion, ainsi que je suis assez porté à le croire, d’après tout ce qu’il m’a dit, la question serait réduite à une guerre entre la France et nous d’un côté, et l’Autriche de l’autre.
L’Empereur, toutefois, considère que la question, même réduite à ces proportions, n’en a pas moins une extrême importance et présente encore d’immenses difficultés. L’Autriche, il ne faut pas se le dissimuler, a d’énormes ressources militaires. Les guerres de l’Empire l’ont bien prouvé. Napoléon a eu beau la battre pendant quinze ans en Italie et en Allemagne, il a eu beau détruire un grand nombre de ses armées, lui enlever des provinces et la soumettre à des taxes de guerre écrasantes, il l’a toujours retrouvée sur les champs de bataille, prête à recommencer la lutte. Et l’on est forcé de reconnaître qu’à la fin des guerres de l’Empire, à la terrible bataille de Leipsick, ce sont encore les bataillons autrichiens qui ont le plus contribué à la défaite de l’armée française. Donc, pour forcer l’Autriche à renoncer à l’Italie, deux ou trois batailles gagnées dans les vallées du Pô et du Tagliamento ne seront pas suffisantes ; il faudra nécessairement pénétrer dans les confins de l’Empire, et l’épée sur le cœur, c’est-à-dire à Vienne même, la contraindre à signer la paix sur les bases arrêtées d’avance.
Pour atteindre ce but, des forces très considérables sont indispensables. L’Empereur les évalue à 300 000 hommes au moins, et je crois qu’il a raison. Avec 100 000 hommes, on bloquerait les places fortes du Mincio et de l’Adige et l’on garderait les passages du Tyrol ; 200 000 marcheraient sur Vienne par la Carinthie et la Styrie. La France fournirait 200 000 hommes ; la Sardaigne et les autres provinces d’Italie les autres 100 000. Le contingent italien paraîtra peut-être faible à Votre Majesté ; mais si elle réfléchit qu’il s’agit des forces qu’il faut faire agir, des forces en ligne, elle reconnaîtra que pour avoir 100 000 hommes disponibles, il faut en avoir 150 000 sous les armes.
L’Empereur m’a paru avoir des idées fort justes sur la manière de faire la guerre et sur le rôle que les deux pays devaient y jouer. Il a reconnu que la France devait faire de la Spezia sa grande place d’armes et agir spécialement sur la rive droite du Pô, jusqu’à ce qu’on se fût rendu maître du cours de ce fleuve en forçant les Autrichiens à se renfermer dans les forteresses.
Il y aurait donc deux grandes armées, dont une commandée par Votre Majesté et l’autre par l’Empereur en personne.
D’accord sur la question militaire, nous l’avons été également sur la question financière qui, je dois le faire connaître à Votre Majesté, est celle qui préoccupe spécialement l’Empereur. Il consent toutefois à nous fournir le matériel de guerre dont nous pourrions avoir besoin et à nous faciliter à Paris la conclusion d’un emprunt. Quant au concours des provinces italiennes, en argent ou en nature, l’Empereur croit qu’il faut s’en prévaloir, tout en les ménageant jusqu’à un certain point.
Les questions que je viens d’avoir l’honneur de résumer à Votre Majesté aussi brièvement que possible furent l’objet d’une conversation avec l’Empereur qui dura de onze heures du matin à trois heures de l’après-midi. A trois heures, l’Empereur me congédia en m’engageant à revenir à quatre heures pour aller, avec lui, faire une promenade en voiture.
A l’heure indiquée, nous montâmes dans un élégant phaéton, traîné par des chevaux américains que l’Empereur guide lui-même et suivi d’un seul domestique ; il me conduisit pendant trois heures, au milieu des vallons et des forêts qui font des Vosges une des parties les plus pittoresques de la France.
A peine étions-nous sortis des rues de Plombières, l’Empereur entama le sujet du mariage du prince Napoléon, en me demandant quelles étaient les intentions de Votre Majesté à cet égard. Je répondis que Votre Majesté s’était trouvée dans une position fort embarrassante, lorsque je lui avais communiqué les ouvertures que Bixio m’avait faites [4] ; car elle avait eu des doutes sur le prix que lui, l’Empereur, y attachait ; que, se rappelant certaine conversation que Votre Majesté avait eue avec lui à Paris, en 1855, au sujet du prince Napoléon, et de ses projets de mariage avec la duchesse de Gênes, elle ne savait trop à quoi s’en tenir. J’ajoutai que cette incertitude avait augmenté à la suite de l’entretien de Votre Majesté avec le docteur Conneau qui, pressé de toute façon par elle, par moi, avait déclaré n’avoir non seulement aucune instruction, mais encore ignorer complètement ce que l’Empereur pensait à cet égard.
J’ajoutai que Votre Majesté, bien qu’attachant un prix immense à faire ce qui lui pourrait être agréable, avait une grande répugnance à marier sa fille à cause de son jeune âge et ne savait lui imposer un choix auquel elle se résignerait ; que quant à Votre Majesté, si l’Empereur le désirait beaucoup, elle n’avait pas d’objections invincibles à faire au mariage, mais qu’elle voulait laisser une entière liberté à sa fille.
L’Empereur répondit qu’il désirait vivement le mariage de son cousin avec la princesse Clotilde, qu’une alliance avec la famille de Savoie serait de toutes celle qu’il préférerait, que, s’il n’avait pas chargé Conneau d’en parler à Votre Majesté, c’est qu’il ne croyait pas devoir faire des démarches auprès d’elle sans être certain d’avance qu’elles seraient agréées. Quant à la conversation avec Votre Majesté que je lui avais rappelée, l’Empereur a eu l’air de ne pas s’en souvenir ; puis, au bout de quelque temps, il m’a dit : « Je me rappelle fort bien avoir dit au Roi que mon cousin avait eu tort de demander la main de la duchesse de Gênes [5] , mais c’était parce que je trouvais inconvenant qu’il fût parlé de mariage peu de mois après la mort de son mari.
L’Empereur revint à plusieurs reprises sur la question du mariage. Il dit en riant qu’il était possible qu’il eût dit quelquefois du mal de son cousin à Votre Majesté, car souvent il avait été en colère contre lui, mais qu’au fond, il l’aimait tendrement, parce qu’il avait d’excellentes qualités, et que, depuis quelques mois, il se conduisait de manière à se concilier l’estime et l’affection de la France. « Napoléon, ajouta-t-il, vaut beaucoup mieux que sa réputation : il est frondeur, aime la contradiction, mais il a beaucoup d’esprit, pas mal de jugement et un cœur très bon. » Ceci est vrai : que Napoléon ait de l’esprit, Votre Majesté a pu en juger et je pourrais le certifier d’après les nombreuses conversations que j’ai eues avec lui. Qu’il ait du jugement, sa conduite, depuis l’Exposition qu’il a présidée, le prouve. Enfin, que son cœur soit bon, la constance dont il a fait preuve, soit envers ses amis, soit envers ses maîtresses, en est une preuve sans réplique. Un homme sans cœur n’aurait pas quitté Paris, au milieu des plaisirs du carnaval, pour aller faire une dernière visite à Rachel qui se mourait à Cannes, et cela, bien qu’il s’en fût séparé quatre années plus tôt.
Dans mes réponses à l’Empereur, je me suis toujours étudié à ne pas le blesser, tout en évitant de prendre un engagement quelconque. A la fin de la journée, au moment de nous séparer, l’Empereur me dit : « Je comprends que le Roi ait une répugnance à marier sa fille si jeune, aussi je n’insisterai pas pour que le mariage ait lieu de suite ; je serais tout disposé à attendre un an et plus, s’il le faut. Tout ce que je désire, c’est de savoir à quoi m’en tenir. Veuillez, en conséquence, prier le Roi de consulter sa fille et de me faire connaître ses intentions d’une manière positive. S’il consent au mariage, qu’il en fixe l’époque ; je ne demande d’autres engagements que notre parole réciproquement donnée et reçue. Là-dessus, nous nous sommes quittés. L’Empereur, en me serrant la main, me congédia en me disant : « Ayez confiance en moi comme j’ai confiance en vous. »
Votre Majesté voit que j’ai suivi fidèlement ses instructions. L’Empereur n’ayant point fait du mariage de la princesse Clotilde une condition sine quâ non de l’Alliance, je n’ai pas pris à ce sujet le moindre engagement, ni contracté une obligation quelconque.
