L’astronomie, poème en six chants/Texte entier

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PRÉFACE
DE L’ÉDITEUR.


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À la séance annuelle de l’Institut, du 24 avril 1825, M. le comte Daru lut un discours en vers sur les Facultés de l’Homme. De hautes pensées, de nobles sentiments exprimés avec précision, élégance et dignité, excitèrent dans l’assemblée des applaudissements unanimes. On remarqua surtout les vers suivants relatifs aux progrès de l’astronomie :


              … Ah ! toutes ces conquêtes,
Que l’art fit dans les cieux suspendus sur nos têtes,
Ont enflé mon orgueil et m’ont anéanti.
Autrefois pour nous seuls, de l’Orient sorti,

Le soleil chaque jour, fidèle à sa carrière,
Nous portait en tribut sa féconde lumière :
La terre était l’amour, le chef-d’œuvre des cieux.
Aujourd’hui ce soleil, cet époux radieux,
N’est qu’un point immobile ; et, sans être aperçue,
La terre autour de lui nage dans l’étendue.
Dix globes inégaux, dans leur course emportés,
Du souverain des cieux reçoivent les clartés,
Et la fille d’Herschell décrit son orbe immense
Loin des torrents de flamme où Mercure s’élance.
………… (Le soleil) ce superbe géant,
Quel est-il ? une étoile, un atome, un néant :
Invisible, perdu dans l’étendue immense,
Pour les mondes lointains il n’a pas d’existence ;
Pour eux il se confond dans ces pâles vapeurs
Que nous offrent des cieux les vastes profondeurs,
Et qu’à l’aide de l’art, présent de Galilée,
L’œil croit apercevoir dans la voûte étoilée.
Eh ! que peut être auprès de ce roi glorieux,
Qui lui-même s’éteint dans l’abîme des cieux,
Un satellite obscur, un amas de poussière
Qui reçoit tout de lui, la vie et la lumière ?
……………………………………………………
Si de nous ce flambeau retirait sa clarté,
Notre globe à l’instant stérile, inhabité,

 
Couvert de noirs frimas et de voiles funèbres,
Roulerait engourdi dans l’horreur des ténèbres.
Déjà de la chaleur le partage inégal,
De l’un et l’autre pôle aux bords du Sénégal,
Ne laisse entre la glace et la brûlante arène
Qu’une zone habitable à la nature humaine,
Et le roi de ce monde, à l’empire appelé,
Des trois parts de la terre est lui-même exilé.
Et ce serait pour lui que si loin de sa vue
Roulerait de soleils une foule inconnue !
L’atome se croirait, dans son illusion,
Le chef-d’œuvre et la fin de la création !
………………………………………………

Après cette lecture, l’illustre auteur de l’Exposition du Système du monde vint des premiers féliciter M. Daru sur le succès qu’il avait obtenu. « Un homme, lui dit-il, qui fait si bien les vers didactiques, devrait nous donner un poème sur l’astronomie. Dans ce siècle, où tous les esprits tendent vers l’étude des choses positives, la littérature semble appelée à parcourir une carrière nouvelle. Son rôle est de populariser les sciences, de les présenter dépouillées des formes qui les rendent inaccessibles à un si grand nombre d’intelligences. Nous demandons seulement que l’on en parle avec une scrupuleuse exactitude. » — « Voilà pour moi la grande difficulté, » reprit M. Daru ; « la moitié de ma vie a été consacrée à l’étude des lettres, l’autre moitié s’est passée au milieu des affaires : entre les deux il n’y a pas eu de place pour les mathématiques. » — « Essayez toujours, nous vous aiderons, » fut la réponse de M. de La Place.

Cet appel de la science à la poésie, ce choix flatteur du premier de nos savants, s’adressaient à un esprit capable d’y répondre. Dès ce moment, et pendant quatre années, M. Daru, avec cette ardeur infatigable qu’il porta dans les travaux si divers dont sa vie a été remplie, étudia son sujet, l’examina sous toutes ses faces, ne s’arrêtant que là où les géomètres, à l’appui de leurs démonstrations, appellent le secours d’une analyse élevée, instrument qu’il ne possédait pas. Le cercle dans lequel il s’était renfermé ne laissait pas d’être encore fort étendu.

Commencer des études nouvelles, et de leur nature assez abstraites, à un âge où d’ordinaire l’on n’apprend plus, tenter de reproduire dans une langue qui vit presque entièrement de figures, qui personnifie tout, et qui semble le domaine exclusif des ouvrages de l’imagination, ces vérités que la prose la plus claire ne permet pas toujours de concevoir sans efforts, concilier les exigences de la poésie et celles de la science ; c’était là sans doute une entreprise mesurée au besoin de travail qui dominait M. Daru : elle eût été capable d’effrayer un esprit moins persévérant. Si l’astronomie semble, au premier coup-d’œil, par la grandeur de son objet favorable aux inspirations de la poésie, elle offre aussi de grandes difficultés dans l’exposé fidèle de ses phénomènes, de la monotonie dans les répétitions qu’elle exige, lorsqu’après avoir indiqué la grosseur d’une planète, sa place, ses mouvements, ses satellites, il faut nécessairement revenir sur les mêmes particularités pour les autres astres assujettis aux mêmes lois ; on conçoit enfin avec quelle peine un auteur parvient à faire entrer dans ses vers quelques-uns de ces termes consacrés par la science, que les périphrases ne remplacent qu’imparfaitement, et dont s’effarouchent trop souvent l’harmonie de notre poésie, la délicatesse de notre oreille ou la susceptibilité de notre langue.

Ces considérations n’arrêtèrent pas M. Daru. Au mois d’avril 1827 il avait déjà terminé les deux premiers chants de son poème ; il voulut alors pressentir en quelque sorte le goût, l’opinion du public, et récita quelques fragments de son second chant dans une des séances de l’Académie Française. L’essai fut heureux. Non-seulement on s’accorda à trouver de la grâce, de la variété dans le style, des détails techniques poétiquement rendus, mais on sut gré à l’auteur d’avoir mis dans la bouche d’Orphée ces traditions mythologiques, ces explications bizarres de la sphère céleste, imaginées par l’antiquité, et qu’il ne pouvait pas sérieusement rapporter lui-même. L’interlocuteur qu’il a choisi était libre au contraire de les présenter avec toutes les richesses que la poésie emprunte à la fable, sans sortir de la vraisemblance même épique ; ces souvenirs lui étaient naturels aussi bien que la langue dans laquelle il les exprimait. M. Daru reçut les compliments empressés de tous ses amis, et ce premier succès l’encouragea à continuer son ouvrage.

Il l’avait entièrement terminé, lorsqu’une mort aussi cruelle qu’imprévue est venue le frapper subitement au sein de sa famille consternée, et l’enlever en peu d’instants aux lettres, qui charmèrent dans tous les temps les rares loisirs de son existence politique. Il comptait, retiré à la campagne pendant les derniers mois de l’année, revoir avec soin et dans ses moindres détails le poème qu’il allait livrer à l’impression ; et la pureté, l’élégance ordinaire de son style, ne permettent pas de douter qu’il n’en eût fait entièrement disparaître les taches qui pouvaient encore le déparer. L’éditeur ne se flatte pas d’un pareil succès ; mais aidé, soutenu par les conseils de quelques amis de l’auteur, il a trouvé dans leur goût, dans le zèle bienveillant dont ils lui ont donné une preuve si touchante, les lumières dont il n’était pas suffisamment pourvu.

