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L’Ombre des roses/La Fin

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LA FIN


« N’est-ce pas, en dépit des sots et des méchants… » etc.
Verlaine.


Je sais, quand ils joindront leurs mains avec silence,
Après avoir ouvert le pauvre petit livre
Et lu, qu’ils auront l’âme un peu triste et tremblante
Comme une eau claire où des feuilles s’en vont mourir…
 
Je sais qu’ils se diront que ce n’est pas possible.
Et souriant ensemble d’un sourire fidèle,
Entre les pages neuves du triste petit livre
Glisseront une fleur, un peu morte, mais belle
Et la douce pensée de leur Foi mutuelle.

Le soir sera si pur, au dehors, dans la plaine
Qu’on voit, en soulevant ensemble le rideau,
Et la lampe si blanche sur un chant de Verlaine :
« N’est-ce pas ?… N’est-ce pas ? » qu’on ne lit pas tout haut,
Mais très bas, parce qu’il n’y a rien de plus beau.

Tout le bonheur sera, ce soir-là, d’être tristes,
Tout l’amour, d’être seuls à sourire sans mots,
Tout l’espoir de prier ensemble — « Dieu l’assiste ! »
Et toute la bonté, de taire la pitié.

Mais ces choses étant comme les simples choses
Qui pleurent, chaque jour, sous le soleil heureux
Et ne pesant pas plus que l’ombre d’une rose
Ils fermeront le livre afin d’être joyeux.

Tandis que le silence encor se souviendra
Des morts délicieuses, hâtivement sereines.
Dans l’ombre de mes roses leur amour jasera
Comme l’âme enfantine du trouvère Verlaine.