L’Oiseau bleu, féerie en six actes et douze tableaux/04
ACTE TROISIÈME
QUATRIÈME TABLEAU
LE PALAIS DE LA NUIT
Une vaste et prodigieuse salle d’une magnificence austère, rigide, métallique et sépulcrale, donnant l’impression d’un temple grec ou égyptien, dont les colonnes, les architraves, les dalles, les ornements seraient de marbre noir, d’or et d’ébène. La salle est en forme de trapèze. Des degrés de basalte, qui occupent presque toute sa largeur, la divisent en trois plans successifs qui s’élèvent graduellement vers le fond. À droite et à gauche, entre les colonnes, des portes de bronze sombre. Au fond, porte d’airain monumentale. Une lumière diffuse qui semble émaner de l’éclat même du marbre et de l’ébène éclaire seule le palais.
Qui va là ?…
C’est moi, mère la Nuit… Je n’en peux plus…
Qu’as-tu donc, mon enfant ?… Tu es pâle, amaigrie et te voilà crottée jusqu’aux moustaches. Tu t’es encore battue dans les gouttières, sous la neige et la pluie ?…
Il est bien question de gouttières !… C’est de notre secret qu’il s’agit !… C’est le commencement de la fin !… J’ai pu m’échapper un instant pour vous prévenir ; mais je crains bien qu’il n’y ait rien à faire…
Quoi ?… Qu’est-il donc arrivé ?…
Je vous ai déjà parlé du petit Tyltyl, le fils du bûcheron, et du Diamant merveilleux… Eh bien, il vient ici pour vous réclamer l’Oiseau-Bleu…
Il ne le tient pas encore…
Il le tiendra bientôt, si nous ne faisons pas quelque miracle… Voici ce qui se passe : la Lumière qui le guide et qui nous trahit tous car elle s’est mise entièrement du parti de l’Homme, la Lumière vient d’apprendre que l’Oiseau-Bleu, le vrai, le seul qui puisse vivre à la clarté du jour, se cache ici, parmi les oiseaux bleus des songes qui se nourrissent des rayons de lune et meurent dès qu’ils voient le soleil… Elle sait qu’il lui est interdit de franchir le seuil de votre palais ; mais elle y envoie les enfants ; et comme vous ne pouvez pas empêcher l’Homme d’ouvrir les portes de vos secrets, je ne sais trop comment tout cela finira… En tout cas, s’ils avaient le malheur de mettre la main sur le véritable Oiseau-Bleu, nous n’aurions plus qu’à disparaître…
Seigneur, Seigneur !… En quels temps vivons-nous ! Je n’ai plus une minute de repos… Je ne comprends plus l’Homme, depuis quelques années… Où veut-il en venir ?… Il faut donc qu’il sache tout ?… Il a déjà saisi le tiers de mes Mystères, toutes mes Terreurs ont peur et n’osent plus sortir, mes Fantômes sont en fuite, la plupart de mes Maladies ne se portent pas bien…
Je sais, ma mère la Nuit, je sais, les temps sont durs, et nous sommes presque seules à lutter contre l’Homme… Mais je les entends qui s’approchent… Je ne vois qu’un moyen : comme ce sont des enfants, il faut leur faire une telle peur qu’ils n’oseront pas insister ni ouvrir la grande porte du fond, derrière laquelle se trouvent les oiseaux de la Lune… Les secrets. des autres cavernes suffiront à détourner leur attention ou à les terrifier…
Qu’est-ce que j’entends ?… Ils sont donc plusieurs ?
Ce n’est rien ; ce sont nos amis le Pain et le Sucre ; l’Eau est indisposée et le Feu n’a pu venir, parce qu’il est parent de la Lumière… Il n’y a que le Chien qui ne soit pas pour nous ; mais il n’y a jamais moyen de l’écarter…
Entrent timidement, à droite, au premier plan, Tyltyl, Mytyl, le Pain, le Sucre et le Chien.