Il ose espérer que ce poème, auquel on doit regretter seulement que l’auteur n’ait pu mettre la dernière main, ne renfermera aucune infraction aux enseignements de la science. M. Daru l’avait soumis à plusieurs reprises à l’examen de nos plus célèbres astronomes, parmi lesquels il eut le bonheur de compter des amis. Après s’être instruit à leurs leçons, dont il se montra l’auditeur le plus assidu, il appela leur critique sur son ouvrage, et les entendit plus d’une fois, non sans quelque plaisir, manifester leur surprise du peu d’erreurs qu’ils trouvaient à relever. « Mon livre, disait-il souvent, n’aura peut-être pas beaucoup d’attrait pour le public ; mais du moins il ne contient pas d’hérésie, il est orthodoxe. » Et sa reconnaissance se plaisait à rappeler avec quelle bienveillance ses illustres maîtres avaient bien voulu l’aider de leurs conseils, l’encourager par leurs suffrages, et lui faire goûter une récompense anticipée de ses travaux en l’admettant au sein de cette Académie, où toutes les sciences viennent se réunir, et dont il s’enorgueillissait, à si juste titre, de faire partie.

Puisse se réaliser le vœu le plus cher de l’auteur ! puisse son ouvrage contribuer à rendre plus général le goût de ces nobles sciences dont l’étude est si favorable aux méditations philosophiques, et qui nous font sentir si vivement, et la faiblesse des moyens matériels qui sont en notre pouvoir, et les puissantes ressources de notre esprit. L’astronomie, dit Bailly, par la grandeur de son objet, par le nombre, par l’étendue de ses découvertes, est de toutes les sciences peut-être, celle qui donne le mieux la mesure de l’intelligence de l’homme et la preuve de ce qu’il peut faire avec du temps et de la persévérance…… Elle nous a montré ces espaces énormes où nos pensées aiment à se plonger et à se perdre. En agrandissant l’univers elle a agrandi l’idée de l’Être suprême ; elle a étendu notre esprit qui, trop resserré sur ce globe, aime à s’égarer de sphère en sphère, et à mesurer du moins par l’imagination cet espace immense dans lequel l’homme n’occupe qu’un point imperceptible… Les observateurs recueillent ; les faits s’accumulent, comme les matériaux d’un édifice, et attendent l’homme de génie qui doit être l’architecte du monde.


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CHANT PREMIER.



Exposition du sujet. — Notions générales sur la nature des Corps Célestes ; leur origine ; leur durée. — De la Lumière. — Bienfaits dont l’homme est redevable à l’Astronomie ; la mesure du Temps, la connaissance des Saisons ; le perfectionnement de la Navigation ; le mépris de l’Astrologie. — Abandon du culte du Soleil.


Quel mortel, vers l’Olympe élevant ses regards,
N’a demandé les noms de tant d’astres épars ?
À contempler leur cours qui n’a donné des veilles ?
J’entreprends de chanter leurs brillantes merveilles,
Les lois que leur fixa l’arbitre souverain,
Et que l’homme a su lire en ce livre divin.
      Vous, qui de l’univers maintenez l’harmonie,
Ô puissance ! ô lumière ! ô sagesse infinie !
Donnez-moi d’entrevoir vos sublimes secrets,
Et qu’une voix mortelle annonce vos décrets (1).

Je les confie au rhythme, ami de la mémoire.
Les cieux de leur auteur nous racontent la gloire :
L’homme sort du néant, quand il sait l’admirer.
Astres majestueux, c’est à vous d’éclairer
L’atôme intelligent, si grand dans sa faiblesse :
Le spectacle du ciel prépare à la sagesse (2).
      La terre ouvre son sein à vos feux bienfaisants :
L’Océan obéit à deux astres pesants ;
La brute, par instinct, d’épouvante glacée,
Redemande à grands cris leur lumière éclipsée :
Tout reconnaît les lois de ces globes lointains,
Et l’homme crut long-temps y lire ses destins.
Cieux, montrez-nous celui dont vous êtes l’image :
L’étude est à ses yeux notre plus digne hommage.
L’être aux sens imparfaits a dans le firmament
Placé de ses travaux le plus beau monument ;
Mais il est des secrets que la docte Uranie
Pour d’autres temps réserve aux regards du génie.
      L’homme a sondé des cieux la vaste profondeur,
Révélé des soleils la marche et la grandeur :

Parmi ces feux lointains, qui roulent sur nos têtes,
Chaque jour, plus puissant, son œil fait des conquêtes ;
Des astres inconstants, qui ne brillent qu’un jour,
Son art trace l’orbite, et marque le retour.
Un mortel nous apprit qu’une force invisible
Anime et fait mouvoir la matière insensible.
Tous ces mondes brillants, dans l’espace lancés,
Attirés l’un par l’autre, y restent balancés,
Et, soumis à Newton, dans leur orbite immense
Gravitent par leur poids, qu’affaiblit la distance.
Mais quel est ce pouvoir, ce don mystérieux,
Par qui tout pèse, attire, et flotte dans les cieux ?
Quel peut être ce vide, océan de lumière,
Où tant d’astres brillants achèvent leur carrière ?
Hélas ! l’esprit de l’homme est étroit et borné
Comme le globe obscur sur lequel il est né :
Mais, tout faible qu’il est, il prend un vol sublime :
Du ciel qui l’environne il a franchi l’abîme ;
Et, de ces grands travaux, sous des lauriers en fleurs,
Uranie entretient ses immortelles sœurs.

L’homme ne peut atteindre à la cause première :
Le temps, la pesanteur, l’espace, la matière,
Que l’esprit croit comprendre, et ne peut définir,
Cacheront leur essence aux âges à venir.
Appelés, en naissant, à de pompeux spectacles,
Nous vivons, nous marchons entourés de miracles ;
Mais, témoins assidus, nous pouvons chaque jour
Sans assigner leur cause, attendre leur retour ;
Et tout ce qu’à nos yeux l’ordre des temps ramène
Cesse d’être un prodige, et n’est qu’un phénomène.
      Le temps, de la science observant les progrès,
D’une main patiente accumule les faits.
Épiant la nature, il sonde ses problêmes,
Confirme les calculs, et détruit les systèmes (3).
Trop long-temps les succès à nos vœux accordés,
Par notre impatience ont été retardés :
On voulut, dédaignant la route la plus sûre,
Au lieu de l’observer, deviner la nature ;
Et, son prisme à la main, l’imagination
Construisait l’univers sur une illusion.

