L’Oblat (Huysmans)/8

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P.-V. Stock (p. 204-237).

VIII

Il y eut une détente, le vent devint moins âpre ; le soleil qui semblait perdu reparut par instants dans le ciel de fer et blondit de ses lueurs furtives le sol. Ce fut un réveil momentané du jardin ; des arbustes vivants sortirent d’une terre qui paraissait morte. Les buis, aux petites feuilles orangées creusées en cuillères et devenues cassantes sous le doigt, des genièvres aux aiguilles bleuâtres et aux grains fripés, d’un indigo noir, surgirent comme d’une sorte de couche de cassonade striée par le gel qui fondait, de filets blancs ; les fusains, les aucubas, les taxus, les romarins restés verts, les buissons ardents dont les baies vermillon tournaient maintenant à la teinte du tan, égayèrent de leur verdure les massifs dont toutes les autres plantes n’avaient gardé que des tiges sèches et brûlées par le feu glacé des bises ; mais malgré tout, ces végétations avaient quelque chose de souffreteux ; elles avaient l’air de convalescentes à peine sorties de leur lit de neige.

Une seule famille s’épanouissait à l’aise dans le froid, les hellébores. Celles-là pullulaient le long des allées ; certaines espèces, telles que les roses de Noël étaient en pleine floraison et leurs fleurs d’un rose violâtre, d’une nuance maladive de cicatrice, de plaie qui se ferme, évoquaient bien l’idée d’une plante dangereuse, suant des sucs vénéneux, puant les poisons ; d’autres hellébores noires, aux feuilles déchiquetées, sciées et dentelées sur les bords, aux fleurs en coque roulée, étaient pis encore. À les arracher, on les trouvait munies de racines grêles, pareilles à ces cheveux qui pendent sur la boule des oignons. Les vieux botanistes du seizième siècle les appréciaient, disant qu’elles évacuaient le flegme et la colère et guérissaient la grattelle, l’impétigine, les rognes, les gales blanches et autres vices du sang ; mais elles n’en conservaient pas moins un aspect sinistre, avec leurs feuillages de deuil et le vert de pomme pas mûre de leurs fleurs qui, de même que leurs congénères, les roses de noël, baissaient toutes la tête, n’avaient pas cette allure franche et gaie de la flore saine.

Le jardin n’était rien moins qu’attrayant, à cette époque, avec ses taillis de plantes ratatinées et ses touffes de fleurs louches ; aussi Durtal n’y descendait guère. Il s’y promenait, ce matin-là, pour tuer les dix minutes qui le séparaient de l’heure du train. Pour une fois que le temps était propice, il projetait d’aller à Dijon — afin de réaliser quelques achats de cravates et de bottines retardés par la perspective de geler en wagon et de ne pouvoir se promener dans la ville — et il se disait : je puis d’autant mieux me dispenser d’assister à la grand’messe, ici, que je commence à la connaître par cœur. Elle est la même depuis six jours ; l’octave de l’épiphanie ayant, pour une semaine, refoulé le défilé des saints. Sans doute, cette messe est charmante, malgré son médiocre introït. Le kyrie est très beau, plaintif, un peu précieux, le gloria est allègre et vénérant, et la deuxième phrase du graduel « surge et illuminare Jerusalem » et l’alleluia sont exquis ; à l’offertoire « le reges tharsis » est lancé droit, tel qu’une flèche, et l’on entend jusqu’au dernier vibrement de son parcours ; mais j’ai encore demain pour l’écouter ; une messe basse me suffira aujourd’hui ; profitons de l’occasion de la liturgie et de la bienveillance de la climature ; et il s’était dirigé vers la gare.

Une fois assis dans le train, il avait hélé par la portière le père de Fonneuve qui cherchait une place et Dom Prieur était monté dans le compartiment.

Après avoir bavardé de choses et autres, le moine, parlant du nouveau curé, installé dans la commune depuis quelques jours, demanda à Durtal s’il l’avait vu.

— Oui, il m’a honoré d’une visite, hier, et je vous avoue, si vous tenez à connaître mon opinion, que l’impression laissée par ce prêtre est plutôt hostile. Il m’a produit l’effet d’une jeune paysanne assez mal élevée mais qui ferait, ce qu’on appelle en argot parisien sa « tata ». Il a une façon de se tortiller sur sa chaise, de coqueter, de jouer de l’éventail, d’esquisser des gestes de fillette appréhendant, tout en le désirant, un rapt, qui ne me dit rien qui vaille. Je lui ai pratiqué, dans la conversation, quelques pesées sur l’âme pour la forcer et j’y ai découvert, en sus d’un insens absolu de la mystique et de la liturgie, une vanité qui vous amènera, j’en ai peur, mon père, bien des ennuis. — Mais, voyons, et ces réparations que l’on a commencées à la cure, avancent-elles ?

— Oui, le Maire et le Conseil Municipal, du moment qu’il ne s’agit plus des moines, se montrent aimables. Ils avaient toujours refusé, tant que nous occupions le presbytère, de remettre même une ardoise au toit ; mais maintenant, tout socialistes qu’ils soient, ils miment des risettes et tâchent d’amadouer leur nouveau pasteur. Leur jeu est évidemment de nous brouiller avec lui ; j’espère qu’ils n’y réussiront pas ; nous sommes résolus, du reste, à lui céder autant que possible pour éviter tout conflit. D’ailleurs, si ce petit curé est, et je vous l’accorde, un peu prétentieux et infatué de lui-même, il n’en est pas moins très bien disposé à notre égard et très gentil. Vous l’appréciez sur quelques grimaces, mais nous, qui l’observons depuis huit jours qu’il vit déjà au milieu de nous, dans le monastère où on lui a offert le couvert et le gîte, en attendant que la cure soit habitable, nous sommes satisfaits de lui et convaincus qu’il est un brave petit enfant.

— Père, je me défie un peu de votre bonté ; tout le monde est pour vous un brave petit enfant !

— Mais non ; nous sommes trop enclins, voyez-vous, à juger sévèrement les autres — rien n’est plus injuste car enfin quand bien même un homme vous nuirait, cela ne prouverait pas qu’il n’ait jusqu’à un certain point raison. Il peut obéir à des mobiles qu’il croit équitables, en agissant de la sorte ; il voit différemment de vous et ce n’est pas un motif pour qu’il ait tort ; et il convient de toujours imaginer des causes honorables aux persécutions auxquelles on peut être en butte, afin d’être certain de ne point se tromper. Et puis, mon cher enfant, les humiliations et les souffrances sont excellentes. Vous devez faire Jésus en vous ; comment le ferez-vous si vous ne passez pas les soufflets et les crachats du prétoire ?

— D’accord, mais êtes-vous bien assuré que si la bataille éclatait entre le presbytère et le cloître, vos moines ne préféreraient pas faire, comme vous dites, Jésus en le curé plutôt que d’accepter qu’il le fasse en eux ; ce serait, il est vrai, très charitable, car on ne l’assommerait que pour son bien…

— Quel mauvais garçon vous êtes, ce matin ! Dit en riant le père de Fonneuve ; mais nous voici arrivés à Dijon ; je vais chez mes filles du Carmel, vous ne m’accompagnez pas ?