Par ici, par ici, mon petit maître… J’ai prévenu la Nuit qui est enchantée de vous recevoir. Il faut l’excuser, elle est un peu souffrante ; c’est pourquoi elle n’a pu aller au-devant de vous…
Bonjour, madame la Nuit…
Bonjour ? Je ne connais pas ça… Tu pourrais bien me dire bonne nuit, ou tout au moins : bonsoir…
Pardon, madame… Je ne savais pas… (Montrant du doigt les deux enfants.) Ce sont vos deux petits garçons ?… Ils sont bien gentils…
Oui, voici le Sommeil…
Pourquoi qu’il est si gros ?…
C’est parce qu’il dort bien…
Et l’autre qui se cache ?… Pourquoi qu’il se voile la figure ?… Est-ce qu’il est malade ?… Comment c’est qu’il se nomme ?…
C’est la sœur du Sommeil… Il vaut mieux ne pas la nommer…
Pourquoi ?…
Parce que c’est un nom qu’on n’aime pas à entendre… Mais parlons d’autre chose… La Chatte vient de me dire que vous venez ici pour chercher l’Oiseau-Bleu ?…
Oui, madame, si vous le permettez… Voulez-vous me dire où il est ?…
Je n’en sais rien, mon petit ami… Tout ce que je puis affirmer, c’est qu’il n’est pas ici… Je ne l’ai jamais vu…
Si, si… La Lumière m’a dit qu’il est ici ; et elle sait ce qu’elle dit, la Lumière… Voulez-vous me remettre vos clefs ?…
Mais, mon petit ami, tu comprends bien que je ne puis donner ainsi mes clefs au premier venu… J’ai la garde de tous les secrets de la Nature, j’en suis responsable et il m’est absolument défendu de les livrer à qui que ce soit, surtout à un enfant…
Vous n’avez pas le droit de les refuser à l’Homme qui les demande… je le sais…
Qui te l’a dit ?…
La Lumière…
Encore la Lumière ! et toujours la Lumière !… De quoi se mêle-t-elle à la fin ?…
Veux-tu que je les lui prenne de force, mon petit dieu ?…
Tais-toi, tiens-toi tranquille et tâche d’être poli… (À la Nuit.) Voyons, madame, donnez-moi vos clefs, s’il vous plaît…
As-tu le signe, au moins ?… Où est-il ?…
Voyez le Diamant…
Enfin… Voici celle qui ouvre toutes les portes de la salle… Tant pis pour toi s’il t’arrive malheur… Je ne réponds de rien.
Est-ce que c’est dangereux ?…
Dangereux ?… C’est-à-dire que moi-même je ne sais trop comment je pourrai m’en tirer, lorsque certaines de ces portes de bronze s’ouvriront sur l’abîme… Il y a là, tout autour de la salle, dans chacune de ces cavernes de basalte, tous les maux, tous les fléaux, toutes les maladies, toutes les épouvantes, toutes les catastrophes, tous les mystères qui affligent la vie depuis le commencement du monde… J’ai eu assez de mal à les enfermer là avec l’aide du Destin ; et ce n’est pas sans peine, je vous assure, que je maintiens un peu d’ordre parmi ces personnages indisciplinés… On voit ce qu’il arrive lorsque l’un d’eux s’échappe et se montre sur terre…
Mon grand âge, mon expérience et mon dévouement font de moi le protecteur naturel de ces deux enfants ; c’est pourquoi, madame la Nuit, permettez-moi de vous poser une question.
Faites…
En cas de danger, par où faut-il fuir ?…
Il n’y a pas moyen de fuir.
Commençons par ici… Qu’y a-t-il derrière cette porte de bronze ?…
Je crois que ce sont les Fantômes… Il y a bien longtemps que je ne l’ai ouverte et qu’ils ne sont sortis…
Je vais voir… (Au Pain) Avez-vous la cage de l’Oiseau-Bleu ?…
Ce n’est pas que j’aie peur, mais ne croyez-vous pas qu’il serait préférable de ne pas ouvrir et de regarder par le trou de la serrure ?…
Je ne vous demande pas votre avis…
J’ai peur !… Où est le Sucre ?… Je veux rentrer à la maison !…
Ici, mademoiselle, je suis ici… Ne pleurez pas, je vais couper un de mes doigts pour vous offrir un sucre d’orge…
Finissons-en…
Vite ! vite !… Ferme la porte !… Ils s’échapperaient tous et nous ne pourrions plus les rattraper !… Ils s’ennuient là-dedans, depuis que l’Homme ne les prend plus au sérieux… (Elle pourchasse les Spectres en s’efforçant, à l’aide d’un fouet formé de serpents, de les ramener vers la porte de leur prison.) Aidez-moi !… Par ici !… Par ici !…
Aide-la, Tylô, vas-y donc !…
Oui ! oui ! oui !…
Et le Pain, où est-il ?…
Ici… Je suis près de la porte pour les empêcher de sortir…
Par ici, vous autres !… (À Tyltyl.) Rouvre un peu la porte… (Elle pousse les Spectres dans la caverne.) Là, ça va bien… (Le Chien en ramène deux autres.) Et encore ceux-ci… Voyons, vite, rangez-vous… Vous savez bien que vous ne sortez plus qu’à la Toussaint.