La terre, six mille ans, fut le centre du monde ;
Soleil, ta place alors n’était que la seconde ;
Les sphères s’élevaient dans la voûte des cieux
Pour guider notre route et pour charmer nos yeux.
Enfin, reconnu roi des mondes qu’il attire,
L’astre dominateur recouvra son empire.
Quelques globes obscurs qui roulaient à l’entour,
Inondés de ses feux, composèrent sa cour,
Et, rejetée au loin dans la vaste étendue,
Notre terre à son roi fut peut-être inconnue.
Mais ce père des jours par lui-même embellis,
N’est qu’un de ces soleils dont les cieux sont remplis (4);
Innombrables, brûlants, puissants comme lui-même,
Sans doute ils sont aussi le centre d’un système ;
Dans l’espace profond jetés confusément,
Ils répandent la vie avec le mouvement ;
Ils marchent entourés de nombreux satellites,
Et l’univers n’a plus ni centre ni limites.
Notre brillant soleil, dans cette immensité,
N’est qu’un point ; notre terre, un atome habité

Par-delà tous ces cieux et ces voûtes profondes,
Que peut-il exister ? D’autres cieux, d’autres mondes ;
Et plus loin, l’infini, l’abîme. Ô quelle voix,
Quelle voix me dira si ces cieux que je vois,
Ne sont que des déserts inanimés, immenses,
Ou le brûlant séjour d’autres intelligences ?
N’en doutons point, ces cieux ont leurs contemplateurs ;
Un spectacle si beau n’est pas sans spectateurs :
Ces feux, ce mouvement, ces torrents de lumière
Ne sont pas prodigués pour l’inerte matière ;
Et partout la pensée, animant ces déserts,
Vivifie, ennoblit, explique l’univers.
Exilé sur un point de l’immense étendue,
L’homme a dans cet abîme osé plonger sa vue :
Pour qui sont, disait-il, ces cieux levés sur moi ?
Et l’orgueil répondait : Tout fut créé pour toi.
Mais un juge plus sûr, la science sévère,
Lui montrant ce qu’il est, le détrompe et l’éclaire.
Ce globe, poursuit-il, où je traîne mes jours,
Quel instant l’a vu naître ? exista-t-il toujours ?

Une voix lui répond : Arrête, téméraire,
Éternel ou créé, ce monde est un mystère ;
Jamais tu ne saurais entrevoir seulement
Ni son éternité, ni son commencement.
Il faut choisir pourtant : oseras-tu prétendre
À ces siècles sans fin, que tu ne peux comprendre ?
Éphémère habitant d’un fragile univers,
Quel pouvoir fixerait ces éléments divers,
Lorsqu’on voit dans le ciel des astres disparaître (5) ?
Rien ne périt : tout change, excepté le grand Être (6).
      Quelquefois les parvis du lointain firmament
S’éclairent tout-à-coup d’un vaste embrasement :
Il croit, et parcourant ces demeures profondes,
L’incendie en fureur y dévore des mondes (7).
L’Éridan, le Permesse, ont su le confirmer.
Précipité des cieux qu’il allait consumer,
Phaëton nous atteste un de ces grands désastres.
Ses sœurs, que leur douleur plaça parmi les astres,
Pleurent en gouttes d’ambre un frère trop puni.
Et vous, céleste chœur, près d’elles réuni,

Parlez, filles d’Atlas, Pléiades favorables,
Du pilote incertain déités secourables :
On dit que sur le front du taureau radieux
Un de vos sept flambeaux s’est éteint dans les cieux.
Mère du sage Hermès, Alcyone, Sterope,
Timide Céléno, Taygète, et vous, Mérope,
Est-il vrai que l’Olympe ait vu le sort jaloux
Vous ravir une sœur qui brillait parmi vous (8) ?
Des mondes ont péri dans ces vastes naufrages (9) ;
D’autres ont pu sortir de l’abîme des âges,
Soit qu’échappé du sein d’un orbe étincelant (10)
Un débris enflammé s’en éloigne en roulant,
Soit, et j’en crois Herschell, que dans son atmosphère
Le soleil ait produit une vapeur légère (11)
Qui, d’atomes flottants attirant le concours,
Obéit à cet astre et le suit dans son cours.
L’espace laisse errer cette masse fluide,
Et sa rotation sur son axe rapide
Détermine sa forme en un corps arrondi
Que vingt siècles peut-être ont à peine attiédi.

C’est un soleil nouveau que le monde a vu naître,
Lumineux par lui-même, et qui va ne plus l’être ;
Mais non solide encore, et dans l’immensité (12)
Lançant d’autres débris de son disque agité.
Maîtrisés, en tournant, par la loi qui les presse,
Son équateur s’élève, et son pôle s’abaisse
À mesure qu’il fuit dans les plaines du ciel
Le foyer enflammé de l’astre paternel ;
Sa chaleur s’amortit, sa matière plus dense
Règle enfin sa vitesse en gardant sa distance :
Le globe ardent n’est plus, et l’on voit en son lieu
Rouler un monde éteint autour d’un astre en feu.
Tel fut le sort, dit-on, des sœurs de notre sphère
Qui jaillirent des flancs de leur glorieux père ;
Et, sur un même plan, circulant à l’entour,
Forment une ceinture au dieu brillant du jour.
      Ô Muses, pardonnez, si d’une main mortelle
J’ajoute à votre lyre une corde nouvelle ;
Mais la science dicte, et confie à mes soins
Les fastes de ces temps qui furent sans témoins.

      La terre à tous les yeux raconte son histoire ;
Du feu qui l’embrasa tout garde la mémoire (13),
Il brûle, il vit encor dans ses gouffres profonds.
Cette douce chaleur et ces rayons féconds
Que le soleil sur nous chaque matin ramène,
Effleurant notre globe, y pénètrent à peine :
Ils sont loin d’égaler le foyer souterrain,
Reste des feux ravis à l’astre souverain (14),
Et que le temps a vus, dans leur ardeur première,
En torrents enflammés dissoudre la matière,
Vitrifier les rocs et les métaux divers,
Et suspendre en vapeurs l’Océan dans les airs.
Mais sur le globe enfin les ondes rappelées
D’un continent à l’autre ont rempli les vallées (15).
Sous la terre, le feu trouvant un aliment,
Compose, décompose, agit incessamment ;
Et, lorsqu’il s’éteindra, la sphère refroidie
Roulera dans les cieux une masse engourdie.
      Quoi ! l’ouvrage de Dieu, dit l’esprit étonné,
À de tels changements serait-il destiné ?

Si la glace et le feu, se disputant l’empire,
Combattaient pour créer et créaient pour détruire,
Le désordre serait la loi de l’univers !
Former, peupler, briser tant de globes divers !
Que devient la sagesse éternelle et profonde
Qui pour le conserver a fait naître le monde ?
Mais vous, êtres bornés, ouvrage de ses mains,
Quel droit vous fut donné de juger ses desseins,
Et d’appeler désordre une règle constante
Qui soumet à la mort la nature vivante ?
L’insecte, dont le corps se dérobe à vos yeux
Éphémère habitant d’un chêne audacieux,
En parcourt dans sa vie une branche touffue,
Et croit de l’univers mesurer l’étendue.
Ce géant des forêts y régna cinq cents ans,
Il couvrit son canton de superbes enfants ;
Sa tête fut un monde, où des peuples sans nombre
Vivaient de sa substance et dormaient sous son ombre ;
Il vit naître, chanter, mourir sous ses rameaux
Des générations d’insectes et d’oiseaux ;

Et le voilà, des vers insensible pâture,
Subissant à son tour la loi de la nature.
Son sort nous est commun : la terre au monde entier
N’est pas ce qu’auprès d’elle était ce chêne altier.
Et vous vous étonnez ! vous invoquez pour elle
Le droit d’une existence immuable, éternelle !
Chaque être, chaque monde est borné dans son cours (16),
Il faudrait s’étonner si tout durait toujours ;
Si, dans l’espace étroit d’où bientôt tout s’écoule,
Les générations s’accumulaient en foule ;
Si rien n’était changeant dans le monde animé,
Et si, tout consumant, rien n’était consumé (17).
      Le mouvement, le feu, le temps et la matière
Renouvèlent l’aspect de la nature entière.
Père de la chaleur, source de la clarté,
Le feu, sans s’épuiser, remplit l’immensité.
Caché dans tous les corps, ame de la nature,
Il consume et répare, unit, divise, épure (18) ;
Principe créateur, principe dévorant.
Le feu, par qui tout vit, détruit tout en courant.