— Non, père, j’ai des achats à effectuer dans la ville. Ils descendirent ensemble jusqu’à la place saint Bénigne ; arrivé là, le vieil historien fut incapable de se séparer de Durtal sans lui avoir préalablement rappelé les fastes monastiques de l’ancienne abbaye dont il ne subsistait plus que le sanctuaire, ressemelé sur toutes les coutures, rétamé de toutes pièces.

— Voici une des plus monumentales gloires de l’ordre Bénédictin, fit-il, en prenant d’un geste qui lui était familier le bras de Durtal et l’attirant à lui pour lui parler, épaule contre épaule ; c’était dans ce monastère de saint Bénigne que les ducs de Bourgogne, qui y venaient pour entrer en possession de leur duché, juraient sur les évangiles, au pied de l’autel, devant la châsse du saint, de ne pas toucher aux privilèges de leurs sujets ; et l’abbé leur ceignait, après le serment, le doigt d’un anneau, pour symboliser le mariage avec leurs villes.

Ce cloître qui fut florissant, au dixième siècle, lorsque le Vénérable Guillaume, envoyé de Cluny avec douze moines par saint Mayeul, parvint à désendormir ses religieux engourdis, dégénéra de nouveau lorsqu’il fut soumis au régime de la commende. Sa superbe collection de manuscrits s’émietta on ne sait où ; il fallut attendre la réforme de saint Maur pour réédifier de vrais moines et saint Bénigne eut alors d’infatigables érudits, tels que Dom Benetot, Dom Lanthenas, Dom Leroy qui exploitèrent les archives des abbayes de notre province, Dom Lanthenas surtout qui fut l’un des collaborateurs de Mabillon ; il est juste de noter aussi Dom Aubrey qui amassa des matériaux pour permettre au père Plancher d’écrire cette histoire de la Bourgogne dont 80 vous avez pu voir les solides in-folios dans notre bibliothèque.

Enfin, comme partout, la révolution détruisit le monastère ; l’église fut seule épargnée, mais quelle drôle d’idée que d’avoir été couvrir ses tours de tuiles de couleurs qui lui donnent l’aspect d’une sparterie ! — Ce qui vaut mieux, par exemple, c’est d’avoir rétabli la crypte que l’on découvrit, un beau jour, en creusant le sol.

Pour nous autres Bénédictins, c’est un lieu bénit, un lieu de pèlerinage que cette cathédrale. L’apôtre de la Bourgogne, le disciple de saint Polycarpe qui l’a baptisée de son nom, saint Bénigne, ne nous est pas très sûrement connu ; néanmoins, dans sa monographie de la cathédrale, l’abbé Chomton semble prouver que ce saint aurait subi le martyre, au commencement du troisième siècle. Les anciens hagiologues nous ont, en tout cas, conservé les détails de son supplice ; il aurait été écartelé à l’aide de poulies, on lui aurait enfoncé des alènes sous les ongles, on lui aurait scellé les pieds, avec du plomb fondu, dans une pierre qui existait encore du temps de Grégoire De Tours ; enfin on le fit mordre par des chiens furieux, on lui asséna sur le col des coups de barre de fer et comme il ne se décidait pas à mourir, on le perça d’une pointe de lance pour l’achever et c’est sur son tombeau même que fut bâtie l’église.

Cet élu est naturellement un grand saint, mais naturellement notre dévotion est aussi et, peut-être plus directement acquise, à cet abbé de notre ordre qui fut la gloire et de la Bourgogne et de cette abbaye, le vénérable Guillaume.

Celui-là fut élevé, en qualité de petit oblat, dans le monastère de Locédia, en Italie ; puis il entra à Cluny et il fut, ainsi que je vous l’ai dit tout à l’heure, envoyé par son abbé Dom Mayeul pour amender saint Bénigne qui ne contenait plus qu’une troupe de religieux sans discipline et dont les observances liturgiques étaient nulles. Il y apporta, avec la pratique de la règle de saint Benoît, une passion de la symbolique et de la liturgie, un amour de l’art et de la science, vraiment extraordinaires. Il fonda des écoles libres, absolument gratuites, pour les clercs et pour le peuple : il révisa le chant grégorien dont les chantres avaient altéré les textes : il voulut que les offices fussent impeccables, que le service de Dieu fût magnifique.

Et il se révéla aussi tel qu’un architecte de première force, car il savait tout ce moine ! Il construisit son église abbatiale, disparue, hélas ! Et remplacée par celle qui est là, devant nous. Elle avait neuf tours et toute la symbolique des écritures se déroulait autour de son vaisseau ; elle s’érigeait sur une église souterraine dont la forme reproduisait le t mystérieux d’ézéchiel, image encore imparfaite de la croix, et qui remémorait les temps antérieurs au messie, tandis que la nef, plus élancée, plus claire, représentait la lumière des évangiles, l’église du Christ ; et chaque nuit, pour confirmer le symbole, l’on descendait chanter matines dans la crypte, alors que les offices du jour se célébraient, au contraire, en haut, dans l’église.

Tout était à l’avenant ; les chapiteaux, les piliers, les statues s’associaient à l’idée générale de l’édifice. Ce furent les moines, qui les sculptèrent ; le nom de l’un d’eux, Hunald, nous est resté.

L’abbaye était immense ; après avoir essaimé plus de cent religieux dans diverses fondations, Guillaume en régissait autant à Saint Bénigne et, malgré la fatigue, malgré l’âge, il courait les routes pour régénérer les monastères en déshérence de Dieu. On le voit à Fécamp, à Saint-Ouen, au mont saint Michel, à saint Faron de Meaux, à saint Germain des Prés de Paris ; on le trouve, en Italie, à Saint-Fructuare où il adjoint à un couvent de Bénédictins un cloître de moniales ; on le rencontre partout jusqu’au moment, où épuisé par ces interminables voyages, il meurt en Normandie et, il y fut enterré dans l’abbaye de Fécamp.

Guillaume était un artiste, un érudit, un administrateur prodigieux et il était, ce qui est préférable encore, un admirable saint. Il faudra que je vous prête sa biographie écrite par l’abbé Chevallier ; mais je vous empêche d’aller à la messe et je me mets, moi-même, en retard. Mon dieu, ce que l’on devient bavard lorsque l’on se fait vieux ! — adieu, mon cher enfant, priez bien la sainte vierge pour moi ; de mon côté, je la prierai, chez mes braves Carmélites, pour vous.

Durtal le regardait s’éloigner d’un pas encore alerte et il pensait : la belle existence que celle de ce bon moine, confinée dans l’étude et la prière ! Et quelle belle vie aussi que cette vie Bénédictine qui plane si haut, par-dessus les siècles et au delà des temps ; l’on ne peut vraiment s’acheminer vers le seigneur avec des mouvements plus chaleureux et des chants plus nobles ; cette vie réalise l’initiation la plus parfaite, ici-bas, de l’office des anges tel qu’il se pratique et tel que nous le pratiquerons, nous aussi, là-haut. On arrive, la marche terminée, devant Dieu non plus comme un novice, mais comme une âme qui s’est préparée par une étude assidue à la fonction qu’elle doit à jamais exercer dans l’éternelle béatitude de sa présence. Quelles sont les occupations si agitées, si vaines des hommes en comparaison de celle-là ?

