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L’ancienne comédie « en Nexirue » à Metz

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L’ANCIENNE COMÉDIE « EN NEXIRUE » À METZ


Le vaste immeuble dit « Hôtel de Gargan en Nexirue, à Metz, attire depuis longtemps l’attention des archéologues et des touristes. Sa façade actuelle se compose de trois anciennes façades bien distinctes, dont les immeubles, séparés en principe, ont été réunis depuis 1800 environ, pour ne former qu’une seule et même habitation.

La première, qui est la plus ancienne, est du xiiie siècle elle est garnie de créneaux. La seconde est d’une architecture plus récente on croit que cette maison était l’habitation d’un seigneur du xve siècle. La troisième façade est d’une époque encore plus récente. Du reste, elle porte le millésime de sa construction 1578, date de la création du Jeu de Paume ou de balles. Plus petite et moins haute que les deux autres, elle n’était qu’une servitude établie entre la rue et la salle du jeu de paume qui était enclavée entre le ctoître et le jardin des Frères Prêcheurs. L’entrée du jeu de paume donnait rue Nexirue. Pendant son séjour à Metz en 1603, le roi Henri IV le visita journellement en compagnie des seigneurs de son entourage et, avant son départ, il en fit l’acquisition pour le donner à des serviteurs dévoués qui pouvaient l’exploiter à leur profit.

A cette époque lointaine, la ville de Metz n’avait pas encore de théâtre, les représentations avaient lieu au jeu de paume et, en 1703, il fut définitivement converti en salle de spectacle les travaux de construction coûtèrent 3.500 livres, dont l’entrepreneur Husson se remboursa en recevant, d’une année à l’autre, cinq livres par jour de représentation. Si l’on en juge par les diverses suppliques adressées aux Échevins en vue d’obtenir les autorisations nécessaires pour les exhibitions, le genre de spectacles donnés en Nexirue était très varié. A la date du 5 septembre 1688, un sieur Claude Mangot en était concessionnaire. C’est le premier dont le nom figure dans les documents des Archives municipales.

D’autre part, nous avons trouvé la présence à Metz d’une troupe de comédiens qui exerça en Nexirue pendant quelques années. Sur les registres de la paroisse Saint-Martin, nous avons relevé les actes suivants Le 26 avril 1692, fut baptisée une fille nommée Désirée. Le père, le sieur Georges Mousson, acteur de la troupe de Mgr le Dauphin la mère, demoiselle Desessarts, actrice de la même troupe le parrain, maître Jean Quinault, acteur de la même troupe la marraine, demoiselle Désirée Morisson, actrice de la même troupe.

Le 7 juin 1694, mariage de Jean Mousson, originaire de Villefranche, près de Lyon, demeurant paroisse Saint-Martin, fils de Georges Mousson, dit Durocher, avec Anne Lamothe, de la même paroisse. Témoins : le père de l’épouse Picard, maître à danser Jacques Prevost, de Paris Louis Mousson, frère du marié. De ce mariage naquit un fils, Nicolas Mousson, né et baptisé le 31 décembre 1694. Le 16 mars 1696, fut baptisée Mane-Hortense. fille de Georges Mousson et de Marie Desessarts.

En 1694, le sieur Florian demande et obtient la permission de jouer la "comédie artificielle» (marionnettes) à Metz, au lieu ordinaire. Le 25 janvier 1695, un sieur Doutin, danseur de corde, adresse une requête en vue de se livrer à ses exercices et aussi d’exhiber deux tigres. Le 14 janvier 1698, Jean Quinault d’une part, et Dominique Pite) de l’autre, sont de passage ils se recommandent de succès nombreux dans les cours des princes d’Allemagne et jouent la comédie. Le 21 août 1699, René Cherrier demande à jouer l’opéra. En 1700, François Pitel de Courteville, comédien ordinaire de Son Altesse de Lorraine, demande à jouer la comédie. En 1701, Jean Quinault demande, pour la troupe des comédiens de Son Altesse de Lorraine, la permission de jouer en cette ville. Toutefois, en dépit de sa destination artistique, le jeu de paume n’en servait pas moins à déposer les grains, puisque le 28 septembre ]703, le sieur Claude Antoine, bourgeois de Metz, concessionnaire dudit local, adresse une supplique aux Échevins. Les soirs de spectacle, il lui faut déplacer les sacs, sans quoi on les lui déchire, on les lui abîme les bouffons et les baladins font concurrence aux rats et aux souris et, de ce chef, il demande une indemnité.

En 1715, les comédiens du roi, établis à Aix-la-Chapelle, demandent la permission de jouer à Metz.

Pour récapituler, disons que, du ler octobre 1712 au 13 mars 1723, la salle fut louée à dix-huit chefs de troupes de comédiens. Le bâtiment avait dix-sept toises de longueur sur cinq toises de largeur la salle dix toises trois pieds de profondeur sur cinq de largeur il y avait un parterre de planches en talus doux deux rangées de loges l’une sur l’autre, contenant en tout trente toges un amphithéâtre sous lequel était une salle de café.

En 1729, le sieur Robert s’engage à jouer l’opéra et à rendre la salle et ses décorations sans dégradation à la ville. Le 7 août 1731, la salle est mise gratuitement à la disposition de la demoiselle Desjardins pour y jouer la comédie. Les marchands de rafraîchissements ne devaient y passer qu’à titre essentiellement mobile. En 1732 seulement, le 2 mai, une ordonnance signée de Brye, convoquait le public pour le 13 dudit mois, en la maison communale, pour procéder à l’adjudication du droit de vendre des rafraîchissements en la salle de spectacles. La concession fut accordée à une demoiselle Chéautt.