Elle referme la porte.
Qu’y a-t-il derrière celle-ci ?…
À quoi bon ?… Je te l’ai déjà dit, l’Oiseau-Bleu n’est jamais venu par ici… Enfin, comme tu voudras… Ouvre-la si ça te fait plaisir… Ce sont les Maladies…
Est-ce qu’il faut prendre garde en ouvrant ?…
Non, ce n’est pas la peine… Elles sont bien tranquilles, les pauvres petites… Elles ne sont pas heureuses… L’Homme, depuis quelque temps, leur fait une telle guerre !… Surtout depuis la découverte des microbes… Ouvre donc, tu verras…
Elles ne sortent pas ?…
Je t’avais prévenu, presque toutes sont souffrantes et bien découragées… Les médecins ne sont pas gentils pour elles… Entre donc un instant, tu verras…
L’Oiseau-Bleu n’y est pas… Elles ont l’air bien malades, vos Maladies… Elles n’ont même pas levé la tête… (Une petite Maladie, en pantoufles, robe de chambre et bonnet de coton, s’échappe de la caverne et se met à gambader dans la salle.) Tiens !… Une petite qui s’évade !… Qu’est-ce que c’est ?…
Ce n’est rien, c’est la plus petite, c’est le Rhume de cerveau… C’est une de celles qu’on persécute le moins et qui se portent le mieux… (Appelant le Rhume de cerveau.) Viens ici, ma petite… C’est trop tôt ; il faut attendre le printemps…
Voyons donc celle-ci… Qu’est-ce que c’est ?…
Prends garde… Ce sont les Guerres… Elles sont plus terribles et plus puissantes que jamais. Dieu sait ce qui arriverait si l’une d’elles s’échappait !… Heureusement, elles sont assez obèses et manquent d’agilité… ! Mais tenons-nous prêts à repousser la porte tous ensemble, pendant que tu jetteras un rapide coup d’œil dans la caverne…
Vite ! vite !… Poussez donc !… Elles m’ont vu !… Elles viennent toutes !… Elles ouvrent la porte !…
Allons, tous !… Poussez ferme !… Voyons, le Pain, que faites-vous ?… Poussez tous !… Elles ont une force !… Ah ! voilà ! Ça y est… Elles cèdent… Il était temps !… As-tu vu ?…
Oui, oui !… Elles sont énormes, épouvantables !… Je crois qu’elles n’ont pas l’Oiseau-Bleu.
Bien sûr qu’elles ne l’ont point… Elles le mangeraient tout de suite… Eh bien, en as-tu assez ?… Tu vois bien qu’il n’y a rien à faire…
Il faut que je voie tout… La Lumière l’a dit…
La Lumière l’a dit… C’est facile à dire quand on a peur et qu’on reste chez soi…
Allons à la suivante… Qu’est-ce ?…
Ici, j’enferme les Ténèbres et les Terreurs…
Est-ce qu’on peut ouvrir ?…
Parfaitement… Elles sont assez tranquilles ; c’est comme les Maladies…
Elles n’y sont pas…
Eh bien, les Ténèbres, que faites-vous ?… Sortez donc un instant, ça vous fera du bien, ça vous dégourdira. Et les Terreurs aussi… Il n’y a rien à craindre… (Quelques Ténèbres et quelques Terreurs, sous la figure de femmes couvertes, les premières de voiles noirs, les dernières de voiles verdâtres, risquent piteusement quelques pas hors de la caverne, et, sur un geste qu’ébauche Tyltyl, rentrent précipitamment.) Voyons, tenez-vous donc… C’est un enfant, il ne vous fera pas de mal… (À Tyltyl). Elles sont devenues extrêmement timides ; excepté les grandes, celles que tu vois au fond…
Oh ! qu’elles sont effrayantes !…
Elles sont enchaînées… Ce sont les seules qui n’aient pas peur de l’Homme… Mais referme la porte, de crainte qu’elles ne se fâchent…
Tiens !… Celle-ci est plus sombre… Qu’est-ce que c’est ?… !