Ce père de Fonneuve ! — je me rappelle cette impression que j’éprouvai tant de fois, pendant l’été ou l’automne, dans sa cellule, alors que les paléographes de Paris ou de la province, venaient le consulter sur certains points de l’histoire ecclésiastique ou sur l’authenticité de certains textes. J’évoquais très bien alors cette autre cellule où, à Saint-Germain Des Prés, Dom Luc d’Achery et son élève Mabillon discutaient avec leurs visiteurs sur les bases de la diplomatique, sur la véracité de telles chartes ou la valeur de tels sceaux. Le P. de Fonneuve est aussi savant que Dom Luc d’Achery, mais quel est celui de ses élèves qui ressemble même de loin à Mabillon, voire même à de plus obscurs satellites de la congrégation de saint Maur ?

Il est seul, de sa taille, ici ; mais, parmi ses clients laïques, quel est celui qui peut se rapprocher de ce prodigieux Du Cange, voir même de Baluze ou de ces studieux libraires que furent les Anisson ? L’étiage a donc baissé dans les deux camps et il n’est pas équitable de ne jeter le discrédit que sur les moines.

Que les savants laïques soient, en général, plus forts que les religieux, cela paraît incontestable ; mais il n’en est pas moins acquis qu’en tenant compte de l’état de la science, à chaque époque, eux aussi, sont, à n’en pas douter, fort inférieurs aux érudits qui fréquentèrent l’abbaye de Saint-Germain des Prés, au dix-septième siècle ; soyons donc modestes et indulgents…

En attendant, avec ma manie de soliloquer à bâtons rompus, je vais finir par manquer l’office, fit-il, en pénétrant dans saint Bénigne. Une messe célébrée au grand autel prenait fin ; il vérifia le tableau des horaires près de la sacristie. Une autre devait la suivre. Il profita des quelques minutes qui allaient s’écouler entre les deux sacrifices, pour faire le tour de la cathédrale.

Elle était à trois nefs, de largeur régulière, de hauteur convenable, mais, mise en parallèle avec les grandes cathédrales, elle était minime et quasi nulle. Elle contenait un certain nombre de statues du dix-septième et du dix-huitième siècles, des œuvres honnêtes que l’on avait, après les avoir considérées, le désir de ne jamais revoir ; les vitraux anciens avaient disparu et avaient été remplacés par des carreaux blancs ou, ce qui était pis, par cet émétique de la vue, des verrières modernes. Dans le transept de gauche, se dressait une croix gigantesque, vert bouteille, sur laquelle un christ, teint en gris, était couché et deux anges se tenaient, de chaque côté, montrant au sauveur un acte de consécration au sacré-cœur et un plan d’église.

En résumé, autant cette cathédrale était intéressante par les souvenirs monastiques qu’elle émouvait, autant elle était inerte au point de vue de l’art ; elle ne valait sûrement pas cette bâtisse en rotonde édifiée par le vénérable Guillaume et deux de ses anciens bas-reliefs, relégués au musée archéologique de la ville, étaient d’une autre envergure que ce tympan de Bouchardon, emprunté à la vieille église de saint étienne, et qui la décore aujourd’hui !

Durtal s’installa pour entendre la messe que l’on sonnait ; il avait beau la connaître par cœur, cette messe ne parvenait pas à le déravir ; la vérité était que cette fête de l’épiphanie lui était plus suggestive que toute autre.

Que ce fût l’époque ou non de la célébrer, il y revenait sans cesse, car outre la manifestation des rois mages et le souvenir du baptême de Jésus dans le Jourdain, l’église devait remémorer, en l’exaltant, le miracle des noces de Cana.

Ce miracle, lorsqu’il y réfléchissait, lui suscitait de longues rêveries.

Il est, en effet, le premier qu’ait accompli le Christ, et le seul qui ait pour cause un épisode joyeux, car tous ceux qui lui succédèrent ont été effectués dans le but de parer à des besoins de nutriment, dans le but d’opérer des guérisons, d’alléger les douleurs, de tarir des larmes.

Jésus que l’on voit pleurer mais jamais rire dans les Écritures, manifeste son pouvoir divin, avant l’époque qu’il paraissait s’être fixé, à propos d’un banquet, pour égayer des convives, pour un motif insignifiant, pour une chose qui ne semble vraiment pas en valoir la peine.

Son premier mouvement lorsque la sainte vierge lui dit : « ils n’ont pas de vin » est le mouvement de recul d’un homme pris à l’improviste et qu’une demande indiscrète gêne ; et il répond : « Femme, qu’est-ce que cela peut bien nous faire ? Mon heure n’est pas venue. » Et Marie, d’habitude si attentive à deviner ses moindres désirs, à obéir à son moindre gré, ne l’écoute même pas. Elle laisse sa réflexion sans réponse et s’adresse aux échansons pour les avertir qu’ils aient à exécuter les ordres que va leur donner son fils.

Et Jésus ne refuse pas, dès lors, de réaliser le miracle et il change l’eau en vin.

Cette scène, unique dans les évangiles, où l’on voit la vierge se dispenser de l’assentiment de Jésus et lui forcer en quelque sorte la main pour obtenir de lui ce prodige qu’elle réclame, est extraordinaire si l’on en extrait le sens symbolique qu’elle recèle.

Il ne s’agit pas, en effet, de contenter les convives dont l’appétit est déjà repu, en les régalant d’un vin plus savoureux que celui qui leur fut jusqu’à ce moment servi ; il ne s’agit pas non plus du mariage d’un homme et d’une femme dont saint Jean n’a même pas cru nécessaire de noter les noms ; il s’agit de l’union entre Dieu et l’église, des joies nuptiales de notre-seigneur et de l’âme ; et ce n’est pas l’eau qui se métamorphose en vin, mais bien le vin qui se transmue en sang.

Ces noces de Cana ne sont qu’un prétexte et qu’un emblème, car tous les exégètes sont d’accord pour reconnaître dans cette scène le symbole de l’Eucharistie.

Il est avéré que l’Ancien Testament préfigure le nouveau, mais ne pourrait-on admettre aussi que certains passages des évangiles préfigurent, à leur tour, d’autres des mêmes livres ? Les noces de Cana ne sont, en effet, que l’image avant la lettre de la cène. Le premier miracle produit par le messie, au début de sa vie publique, annonce celui qu’il accomplira, la veille de sa mort ; et l’on peut même observer qu’ils se reflètent, l’un l’autre, en une sorte de miroir à l’envers, car saint Jean qui écrivit son évangile pour confirmer et compléter l’œuvre de ses devanciers, saint Jean dont le livre est postérieur à ceux de saint Matthieu, de saint Marc et de saint Luc, est le seul qui relate ce miracle. Les autres n’en parlent pas et, lui, par contre, se tait sur la transsubstantiation du pain et du vin pendant la cène. Il y a en cette histoire, une interversion étrange ; c’est le dernier des évangélistes qui anticipe sur les premiers, qui montre, voilée ainsi que dans l’Ancien Testament, la figure du sacrement que dévoilèrent les synoptiques.