Maintenant, je prie Votre Majesté de me permettre de lui exprimer, d’une façon franche et précise, mon opinion sur une question de laquelle peut dépendre le succès de la plus glorieuse entreprise, de l’œuvre la plus grande qui ait été tentée depuis bien des années. .
L’Empereur n’a pas fait du mariage de la princesse Clotilde avec son cousin une condition sine quâ non de l’alliance, mais il a clairement manifesté qu’il y tenait beaucoup. Si, le mariage n’a pas lieu, si Votre Majesté refuse, sans raison plausible, les propositions de l’Empereur, qu’arrivera-t-il ? L’alliance sera-t-elle rompue ? C’est possible, mais je ne pense pas que cela ait lieu. L’alliance se fera, mais l’Empereur y apportera un esprit tout différent de celui qu’il y aurait apporté si, pour prix de la couronne d’Italie qu’il offre à Votre Majesté, elle lui avait accordé la main de sa fille pour son plus proche parent. S’il est une qualité qui distingue l’Empereur, c’est la constance dans ses amitiés et dans ses antipathies.
Il n’oublie jamais un service, comme il ne pardonne jamais une injure. Or, le refus auquel il s’exposerait serait une injure sanglante ; il ne faut pas se le dissimuler. Ce refus aurait un autre inconvénient. Il placerait dans le Conseil de l’Empereur un ennemi implacable. Le prince Napoléon, plus Corso encore que son cousin, nous vouerait une haine mortelle, et la position qu’il occupe, celle à laquelle il peut aspirer, l’affection, je dirais presque la faiblesse que l’Empereur a pour lui, lui donnerait des moyens nombreux de la satisfaire.
Il ne faut pas se le dissimuler, en acceptant l’alliance qui lui est proposée, Votre Majesté et sa nation se lient d’une manière indissoluble à l’Empereur et à la France.
Si la guerre qui en sera la conséquence est heureuse, la dynastie de Napoléon est consolidée pour une ou deux générations ; si elle est malheureuse, Votre Majesté et sa famille courent d’aussi graves dangers que son puissant voisin, mais, ce qui est certain, c’est que le succès de la guerre, les conséquences glorieuses qui peuvent en résulter pour Votre Majesté et son peuple, dépendent en grande partie du bon vouloir de l’Empereur, de son amitié pour Votre Majesté.
Si, au contraire, il renferme dans son cœur contre elle une véritable rancune, les conséquences les plus déplorables peuvent s’en suivre. Je n’hésite pas à déclarer avec la plus profonde conviction qu’accepter l’alliance et refuser le mariage serait une faute politique immense, qui pourrait attirer sur Votre Majesté et notre pays de grands malheurs.
Mais, je le sais. Votre Majesté est père autant que roi, et c’est comme père qu’elle hésite à consentir à un mariage qui ne lui parait pas convenable et n’être pas de nature à assurer le bonheur de sa fille. Que Votre Majesté me permette d’envisager cette question, non avec l’impassibilité du diplomate, mais avec l’affection profonde, le dévouement absolu que je lui ai voués.
Je ne pense pas qu’on puisse dire que le mariage de la princesse Clotilde avec le prince Napoléon soit inconvenant.
Il n’est pas roi, il est vrai, mais il est le premier prince du sang du premier empire du monde. Il n’est séparé du trône que par un enfant de deux ans. D’ailleurs, Votre Majesté doit bien se résoudre à se contenter d’un prince pour sa fille, puisqu’il n’y a pas, en Europe, des rois et des princes héréditaires disponibles. Le prince Napoléon n’appartient pas à une ancienne famille souveraine, il est vrai ; mais son père lui léguera le nom le plus glorieux des temps modernes, et, par sa mère, princesse de Wurtemberg, il est allié aux plus illustres maisons princières de l’Europe. Le neveu du doyen des Rois, le cousin de l’Empereur de Russie, n’est point tout à fait un parvenu auquel on ne puisse sans honte s’allier.
Mais les principales objections qu’on puisse faire à ce mariage reposent peut-être sur le caractère personnel du Prince et sur la réputation qu’on lui a faite. A ce sujet, je me permettrai de répéter ce que l’Empereur m’a dit avec une entière conviction : qu’il vaut mieux que sa réputation.
Jeté tout jeune dans le tourbillon des révolutions, le Prince s’est laissé entraîner à des opinions fort exagérées. Ce fait, qui n’a rien d’extraordinaire, a excité contre lui une foule d’ennemis. Le Prince s’est modéré, mais ce qui lui a fait grand honneur, c’est qu’il est resté fidèle aux principes libéraux de sa jeunesse, tout en renonçant à les appliquer d’une manière déraisonnable et dangereuse ; c’est qu’il a conservé ses anciens amis, bien qu’ils eussent été frappés par des disgrâces. Sire, l’homme qui, en arrivant au faite des honneurs et de la fortune, ne désavoue pas ceux qui furent ses compagnons d’infortune, et ne désavoue pas les amitiés qu’il avait dans les rangs des vaincus, n’a pas mauvais cœur. Le Prince a bravé la colère de son cousin pour conserver ses anciennes affections : il ne lui a jamais cédé sur ce point, il ne lui cède pas davantage aujourd’hui. Les généreuses paroles qu’il a prononcées à la distribution des prix de l’exposition de Poitiers en sont une preuve évidente.
Il a toujours été bon fils et, avec son cousin, s’il l’a fait plus d’une fois enrager, dans les questions sérieuses il lui est toujours demeuré fidèle et attaché.
Malgré tout ce que je viens de dire, je comprends que Votre Majesté hésite et craigne de compromettre l’avenir de sa fille bien aimée. Mais serait-elle plus tranquille en unissant son sort à un membre d’une vieille famille princière ? L’histoire est là pour nous prouver que les princesses sont exposées à une bien triste existence, lors même que leurs mariages ont lieu d’accord avec les convenances et les vieux usages. Pour prouver cette vérité, je n’irai pas chercher des exemples bien loin ; je mettrai sous les yeux de Votre Majesté ce qui s’est passé de nos jours dans le sein de sa propre famille.
L’oncle de Votre Majesté, le roi Victor-Emmanuel, avait quatre filles, modèles de grâce et de vertu. Eh bien ! quel a été le résultat de leurs mariages ? La première, et elle fut la plus heureuse, épousa le duc de Modène et a associé son nom à celui d’un prince universellement détesté [6] . Votre Majesté ne consentirait certes pas à un tel mariage pour sa fille.
La seconde de ses tantes a épousé le duc de Lucques. Je n’ai pas besoin de rappeler le résultat de ce mariage. La duchesse de Lucques fut et est aussi malheureuse qu’on peut l’être dans le monde [7] . La troisième fille de Victor-Emmanuel monta, il est vrai, sur le trône des Césars ; mais ce fut pour s’unir avec un mari impotent et imbécile qui dut en descendre ignominieusement au bout de peu d’années [8] . La quatrième enfin, la charmante et parfaite Christine, épousa le roi de Naples [9] . Votre Majesté connaît certainement les traitements grossiers auxquels elle fut exposée et les chagrins qui la conduisirent au tombeau avec la réputation d’une sainte et d’une martyre. Sous le règne du père de Votre Majesté, une autre princesse de Savoie a été mariée : c’est la princesse Philiberte. Est-elle plus heureuse que les autres ? et est-ce que Votre Majesté voudrait que sa fille eût un même sort ?
Les exemples que je viens de mettre sous les yeux de Votre Majesté prouvent qu’en consentant au mariage de sa fille avec le prince Napoléon, il y a bien plus de chances de la rendre heureuse que si, comme son oncle et son père, il la mariait à un prince de la maison de Lorraine et de Bourbon.