Rien ne reste en repos : la matière agitée
Se dissipe et revient, dans l’espace emportée,
Éternel aliment d’un foyer éternel ;
Et le dieu destructeur, parricide immortel,
Saturne, dont la faim n’est jamais assouvie,
Engloutit les enfants qui lui durent la vie.
La fable nous instruit : la sage antiquité
D’un voile transparent couvre la vérité.
Gardons-nous d’interdire à l’être inaltérable
Le droit de faire un monde autant que lui durable.
Il peut tout ce qu’il veut ; et notre vanité
Assigne une limite à l’être illimité !
Tous les corps à nos yeux se transforment sans cesse ;
J’y vois sa loi suprême, et j’en crois sa sagesse.
L’homme interroge en vain et la terre et le ciel,
La nature, le temps : Dieu seul est éternel :
Tout naît, tout vit par lui ; sa parole est féconde,
La nature est la loi qu’il a donnée au monde (17),
Et qui doit gouverner les astres radieux,
Tant qu’il leur permettra d’exister à ses yeux.

Ah ! ne réclamez pas pour des sphères sans vie
Cette immortalité que le sort vous dénie !
Voyez si leur état atteste vainement
Leurs révolutions et leur commencement.
      Ces astres inégaux qu’en ses vastes limites
Retient le dieu du jour, planètes, satellites,
Roulent vers l’Orient sur leur axe incliné.
Comment un même cours leur fut-il ordonné,
Si ce n’est qu’échappés du centre du système,
Le dieu leur imposa la loi qu’il suit lui-même ?
La matière, docile au principe moteur,
A fui le double pôle, et gonflé l’équateur ;
Mais, pour qu’elle obéît, loin du centre emportée,
Il fallait que le feu l’eût soumise et domptée.
Dans leur zone d’azur, ces filles du soleil
Semblent, l’environnant d’un brillant appareil,
Prouver leur origine, et nous marquer la place
D’où le bras de ce dieu les lança dans l’espace.
      Leur distance à tes yeux, Buffon, l’atteste encor ;
Quand de l’orbe de flamme elles prirent l’essor,

Suivant sa densité, dans l’immense étendue,
Chacune s’arrêtant demeura suspendue (18).
Eh ! comment méconnaître, à ces signes certains,
De ces mondes créés les mobiles destins ;
Surtout, lorsque portant un même témoignage,
Le moindre satellite à ces lois rend hommage ?
D’un éclat emprunté tous brillent à nos yeux ;
Du couchant à l’aurore ils roulent dans les cieux ;
Ils disent à quel astre ils doivent la naissance,
Et leur forme est témoin de leur incandescence.
L’un est encore en feu ; l’autre, toujours errant,
Promène dans l’espace un disque transparent ;
La terre est refroidie, et peut-être la glace
De la pâle Phœbé couvre déjà la face (19).
Ainsi, tous ont subi des changements divers :
Changer est le destin, la loi de l’univers ;
Le temps fuit, la nature élabore, et chaque être
Naît, croît, vit un moment, et s’éteint pour renaître (20).
Mais qu’importe après tout aux mortels curieux
Cette immortalité des astres radieux ?

Notre œil ne peut braver leurs moindres étincelles,
Et nous leur demandons des clartés éternelles !
Sachons plutôt jouir de leurs bienfaits constants.
      Ces clartés que sur nous leurs disques éclatants
Versent incessamment dans l’étendue immense,
Remplissent l’univers qu’anime leur présence.
Sans corps, sans pesanteur, et pourtant colorés,
Élancés de leur source, et non pas attirés,
Ces filets déliés d’impalpable lumière
Viennent du fond du ciel frapper notre paupière.
Ils tracent dans leur route un sillon radieux ;
L’éclair est moins rapide ; et, tandis qu’à nos yeux
Le balancier du temps mesure une seconde,
Vingt fois ils franchiraient l’axe de notre monde (21) :
Prodige de vitesse à l’homme révélé,
Que son œil ne peut suivre, et qu’il a calculé !
Vainement ce soleil, père de la nature,
Se trouve séparé de notre sphère obscure
Par plus d’un million de ces vastes degrés
Que du nord au midi Delambre a mesurés ;

Un instant nous transmet sa flamme inépuisable ;
Et telle est de ses sœurs la distance effroyable,
Qu’il en est dont les feux, l’un de l’autre jaloux,
Courent dix ans, cent ans pour venir jusqu’à nous.
      De ces traits lumineux, délices de la vue,
Quelle est donc la nature ? elle reste inconnue.
Messagers de la flamme, ou privés de chaleur,
Chacun des sept rayons apporte une couleur.
Tant qu’ils restent unis, ils brillent sans rien peindre,
Tout est blanc : tout est noir, s’ils viennent à s’éteindre.
Ces gerbes que le prisme a su décomposer
L’art ne peut les connaître, et peut les diviser.
Que l’angle du cristal les sépare et les brise,
La palette se couvre, et je vois, ô surprise !
Le pourpre, l’orangé, l’améthyste, l’azur,
Le vert, ami de l’œil, le saphir, et l’or pur,
Phénomènes brillants des jeux de la lumière,
Qui prêtent leur éclat à la nature entière ;
Nobles enchantements d’un art ingénieux
Que l’écharpe d’Iris reproduit dans les cieux.

      Les effets des rayons sont un autre miracle :
En approchant des corps, un invisible obstacle
Les force à rejaillir dans un angle pareil
À celui qu’ils formaient en tombant du soleil.
Si le corps, leur ouvrant un passage facile,
Se laisse pénétrer par leur flèche subtile,
Dans le dédale obscur que forment ses tissus
Ceux-ci sont repoussés, et ceux-là sont reçus.
Attirés, détournés, les uns, dans leur carrière,
Sous mille angles divers font jaillir la lumière,
Et du corps transparent sortent victorieux ;
Les autres, absorbés, s’éteignent à nos yeux.
Il en est quelquefois dont les flammes errantes,
Remontant vers le ciel en gerbes transparentes,
Sur l’opaque surface épanchent leurs reflets,
Leur émail sur les prés, leur or sur les guérets ;
La nature sourit, et la robe de Flore
Rend les rayons amis dont elle se colore.
      Lumière de la vie, astres consolateurs,
Par qui sont animés ces tableaux enchanteurs,

Vous qui, toujours roulant sur la voûte du monde,
Ramenez des saisons la présence féconde,
Je dirai vos bienfaits et vos feux éclatants.
      Leur marche régulière a mesuré le temps.
Mesurer ce qui fuit, sans laisser nulle trace,
Ce qui fait la durée, et n’est pas dans l’espace,
L’homme a dû ce grand art au dieu père du jour.
De l’astre, en un point fixe, observant le retour,
Et suivant ses progrès dans sa course ordonnée,
Il apprit à compter les jours, les mois, l’année.
D’abord à l’inventeur d’un facile appareil
L’ombre trace, en tournant, la marche du soleil.
Dans le passage étroit qu’offre un vase infidèle,
L’eau marque, en s’écoulant, l’heure qui fuit comme elle.
Mais l’art vient nous offrir des secours plus certains :
Un instrument fragile, ouvrage de nos mains,
Et qu’anime l’effort d’une faible spirale,
Suit le cours du soleil d’une vitesse égale.
Dès que l’homme eut soumis à l’art ingénieux
La mesure du temps et la marche des cieux,