Mais, poursuivait Durtal, les noces de Cana suggèrent encore d’autres remarques. De même que nous avons vu le rédempteur pratiquer, en cette scène, son premier miracle, de même nous voyons Marie user, pour la première fois, de son droit de médiatrice et intercéder pour les nouveaux enfants qu’elle adoptera, au pied du Calvaire, pendant que son fils, étendu sur le lit de la croix, engendrera l’église.

Et elle n’attendit pas que les temps prescrits fussent révolus ; dans son impatience, elle devança l’heure et revendiqua tout, du premier coup ; elle ne procéda pas par gradation, elle ne limita pas d’abord l’objet de ses requêtes, elle alla droit au but, demanda simplement, nettement, le summum des grâces ; elle voulut et obtint la promesse du magistère qui pouvait guérir et sauver les âmes des enfants dont elle allait être appelée à prendre soin, l’Eucharistie.

Et le Christ cède à cette douce violence, et s’il se fait prier, s’il a l’air d’accepter une certaine contrainte, c’est qu’il veut enseigner ainsi que tout ce qu’il accorde, il ne l’accorde que par l’entremise de sa Mère.

Cet épisode de Cana est donc, en somme, le point de départ des deux dévotions, initiales et essentielles du catholicisme : le saint-sacrement et la Sainte-Vierge. Et l’office qui est spécialement consacré à ce mystère, l’office du 2e dimanche après l’épiphanie, ne se célèbre même pas ! — On se borne à en lire les prières et l’évangile à la fin de la messe du saint nom de Jésus qui le supplante.

Il me semble que l’on aurait bien pu le conserver, le mettre, au besoin, un autre jour, à la place d’un saint ! — Mais c’est curieux, continua-t-il, en sortant de la cathédrale et en gagnant à grands pas la place d’armes, puis la place rameau, pour entrer au musée ; c’est curieux comme des miracles d’une importance souveraine passent inaperçus, sont, en tout cas, à peine explorés par les prêtres en chaire et les fidèles !

Quelle abjecte effigie ! soupira-t-il, regardant en bas de l’escalier, menant aux salles de peinture, une statue de la république figurée par une fille aux épaules, aux bras, au buste, aux seins d’une harengère de la halle et à la face chiffonnée d’un trottin de modes, au-dessous de laquelle était gravée l’expression à la fois imbécile et sacrilège : « Stat in aeternum. » — C’était un nommé Coutant qui avait sculpté cela !

Durtal parcourut les galeries de la peinture contemporaine où se prélassaient, en bonne place, un hivernal portrait du pluvieux Carnot, par Yvon — un maréchal vaillant d’Horace Vernet où l’ingéniosité de ce teinturier militaire se décelait par ce petit détail : le maréchal dont la tête était celle d’un notaire à toupet, du temps de Louis-Philippe, ne savait où caser l’un de ses bras et le Vernet avait jugé original de le placer sur un tas de cuirasses qui reposaient, elles-mêmes, sur un tas de fascines jusqu’à la hauteur voulue pour servir d’appui-main, le tout échafaudé dans un paysage de fantaisie aux couleurs grêles et acides ; — puis, une œuvre de jeunesse de Gustave Moreau, « le Cantique des Cantiques », une toile plus que médiocre, du genre Chasseriau, qui ne permettait guère de soupçonner le futur talent du peintre de l’Hérodiade ; — enfin, des cocasseries furieuses d’un Anatole Devosge ; celui-là et Monsieur François, son père, étaient les gloires bouffonnes de Dijon et le buste de l’un de ces deux grotesques, avec une physionomie d’huissier et des pattes de lapin, le long des joues, se dressait sur un socle, dans l’une des salles. Cet Anatole Devosge il avait brossé une bâche inouïe ; cela s’appelait « Hercule et Phillo ».

La scène représentait une femme enchaînée, étreignant un gosse et s’efforçant de fuir les crocs d’un lion qu’un Hercule en colère étrangle.

Le lion était issu, en droite ligne, d’une lionne de tête de chenet et d’un lion de descente de lit et il semblait, en tirant la langue, surpris d’être traité avec aussi peu de ménagement par cet homme qui lui cravatait si étroitement le col. Hercule, lui, était énorme ; il avait le physique d’un auvergnat que l’alcool a rendu fou ; il arborait des muscles outrés et tendait sur des jambes nues et grosses, telles que des poutres, un formidable derrière, quelque chose comme des ballons accouplés, comme des montgolfières conjuguées de percale rose. Quant à la femme, habillée d’une robe abricot et d’un peplum groseille, elle roulait, en signe d’effroi, des yeux blancs et l’enfant pleurait convenablement des pilules d’étain, suivant la formule de l’odieux David dont ce peintre était l’élève. Ah ! Ce Devosge, quel pleutre redondant, quelle ganache épique !

L’élément moderne du musée était donc inavouable et pourtant, dans cet amas de phénomènes biscornus et de pannes baroques, un tableau superbe surgissait sur un mur « l’Ex Voto » d’Alphonse Legros.

Il s’ordonnait ainsi :

Neuf femmes priaient devant un petit Calvaire, dans un paysage de tapisserie aux tons de laines demeurées vives. Sur ces neuf femmes, sept étaient agenouillées, côte à côte ; et, au premier plan, une, debout, vêtue de blanc, feuilletait un volume, tandis qu’une autre, également debout, et couverte d’un chapeau de paille, au fond de la toile, portait un cierge.

Ces femmes, presque toutes âgées, étaient coiffées de bonnets blancs, accoutrées de toilettes de deuil avec les mains jointes, sous des mitaines noires.

Les visages et les mains de ces vieilles étaient d’une précision et d’une probité d’art qui stupéfiaient, lorsque l’on songeait à la peinture hâtive et galopée de notre temps. Les expressions simples et concentrées de ces orantes recueillies, absorbées, loin des visiteurs, devant la croix, dégageaient une saveur religieuse réelle. Les traits étaient encharbonnés, comme creusés au burin ; et, dans cette œuvre forte et sobre, qui paraissait exécutée par un peintre graveur de l’école d’Albert Dürer, la femme en blanc évoquait, elle, le souvenir de Manet, mais d’un Manet mieux pondéré, plus savant, plus ferme.

C’était, à coup sûr, la plus belle toile de Legros que Durtal eût encore vue. Que faisait-elle, là, noyée dans ce déballage de loques et ces rebuts, alors qu’elle eût si victorieusement figuré dans le salon de l’école française, au Louvre ? Elle était marquée, dans le catalogue, sous le titre de don de l’artiste à sa ville natale. Ah ! Bien, ce que ladite ville semblait plus fière de son Devosge, dont le nom se prélassait à un coin de rue, que de l’auteur de ce présent relégué dans le pêle-mêle de ces pannes.

Ces salles de l’école moderne française mises à part, le musée de Dijon était, en tant que musée de province, abondamment pourvu. Il détenait des collections de bibelots, de faïences, d’ivoires, d’émaux, d’estampes, de bois, vraiment honorables. M. His de la Salle l’avait en outre doté de dessins de maîtres, curieux ; mais, là, où il devenait princier, l’égal des grands musées, c’était dans l’ancienne salle des gardes qui contenait les mausolées en marbre de Dinan et en albâtre de Tonnerre, des ducs Philippe le Hardi et Jean sans Peur. Ces tombeaux, brisés pendant la révolution, avaient été expertement reconstitués avec leurs débris et redorés et repeints.