Il y a plusieurs Mystères derrière celle-ci… Si tu y tiens absolument, tu peux l’ouvrir aussi… Mais n’entre pas… Sois bien prudent, et puis préparons-nous à repousser la porte, comme nous avons fait pour les Guerres…
Oh !… Quel froid !… Mes yeux cuisent !… Fermez vite !… Poussez donc ! On repousse !… (La Nuit, le Chien, la Chatte et le Sucre repoussent la porte.) Oh ! j’ai vu !…
Quoi donc ?…
Je ne sais pas, c’était épouvantable !… Ils étaient tous assis comme des monstres sans yeux… Quel était le géant qui voulait me saisir ?… …
C’est probablement le Silence, il a la garde de cette porte… Il paraît que c’était effrayant ?… Tu en es encore tout pâle et tout tremblant…
Oui, je n’aurais pas cru… Je n’avais jamais vu… Et j’ai les mains gelées…
Ce sera bien pis tout à l’heure si tu continues…
Et celle-ci ?… Est-elle aussi terrible ?…
Non, il y a un peu de tout… J’y mets les Étoiles sans emploi, mes parfums personnels, quelques Lueurs qui m’appartiennent, tels que feux-follets, vers luisants, lucioles ; on y serre aussi la Rosée, le Chant des Rossignols, etc…
Justement, les Étoiles, le Chant des Rossignols… Ce doit être celle-là.
Ouvre-donc si tu veux ; tout cela n’est pas bien méchant…
Oh ! les jolies madames !…
Et qu’elles dansent bien !…
Et qu’elles sentent bon !…
Et qu’elles chantent bien !…
Qu’est-ce que c’est, ceux-là, qu’on ne voit presque pas ?…
Ce sont les Parfums de mon ombre…
Et les autres, là-bas, qui sont en verre filé ?…
C’est la Rosée des forêts et des plaines… Mais en voilà assez… Ils n’en finiraient pas… C’est le diable de les faire rentrer une fois qu’ils se sont mis à danser… (Frappant dans ces mains.) Allons, vite, les Étoiles !… Ce n’est pas le moment de danser… Le ciel est couvert, il y a de gros nuages… Allons, vite, rentrez tous, sinon j’irai chercher un rayon de soleil…
Voici la grande porte du milieu…
N’ouvre pas celle-ci…
Pourquoi ?…
Parce que c’est défendu…
C’est donc là que se cache l’Oiseau-Bleu ; la Lumière me l’a dit…
Écoute-moi, mon enfant… J’ai été bonne et complaisante… J’ai fait pour toi ce que je n’avais fait jusqu’ici pour personne… Je t’ai livré tous mes secrets… Je t’aime bien, j’ai pitié de ta jeunesse et de ton innocence et je te parle comme une mère… Écoute-moi et crois-moi, mon enfant, renonce, ne va point plus avant, ne tente pas le Destin, n’ouvre pas cette porte…
Mais pourquoi ?…
Parce que je ne veux pas que tu te perdes… ! Parce que nul de ceux, entends-tu, nul de ceux qui l’ont entr’ouverte, ne fût-ce que de l’épaisseur d’un cheveu, n’est revenu vivant à la lumière du jour… Parce que tout ce qu’on peut imaginer d’épouvantable, parce que toutes les terreurs, toutes les horreurs dont on parle sur terre, ne sont rien, comparées à la plus innocente de celles qui assaillent un homme dès que son œil effleure les premières menaces de l’abîme auquel personne n’ose donner un nom… C’est au point que moi-même, si tu t’obstines, malgré tout, à toucher cette porte, je te demanderai d’attendre que je sois à l’abri dans ma tour sans fenêtres… Maintenant c’est à toi de savoir, à toi de réfléchir.