Ce livre étincelant, qui s’ouvrait à sa vue,
Lui montra des saisons la route mieux connue,
Et, pour prix des efforts qu’il oserait tenter,
Un monde à conquérir et Neptune à dompter.
      Jadis le nautonier, dans sa course timide,
N’osait perdre de vue un rivage perfide :
Son courage lui dit : Franchis les flots amers,
Et lis au front des cieux ta route sur les mers.
Si l’humide nuage a déployé ses voiles,
L’aimant sera ton guide à défaut des étoiles.
Sur un pivot aigu légèrement porté,
Toujours en équilibre et toujours agité,
L’acier t’indiquera sur sa mobile roue
L’angle qu’offre le pôle au sillon de ta proue.
Le ciel est-il d’azur ? armé de ton secteur (22),
Invoque Cynosure, et jugeant sa hauteur,
Détermine à l’instant la ligne que ta course
Trace entre l’équateur et l’étoile de l’Ourse.
Ton vaisseau vole au loin sur l’abîme emporté,
Mais ce plomb, qu’à la place où ta main l’a jeté

Retient quelques instants un liége qui surnage,
Mobile point d’appui, tend ce faible cordage
Dont les nœuds, effleurant la surface de l’eau,
Mesurent la vitesse imprimée au vaisseau.
Cet indice, il est vrai, peut tromper ton attente.
Quel chemin a décrit, dans sa marche éclatante,
Du port que tu quittas, le roi du firmament,
Jusqu’au flot que ta nef sillonne en ce moment,
C’est ce que t’apprendront les doctes Immortelles.
Consulte de Breguet les aiguilles fidèles,
À l’heure où le soleil, cherchant d’autres climats,
Portera vers le nord les ombres de tes mâts :
L’aiguille te dira, par sa pente avertie,
Quelle heure on compte au port d’où ta nef est sortie,
L’espace parcouru par l’astre radieux,
Et le point qu’il occupe à la voûte des cieux.
Alors tout est connu : déja, dans ta pensée,
Du pôle à l’équateur une ligne est tracée,
Et le point où ce trait divise en le touchant
Celui qui réunit l’aurore et le couchant,

Est la place où ta nef, dans la plaine liquide,
Glisse légèrement sur sa quille rapide,
Et qui tient suspendus sur le gouffre écumant
Ta gloire, tes destins, et tes jours d’un moment.
      Mais quoi ! lire à son gré dans la voûte azurée,
Conquérir l’Océan, calculer la durée,
Sur l’ordre des saisons interroger le ciel,
Est-ce assez pour l’orgueil d’un fragile mortel ?
Non : le ciel tout entier veille à sa destinée ;
Des astres pour lui seul la marche est combinée :
Au jour de sa naissance attentifs spectateurs,
Ils seront désormais ses guides, ses flatteurs :
Ils ont à l’heure même écrit en traits de flamme
Les frivoles destins d’un prince ou d’une femme.
Diane et Sirius du séjour éthéré
Observent tous les pas d’un mortel ignoré.
Qu’un fougueux conquérant, aux plaines de Pharsale,
Dispute à son rival la palme triomphale
Et l’empire d’un monde inconnu de tous deux,
Le soleil voilera son disque lumineux,

Les cieux seront troublés, et la comète ardente
Annoncera César à la terre tremblante.
Voilà donc la faiblesse et l’orgueil des humains !
Si leur sort est écrit au livre des destins,
Y lire est le grand art, la suprême science ;
Il faudra conjurer la maligne influence
De ces globes lointains qui ne s’informent pas
Si des êtres pensants végètent ici-bas ;
Et, prompts à profiter de nos terreurs secrètes,
Ceux qui d’un ciel muet se font les interprètes,
Promettront aux mortels, pour les mieux asservir,
De sonder, d’expliquer, de changer l’avenir :
Esclavage honteux sous un joug ridicule,
Imposé par la fourbe au vulgaire crédule !
Qui brisera ces fers ? Le sage, dont la voix
Des cieux que l’on redoute expliquera les loix.
Leurs feux ne peuvent rien sur notre destinée.
Que la vérité montre à la terre étonnée
De ces astres lointains l’ordre mystérieux,
Et l’homme adorera la main qui fit les cieux.

Il n’invoquera plus d’impuissantes planètes ;
Il saura d’un œil ferme attendre les comètes (23),
Et fouler sous ses pieds les oracles menteurs,
Les superstitions et les vaines terreurs.
D’un bout du monde à l’autre, éclairés ou sauvages,
Les peuples au soleil ont voué des hommages ;
Tous ils ont adoré, sous mille noms divers,
Dans le père du jour le dieu de l’univers.
Un miracle éternel, garant de sa puissance,
Le signale en effet à leur reconnaissance :
L’empyrée est sa cour, ses dons sont la clarté,
La chaleur, les saisons, et la fécondité.
Par lui, tout naît, se meut, croît, végète ou respire ;
Un seul de ses regards traversant son empire,
Porta l’intelligence aux mortels imparfaits (24) ;
Leurs autels ont prouvé le prix de ses bienfaits.
Babylone, Éleusis, si pleines de mystères,
Ceux qu’abreuvent du Nil les ondes salutaires,
Et le Perse, et l’Inca, l’un à l’autre inconnus,
Invoquaient Adonis, Memnon, Hercule, Orus.

Ouverts aux premiers feux dont l’Orient se dore
Leurs temples attendaient le retour de l’aurore.
Les prêtres, prosternés devant l’astre du jour,
Au nom de l’univers saluaient son retour.
Leurs vœux lui demandaient de fertiles années,
Pour les jeunes époux des chaînes fortunées,
De longs jours pour les rois, pères de leurs sujets,
La victoire aux combats, l’abondance, la paix :
Vœux impuissants de l’homme offerts à la matière !
Le dieu n’entendait pas la stérile prière.
Mais sitôt qu’à la terre une puissante voix
Eût appris que cet astre est soumis à des lois,
Qu’à mesure que l’œil plonge dans l’étendue,
Mille et mille soleils s’offrent à notre vue,
Que son empire immense est cependant borné,
Le roi devint sujet, le dieu fut détrôné,
Et l’homme, s’élançant dans la sphère infinie,
Fut plus grand que ces dieux qu’abaissait son génie,
Surtout quand des soleils mesurant la hauteur,
Il osa s’élever jusqu’à leur créateur.

Tous les peuples pourtant ont de ce culte antique
Gardé, sans le savoir, l’image symbolique.
Oh ! combien la science a renversé d’autels !
Digne objet à son tour du culte des mortels,
Qu’elle porte à Dieu seul un encens qu’elle épure.
Partout, lorsque l’hiver attriste la nature,
Les temples sont en deuil, les autels sont voilés ;
Vers les cendres des morts les mortels rappelés
Pleurent l’astre du jour comme eux prêt à s’éteindre,
Et conjurent Typhon qu’ils ne peuvent plus craindre.
Que le printemps au ciel rende un éclat nouveau,
Partout dans les lieux saints s’allume le flambeau ;
C’est l’astre qui renaît, et partout se déploie
La guirlande de fleurs, symbole de la joie.
Il semble que ce jour, qui vient charmer les yeux,
Ait réconcilié la terre avec les cieux ;
Et chez les peuples même où la foi plus sévère
Offre un encens plus pur au dieu qu’elle révère,
Des rites du vieux temps, non encore effacés,
Le sens mystérieux se fait entendre assez.