Mais que Votre Majesté me permette une dernière réflexion. Si Votre Majesté ne consent pas au mariage de sa fille avec le prince Napoléon, avec qui veut-elle la marier ? L’Almanach de Gotha est là pour prouver qu’il n’y a pas de princes qui lui conviennent, et c’est tout naturel. La différence de religion s’oppose aux alliances avec les familles de la plupart des souverains qui règnent sur des pays à institutions analogues aux nôtres. Notre lutte avec l’Autriche, nos sympathies pour la France rendent impossibles celles avec des membres de familles tenant aux maisons de Lorraine et de Bourbon ; ces exclusions réduisent le choix de Votre Majesté au Portugal et à quelque petite principauté allemande plus ou moins médiatisée.
Si Votre Majesté daigne méditer sur les considérations que je viens d’avoir l’honneur de lui soumettre, j’ose me flatter quelle reconnaîtra qu’elle peut, comme père, consentir au mariage que l’intérêt suprême de l’Etat, l’avenir de sa famille, du Piémont, de l’Italie tout entière lui conseillent de contracter.
Je supplie Votre Majesté de me pardonner ma franchise et la longueur de mes récits. Je n’ai pas su, dans une question si grave, être plus réservé, ni plus bref. Les sentiments qui m’inspirent, les mobiles qui me font agir, sont une excuse que Votre Majesté voudra bien agréer...
25 octobre 1858.
Monseigneur,
Je profite d’une occasion pour remercier Votre Altesse Impériale des choses aimables qu’elle a bien voulu me faire dire par M. Nigra. J’en ai été profondément touché, car, depuis longtemps, je professe pour Votre Altesse une respectueuse sympathie, je me sens maintenant attaché à elle par les liens d’une sincère et vive reconnaissance pour la part éminente qu’elle prend à la grande entreprise qui doit assurer l’indépendance de l’Italie et la gloire du Piémont. La mission de Varsovie que Votre Altesse Impériale a remplie avec une qi rare habileté contribuera immensément au succès de cette entreprise. Le concours du Tsar, quand même il se bornerait à empêcher l’immixtion de l’Allemagne dans nos affaires, assure, à mon avis, le résultat de la guerre ; en nous le procurant, Votre Altesse a rendu à notre cause le plus grand de tous les services.
M. Nigra m’a fait connaître l’opinion de Votre Altesse sur la cause qui devra amener la rupture avec l’Autriche. Profitant de ses conseils, j’ai modifié, dans le sens des idées de Votre Altesse, le projet primitif qui avait été arrêté à Plombières. Je lui serai très reconnaissant si Votre Altesse parvient à faire accepter ces modifications à l’Empereur que le Roi, de son côté, a pleinement approuvées. Quelle que soit la décision de l’Empereur, il est essentiel qu’il nous la fasse connaître au plus tôt, afin d’avoir le temps de préparer les éléments qui doivent assurer le succès du plan qui sera définitivement adopté.
Il est de même urgent que le général Niel, ainsi que l’Empereur l’a décidé, vienne à Turin pour concerter, avec le général La Marmora, les premiers préparatifs à faire. Car il se pourrait qu’avant l’époque que nous aurions arrêtée, les événements d’Orient nous fournissent une cause légitime, aux yeux de la diplomatie, pour déclarer la guerre à l’Autriche. En effet, si cette Puissance, contrairement aux stipulations du Traité de Paris, intervenait seule en Turquie, la France et la Sardaigne seraient pleinement en droit d’intervenir en Italie. Nous devons, je le pense, nous préoccuper hautement de cettAAVOUntualité qui peut se réaliser d’un moment à l’autre. La prudence exige que nous nous mettions sans retard en mesure d’en profiter. Si, comme je l’espère, Votre Altesse partage cette opinion, j’ose compter sur elle pour faire que les décisions de l’Empereur ne souffrent aucun retard dans leur exécution.
Je regrette fort que des considérations, dont je ne saurais méconnaître la gravité, soient cause que Votre Altesse ait remis à une autre époque son voyage en Piémont. Je conçois toutefois que Votre Altesse préfère venir ici pour tout conclure à la fois. Cette circonstance me mettant dans l’impossibilité de conférer avec Votre Altesse sur une foule de questions de la plus haute importance pour le succès de la cause à laquelle Votre Altesse se dévoue avec une si généreuse ardeur, je la prierai de me permettre de lui écrire directement de temps en temps, soit pour la tenir au courant de ce qui se passe en Italie, soit pour réclamer ses conseils. Mes lettres lui parviendraient par l’entremise du frère de M. Nigra, qui m’apporterait de même celles que Votre Altesse pourrait daigner m’écrire, sans que personne au monde ne pénètre le secret de cette correspondance.
Je suis avec respect, de Votre Altesse Impériale, le très obéissant serviteur.
C. CAVOUR.
8 novembre 1858.
Monseigneur,
Les sentiments que Votre Altesse Impériale manifeste dans la lettre qu’elle a bien voulu m’adresser, les paroles si bienveillantes qu’elle a daigné y ajouter, me pénètrent de la plus vive reconnaissance. Je désire ardemment que les circonstances me permettent de la prouver par des faits. En attendant, que Votre Altesse soit persuadée que, dès à présent, je confonds dans mon dévouement et mon respectueux attachement, Votre Altesse avec la famille de mes Rois [10] .
J’ai appris avec le plus grand plaisir que le projet pour amener la rupture a plu. Je dois en grande partie ce succès à Votre Altesse, car c’est elle qui m’y a fait la modification essentielle qui rend sa réussite à peu près certaine. Dès que son adoption sera définitive, j’apporterai tous mes soins à en préparer l’exécution.
Le Roi attend, avec une vive impatience, le résultat de la mission de l’individu que l’Empereur a envoyé en Russie pour y signer le traité que Votre Altesse avait à peu près conclu. Le Roi pense toujours qu’il serait du plus haut intérêt que le Piémont y participât directement. Il compte, pour l’obtenir, sur l’amitié de l’Empereur et aussi sur l’intérêt que vous portez à sa cause qui, ainsi que Votre Altesse le dit, est maintenant la sienne. Ces sentiments lui inspirent une telle confiance qu’il est sans inquiétude à cet égard.
Puisque Votre Altesse le juge nécessaire, M. Nigra se rendra à Paris, à l’époque qu’elle a indiquée. Ce voyage n’a qu’un seul inconvénient : celui d’exciter l’attention de ceux qui nous surveillent dans l’intérêt de nos ennemis. Je tâcherai de le prévenir en cherchant un prétexte pour justifier aux yeux du public l’absence du confident de mes pensées les plus intimes.
Nous attendons avec impatience l’arrivée du général Niel, car il est bien des préparatifs qu’on ne saurait commencer avant qu’il ne se soit entendu avec le général La Marmora. Toutefois, je comprends les raisons qui font retarder son départ jusqu’à ce que les résultats de la mission de Saint-Pétersbourg soient connus.
J’aurais vivement désiré, et cela pour bien des motifs, de voir Votre Altesse à Turin avant la fin de l’année. Mais je dois reconnaître que, vu l’état des esprits en Europe, le voyage de Votre Altesse équivaut à peu près à la manifestation de nos projets. Or, il est certain que cette manifestation prématurée aurait de graves inconvénients ; l’éclair ne doit précéder la foudre que de quelques instants. Je me résigne donc à attendre l’époque fixée dans sa lettre par Votre Altesse.
Je prie Votre Altesse d’agréer l’hommage de mon respectueux dévouement avec lequel je suis, Monseigneur, Votre très humble et très obéissant serviteur,
C. CAVOUR.
23 décembre 1858.
Monseigneur,
Je profite du retour de Bixio à Paris pour remercier Votre Altesse Impériale des choses aimables qu’elle m’a fait dire par M. Nigra et lui témoigner en même temps ma profonde reconnaissance pour les efforts constants que fait Votre Altesse pour assurer le triomphe de la cause italienne. Je suis heureux de penser que je pourrai exprimer de vive voix ces sentiments à Votre Altesse dans quelques semaines, car, d’après ce que Nigra m’a dit, je ne doute pas que Votre Altesse ne vienne nous voir dans le courant de janvier.