Le premier avait pour auteurs divers imagiers, le flamand Jehan de Marville qui traça le plan et les dessins et mourut à la tâche. Le hollandais Claus Sluter lui succéda et trépassa à son tour et ce fut son neveu, Claus de Werve qui acheva l’œuvre de ses deux devanciers, dans quelle mesure ? Il est assez difficile de le dire.

Cette œuvre était ainsi conçue :

Le corps de Philippe Le Hardi était placé sur une table de marbre noir, entre les pieds de laquelle s’étendait, sous les quatre côtés, un petit cloître gothique, peuplé de minuscules moines et de gens de la suite du prince. Philippe Le Hardi, enveloppé du manteau ducal d’azur, doublé d’hermine, posait ses chaussures, aux lames articulées de fer, sur le dos d’un lion bénévole et sa tête sur un coussin derrière lequel deux anges, aux ailes déployées, soutenaient un heaume.

Le second avait été commandé à un espagnol Jehan de la Huerta ou de La Verta dit d’Aroca ; mais celui-là ne fit rien ou presque rien et ce fut un Antoine Le Moiturier ou Le Mouturier qui termina, s’il ne sculpta pas en entier, le cénotaphe. Son ordonnance était calquée sur celle du premier tombeau.

Le duc Jean et la princesse Marguerite de Bavière, sa femme, étaient couchés, côte à côte, sur une plate-forme de marbre noir, au-dessous de laquelle s’allongeait, entre les quatre pieds, un cloîtrion ogival, aux galeries pleines de religieux. Le chef des époux était appuyé sur des coussins et leurs extrémités sur les reins serviables de petits lions ; et des anges s’agenouillaient derrière eux, les ailes grandes ouvertes, présentant, l’un le casque du duc, l’autre l’écu armorié de la princesse.

Ce mausolée était plus ouvragé que le premier, les sculptures plus surchargées de volutes, de chicorées, de fleurons ; le souvenir s’attestait aussitôt des paraphes, des frisures, des boucles de l’ornementation de l’église de Brou, cette fin du gothique qui, après s’être corrompu, en vieillissant, rejette sa robe de pierre pour mourir, impur, nu, sous un linceul de dentelles.

Les fauves de ce monument étaient des fauves de pendules et il ne leur manquait sous la patte qu’une boule ; les princes et la princesse, gisant sur lame, ne différaient pas, par leur attitude conventionnelle, des statues funéraires de l’époque. La beauté de l’œuvre n’était point dans ces froides effigies ni même dans ces anges blonds et charmants, mais conçus, eux aussi, d’après une formule que nous retrouvons chez la plupart des primitifs des Flandres, elle résidait dans les figurines debout sous les arcades naines du cloître.

Elles avaient dû portraiturer, toutes, d’abord, des religieux de différents ordres se lamentant sur le trépas des princes ; elles devaient se composer exclusivement de « plorants », mais la verve des ouvriers d’images avait rompu le cadre restreint de la commande et, au lieu de gens en larmes, ils avaient saisi l’humanité monastique de leur temps, triste ou gaie, flegmatique ou fervente ; et, à vrai dire, la plupart de leurs statuettes ne songeaient à rien moins qu’à déplorer le décès des ducs.

Ils avaient, en tout cas, réalisé des merveilles d’observation, fixé des maintiens pris sur le vif, des postures croquées au vol ; aucune de ces figurines si expressives, mais malheureusement plus ou moins réparées et un peu campées au hasard quand l’on avait reconstitué ces tombes, ne se ressemblait et l’on demeurait véritablement confondu par l’incroyable adresse de ces imagiers qui, mis en face de modèles presque semblables, de visages rasés presque uniformes, de robes quasi pareilles, avaient su diversifier chaque moine d’un autre, exprimer en un simple jeu de physionomie son tréfonds d’âme, faire sourdre de l’ordonnance même des draperies et du cadre des capuchons, abaissés ou relevés, le caractère précis de l’homme qui les portait.

Ils avaient voulu beaucoup moins, en somme, décrire l’effet produit sur des religieux par l’annonce de la mort de l’un ou de l’autre de leurs bienfaiteurs, que donner, comme un instantané de la vie courante des cénobites et ils les avaient effigiés, l’Abbé en tête, mitré et crossé, tenant le livre ouvert de la règle, regardant d’un air impérieux et méfiant des moines qui pleurent ou lisent, méditent ou chantent, égrènent leur rosaire ou, désœuvrés, s’ennuient ; un même se mouche, tandis qu’un autre se cure tranquillement l’oreille.

L’on pouvait se délecter pendant des heures devant cette œuvre sculptée par des artistes de belle humeur qui connaissaient bien leurs amis du clergé régulier et s’amusaient sans méchanceté à leurs dépens, tant elle dégageait une joie expansive d’art ; et Durtal se séparait d’elle, à regret, car ces très anciens cloîtriers évoquaient, devant lui, ceux du Val des Saints, avec des ressemblances de port, de gestes, souvent frappantes. N’était-ce pas Dom De Fonneuve, ce vieux père, souriant et pensif, le col enfoncé très haut, derrière la nuque, par son capuchon coupé suivant l’antique mode de Saint Maur ? N’était-ce pas Dom d’Auberoche, ce jeune, au cou dégagé, au contraire, par un capuchon moins ample, confectionné selon d’autres coutumes ? N’était-ce pas Dom Felletin, cet autre qui regardait à ses pieds, absorbé par une recherche ? N’était-ce pas aussi le premier chantre Ramondoux, ce gros, qui maniait un graduel, en ouvrant la bouche ? Seul le P. Abbé différait. Celui du Val des Saints n’était, ni impérieux, ni méfiant, mais si débonnaire et si franc !

En comparaison de ces figurines, les deux retables portatifs en bois, du quatorzième siècle, qui meublaient les parois de la salle, paraissaient inexperts et figés.

Il est vrai qu’ils étaient très retapés ; certaines même de leurs parties étaient modernes. Ils avaient été jadis exécutés par le flamand Jacques De Bars ou De Baerze, de Termonde.

Dans l’un, saint Antoine, jeune et imberbe, avait à ses côtés deux diables velus et bruns et une diablesse haut vêtue, avec des cornes sur la tête, des joues d’un rose de pomme d’api, et un nez retroussé dans une face ronde ; elle était une plantureuse servante d’auberge déguisée en reine, et qui ne semblait même point disposée à le tenter ; et le saint, sous les traits d’une inexpressive poupée, dressait, très calme, en l’air, deux doigts pour nous bénir.

Dans un autre compartiment du même retable, figurait une décollation de saint Jean-Baptiste avec une Hérodiade, couverte jusqu’au menton, comme la démone de saint Antoine, une Hérodiade ancillaire qui considérait avec indifférence de ses yeux bleus plus aptes à surveiller les ragoûts qu’à décager les sens, le martyr agenouillé et qui paraissait ne penser à rien, tandis que le bourreau s’apprêtait à le décapiter. En vérité, ces statuettes de bois peint et dorées étaient médiocres, mais, du tas, se détachait un groupe fort supérieur, celui de l’Hérode et de la mère de l’Hérodiade : le roi, accablé de remords, se reculant en un geste de réprobation, et, elle, le rassurant, une main appuyée avec force sur l’épaule et l’autre sur le bras.