Voyez, quand des beaux jours la fête solennelle
Rend sa splendeur antique à la ville éternelle,
Parmi les flots d’encens, les fleurs et les flambeaux,
Marcher le Christ vainqueur de la nuit des tombeaux.
Les cloches, les clairons, les foudres de la guerre,
De leurs cent voix d’airain l’annoncent à la terre.
L’astre resplendissant, qui, sur ces mêmes lieux,
Fit lever autrefois tant de jours glorieux,
Des rayons du printemps dore les sept collines,
Et redouble l’éclat de ces pompes divines.
Le chœur des Chérubins prélude à ces accords,
Et le Tibre à regret s’éloigne de ces bords
Où d’un double portique, en un profond silence,
Un peuple prosterné couvre l’enceinte immense.
Tout-à-coup, sur le front du dôme audacieux
Que l’art de Michel-Ange éleva dans les cieux,
Au milieu des éclairs et du bronze qui tonne.
Un prêtre, le front ceint d’une triple couronne,
S’avance, étend le bras, et des cieux entr’ouverts
Appelle les bienfaits sur Rome et l’Univers,



NOTES
DU PREMIER CHANT.



(1). PAGE 3, VERS 7-10.

Vous qui de l’univers maintenez l’harmonie, etc.

Tu mihi nunc, præclara novum sapientia lumen,
Tu mihi cœlestes animos infunde roganti,
Urauie tu vera : tuas dum prosequor artes,
Et succensus amore tui, raptusque per auras,
Ultima siderei motus arcana recludo.
Duc igitur qui te tua per vestigia quærit,
Ne spatio immenso vagus aut incertus aberret.

(Anti-Lucrèce, liv. viii.)
(2). page 4, vers 6.

Le spectacle du ciel prépare à la sagesse.

......Nunc purius imbibe lumen,
Pronior in liquidam veniet sapientia mentem.

(Ibid.)
(3). page 6, vers 14.

(Le temps) confirme les calculs et détruit les systèmes.

Opinionum commenta delet dies, naturæ judicia confirmat.

(Cicéron, de la Nature des Dieux, I. II.)
(4). page 7, vers 12.

N’est qu’un de ces soleils dont les cieux sont remplis.

La pluralité des mondes a été proclamée par l’antiquité. L’interprète d’Épicure dit :

L’éternel univers
S’étend illimité dans tous les sens divers.
Eh ! qui de la nature eût donc borné l’ouvrage !
Oui, dans l’espace immense où la matière nage,
Si ces flots créateurs de toute éternité
Ont répandu la vie et la fécondité,
N’auraient-ils dans leur cours enfanté que ce monde,
Le ciel qui l’environne, et les plaines de l’onde ?
Et d’autres éléments inhabiles rivaux
Seraient témoins oisifs de leurs vastes travaux !
Non, non, etc.

(Traduction de M. de Pongerville.)
(5). page 9, vers 9.

Lorsqu’on voit dans le ciel des astres disparaître.

« La Connaissance des Temps de l’an VIII contient un catalogue de 146 étoiles qui ont disparu, ou qui ne se trouvent plus à la place à laquelle on les avait observées. On a remarqué aussi plusieurs apparitions d’étoiles nouvelles. Le chartreux Anthelme en avait aperçu une près du Cygne. » Cassini a trouvé dans Cassiopée une étoile de 4e grandeur et deux de 5e, à un endroit où il est sûr qu’elles ne se voyaient pas auparavant, puisque plusieurs astronomes ayant exactement compté jusqu’aux plus petites étoiles de cette constellation, aucun n’a parlé de ces trois étoiles. Il en découvrit encore deux autres, l’une de 4e et l’autre de 5e grandeur, vers le commencement de l’Éridan, où l’on est assuré qu’elles n’étaient pas sur la fin de 1664. Il en aperçut aussi, vers le pôle arctique, quatre de 5e ou 6e grandeur, que les astronomes n’auraient pas manqué de remarquer, si elles y avaient paru plus tôt. »

(Delambre, Hist de l’astr. mod., liv. XVI.)

(6). PAGE 9, VERS 10.


Rien ne périt, tout change……

Omnia mutantur, nihil interit.
(Ovide, Métam., I. xv.)

(7). PAGE 9, VERS 14


L’incendie en fureur y dévore des mondes.

Seu deus instanlis fati miseratus, in orbem
Signa per affertus cœlique incendia mittit. (Manilius, I. i.)

« Quant aux étoiles qui se sont montrées presque subitement avec une très-vive lumière, pour disparaître ensuite, on peut soupçonner avec vraisemblance que de grands incendies, occasionés par des causes extraordinaires, ont eu lieu à leur surface ; et ce soupçon se confirme par le changement de leur couleur, analogue à celui que nous offrent sur la terre les corps que nous voyons s’enflammer et s’éteindre. »

(Exposition du système du monde, liv. ier, ch. XIII.)

« Hipparque observa le premier fait de ce genre : il aperçut une nouvelle étoile ; un nouveau feu s’alluma devant lui dans le ciel : c’était un incendie qui commençait. Nous concevons mieux la destruction que la naissance des choses ; on sent d’abord qu’un soleil peut s’éteindre, on a peine à se figurer comment il peut s’allumer. On ne peut dire où étaient renfermés les feux qui brûlent une masse, tout-à-coup embrasée : mais il ne nous est pas permis de tout expliquer. »

(Bailly, Discours sur les corps lumineux.)

(8). PAGE 10, VERS 8.


Vous ravir une sœur qui brillait parmi vous.

La pléiade qu’on prétend avoir disparu, se nommait Électre. « En ce moment (après la prise de Troie) Électre se couvrit d’un voile sombre, et s’ensevelissant dans une éternelle obscurité, elle se sépara pour toujours des autres pléiades, ses sœurs et ses compagnes. En effet, celles-ci se montrent encore en seul groupe aux yeux des mortels ; mais Électre n’est plus aperçue depuis l’affreuse catastrophe qui détruisit la ville fondée par son fils Dardanus. »

(Guerre de Troie, de Quintus de Smyrne, ch. xiii.)


Ovide rapporte la même tradition (Fastes, 1. iv, vers 169.)


Pleiades incipiunt humeros relevare paternos,
Quæ septem dici, sex tamen esse solent.
Seu quod in amplexum sex hinc venere deorum ;
Nam Steropen Marti concubuisse ferunt,
Neptuno Halcyonen, et te formosa Celæno,
Majan et Electram, Taygetenque Jovi ;
Septima mortali Merope tibi, Sisyphe, nupsit :
Pœnitet, et facti sola pudore latet :
Sive quod Electra Trojæ spectare ruinas
Non tulit, ante oculos opposuitque manum.


Voilà deux versions sur la disparition de l’une des pléiades ; mais il y a une tradition plus extraordinaire. Selon Hygin (I. ii de Tauro), Électre, après la prise de Troie, se sépara de ses sœurs, et se retira vers le pôle, dans le désordre d’une femme accablée de douleur et les cheveux épars, ce qui lui a fait donner le surnom de comète. Avienus ajoute que de temps en temps elle se montre encore aux mortels ; selon d’autres, cette étoile (Électre ou Mérope), poursuivie par Orion ou par Canopus, s’était sauvée vers le nord, près de la queue de la grande Ourse, et on lui avait donné les noms de Longodès, de Riphax, de Renard.