Je suis certain qu’avec Votre Altesse, il nous sera facile de régler toutes les questions dont l’Empereur et Votre Altesse ont entretenu Nigra. En attendant, j’ai préparé une solution pour la plus difficile de toutes, la question financière. Comme elle repose sur une grande opération que devait faire la société Victor-Emmanuel, je lui longtemps discutée avec Bixio. Il aura l’honneur de la soumettre à Votre Altesse. Il croit qu’elle a grandes chances de réussir, si l’Empereur et Votre Altesse daignent lui accorder leur appui, en décidant le Crédit mobilier à y prendre part.
Nigra devant retourner dans quelques jours à Paris, je n’abuserai pas plus longuement des moments de Votre Altesse et je me borne, en lui souhaitant une heureuse fin d’année, à manifester l’espérance de pouvoir, à pareille époque, dans douze mois d’ici, lui manifester mes vœux et mes souhaits, non plus du fond de mon cabinet, mais sur les bords de l’Adige, sinon sur ceux du Tagliamento.
Je prie Votre Altesse d’agréer l’hommage de mon respectueux dévouement.
C. CAVOUR.
7 janvier 1859.
Monseigneur,
Je profite du départ du général Klapka[11] pour adresser à Votre Altesse Impériale la prière de hâter autant que possible son départ pour Turin. Le Roi est très désireux de voir Votre Altesse. Qu’elle veuille bien ne pas trop se faire attendre. D’ailleurs, les événements pressent. L’agitation grandit en Lombardie, à Milan surtout ; les moindres faits qui indiquent une intention hostile contre l’Autriche, y produisent une grande impression. Ainsi, les quelques mots adressés le premier de l’an au baron Hubner par l’Empereur, ont causé une immense excitation. Les plus modérés voyaient déjà les Français traversant le Pô et rossant les Autrichiens. Cet état de choses a un bon côté, puisqu’il prouve à l’Europe que la domination autrichienne sera toujours détestée en Italie. Mais, d’un autre côté, il présente de grands dangers pour nous. Que faire, si un mouvement populaire éclate en Lombardie ? C’est fort difficile à dire. Cependant je crois que, lorsque Votre Altesse sera ici, nous pourrons tout prévoir et être préparés à toutes les éventualités.
Je remercie Votre Altesse de l’intérêt que Votre Altesse met pour faire réussir la combinaison financière que Bixio lui a communiquée. En cas de succès, nous n’aurons plus de longtemps à nous préoccuper de trouver de l’argent à l’étranger.
Votre Altesse connaît le général Klapka depuis longtemps ; aussi, je pense qu’il est inutile que je le lui recommande ; je me borne à lui manifester le vif désir que ses projets et ses plans soient approuvés par l’Empereur, et pour que Sa Majesté daigne lui fournir les moyens nécessaires pour les exécuter. S’ils réussissent, c’en est fait de l’Autriche : privée de l’Italie et de ses provinces magyares et slaves, elle sera réduite à l’impuissance. Ce sera le plus grand service qui ait jamais été rendu à l’humanité.
Dans l’espoir de recevoir bientôt l’avis du départ de Votre Altesse pour Turin, je la prie de bien vouloir agréer l’hommage de mon vif et respectueux dévouement.
De Votre Altesse Impériale,
Le très humble et très obéissant serviteur,
C. CAVOUR.
7 février 1859.
Monseigneur,
Cette lettre sera remise à Votre Altesse par M. Astengo, un de mes secrétaires particuliers qui doit se rendre dans les Principautés danubiennes pour concourir au projet relatif à la Hongrie qui a obtenu l’approbation de l’Empereur. M. Astengo, quoique jeune, est un homme plein de prudence et de dévouement ; nous pouvons compter sur lui d’une manière absolue.
Après avoir reçu les instructions de Votre Altesse et combiné ce qu’il devra faire avec le général Klapka, M. Astengo reviendra à Turin pour se rendre ensuite à son poste en passant par Vienne.
L’emprunt a été présenté vendredi aux Chambres. Samedi, les bureaux ont nommé la commission chargée d’en référer à la Chambre. Elle est unanime pour en proposer l’approbation : ce qui me porte à croire qu’il n’y aura pas d’opposition sérieuse. La droite protestera ou fera des réserves, mais elle n’engagera pas de lutte sérieuse.
La circulaire à nos agents diplomatiques, combinée avec Votre Altesse et approuvée par l’Empereur, est partie samedi. J’espère que Votre Altesse voudra bien nous appuyer pour que le comte Walewski lui donne une approbation complète.
Les mesures de rigueur augmentent au delà du Tessin. Des hommes marquants de la société ont été invités à ne plus paraître au théâtre. Le général Walmoden, qui est un assez bon homme, a fait prévenir la comtesse Giustiniani, que Votre Altesse a vue à mon bal, de ne pas retourner à Venise.
Malgré ces mesures, la tranquillité ne sera pas troublée jusqu’au jour où il faudra agir.
L’élection du colonel Louxe par l’Assemblée valaque est un immense événement. C’est le triomphe de la politique de la France et de la Sardaigne en Orient. Si la Turquie ne veut pas le reconnaître, et invoque l’appui de l’Autriche, il pourrait surgir une cause de rupture qui mettrait fin à toutes nos difficultés. J’espère que l’Empereur soutiendra la légitimité de l’élection qui n’est nullement contraire aux stipulations de la convention de Paris.
J’ai été heureux d’apprendre l’heureux voyage de Votre Altesse et de la Princesse son épouse. L’accueil chaleureux qu’elles ont reçu, de Marseille à Paris, est une réponse victorieuse que le peuple français a faite aux détracteurs du mariage qui vient de mettre le sceau à l’alliance de nos deux pays.
Je prie Votre Altesse d’agréer l’hommage du respectueux dévouement avec lequel je suis de Votre Altesse Impériale le très humble serviteur.
C. CAVOUR.
Turin, le 10 février 1859.
Monseigneur,
Je prends la liberté d’envoyer à Votre Altesse quelques copies du discours que j’ai prononcé à la Chambre des députés, à l’occasion de l’emprunt de 50 millions. Mes adversaires n’ayant fait aucune allusion, ni directe, ni indirecte, à l’existence d’un traité d’alliance avec la France, j’ai cru convenable d’éviter de parler de nos bonnes relations avec ce pays, afin de ne pas susciter des interpellations compromettantes. J’ai eu en vue surtout d’agir sur l’opinion publique en Angleterre. Dans ce but, j’ai prodigué aux Anglais plus d’éloges qu’ils ne les méritent peut-être ; mais c’était nécessaire pour leur faire accepter quelques vérités tant soit peu dures. Si l’Empereur était assez bon pour user des moyens dont il dispose pour que ce discours fût répandu en Angleterre, je crois qu’il produirait un assez bon effet.
La loi sera présentée sans retard au Sénat où elle ne rencontrera pas de plus grandes difficultés qu’à la Chambre. Je pense que le ministre des Finances se hâtera d’envoyer à Paris la personne chargée de la négociation de l’emprunt. Je prendrai la liberté de le munir d’une lettre pour Votre Altesse.
La double élection du colonel Louxe me paraît un événement des plus heureux. Je pense que la France en soutiendra la légalité. Elle n’est nullement contraire à la lettre de la convention de Paris. Le pouvoir étant, dans les Principautés, entre les mains de nos amis et des ennemis de l’Autriche, il devient aisé de procurer aux Hongrois tout ce dont ils ont besoin pour agir, lorsque le moment sera venu.
Les discussions auxquelles cette question donnera lieu détourneront l’attention des affaires d’Italie, et nous permettront de préparer sans bruit notre plan. Le seul mauvais côté de cette affaire, c’est la réunion possible de la conférence et les efforts de l’Angleterre pour porter dans son sein la question italienne. C’est un danger qu’il faut éviter à tout prix. Si l’on doit porter devant les Puissances signataires du traité de Paris la question moldo-valaque, pourquoi ne pas le faire à Constantinople ? Ce serait un moyen de gagner du temps ; on éviterait le danger d’avoir à y traiter les affaires d’Italie ; et l’Empereur pourrait de loin garder une réserve, qui devient bien difficile lorsqu’il est entouré par les plénipotentiaires mêmes chargés de traiter.
