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L’Usurpateur/24

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Marpon ; Flammarion (tome 2p. 150-155).

XXIV

LE TRAITÉ DE PAIX


Hiéyas consentait à mettre fin à la guerre, mais, comme l’avait dit Fidé-Yori, ses conditions étaient rudes.

— J’exige, avait-il dit, l’exécution d’une des trois propositions suivantes : que Fidé-Yori abandonne la forteresse et qu’il aille passer sept ans à Yamato ; que l’on me donne Yodogimi comme otage ou que l’on démolisse les murs et que l’on comble les fossés du château d’Osaka.

La dernière proposition seule était acceptable. Ce fut l’avis des généraux réunis en conseil de guerre. Yoké-Moura, cependant, considérait la destruction des remparts comme déplorable.

— Cette paix sera de courte durée, disait-il, et, si la guerre reprend, que deviendrons-nous avec notre château démantelé ?

Il était d’avis de laisser partir Yodogimi.

— Ma mère ! Y songes-tu, s’écria le siogoun. Une fois un tel otage entre ses mains, nous ne serions plus que les esclaves de Hiéyas.

— C’est vrai, s’écria le général Harounaga, on ne peut songer à cela.

— Nos murs une fois démolis, nous sommes sans défense. La guerre valait mieux qu’une paix semblable, reprit Yoké-Moura.

Il eût volontiers envoyé Yodogimi, il s’inquiétait peu d’une femme.

— Hiéyas a spécifié, dit quelqu’un, que les fossés devront être comblés de façon à ce que les enfants de trois ans puissent y descendre et en remonter sans peine.

— Dix mille ouvriers devront en toute hâte abattre les murailles, dit un autre.

Yoké-Moura soupira.

— Il faut accepter cela, dit le siogoun, nous y sommes contraints. À la moindre velléité de guerre, nous relèverons les murs, nous recreuserons les fossés.

— Puisque tu l’exiges, dit Yoké-Moura, je me range à ton avis ; démolissons la forteresse.

— C’est le général Signénari que je charge d’aller dans le camp de Hiéyas afin d’échanger les traités de paix ; il me représentera dignement et, j’en suis sûr, saura se conduire noblement dans cette affaire délicate.

— Je m’efforcerai de mériter la confiance que tu me témoignes, dit Signénari. J’attends tes ordres pour le départ.

— Tu as à peine essuyé le glaive qui vient de châtier la province de Toza, dit le siogoun, si tu as besoin d’un jour de repos, prends-le.

— Je partirai ce soir, dit Signénari.

Le jour même, en effet, le jeune général, accompagné d’une escorte nombreuse et magnifique, partit pour le camp de Hiéyas.

Hiéyas, après l’incendie de la forêt, dans lequel une partie de ses hommes avaient péri, s’était installé dans la plaine voisine. Il ne voulait pas abandonner cette position si proche d’Osaka. Du renfort lui était arrivé ; il avait alors marché contre Harounaga, qui occupait encore Soumiossi. Le général avait été battu et son armée mise en déroute. Cependant Hiéyas n’avait laissé qu’une avant-garde sur l’emplacement conquis et avait regagné son camp. C’était là que lui était parvenu l’ordre de faire la paix émanant du mikado. Hiéyas avait alors appelé près de lui quelques-uns des seigneurs de son conseil : Ovari, Dathé, Todo, Couroda ; tous furent d’avis qu’il était impossible de résister à l’ordre du fils des dieux ; qu’il fallait céder en apparence, mais créer un obstacle à la signature du traité.

— Faisons en sorte que Fidé-Yori refuse de signer la paix, disait Hiéyas. De cette façon, c’est sur lui que la colère du ciel tombera.

À sa grande surprise, on annonça à Hiéyas l’arrivée d’un envoyé d’Osaka. Fidé-Yori acceptait donc les conditions imposées.

— Quel est celui qu’il envoie ? demanda Hiéyas.

— Le général Signénari.

Le jeune guerrier, dont l’héroïsme était connu, inspirait une profonde estime même à ses ennemis. Lorsqu’il arriva dans son costume militaire et traversa le camp à cheval, les princes souverains le saluèrent.

Signénari ne répondit pas aux saluts.

— Que signifie cet orgueil ? demanda un seigneur.

Quelqu’un dit :

— Il représente le siogoun Fidé-Yori, il ne doit pas saluer.

On l’introduisit sous la tente du maître.

Hiéyas était assis au fond sur un pliant, à droite et à gauche on avait disposé des nattes sur le sol. Les princes, les généraux étaient présents.

On voulut faire asseoir Signénari à côté des princes, mais il sembla ne pas comprendre et s’assit en face de Hiéyas.

— C’est juste, dit un seigneur à voix basse, ce guerrier, malgré sa grande jeunesse, a déjà acquis la dignité et la prudence d’un vieillard.

Signénari déroula un papier.

— Voici les paroles de mon maître, du siogoun Fidé-Yori, fils du siogoun Taïko-Sama, dit-il. Et il lut le rouleau qu’il tenait entre ses mains : « Moi, Fidé-Yori, général en chef des armées du mikado, je consens, pour mettre fin à la guerre injuste que m’a déclarée Hiéyas, et qui désole le royaume, à accepter une des conditions imposées par mon adversaire, à la conclusion de la paix : je démolirai la première muraille de la forteresse d’Osaka et je comblerai les fossés, donc, toute hostilité cessera et l’on déposera les armes. J’ai écrit ceci en toute sincérité, le quinzième jour de la deuxième lune d’Automne, la dix-neuvième année du Nengo Kaï-Tio, et je signe avec mon sang : Fidé-Yori. »

— S’il en est ainsi, dit Hiéyas de sa voix faible et tremblante, j’accepte la paix.

Il fit apporter de quoi écrire et dicta à un secrétaire :

« Moi, Minamoto Hiéyas, proclamé siogoun par le prédécesseur de Go-Mitzou-No, au nom du siogoun Fidé-Tadda, en faveur duquel j’ai abdiqué, je consens à mettre fin à la guerre, à la condition que Fidé-Yori fera jeter à bas les murailles du château d’Osaka et combler ses fossés, de façon à ce que les enfants de trois ans puissent y descendre et en remonter en se jouant. »

On tendit à Hiéyas un pinceau neuf et une longue aiguille, avec laquelle il devait se piquer le bout du doigt afin de signer avec son sang.

Il se piqua faiblement et n’obtint qu’une gouttelette pâle ; il signa néanmoins, et l’on passa le traité à Signénari.

— Ceci ne peut suffire, dit le général en jetant les yeux sur le papier, le sang est trop pâle. Ton nom est illisible, recommence.

— Mais, dit Hiéyas, je suis vieux, je suis faible et malade ; pour moi, une goutte de sang est précieuse.

Signénari feignit de ne pas entendre.

Hiéyas en soupirant, se piqua de nouveau et renforça sa signature ; alors seulement, le jeune général lui donna le traité signé par Fidé-Yori.