Fréret a cherché à expliquer ces fables, en y trouvant la tradition de quelques comètes qui se seraient avancées de la constellation du Taureau, ou de celle d’Orion, vers le nord. Cela est fort possible : mais cela n’explique pas la disparition de la pléiade qui était une étoile. Une comète qui se serait montrée dans ce groupe n’y serait pas restée longtemps, et n’aurait pas pu être prise pour une étoile.

Quant à la tradition qu’on voyait autrefois 7 pléiades, nous ne saurions en douter, car Euripide leur donne dans Iphigénie le nom d’Eptaporos, et les Latins les avaient nommées Septistellium. — Aujourd’hui, à l’aide des lunettes, on voit 64 étoiles.


(9). PAGE 10, VERS 9

Des mondes ont péri dans ces vastes naufrages.

Les philosophes de tous les temps ont pensé que le mouvement étant inhérent à la matière, il devait en résulter pour les objets existants une formation et une destruction alternative inévitable. Lucrèce dit :

Vois-tu tomber ces murs et cette tour altière ?
Ce temple révéré se dissoudre en poussière ?
Ces dômes, ces palais, ces monuments pieux,
Ce marbre où respirait la majesté des dieux,
Des siècles entassés las de subir l’outrage,
Chancellent comme un être appesanti par l’âge :
Ainsi l’astre des jours, les orbes radieux,
Des ravages du temps sont atteints dans les cieux.

(Traduction de M. de Pongerville, Luc. liv. v.)

(10). PAGE 10, VERS 11.


Soit qu’échappé du sein d’un orbe étincelant
Un débris enflammé s’en éloigne en roulant :

C’est l’hypothèse de Buffon. « Ne peut-on pas imaginer avec quelque sorte de vraisemblance, dit-il, qu’une comète tombant sur la surface du soleil, aura déplacé cet astre, et qu’elle en aura séparé quelques petites parties, auxquelles elle aura communiqué un mouvement d’impulsion dans le même sens, et par un même choc ? »

(Théorie de la terre.)

(11). PAGE 10, VERS 13.


Soit, et j’en crois Herschell, que dans son atmosphère
Le soleil ait produit une vapeur légère, etc.

M. Herschell a fait sur les nébuleuses, qui ont été le sujet spécial de ses observations pendant quarante ans, un Mémoire lu à la Société royale de Londre, le 20 juin 1811, et dont l’objet est d’établir cette conjecture, que les nébuleuses pourraient bien être une matière lumineuse diffuse, qui en passant par divers degrés de condensation, formerait des comètes, des planètes, des soleils. On ne considère ici cette idée que dans ses rapports avec l’hypothèse de Buffon sur la formation des planètes. M. de La Place reproduit la conjecture de M. Herschell dans une note qui termine l’Exposition du système du monde, « Comme une hypothèse qui lui paraît résulter avec une grande vraisemblance des phénomènes ; mais il la présente avec cette défiance que doit inspirer tout ce qui n’est pas un résultat de l’observation et du calcul. »


(12). PAGE 11, VERS 1-3.


C’est un soleil nouveau que le monde a vu naître,
Lumineux par lui-même et qui va ne plus l’être,
Mais non solide encore et dans l’immensité, etc.

  « Leibnitz considéra les planètes comme des soleils éteints. Les changements observés dans les étoiles le conduisirent sans doute à cette idée ingénieuse et vraisemblable. Il regarda leur disparition comme la fin de leur incendie. »
          (Bailly, Hist. de l’astr. mod., t. II, discours sur les corps lumineux.)
« Toutes les planètes n’étaient donc alors que des masses de verre liquide, environnées d’une sphère de vapeurs : tant qu’a duré cet état de fusion et même long-temps après, les planètes étaient lumineuses par elles-mêmes, comme le sont tous les corps en incandescence ; mais à mesure que les planètes prenaient de la consistance, elles perdaient de leur lumière. Elles ne devinrent tout-à-fait obscures qu’après s’être consolidées jusqu’au centre. »
               (Buffon, Époques de la nature.)


(13). PAGE 12, VERS 2.

Du feu qui l’embrasa tout garde la mémoire, etc.

  Presque tous les philosophes anciens pensaient que le monde avait été autrefois bouleversé par l’action des eaux et du feu. Lucrèce dit :

Entre les éléments avec force pressé,

Par leurs efforts jaloux le globe est balancé.
Pourtant si nous croyons la fable ingénieuse,
Des ondes et des feux la lutte furieuse
A triomphé jadis du monde infortuné ;
D’un océan de flamme il fut environné,
Lorsque de Phaéton l’imprudente faiblesse
Des coursiers du soleil égara la vitesse.
Ils erraient emportés dans la plaine des airs,
Et des torrents de feux inondaient l’univers.
De l’Olympe bientôt le monarque sévère
Parut, et foudroya l’illustre téméraire.

Apollon remonta sur son char radieux.
De sa main suspendit le grand flambeau des cieux.

Des coursiers écumants la fougue comprimée
A sa voix retrouva la route accoutumée.
Avec ordre épanchant une douce clarté,
Ce dieu rendit le calme au monde épouvanté.
Les nobles fictions n’abusent pas le sage,
Mais de la vérité nous y trouvons l’image.

(Traduction de M. de Pongerville.)


(14). PAGE 12, VERS 8.


Ils sont loin d’égaler le foyer souterrain,
Reste des feux ravis à l’astre souverain.

« On a fait une estimation assez précise de la chaleur qui émane actuellement de la terre et de celle qui lui vient du soleil. On a trouvé, par des observations très-exactes et suivies pendant plusieurs années, que cette chaleur qui émane du globe terrestre est en toute saison 50 fois plus grande que celle qu’il reçoit du soleil.

(15). PAGE 12, VERS 13.


Mais sur le globe enfin les ondes rappelées
D’un continent à l’autre ont rempli les vallées.

« Tant que la surface du globe n’a pas été refroidie au point de permettre à l’eau d’y séjourner sans s’exhaler en vapeurs, toutes nos mers étaient dans l’atmosphère ; elles n’ont pu tomber et s’établir sur la terre, qu’au moment où sa surface s’est trouvée assez attiédie pour ne plus rejeter l’eau par une trop forte ébullition. »
(Buffon, Époques de la nature.)


(16). PAGE 14, VERS 7-12.


Chaque être, chaque monde est borné dans son cours,

Il faudrait s’étonner si tout durait toujours, etc.,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Et si, tout consumant, rien n’était consumé.

L’éternelle durée du monde est une de ces questions que la science ne résoudra jamais. Newton, considérant dans les mouvements des corps célestes des inégalités qu’il croyait destinées à s’accroître, disait que le système finirait par avoir besoin d’une main réparatrice. Mais, dit l’auteur de l’Exposition du système du monde, liv. 5, ch. 6, cet arrangement des planètes ne peut-il pas être lui-même un effet des lois du mouvement, et la suprême intelligence que Newton fait intervenir ne peut-elle pas l’avoir fait dépendre d’un phénomène plus général ? Tel est, suivant nos conjectures, celui d’une matière nébuleuse, éparse en amas divers dans l’immensité des cieux. Peut-on encore affirmer que la conservation du système planétaire entre dans les vues de l’auteur de la nature ? L’attraction mutuelle des corps de ce système ne peut pas en altérer la stabilité, comme Newton le suppose ; mais n’y eût-il dans l’espace céleste d’autre fluide que la lumière, la résistance et la diminution que son émanation produit dans la masse du soleil doivent à la longue détruire l’arrangement des planètes, et pour le maintenir, une réforme deviendrait sans doute nécessaire. Mais tant d’espèces d’animaux éteintes, dont M. Cuvier a su reconnaître avec une rare sagacité l’organisation dans les nombreux ossements fossiles qu’il a décrits, n’indiquent-elles pas dans la nature une tendance à changer les choses, même les plus fixes en apparence ? La grandeur et l’importance du système solaire ne doivent point le faire excepter de cette loi générale, car elles sont relatives à notre petitesse, et ce système, tout vaste qu’il nous semble, n’est qu’un point insensible dans l’univers.