Le second retable renfermait une adoration des mages, un Calvaire et une mise au tombeau ; une adoration, avec une madone au teint fleuri, une grande dame, râblée, solide, une flamande moins vulgaire que les autres, d’aspect avenant et de sourire aimable ; l’enfant, penché sur ses genoux, mettait une menotte sur les lèvres d’un mage agenouillé et touchait de l’autre une sorte de ciboire que ce souverain lui tendait ; un deuxième mage, un doigt passé sous sa couronne, esquissait un salut presque militaire, tandis qu’un troisième, à la tête de roulier, levait l’index en signe d’attention et présentait un vase de parfums.

Quant à l’Ensevelissement, il était d’un art plutôt pénible ; saint Jean avait un pif en pied de marmite et il soutenait sans conviction une vierge dans le nez de laquelle il pleuvait ; le tout agrémenté de deux poupées portant, à chaque bout de la scène, des aromates.

Ces retables étaient, si l’on veut, naïfs et amusants, mais l’accent religieux ne s’y décelait pas ; ils étaient plus réalistes que mystiques ; c’était l’art d’un flamand à fin de foi.

Taillés en forme d’armoires, ils étaient complétés par des peintures appliquées sur les deux battants qui les fermaient. L’artiste qui fut chargé de cette commande, Melchior Broederlam, d’Ypres, avait décoré d’une annonciation et d’une visitation le volet de gauche, d’une présentation et d’une fuite en égypte, celui de droite.

Ces œuvres, peintes sur fond d’or mat et bruni, avaient été largement retouchées car elles avaient, avant d’être abritées dans ce musée, longuement pourri dans l’église de Saint Bénigne ; au milieu de personnages vulgaires, de paysans costumés en Dieu le père ou en saints, elles affirmaient, au moins, dans le type de la vierge, une certaine délicatesse ; ce n’était plus la mère bedonnante et folâtre, la maritorne de Jacques De Bars ; celle-là, avec ses prunelles du ton de la fleur des lins, ses chairs laiteuses, son nez qui s’amenuisait déjà plus droit, s’anoblissait, se patricisait, si l’on peut dire, en s’effilant ; ce n’était pas encore la vierge exquise de Roger Van Der Weyden et de Memlinc, mais c’était déjà un peu Marie, la Mère d’un Dieu.

Seulement, ce bon vouloir de distinction se confinait en elle seule, car le saint Joseph de « la Fuite en Egypte » demeurait un rustre accompli et un parfait manant ; tournant le dos à la vierge, il apparaissait de profil, chaussé de bottes à chaudron, suspendant au bout d’un bâton sur l’épaule, une marmite et des hardes et buvant à même d’un barillet un bon coup.

En outre de ces tableaux d’autel, un troisième, datant du quinzième siècle, et provenant de l’abbaye de Clairvaux, une peinture lisse et trop revernie, s’exhibait, elle aussi, sur la cimaise du mur. De ses panneaux, séparés les uns des autres, par des pilastres, un seul était intéressant à cause de l’idée même qu’avait eue le peintre de reproduire le corps glorieux de Notre Seigneur, au moment de sa transfiguration, par un enduit tout en or. Le visage, le corps, la robe, les mains, étaient frottés de cet or luisant et un peu plat qui revêt les panneaux de Lancelot Blondeel, dans les églises et le musée communal de Bruges.

Cette interprétation naïve de la lumière divine était plaisante, mais le reste du retable, sec et glacé, ne méritait vraiment point qu’on le prônât.

Enfin, un autre panneau, également du quinzième siècle, une adoration, arrêtait moins Durtal pour la valeur de l’œuvre qui ne l’éperdait guère que pour les réflexions que lui suggérait son origine.

Ce tableau, longtemps attribué à Memlinc, avec l’art duquel il ne s’apparentait que par une lointaine ressemblance, avait fini par retrouver un vague débris de son acte de naissance.

Cette adoration pouvait être prêtée sans trop de discussions au maître de Mérode ou de Flémalle, ainsi qualifié parce qu’un de ses ouvrages avait jadis fait partie de la collection des Mérode et qu’une série de ses peintures, issue de l’abbaye de Flémalle, avait été acquise par l’institut Staedel, de Francfort.

Qu’était cet artiste ? D’après les recherches opérées en Belgique et en Allemagne, ce maître de Flémalle s’appelait de son vrai nom Jacques Daret et il avait été, en même temps que Roger Van Der Weyden, l’élève d’un peintre dont rien ne subsiste, Robert Campin, de Tournai.

Il s’était occupé des décorations de la fête de la Toison d’or et des noces de Charles le Téméraire qui lui rapportèrent 27 sols par jour, aux entremets. Il avait un frère également peintre, Daniel, natif de Tournai, dont il fut le maître et dont tous les travaux ont disparus ; et c’est à peu près tout ce que l’on sait de lui.

Un de ses tableaux, très curieux et dont Durtal possédait une belle photographie, appartenait au musée d’Aix, une vierge assise sur un large banc, de style gothique, planant au-dessus d’une ville et tenant un enfant Jésus très éveillé, une vierge un peu bouffie dont la tête se détachait sur une étrange auréole de rayons qui suscitait l’idée d’une roue de paon façonnée avec les piquants inégaux d’un hérisson d’or ; et, en bas, un Dominicain priait à genoux, entre un pape et un Evêque assis.

Une autre madone, et, celle-là, Durtal l’avait vue dans la collection de Somzée, à Bruxelles, l’avait depuis des années, hanté et elle surgissait maintenant devant lui, évoquée par le panneau de Dijon.

Elle était vraiment, en son genre, unique.

Dans un intérieur éclairé par une fenêtre ouvrant sur une place et meublé d’une crédence sur laquelle se dressait un calice et d’un banc à coussin rouge sur lequel se posait un livre, Marie, vêtue d’une robe blanche, brisée en de grands plis, s’apprêtait à allaiter l’enfant ; et là encore, la tête se découpait sur un nimbe extraordinaire fait d’une sorte de fond de panier, de van, et le jaune presque soufre de ce fond d’osier s’harmonisait délicieusement avec les tons sourds et doux, avec la teinte de fer délavée de ce tableau dont les personnages se délinéaient, un peu cernés de noir, dans un air gris.

Le type de cette Vierge différait complétement de ceux inventés par Roger Van Der Weyden et par Memlinc. Elle était moins gracile et plus osseuse, un peu boursouflée, avec des yeux singuliers, taillés en boutonnières retroussées des bouts ; les paupières étaient lourdes, le nez long et le menton bref ; la face était moins en forme de cerf-volant que celle des madones de Memlinc, moins en amande que celle des madones de Roger Van Der Weyden.