Je suis heureux de pouvoir annoncer à Votre Altesse, d’une manière positive, que le mariage qui lui avait été communiqué à Turin, n’est pas fait, et ne se fera probablement jamais. J’ai reçu à cet égard des assurances tellement explicites, que je pense que nous pouvons être sans inquiétudes, si ce n’est pour toujours, pour tout le temps du moins que je resterai dans les conseils de la Couronne [12] . Par des motifs que Votre Altesse appréciera sans doute, j’ose la prier d’agir avec les personnes qui sont le plus intéressées dans cette affaire.
Je prie Votre Altesse d’agréer l’hommage de mon respectueux dévouement.
C. CAVOUR.
Turin, 13 février 1859.
Monseigneur,
Cette lettre sera remise à Votre Altesse par le marquis Monticelli, député génois, que le Gouvernement envoie à Paris pour y négocier l’emprunt de cinquante millions qui sera définitivement approuvé dans le courant de la semaine.
Le marquis Monticelli, ayant été plusieurs fois rapporteur du budget, est très versé dans les questions de finance et très apte à la mission qu’il vient de recevoir, il est muni de pleins pouvoirs, et ses instructions l’autorisent à conclure aux conditions qu’il jugera les plus convenables. J’espère que, grâce à l’appui de Votre Altesse, il réussira, d’une manière ou d’une autre, et que nous pourrons nous féliciter, avant la fin du mois, d’avoir résolu la question financière qui, certes, n’est pas la moins compliquée de celles qui nous occupent.
Je crois que, sous tous les rapports, ce qui nous conviendrait le mieux, ce serait de négocier l’emprunt d’une manière définitive, sans avoir recours à l’expédient chanceux d’une souscription publique. Nous n’aurions pas besoin de placer à Paris la somme entière de 50 millions, car il nous sera facile d’en négocier une partie dans le pays et à Livourne. Si une ou plusieurs maisons se chargeaient de 30 à 35 millions, le reste ne nous embarrasserait plus.
Messieurs de Rothschild nous ont fait dire qu’il étaient prêts à nous faire des offres. Ils ont appelé à Paris, en toute hâte, leur correspondant de Turin ; et tout me porte à croire qu’ils craignent de voir s’échapper de leurs mains le monopole qu’ils exercent, à l’égard de nos rentes, depuis grand nombre d’années. S’ils veulent se charger de l’emprunt à forfait, il sera facile de s’entendre avec eux ; mais, si, comme je le redoute, ils ne veulent se charger de l’affaire qu’en commission, alors il faut se tourner d’un autre côté.
La maison Saint-Paul nous a offert son concours. Plus entreprenante que les Rothschild, il est possible qu’elle se charge de ce que nous voulons placer à Paris.
Pour dernière ressource, il nous reste l’offre du Crédit mobilier que Bixio m’a transmise ; il faudra bien l’accepter, si on ne peut faire mieux. Seulement, je pense qu’on pourrait leur demander de se charger immédiatement d’une petite portion de l’emprunt, du quart ou du cinquième, par exemple. Cette condition aurait le grand avantage de les intéresser au soutien de la rente sarde.
Depuis quelques jours, il nous arrive un grand nombre de jeunes gens de la Lombardie qui entrent dans l’armée comme simples soldats. Cela rend indispensable la dénonciation de notre traité avec l’Autriche pour la remise des déserteurs. Nous le ferons le lendemain du jour où l’emprunt sera négocié.
Si, comme tout porte à le croire, ce mouvement continue, il y aura là un bon prétexte pour commencer la guerre. L’Autriche ne peut tolérer que nous incorporions dans notre armée 1 000 ou 2 000 Lombards. Elle réclamera, nous repousserons ses instances et une rupture s’en suivra. Il parait qu’elle veut nous fournir une autre cause légitime de guerre. Elle vient d’activer de nouveau les travaux entrepris autour de Plaisance, suspendus depuis le Congrès de Paris. Nous nous garderons bien de protester pour le moment, afin qu’elle puisse achever des travaux considérables avant que nous n’en demandions la destruction. Cette demande se fondant sur le traité de Vienne, l’Angleterre ne saurait la blâmer. Si l’Autriche refuse d’y faire droit, elle devra reconnaître que nous avons un motif légitime pour commencer les hostilités.
J’ose appeler de nouveau l’attention de Votre Altesse sur la convenance de ne pas laisser porter devant la Conférence de Paris la question des Principautés ; si la diplomatie s’en empare, nous sommes perdus. Si la question des Principautés pouvait se traiter à Constantinople, ce danger serait conjuré.
Je prie Votre Altesse de vouloir bien agréer l’hommage de mon respectueux dévouement.
C. CAVOUR.
P.-S. Cette lettre était écrite lorsque la poste m’en a apporté une de Chambéry, que je crois devoir communiquer à Votre Altesse.
M. J.-J. Rey est un homme de talent, et d’une grande énergie. Je le crois apte à diriger un journal dans des temps un peu agités, lorsqu’il s’agit de mettre en mouvement les passions populaires. Il a toutefois contre lui, le souvenir des écarts d’une jeunesse orageuse, qu’on ne pardonne ni n’oublie dans une petite ville comme Chambéry.
M. J.-J. Rey est très libéral, radical même, mais il appartient à ce qu’on appelle, en Savoie, le parti français.
Si Votre Altesse croit utile la fondation à Chambéry d’un journal qui prêche la guerre en Italie et prépare les esprits à la réunion de la Savoie à la France, l’œuvre de M. Rey peut être utile, et sa proposition prise en considération.
Dans ce cas, je prierais Votre Altesse d’un mot de réponse, afin que je fasse partir M. Rey avec une lettre pour Votre Altesse.
Turin, le 15 février 1859.
Mon cher gendre,
J’espère que tu seras un peu reposé de toutes tes fatigues et que Clotilde sera bonne pour toi. Voilà tout ce que je désire de tout mon cœur. A présent, à nos affaires.
Je reçois une lettre de l’Empereur qui me donne toujours des espérances pour l’avenir, mais me donne aussi beaucoup de craintes : ayant l’air de renvoyer la question bien loin, il me parle de la Prusse et de l’Angleterre qui se font toujours plus hostiles à nos affaires, me dit de ne pas appeler de troupes sous les armes, et, pour le moment, de s’en tenir à faire des approvisionnements, attendant que le temps et les circonstances nous aident. Avec tout cela, j’entends parler de réunir nouvellement des conférences à Paris pour les circonstances du moment ; je ne voudrais pas que l’Angleterre traitât la question Italie au sens de la paix éternelle, c’est-à-dire mort, ou, en traînant in æternum la chose, nous renvoyât à des époques illimitées ; tout cela m’effraye, car, comme tu sais, je suis l’oiseau des tempêtes et ne serai heureux que lorsque le canon ronflera.
Je te prie donc de m’éclairer sur ceci, et envoie-moi la lettre d’une manière sûre. J’ai lu Napoléon III et l’Italie, la question est très bien traitée en tous les sens. Je voudrais que cela servit à quelque chose ; on nous fait devenir même schismatiques. Quel effroi, attaquer le ciel et la terre ! Adieu, présente mes amitiés à tout le monde, car je vous aime tous bien de cœur. Adieu.
Ton très affectionné beau-père
VICTOR-EMMANUEL.
Paris, 17 février 1859.
(Dépêche chiffrée).
Je crois, après avoir consulté, que vous pouvez répondre à l’Angleterre en demandant tout ce qui peut raisonnablement être stipulé en faveur des populations du centre de l’Italie.
Suppression de tous les traités particuliers entre ces Etats et l’Autriche, donnant droit d’intervenir.
En Toscane, constitution comme la vôtre qui existe de droit.
Dans les Etats du Pape, réformes et consulte sérieuse à Rome. Sécularisation de l’administration. Évacuation étrangère. Séparation administrative des Légations.
Prendre pour base ce que vous avez demandé au Congrès de Paris.
Cette négociation n’aboutira probablement pas, mais aura grand avantage d’engager l’Angleterre.
Lord Cowley va aller à Vienne.
M. Astengo part après-demain avec dépêches.
Très utile d’envoyer de suite Nigra comme premier secrétaire à Paris, pour traiter les affaires si importantes et si nombreuses que nous avons.
Turin, 18 février 1859.