Vers 1733, les spectacles eurent une direction sédentaire confiée au sieur Clavel, dit Malo, lequel mourut à Metz en 1746. D’autre part, dans Le Pays Lorrain de 1925, j’ai donné des détails sur les Fleury (Liard-Fleury), famille de comédiens qui exerçaient leur talent sur la scène de Nexirue.

Dans les registres de la paroisse Saint-Gorgon, j’ai trouvé les noms de quelques autres artistes qui jouèrent sur la même scène En 1730, Marie-Madeleine Gentil, actrice de l’Opéra, établie à Metz, demeurait chez le sieur Peltier, en Nexirue. En 1732, Étienne Buquet, dit Maisoncelle, danseur de l’Opéra, était domicilié chez le même Peltier, en Nexirue.

Le 12 décembre 1734, est décédée Catherine de Beaufort, après avoir renoncé publiquement entre les mains de M. l’Évêque à une profession condamnée et répudiée par l’Église et avoir promis avec serment de ne plus remonter sur le théâtre et a été enterrée ledit jour en l’église SaintGorgon Ette était femme de Louis Blache de Bellerose, chirurgien opérateur.

En 1737, François Barrier, comédien, demeurait en Bonne Ruelle, et en 1739, le sieur Dubuisson, aussi comédien, est domicilié même rue. La construction de t’hostet des spectacles commence en i 739 Metz est alors un centre intellectuel et possède une forte garnison. La dernière fête officielle fut donnée dans la salle de Nexirue, à l’occasion de la fête de la naissance du duc de Bourgogne elle est rapportée en ces termes par Baltus, dans ses Annales de Metz Messieurs de l’Hôtel de Ville ont donné un bal au public dans l’ancien hôtel des spectacles, rue Nexirue, où plus de quinze cents personnes sont entrées par billets qui avaient été distribués avec discernement, et on y a fourny des rafraîchissemens avec abondance. » Cette même année, le théâtre actuel était terminé la première représentation eut lieu le 6 février 1752. L’ancienne salle de Nexirue fut appelée la Vieille Comédie et le 29 avril 1771, on mettait en vente les meubles et les vieux effets. Toutefois, le local servit encore à des saltimbanques. Pendant une soirée, en 1799, une galerie trop chargée de spectateurs s écrouta, sans avoir causé d’accidents graves, mais l’Administration municipale, ne voulant pas employer des fonds à une restauration inutile, ferma cette salle aux spectacles publics, puis elle vendit le bâtiment qui a été démoli sauf la façade.

J.-J. Barbé.

P.-S. Au cours de l’été, notre confrère a bien voulu nous faire part d’une récente et précieuse trouvaille les notes compHmentaires qu’on va tire sont empruntées au journal manuscrit du chevalier Laurent de Belchamps, qui se trouve à !a Bibliothèque de Metz elles concernent les spectacles des années 1728 à 1730, période pour laquelle le dossier des Archives municipales paraît plutôt pauvre. « Au mois d’août (1728) arriva une troupe de balladins ici, ils sont quarante, tous Allemands et d’une magnificence très grande. Ils sont venus avec quatre berlines dont une magnifique avec quatre chevaux superbes et beaucoup de valets de livrée. Ils furent remerciés le 13 septembre et remplacés en octobre par une troupe de comédiens italiens venus de Bruxelles, mais ceux-ci ont joué très mal, ils ont été sifnés. « Le 30 juin 1729, on a commencé l’ouverture de l’opéra par l’Aventure galante. La Dujardin, qui est l’entrepreneuse, est une excellente artiste. Elle a fait 900 livres ce jour-ta. On représente quatre fois par semaine. On aura un opéra nouveau tous les mois. On prend six livres au balcon, trois livres aux premières loges et premier rang de Famphithéâtre, quanrante sols au reste de l’amphithéâtre et vingt-quatre sols au parterre.

« Le )2 septembre suivant, à l’occasion de la naissance du Dauphin, les officiers du régiment du Roy ont donné à la Dujardin 400 livres pour représenter gratis l’opéra Les Fêtes vénitiennes et Le Miroir sans fard.

« Au début de t’année suivante, l’une des actrices de la troupe, MademoiseHs Brière tomba dangereusement malade. Avant de mourir, elle fut convertie par deux dames de la Confrérie du Rosaire et du TiersOrdre. Mademoiselle Brière a été enterrée à l’église Saint-Victor, le 18 avril 1730. Les femmes de l’Opéra lui portaient le coin du drap et tous les hommes de la troupe théâtrale avaient des cierges à la main. Le 25, ils doivent lui faire célébrer un service en musique. » En remerciant M. Barbé de cette nouvelle et précieuse contribution à nos recherches, le secrétaire se permettra d’insister une fois de plus auprès de <9t{s nos amis, pour qu’ils signalent dans le B<<He<M (dont ce devrait être le rôle principal) tous les indices qu’ils pourraient relever au cours de leurs lectures, de leurs recherches, voire même dans leurs papiers ou souvenirs de famille. Au milieu des légendes et des racontars, les documents sûrs n’abondent pas il n’y aura jamais trop de bonnes volontés pour les mettre au jour.