La vérité était que, lui, créait des bourgeoises angéliques et, eux, des princesses divines. Ses Vierges étaient distinguées, mais elles ne l’étaient pas naturellement et elles s’observaient devant le visiteur ; de là, une certaine afféterie et une certaine gêne. Elles devaient, à force de vouloir montrer qu’elles étaient de bonnes mères, oublier de l’être ; elles manquaient, pour tout dire, de simplesse réelle et d’élans. Aussi ce panneau était-il et maniéré et charmant, et bizarre et froid. Oui, cela le résume assez bien, ruminait Durtal. Ce Daret n’avait pas le sens mystique de son condisciple Van Der Weyden et ses projections colorées d’âme étaient faibles ; mais, pour être juste, il faut ajouter aussitôt que si ses œuvres sont des oraisons de pinceau mortes, elles effluent au moins une senteur inconnue, qu’elles sont vraiment originales et dans la peinture du temps, à part.

Ici, à Dijon, cette adoration est évidemment inférieure ; elle a du reste souffert de l’humidité et passé par la cuisine des rebouteurs ; mais l’empreinte de l’artiste y semble quand même marquée.

Marie, agenouillée devant l’enfant et tournant le dos à l’étable, avère le type habituel de ses notre dame, mais elle est plus bourgeoise, plus matrone, moins raffinée que les vierges de Bruxelles et d’Aix ; le saint Joseph avec son petit cierge rappelle les saints Joseph de Van Der Weyden dont s’empara Memlic ; les bergers avec leurs cornemuses, les femmes qui adorent sans joie le Jésulus, gringalet comme presque tous les petits Jésus de ce siècle ; les anges qui déroulent des banderoles dans un paysage dont les nuances furent fraîches et claires, sont enviables, mais là encore, il y a je ne sais quoi de contourné et de frigide ; l’allégresse ne sourd pas de l’ensemble. Décidément ce Jacques Daret devait être un homme à ferveurs obturées, à prières sèches.

Avec tout cela, se dit-il, je ne vois pas, parmi cette série de primitifs, les vestiges de cette fameuse école de Bourgogne qui nous a valu, au louvre, une salle particulière, presque exclusivement composée de tableaux flamands.

J’ai beau fouiller les musées et feuilleter les comptes des divers officiers de la trésorerie de Bourgogne, je ne déniche que des gens originaires de la Hollande ou des Flandres ; je ne trouve aucun peintre qui soit issu des provinces de la France d’alors. N’est-il pas évident d’ailleurs que si de véritables artistes avaient existé, de leur temps, en France, les ducs de Bourgogne ne se seraient pas donné la peine de faire venir à grands frais des étrangers de leur pays ?

Imaginée par cette déraison spéciale qu’est la chauvinite de l’art, cette école n’est donc qu’un attrape-nigauds, qu’un leurre. — Mais, si, au lieu de ratiociner, je filais, reprit-il, en consultant sa montre. Il jeta un dernier coup d’œil autour de lui. Ce musée, se dit-il, mérite d’être adulé ; malheureusement, tout y est un peu du vieux neuf ; à Dijon, tout est restauré, depuis le Jacquemart, les marmousets, les fresques de Notre-Dame, les façades et les nefs des autres églises, jusqu’aux mausolées des ducs de Bourgogne et aux retables ; mais, n’importe, pour être juste, quel abri délicieux que cette salle des gardes, avec ses tombeaux et ses peintures, — avec sa tapisserie du siège de Dijon, dont les roses fanées et les indigos durcis, saillant de la teinte bleuâtre des laines, sont une caresse pour l’œil, — avec sa haute cheminée gothique dont le panneau de fermeture est le dossier armorié du siège de Jean Sans Peur.

Il quitta le musée et, en deux pas, il fut sur la place saint Etienne au bout de laquelle s’érige l’église de saint Michel.

Celle-là exhaussait une façade de la renaissance, et des tours encadrées de contreforts et des coupoles octogones, surmontées de boules d’or, qui ressemblaient, vues d’en bas, à deux oranges. Encore qu’il ne raffolât point de ce style, Durtal devait bien se dire que cette église était un des plus purs spécimens du genre ; elle avait subi moins de mésalliances que tant d’autres, devenues des métis dont la filiation restait obscure. Celle-là, du dehors, au moins, avait de la race. Au dedans, c’était autre chose, elle était de style ogival et de nombreuses innovations y avaient été insérées après coup ; elle possédait, en tout cas, à gauche, une petite chapelle de la vierge, un peu hétéroclite avec ses vitres qui représentaient de vagues sybilles et des anges à écussons, une chapelle néanmoins intime, où l’on pouvait en paix se recueillir.

Mais Durtal n’avait pas, ce jour-là, le temps d’y séjourner. Il s’occupa de ses emplettes et rejoignit, après s’être allé lire les journaux dans un café, la gare.

Si les nouvelles précises qu’il cherchait sur la loi des congrégations étaient, ce matin-là, quasi nulles, par contre, les articles de la presse maçonnique débordaient d’injures sur les religieux et les nonnes. Elle poussait furieusement à la roue, exigeait du gouvernement qu’il exterminât les écoles congréganistes et dispersât, en attendant mieux, les cloîtres ; et les diatribes sur les jésuitières, sur les milliards des frocards et des cornettes, se succédaient en un style de voirie, en une langue de terrain vague.

Il est impossible que les vassaux de ces éviers ne soient pas des roussins ou des adultères, des défroqués ou des larrons, car l’étiage de la haine contre Dieu est, pour chacun de ces gens, celui de ses propres fautes ; n’exècre l’église que celui qui craint ses reproches et ceux de sa conscience. Ah ! si l’on pouvait ouvrir l’âme de ces homais en délire, ce qu’on découvrirait, dans l’amalgame de leur fumier de péchés, d’extravagants composts, se disait Durtal, en se promenant sur le quai.

Deux moines sortirent à ce moment d’une salle d’attente, le P. Emonot, le zélateur et le p. Brugier, le cellerier.

— Ah ! ça, firent-ils gaiement, en serrant la main de Durtal, tout le monde est donc à Dijon aujourd’hui, et aussitôt, ils s’entretinrent de mgr Triaurault dont les infirmités s’aggravaient et qui était décidé à donner sa démission et ils citaient les candidats possibles : l’abbé Le Nordez ou un curé de Paris ; puis ils causèrent du nouveau curé du Val des Saints et des conditions qui allaient être infligées aux moines.

— Le père de Fonneuve que j’ai vu, ce matin, ne m’en a pas parlé ! s’écria Durtal.

— Il ignorait les clauses stipulées par l’Évêque ; nous venons, nous, de les apprendre à l’instant, et encore par hasard, en rencontrant dans la rue l’un des gros bonnets de l’évêché.

— Et quelles sont ces conditions ?

— Les voici, répondit le cellerier, un fort gaillard, à la face rase et bleue, à l’œil noir et aux lèvres minces, un méridional qui avait été jadis économe dans un séminaire.

Nous garderons l’église, les jours de la semaine, mais nous n’y mettrons plus les pieds, le dimanche ; ce jour-là, nous nous réunirons dans notre oratoire, car le sanctuaire appartiendra au curé seul ; ensuite, nous n’aurons plus le droit de confesser les personnes du village…

— Comment, nous ne pourrons plus nous confesser aux Bénédictins ! mais c’est monstrueux ; on ne peut cependant obliger les fidèles à s’adresser à un prêtre désigné ; chacun est libre de choisir le directeur qui lui plaît ; le droit est formel et l’arrêt de votre épiscope est nul ; ce qu’il aurait bien fait, dans tous les cas, de démissionner, celui-là, avant de nous jouer un tour de cette façon !