Monseigneur,
Conformément à ce que le marquis d’Azeglio m’avait écrit de Londres, ce matin, sir James Hudson est venu me donner lecture d’une dépêche de lord Malmesbury, dans laquelle le ministre des Affaires étrangères de la Grande-Bretagne, après avoir discuté d’une manière assez aigre notre conduite vis-à-vis de l’Autriche, finit par exprimer le désir que la Sardaigne formule, d’une manière claire et précise, les griefs que les Lombards-Vénitiens peuvent faire valoir contre le Gouvernement autrichien ; expose ce qu’elle considère comme contraire aux traités dans les États de l’Italie centrale ; et fasse connaître les remèdes qu’on pourrait apporter à un tel état de choses.
Afin de ne pas m’exposer à voir sir James Hudson désavoué, comme le fut l’année dernière M. Erskine, je l’ai prié de me remettre par écrit sa demande.
Il m’a promis de demander à lord Malmesbury l’autorisation de le faire. Dès que je recevrai sa note, j’aurai soin de la transmettre à Votre Altesse.
J’avoue que je ne m’attendais pas à ce qu’on nous demandât un exposé des griefs des Lombards. Peut-être lord Malmesbury ne voudra-t-il pas faire cette demande par écrit. S’il le fait toutefois, nous serons un peu embarrassés ; car, au point de vue des traités de 1815, il n’y a pas grand chose à dire en faveur des Lombards-Vénitiens ; ces traités n’ayant point stipulé que l’Autriche eût à bien gouverner les provinces italiennes.
J’ose prier Votre Altesse de vouloir bien me donner son avis sur ce sujet délicat.
Quant aux autres demandes que l’Angleterre m’adresse, je n’aurai pas de difficulté à y répondre en suivant les traces que Votre Altesse m’a données dans la dépêche télégraphique que j’ai reçue cette nuit.
Puisque Votre Altesse juge que la présence de M. Nigra à Paris peut être utile, je le ferai partir dès que M. Astengo sera de retour. Je dois observer toutefois à Votre Altesse que la présence de Nigra à Paris mettra probablement en fureur le comte Walewski, qui m’a fait déclarer, par le prince de la Tour d’Auvergne, que, dorénavant, les affaires devaient se traiter par la voie régulière. Je suis tout prêt à braver ses fureurs, et à y dévouer ma tête, pourvu qu’elles ne nuisent pas à la sainte cause dont Votre Altesse est un des plus fervents apôtres.
Villamarina, de son côté, subira un redoublement de mélancolie. Si l’Empereur ou Votre Altesse daignaient lui dire un mot qui lui prouve qu’on n’entend pas le tenir tout à fait à l’écart, cela lui ferait trouver sa position supportable.
J’espère que le marquis Monticelli aura réussi à l’heure qu’il est, soit avec Rothschild, soit avec le Crédit mobilier. Les offres que nous avons reçues de Milan et Livourne facilitent singulièrement l’opération, puisqu’il ne s’agit que d’une somme bien peu importante pour la place de Paris.
Les jeunes gens des premières familles lombardes viennent en masse s’enrôler comme simples soldats. Cela produit le meilleur effet sur les deux rives du Tessin. L’Autriche jusqu’à présent n’a pas réclamé. Si elle le faisait, nous répondrions en dénonçant le traité d’interdiction, et en citant l’exemple de la France, qui s’est toujours refusée à rendre les déserteurs qu’elle incorpore dans la Légion étrangère.
Je prends la liberté de prier Votre Altesse de me faire savoir quelle sera l’attitude que compte prendre la France dans la question de la double élection du colonel Loupe. Nous l’avons fait examiner par notre Comité du contentieux diplomatique. Quoique composé d’hommes très conservateurs, il a été unanime pour en reconnaître la légalité. J’enverrai cet avis motivé à Villamarina pour qu’il s’en serve pour motiver son vote.
Je serais désolé que la France ne conservât pas le prestige qu’elle a acquis sur les populations riveraines du Danube, car ce prestige est un levier appliqué à la base de l’édifice vermoulu de l’Empire autrichien, qui peut, à un jour donné, fournir à l’Empereur les moyens de le détruire de fond en comble.
Je demande pardon à Votre Altesse d’abuser ainsi de sa bonté. Mais, connaissant l’intérêt qu’elle porte à la cause qui a toutes mes affections, j’oublie en causant avec elle les bornes que la discrétion devrait imposer à ma correspondance.
Je prie Votre Altesse de vouloir bien agréer l’hommage du respectueux dévouement avec lequel je suis, de Votre Altesse Impériale, le très humble serviteur.
C. CAVOUR.
Turin, 22 février 1859.
Cher beau-fils,
Je te remercie de ta bonne lettre qui me fit immensément de plaisir. Je ne peux t’exprimer le bonheur que j’éprouve en voyant que tu aimes Clotilde, et toutes les belles choses que tu me dis d’elle ; que le bon Dieu te bénisse !
Pour mes affaires, le projet de réponse à l’Angleterre va très bien ; nous l’avons bien étudié, et bientôt il sera en tes mains ; j’espère que cela ne changera en rien l’avenir de notre politique. Pour la prudence, je l’aurai, sois-en bien sûr. Maintenant je te prie d’un plaisir : je suis dans un embarras terrible de tous côtés : on m’annonce, à moi, mon mariage avec une princesse russe ; on le publie partout sur les journaux de ce pays et étrangers ; moi, je n’ai jamais dit un mot qui pût faire allusion à ce projet. Lorsque l’Impératrice-mère me parla de cela, je répondis affirmativement que la chose était impossible ; maintenant, on me dit que l’impératrice Alexandra, écrivant à une princesse russe à Paris, lui dit voir son projet se réaliser avec plaisir. Je n’y comprends plus rien. Tu sais ce que je t’ai dit à l’égard de la dame qui me regarde : on répand ici partout le bruit qu’elle s’est mariée et qu’elle a épousé un major ; je ne sais plus comment la tenir, elle veut se tuer, ou se battre avec quelqu’un [13] . Je crois que tout ceci est fait par le même parti qui m’a toujours été hostile, j’en ai même la certitude, mais cela m’ennuie.
Ce qui est pire, c’est que Villamarina écrit ici avoir été interrogé par l’Empereur si je l’avais épousée, oui ou non, l’Empereur ayant désapprouvé la chose. Fais-moi la charité, rends-moi un service, fais-moi dire la vérité : si tu n’en as pas parlé à l’Empereur, parle-lui en. Et dis-lui comme je t’ai dit : Qu’une parole d’honneur me lie à cette femme, conçue en ces termes : que je n’épouserai pas d’autre femme qu’elle, et que je l’épouserai, lorsque je le pourrai, rien ne fixant l’époque, et qu’en tous cas, le mariage serait toujours secret comme le permet l’Eglise dans ces cas, et qu’elle ne serait jamais reine. Je ne tiens pas du tout à le faire, ni pour à présent, ni pour bien longtemps, mais je désirerais vivre tranquille sur ce point. Fais-moi la grâce de me dire ce que dira l’Empereur, et aide-moi un peu, si tu le peux.
Si puis on eût dit des calomnies sur son compte à l’Empereur, dis-lui que je réponds sur mon honneur de la pureté de sa vie, et nous n’avons eu qu’un défaut, c’est de nous aimer à la folie pendant douze années, et elle de ne jamais vouloir croire la méchanceté du genre humain. Elle est fille d’un chevalier de l’Empire qui a 80 ans, chevalier de l’Ordre de Lazare et de plusieurs ordres, couvert de blessures sur les champs de bataille de votre illustre ancêtre. Je lui ai juré de ne jamais abandonner sa fille, car elle forme le bonheur de ce vieux capitaine.
— Pardon, maintenant, si je t’ai tant ennuyé ; si je l’ai fait, c’est que je connais ton bon cœur pour moi, et je sais que tu sais ce que c’est qu’une parole. Adieu, je t’embrasse de tout mon cœur, fais la même chose de ma part à ma chère fille que j’aime tant, et crois toujours à l’inaltérable affection de ton beau-père.
VICTOR-EMMANUEL.
25 février 1858.