Ne le faites pas, mon petit maître !… (Se jetant à genoux.) Ayez pitié de nous !… Je vous le demande à genoux… Vous voyez que la Nuit a raison…
C’est notre vie à tous que vous sacrifiez…
Je dois l’ouvrir…
Je ne veux pas !…Je ne veux pas !…
Que le Sucre et le Pain prennent Mytyl par la main et se sauvent avec elle… Je vais ouvrir.
Sauve qui peut !… Venez vite !… Il est temps !…
Elle fuit.
Attendez au moins que nous soyons au bout de la salle !…
Attendez !… attendez !…
Moi, je reste, je reste… Je n’ai pas peur… Je reste !… Je reste près de mon petit dieu… Je reste !… Je reste…
C’est bien, Tylô, c’est bien !… Embrasse-moi… Nous sommes deux… Maintenant gare à nous !… (Il met la clef dans la serrure. Un cri d’épouvante part de l’autre bout de la salle où se sont réfugiés les fuyards. À peine la clef a-t-elle touché la porte que les hauts battants de celle-ci s’ouvrent par le milieu, glissent latéralement et disparaissent, à droite et à gauche, dans l’épaisseur des murs, découvrant tout à coup, irréel, infini, ineffable, le plus inattendu des jardins de rêve et de lumière nocturne, où, parmi les étoiles et les planètes, illuminant tout ce qu’ils touchent, volant sans cesse de pierreries en pierreries, de rayons de lune en rayons de lune, de féeriques oiseaux bleus évoluent perpétuellement et harmonieusement jusqu’aux confins de l’horizon, innombrables au point qu’ils semblent être le souffle, l’atmosphère azurée, la substance même du jardin merveilleux. — Tyltyl, ébloui, éperdu, debout dans la lumière du jardin :) Oh !… le ciel… (Se tournant vers ceux qui ont fui.) Venez vite !… Ils sont là !… C’est eux ! c’est eux ! c’est eux !…Nous les tenons enfin !… Des milliers d’oiseaux bleus ! Des millions !… Des milliards !… Il y en aura trop !… Viens, Mytyl !… Viens, Tylô !… Venez tous !… Aidez-moi !… (S’élançant parmi les oiseaux.) On les prend à pleines mains !… Ils ne sont pas farouches !… Ils n’ont pas peur de nous !… Par ici ! par ici !… (Mytyl et les autres accourent. Ils entrent tous dans le jardin éblouissant, hormis la Nuit et là Chatte.) Vous voyez !… Ils sont trop !… Ils viennent dans mes mains !… Regardez donc, ils mangent les rayons de la lune !… Mytyl, où donc es-tu ?… Il y a tant d’ailes bleues, tant de plumes qui tombent qu’on n’y voit plus du tout !… Tylô ! ne les mord pas… Ne leur fais pas de mal !… Prends-les très doucement !
J’en ai déjà pris sept !… Oh ! qu’ils battent des ailes !… Je ne puis les tenir !…
Moi non plus !… J’en ai trop !… Ils s’échappent !… Ils reviennent !… Tylô en a aussi !… Ils vont nous entraîner !… nous porter dans le ciel !… Viens, sortons par ici !… La Lumière nous attend !… Elle sera contente !… Par ici, par ici !…
Ils ne l’ont pas ?…
Non… Je le vois là sur ce rayon de lune… Ils n’ont pas pu l’atteindre, il se tenait trop haut…
Eh bien, l’avez-vous-pris ?…
Oui, oui !… Tant qu’on voulait… Il y en a des milliers !… Les voici !… Les vois-tu !… (Regardant les oiseaux qu’il tend vers la Lumière et s’apercevant qu’ils sont morts.) Tiens !… Ils ne vivent plus… Qu’est-ce qu’on leur a fait ?… Les tiens aussi, Mytyl ?… Ceux de Tylô aussi. (Jetant avec colère les cadavres d’oiseaux.) Ah ! non, c’est trop vilain !… Qui est-ce qui les a tués ?… Je suis trop malheureux !…
Il se cache la tête sous le bras et paraît tout secoué de sanglots.
Ne pleure pas, mon enfant… Tu n’as pas pris celui qui peut vivre en plein jour… Il est allé ailleurs… Nous le retrouverons…
Est-ce qu’on peut les manger ?…
Ils sortent tous à gauche.