— Oh ! fit le P. Emonot, vous, vous êtes oblat ou du moins vous allez l’être ; vous pouvez par conséquent prétendre que vous relevez de la juridiction de l’Abbé et non de celle de l’évêque ; cette mesure ne vous touche donc pas ; d’ailleurs, oblat ou non, tout homme est libre de venir nous rendre visite dans notre cellule et chez nous, nous n’admettons qu’une autorité, celle du père Abbé ; nous continuerons donc, avec sa permission, à administrer, comme par le passé, le sacrement de pénitence à nos clients.

— Oui, appuya le P. Brugier, l’interdiction de Mgr Triaurault ne peut porter que sur l’église qui est jusqu’à un certain point paroissiale, mais, qu’il le veuille ou non, elle s’arrête au seuil de notre cloître.

— Bien, mais les femmes ? Mlle de Garambois et ma bonne, par exemple !

— Ah ça, c’est une autre affaire ; elles ne peuvent pénétrer dans la clôture et dès lors la question se complique ; mais elle est facile à résoudre ; la défense épiscopale ne s’étend qu’au Val des Saints et, hors de ce bourg, nous conservons tous nos pouvoirs. Il sera par conséquent facile à chacun de nous d’aller, une fois par semaine, à Dijon où nous attendrons nos pénitentes dans un des confessionnaux de la chapelle des Carmélites ou de tout autre Ordre.

— C’est égal, avouez que c’est roide, un prélat voulant imposer de force un confesseur ; c’est un véritable viol de conscience ; mais, voyons, votre père Abbé a dû être consulté ; il ne s’est donc pas défendu ?

— Il a été, tout juste prévenu, dit le P. Brugier.

— Le Révérendissime est ami de la paix, ajouta prudemment Dom Emonot qui changea aussitôt la conversation et se mit à deviser avec le cellerier du noviciat.

Ce père Emonot, il était peu sympathique à Durtal, avec sa grosse tête enfoncée dans le cou et toujours renversée en arrière, son œil glissant sous ses lunettes, son nez effilé aux narines pochetées, semblables à des bouts de pinces à sucre ; mais ce qui gênait en lui, c’était moins son teint jaune, son air chafouin, son ton doctoral et son rire aigre, que ces mouvements nerveux qui lui agitaient constamment la face.

La vérité était que ces zigzags de traits pouvaient s’appeler les tics du scrupule.

Dom Emonot souffrait, ainsi que beaucoup de prêtres et de nombreux fidèles, de cette terrible maladie de l’âme ; et il sursautait tout à coup, se crispait, repoussait, ainsi que d’un geste de physionomie, une vague tentation, s’assurait par un geste de dénégation, par un petit recul, qu’il la repoussait et ne péchait pas.

Cette infirmité était issue d’une vertu vraiment foncière, d’un ardent désir de perfection et l’on s’expliquait son étroitesse d’esprit, son bégueulisme lorsqu’on songeait que tout était pour lui une cause d’appréhension, un sujet de reproches et de plaintes.

Mais cela dit, il fallait reconnaître qu’il était homme de bon sens, expert à mener les âmes qui pouvaient tolérer son régime, dans les montées de la voie rude, très clairvoyant sur la situation actuelle de son Ordre.

Durtal revenait un peu de ses préventions, en l’entendant s’exprimer fort sagement sur ses élèves.

— On rit, disait-il, du fameux moule, cher aux jésuites, sans s’apercevoir que, sous une empreinte qui semble pareille, il n’y a pas de gens plus différents entre eux que les jésuites. La règle de saint Ignace a plané les défauts, émondé les caractères, mais elle n’a nullement tué la personnalité, comme tant de gens le pensent. Plût à Dieu qu’il en fût ainsi chez nous ! Ce qui nous manque, c’est justement un moule où nous puissions couler les débutants. Je sais bien que, dans certaines maisons de notre congrégation, on juge ces procédés de culture mesquins et déprimants ; l’on n’y parle que de dilater l’âme. Hélas ! On ne la dilate pas, on l’abandonne à elle-même.

Et puis, je veux bien croire que, pendant le temps de la probation, l’on réussira à inculquer l’esprit de discipline, à susciter le goût de la vie intérieure aux novices — et après ? Quand ces âmes, comprimées, auront échappé aux épreuves du noviciat et qu’elles auront franchi le délai, après lequel cesse la surveillance de la jeune paternité, elles détendront leur ressort et c’est à ce moment-là que le danger commence ; il faudrait continuer à les tenir en bride, et les mâter par une occupation absorbante, par un travail assidu, voire même par des labeurs corporels pénibles.

Et c’est le contraire qui a lieu ; le Bénédictin soi-disant mûr, est libre ; ne travaille que celui qui veut ; et c’est bien tentant de ne rien faire ; on finit par se laisser aller, par s’arranger une existence de rentier tranquille ; et le religieux qui ne travaille pas, bavarde, dérange les autres, fomente des brigues. Ainsi que le dit très bien notre père saint Benoît, l’oisiveté est l’ennemie de l’âme « otiositas inimica est animae ».

— Oui, l’on devient des ronds-de-cuir pieux et l’office lui-même sent la conserve, avec ses psaumes marinés dans la saumure de leur chant.

Le P. Emonot sourit d’assez mauvaise grâce.

— Vous avez une façon naturaliste d’envisager les choses et de les résumer qui est plus que singulière.

— Je blague, repartit Durtal, mais n’empêche, mon père, que vous n’ayez mille fois raison ; un moine inoccupé est un moine à moitié perdu, car enfin le travail… c’est du péché en moins !

— Certes, fit le cellerier, mais il est plus facile de signaler le péril que de le conjurer. Il conviendrait de changer le système du noviciat, de relever le niveau des études qui est faible ; il conviendrait surtout de ne pas admettre de paresseux. Cela regarde Dom Felletin ; il est assez intelligent pour le comprendre.

— Sans doute, dit le père Emonot, c’est un remarquable maître des novices.

— Puis il y a de la sainteté en lui, poursuivit Dom Brugier.

— La sainteté de saint Pierre ! Jeta Dom Emonot dont l’œil s’alluma, sous ses lunettes, d’une lueur.

De saint Pierre ? se demanda Durtal. Qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce une rosserie ? Cela veut-il dire qu’avant d’être un saint, Dom Felletin fut un traître ?

Mais l’œil étant éteint et lorsque Durtal le scruta, il n’y vit que du bleu mort. Le zélateur était d’ailleurs aussitôt passé à un autre sujet d’entretien.

Il discutait maintenant avec le cellerier sur certains ornements d’église que le nouveau curé réclamait, comme appartenant non à l’abbaye mais à la cure, et c’était une interminable énumération d’étoles, de chasubles, de chapes. Ce défilé n’intéressait guère Durtal ; aussi ne fut-il pas fâché, quand le train fit halte au Val des Saints, de prendre congé des deux religieux et de rentrer chez lui.