Monseigneur,
Ainsi que j’ai eu l’honneur de le faire savoir à Votre Altesse Impériale par le télégraphe, M. Nigra se rend à Paris, avec la réponse que nous comptons faire à l’Angleterre. Je prie de me faire savoir, le plus tôt possible, si l’Empereur et Votre Altesse Impériale l’approuvent. J’ai tâché de me tenir dans le cadre que Votre Altesse m’avait tracé dans sa dépêche télégraphique [14] . Seulement, Lord Malmesbury m’ayant interpellé, à mon grand étonnement, sur l’état des provinces soumises à la domination de l’Autriche, j’ai cru devoir lui répondre à cet égard avec la plus entière franchise.
M. Nigra rendra compte à Votre Altesse de l’état du pays. Je crois qu’elle en sera satisfaite. L’esprit, ici comme dans le reste de l’Italie, est excellent, ainsi que le prouve le nombre considérable de jeunes gens qui viennent de tous côtés s’enrôler dans nos régiments. Si, comme on me le mande de Rome, le Pape réclame la cessation de l’occupation austro-française, il est certain que le pays se déclarera en faveur de la politique sardo-française. Cela pourrait être avantageux, s’il n’était à craindre que les passions violentes qui fermentent en Romagne ne fissent explosion en causant des troubles et des désordres de la nature la plus grave. Il serait utile qu’à cet égard Votre Altesse me fit connaître les intentions de l’Empereur.
Si l’emprunt ne peut se négocier à Paris, il faudra se résigner à le faire dans le pays, où il a chance de réussir avec l’aide des Lombards et des Toscans. Je crois qu’il sera plus facile de trouver de l’argent en France et en Angleterre, une fois la guerre déclarée, que dans ce moment où les banquiers de tous les pays ont organisé une espèce de compression en faveur de la paix.
Je remercie Votre Altesse des bontés qu’elle a eues pour M. Astengo. Il attend l’arrivée du général Klapka pour partir pour sa mission. J’espère qu’il contribuera à assurer le succès de l’insurrection hongroise, qui doit nous venir puissamment en aide.
Le comte Aldofredi, arrivé ce matin de Paris, m’a rapporté que le général Niel nous avait quittés persuadé que le pays était peu favorable à la guerre et que, dans le sein même du cabinet, il y avait un parti pacifique à la tête duquel aurait été le général La Marmora.
Ce bruit parvenu, je ne sais comment, au comte Aldofredi, et qui peut-être n’a pas de fondement, a fort étonné le général La Marmora. Il me charge de le démentir auprès de Votre Altesse en la priant, si besoin était, de rétablir, auprès de l’Empereur, les faits tels que Votre Altesse a pu les constater.
Le général La Marmora, aussi prudent dans le cabinet qu’intrépide sur le champ de bataille, ne voulait pas d’une guerre précipitée, commencée dans des circonstances défavorables, avec des préparatifs insuffisants. Mais il accepte, avec empressement, une guerre organisée, ainsi que l’entend l’Empereur.
Je prie Votre Altesse Impériale de bien vouloir me faire tenir au courant de ce qui se passe à Paris.
M. Nigra va prendre avec Votre Altesse les arrangements nécessaires pour le payement de la dette.
J’ai l’honneur de renouveler à Votre Altesse l’assurance de mon respectueux dévouement.
C. CAVOUR
A partir du 9 mars où il a remis à l’Empereur le portefeuille de l’Algérie (qu’il avait accepté le 24 juin 1858), le prince Napoléon se consacre tout entier à la question italienne. Il devient le conseiller efficace et le guide à Paris du comte de Cavour : ainsi lui télégraphie-t-il, le 15, à dix heures du matin.
Paris, 15 mars 1859 (10 heures du matin).
(En chiffre).
Vous ne pouvez répondre à l’Angleterre ce que vous m’écrivez. Votre mémorandum n’est pas un ultimatum au bout duquel il y a un casus belli. L’Empereur pense que vous pourriez répondre presque avec les mêmes termes qu’à Vienne :
« Piémont n’attaquera pas. Toutes les mesures prises sont défensives, mais il demande jusqu’à quel point les menaces de l’Autriche pourront être poussées pour que les mesures de défense les plus légitimes ne soient pas considérées comme une agression. »
Décidez-vous, je vous prie, à avoir représentants sérieux à Paris où vos intérêts sont décidés. Ne perdez pas une heure. Je m’occupe des armes à vous envoyer.,
Turin, le 17 mars 1859.
Mon cher beau-fils,
Je te remercie de tes deux lettres. Dans la première, tu me donnes une grande preuve d’amitié : compte sur la mienne in æternum, comme je compterai toujours sur la tienne. Dans la seconde, tu me donnes de bonnes nouvelles de Clotilde et des espérances ; cela va bien et me fait un immense plaisir. Embrasse-la mille fois de ma part, remercie-la de sa lettre et dis-lui que je n’ai pas le temps de lui écrire, mais que Dieu la bénisse.
Je m’apprêtais à t’écrire lorsque je reçus ta seconde lettre, je vais te dire ma manière de penser. Tu as bien fait de te retirer du ministère ; cela doit avoir produit une secousse et une émotion à l’Empereur. — Par rapport à l’affaire Villamarina, tu te rappelleras que je t’ai dit que c’était une bête. Il m’est impossible de t’envoyer Azeglio, car il est indispensable où je l’ai envoyé, en Romagne et en Toscane, où il a des ordres très détaillés, et peut rendre d’immenses services, soit à présent, soit au moment décisif. Je te propose ceci : nommer Nigra ministre résident, et envoyer promener Villamarina qui, à cette heure, devrait déjà comprendre sa position et demander un congé ; tu pourrais trouver la manière aussi de le lui faire comprendre. Si puis, il te traitait d’une question tout à fait vitale, et de courte durée, j’enverrais aussi Cavour pour huit ou dix jours, pourvu que la question fût telle, sinon ce serait impolitique.
A présent je te parlerai un moment des événements, qui se présentent ici sur une échelle différente qu’en France. Les hommes et les événements poussent vers une solution à pas de géant, et je crois que je ne serai pas dans la possibilité de retarder longtemps la marche des choses. L’article du Moniteur fit un déplorable effet ; j’appelai les soldats sous les drapeaux, cela fit beaucoup de bien. Depuis, note écrite en Angleterre, par suite de la demande que nous fit le Cabinet britannique, pour savoir nos idées sur la manière d’améliorer le sort des Etats italiens par des concessions. Je pense que tu l’as vue, elle était dans le sens nécessaire. Après cela, le voyage de Lord Cowley à Vienne ; il y a déjà quatre jours que je savais trois bons résultats que croyait avoir obtenus l’Angleterre, et qu’elle m’envoya notifier mystérieusement par Hudson ; je ne t’en ai pas écrit, car j’ai cru que tu en savais plus que moi : le Prochain départ des troupes françaises et allemandes des États du Pape d’ici à douze mois ; 2° le Pape retournerait maintenant à ce qu’il avait promis en 47 ; 3° l’Autriche promettrait par traité au Roi de Sardaigne de ne pas l’attaquer.
Je pris la chose en riant, et M. Hudson, voyant que je me moquais de lui aussi gracieusement que je le pouvais, me dit que toute la responsabilité allait retomber sur moi. Je lui répondis que si elle retombait sur quelqu’un, elle retomberait sur qui avait violé les traités et pas sur qui les avait respectés constamment. Alors, il me dit qu’au moins je fisse faire par Cavour la promesse à l’Angleterre de ne pas attaquer, nous, l’Autriche ; je ris de nouveau et lui dis d’en faire la demande officielle. Il la fit. Nous profitâmes du fait pour faire la réponse à cette demande qui part aujourd’hui pour Paris : je crains bien que l’Empereur ne la trouve pas de son gré ; puis, elle doit aller à Londres, et être imprimée pour faire opposition à celle, très bête et menteuse, du comte Buol à Lord Malmesbury. L’Autriche vient de faire une demande officielle aux États italiens, pour savoir par eux s’ils en veulent encore des traités avec elle, ou s’ils veulent en être affranchis. Nous attendons la réponse, mais tout cela n’aboutit à rien, il faut du canon. Pour ma part, mon cher, je suis le mouvement et j’en profite suivant l’opportunité. Mais rien ne m’étonnerait que, d’ici à peu de temps, quelque grave événement ne m’obligeât de prendre les avances ; quelque Etat italien qui demande mon secours, quelque désertion de corps ennemi en masse ; celle des troupes des duchés nous l’avons déjà empêchée ; sinon, ce serait déjà fait et autres événements de ce genre. De manière que je crois que le moment s’approche, qu’on ne pourra ni retenir les hommes, ni le temps, et qu’il faut se préparer hardiment et vite. L’Italie est toute unie d’idée et en grande partie d’action ; des milliers d’Italiens sont déjà venus se ranger sous nos drapeaux, et partout on ne demande qu’à combattre. Te rappelles-tu lorsque je t’ai dit que le premier coup de collier, c’était nous qui devions le donner, et le donner bien raide ? cela te paraissait alors impossible et pourtant, si la France ne fait rien de plus pour le moment, ce sera ainsi. Adieu, je t’embrasse, réponds-moi sur tout ce que tu peux et qu’on sache à quoi s’en tenir ; dis à l’Empereur ce que tu crois.
Ton très affectionné beau-père.
VICTOR-EMMANUEL.
16 mars 1859.
Monseigneur,
Je remercie sincèrement Votre Altesse de ce qu’elle m’a écrit à l’égard des représentants de la Sardaigne à Paris. Nul plus que moi ne sent les inconvénients qui résultent de l’insuffisance du marquis de Villamarina. Mais il n’est pas facile de le remplacer convenablement et avec avantage. Le seul à ma connaissance qui pût, sous beaucoup de rapports, dignement occuper le poste de Paris, c’est d’Azeglio. Mais je ne le crois pas très propre à la circonstance actuelle. Azeglio a infiniment d’esprit et do tact ; personne mieux que lui ne connaît l’Italie et spécialement l’Italie centrale ; il a des formes aimables, il plaît généralement, enfin il possède la plupart des qualités qui constituent un bon diplomate. Mais, d’autre part, sa nature d’artiste, sa santé ébranlée, les habitudes d’une vie dégagée d’entraves et de gêne, le rendent peu propre à la lutte ; or, il est hors de doute que, vu l’hostilité du comte Walewski, le ministre de Sardaigne à Paris, s’il veut agir, doit soutenir des combats sans cesse renouvelés, soit avec les ministres de l’Empereur, soit avec le corps diplomatique. Azeglio ne résisterait pas à cette vie une semaine.
Il y a d’ailleurs une considération fort grave qui s’oppose à l’envoi d’Azeglio à Paris. Sa présence à Rome est, je dirai, presque nécessaire. Ayant eu une immense influence en Toscane, et dans les Etats du Pape, il peut, selon qu’on le jugera convenable, hâter ou retarder les événements.
Enfin, je doute qu’un nouveau ministre puisse nous rendre dans ce moment de grands services à Paris. Quelque habile qu’il fût, il n’obtiendrait rien de Walewski. Si, irrité par son hostilité, il s’emportait avec lui, il gâterait, au lieu d’arranger, nos affaires. Quant à l’Empereur, je suis convaincu qu’il aime mieux avoir à faire avec Nigra qu’avec un nouveau venu. Me fondant sur les motifs que je viens d’exposer à Votre Altesse, je pense que le seul parti à prendre, si l’état actuel a de trop graves inconvénients, c’est d’engager Villamarina à demander un congé et de nommer Nigra ministre résident par intérim.
Dans l’hypothèse où l’Empereur crût convenable d’entamer avec l’Angleterre une véritable négociation, alors, je crois qu’il serait fort utile que je me rendisse moi-même à Paris. Mon absence de Turin aurait de très graves inconvénients, mais il faudrait savoir les subir pour empêcher que nous ne tombions dans les filets de la diplomatie.
Je prie Votre Altesse de vouloir bien me faire connaître son opinion sur ces idées qui sont aussi celles du Roi.
J’attends avec anxiété de connaître les propositions que Lord Cowley aura apportées à Paris. D’après quelques mots échappés à Hudson, et l’agitation qui règne à l’ambassade anglaise depuis quelques jours, j’ai lieu de croire que le cabinet de Londres tente d’agir directement sur les cours de Parme, Modène et Florence, pour les engager à renoncer à leurs traités avec l’Autriche. Pour parer ce coup, il faudra fomenter l’agitation dans ces pays, en Toscane surtout. Jusqu’à présent nous avons serré la bride au parti agissant ; maintenant, nous la lâcherons un peu, et je suis certain que des manifestations telles auront lieu, que les gouvernements effrayés refuseront de rejeter loin d’eux la main secourable que l’Autriche leur tend sans cesse.
Les contingents auront tous rejoint les drapeaux avant la fin du mois. Au commencement d’avril, certains de pouvoir opposer à l’Autriche une résistance efficace, nous userons de tous les moyens pour amener cette Puissance à commettre envers nous un de ces bons petits actes bien agressifs dont parle Votre Altesse.
J’envoie à Votre Altesse un petit résumé de ce qui s’est passé dernièrement en Toscane. C’est ce qu’il y a de plus saillant pour le moment.
Le prince de la Tour d’Auvergne se conduit parfaitement bien. Tout en ménageant excessivement le comte Walewski, il soutient loyalement et franchement la politique de l’Empereur. J’attends une lettre de Constantinople du général Klapka pour soumettre à Votre Altesse un projet pour faire passer dans les Principautés les armes destinées aux Hongrois. Je prie Votre Altesse Impériale de vouloir bien agréer l’hommage de mon respectueux dévouement.
C. CAVOUR.
- ↑ Sous le titre : Les préliminaires de la paix, 11 juillet 1859, Journal de ma mission à Vérone auprès de l’empereur d’Autriche, Revue du 1er août 1909).
Certaines des lettres du comte de Cavour au prince Napoléon ont été publiées par Chiala, tome III et tome VI des Lettere edite ed inedite de Cavour. Il a été indispensable de les reproduire en entier pour donner l’histoire complète du drame. - ↑ Rapport sur l’Exposition universelle de 1855, présenté à l’Empereur par Son Altesse Impériale le prince Napoléon, président de la Commission, Paris, 1857 ; in-4o de 511 pages.
- ↑ L’empereur Napoléon III avait envoyé à Turin, vers le milieu de juin 185$, son ancien ami, le docteur Conneau, pour proposer au comte de Cavour une entrevue qui eut lieu à Plombières en juillet et dont Cavour rend compte en ces termes (Chiala, tome II, CCXCI).
- ↑ La première indication relative aux projets matrimoniaux du prince Napoléon, date du 15 septembre 1857 et se rencontre dans une lettre qu’adresse Cavour à Urbain Rattazzi. (Chiala, II, 272).
- ↑ François-Ferdinand de Savoie, duc de Gênes, né le 15 novembre 1822, mort le 18 février 1854, avait épousé à Dresde le 23 avril 1850, Élisabeth princesse de Saxe, née le 4 février 1830, morte le 14 août 1912.
- ↑ Béatrice, épouse de François IV, duc de Modène.
- ↑ Thérèse, épouse de Charles II de Lucques, puis de Parme.
- ↑ Anna, jumelle de Thérèse, épouse de Ferdinand Ier empereur d’Autriche.
- ↑ Christine, épouse de Ferdinand II, roi des Deux Siciles.
- ↑ Le mariage du prince Napoléon avec la princesse Marie-Clotilde, décidé à Plombières en juillet 1858, fut célébré à Turin, le 30 janvier 1859.
- ↑ Georges Klapka (1820-1892) avait été, en août 1849, le héros de Komorn. À présent, il vivait en exil à Genève, où il s’était fait naturaliser et où il ne cessaitpourtant d’émouvoir la révolte des Hongrois, notamment en 1859 et en 1860.
- ↑ Voir ci-dessous la lettre du roi Victor-Emmanuel au prince Napoléon en date du 22 février 1859 relative à ce mariage.
- ↑ Rosa Vercellone, née le 3 juin 1833, mariée morganatiquement, le 7 novembre 1869, au roi Victor-Emmanuel II, créée comtesse de Mirafiori e Fontanafredda (11 avril 1859) ; morte le 27 décembre 1885.
- ↑ Du 17 février.