(17). PAGE 15, VERS 18.


La nature est la loi qu’il a donnée au monde.

Naturam vero appello legem Omnipotentis

Supremique patris, quam primâ ab origine mundi
Cunctis imposuit rebus, jussitque teneri
Inviolabiliter, dum mundi secla manerent.

(Marcel Palingen, Zodiaq. de la vie, liv. II.)


(18). PAGE 17, VERS 2.


Suivant sa densité, dans l’immense étendue
Chacune s’arrêtant, demeura suspendue.

Sed cum septeni certâ sub lege planetæ

Perpetuâ medium lustrent vertigine solem,
Vorticis a centro non æquo limite distant.
Illi, quos crustæ moles onerosior ambit,
Vorticis extremas longe jaculantur ad oras ;
Quique minus solidà conflantur mole planetæ,
Exiguum peragunt multo velocius orbem,
Et centro solis gyro propiore rotantur.

 (Le Monde de Descartes, par le P. Ducouedic, jésuite.)


  « Képler avança que la différence des révolutions des planètes démontrait la différence de leur densité. Il établit que le soleil est de tous les corps le plus dense : ceux qui le sont le plus après lui sont rangés le plus près de lui. Képler compare Saturne au diamant, Jupiter à l’aimant, Mars au
fer, la Terre à l’argent, Vénus au plomb, Mercure au vif-argent,
et le soleil, qui est le plus lourd, et, selon lui, le plus dense des astres, à l’or, le plus pesant comme le plus précieux des métaux. Cet ordre de densité des planètes est presque le véritable. Les planètes les plus éloignées sont celles
qui renferment le moins de matière, relativement à leur volume. Le soleil, que Képler croyait le plus dense, est le seul qui s’écarte de la règle qu’il ose lui prescrire. »
           (Bailly, Hist. de l’astr. mod., t. II, liv. II.)

« Les planètes voisines du soleil sont les plus denses ;

celles qui en sont les plus éloignées sont en même temps les plus légères. »
                        (Buffon, Époques de la nature.)
 
  Si l’on veut connaître comment on est parvenu à découvrir les rapports de densité entre les planètes, on peut consulter l’Étude du ciel de Joseph Mollet, chap. 12, et l’Exposition du système du monde de M. de La Place, liv. 4, chap. 3.
  Voici la table des densités que nous a donnée M. Francœur, dans son Uranographie, la densité de la terre étant 1 :

Mercure………… 2,879646.
Vénus…………… 1,047010.
La Terre………… 1,000000.
Mars…………..... 0,930736.
Jupiter………….. 0,241190.
Saturne………… 0,095684.
Uranus…………. 0,020802.


(19). PAGE 17, VERS 14.


La terre est refroidie, et peut-être la glace
De la pâle Phœbé couvre déja la face.

   « Les grosses planètes, telles que Jupiter et Saturne, sont encore brûlantes ; l’excès de la chaleur ne permet pas l’habitation. Les petites, telle que la lune, ont tout perdu ; le refroidissement est consommé : elles sont dans un état de glace et de mort. La terre, avec sa grandeur moyenne, avec les secours du soleil, jouit de cette heureuse température
qui rend habitable le plus grand nombre de ses climats. Ses pôles seuls, abandonnés du soleil, sont inhabités, circonscrits et fermés par une zone de glaces, qui s’étend et s’avance lentement sur le globe, en lui annonçant sa destinée. »
                           (Bailly, Hist. de l’astr. mod., discours sur les corps lumineux.)


(20). PAGE 17, VERS 18.


Naît, croît, vit un moment, et s’éteint pour renaître.

Cette idée philosophique rappelle ces vers de Lucrèce :

Si des airs et du feu, de l’onde et de la terre
L’essence avec lenteur croît, s’augmente et s’altère,
Le monde, leur ouvrage, est soumis à leur sort,
Il reçut la naissance, il subira la mort.
(Traduction de M. De Pongerville.)

(21). PAGE 18, VERS 14.


Vingt fois ils franchiraient l’axe de notre monde.

La plus grande distance du soleil à la terre est de 34,934,736 lieues, la moindre de 33,780,210 ; la distance moyenne de 34,357,473 : la lumière parcourt cet espace en 8 minutes 13 secondes 2 tierces. La circonférence de la terre est de 9,000 lieues, et son diamètre de 2,864 ; ainsi la lumière parcourt en une seconde une ligne à peu près égale à 26 fois ce diamètre.


(22). PAGE 22, VERS 15.


Armé de ton secteur....

Le secteur est un instrument composé de deux miroirs placés sur un arc qui forme la 6e partie de la circonférence, c’est de là que lui vient son nom. On s’en sert beaucoup pour les observations astronomiques faites à bord d’un vaisseau, parce que l’exactitude des résultats qu’il donne n’est pas altérée par la mobilité du lieu sur lequel on se trouve. Il indique la hauteur d’un astre au-dessus de l’horizon ; on en conclut le point que l’on occupe sur le globe, et par suite le chemin qu’on doit suivre.
(23). PAGE 26, VERS 2.

Il saura d’un œil ferme attendre les comètes.

Jacques Bernouilli annonça en 1680 que la comète qu’on venait d’observer reparaîtrait en 1719 le 17 mai, dans le 1er degré 12′ de la Balance. L’assurance avec laquelle il faisait cette prédiction scandalisa quelques esprits, et on lui fit sentir combien son assertion était malsonnante ; car, si la marche des comètes était réglée, l’apparition de ces astres ne serait plus un signe de la colère du ciel. Cette objection l’ébranla, et il s’en tira par une distinction : il persista à soutenir que le corps de la comète avait une marche réglée, mais il avoua que la queue pouvait bien être un signe de la colère céleste, et qu’aussi cette queue n’était qu’accidentelle. « Tant il fallait encore, dit Fontenelle, avoir de ménagements pour cette opinion populaire, il y a 25 ans ; maintenant on est dispensé de cet égard, c’est-à-dire que le gros du monde est guéri sur le fait des comètes, et que les fruits de la saine philosophie se sont répandus de proche en proche ; il serait assez bon, ajoute-t-il, de marquer, quand on pourrait, l’époque de la fin des erreurs qu’elle a détruites. »

(24). PAGE 26, VERS 15.

Un seul de tes regards, traversant ton empire,
Porta l’intelligence aux mortels imparfaits.

Le soleil, chez les anciens, était l’ame, l’intelligence du monde. (Voy. Pline, liv. II, ch. VI.)



CHANT DEUXIÈME.



Orphée décrit aux Argonautes la Sphère céleste. — Le Zodiaque. — Les Constellations connues des anciens.


Les premiers pas que l’homme imprima sur la terre
Lui firent rencontrer la famine et la guerre.
Il fallut disputer et fouiller de sa main
Le champ que du reptile infectait le venin,
Et long-temps au travail sa misère enchaînée(1)
Lutta péniblement contre la destinée.
Aux importuns besoins renaissant tous les jours
En vain des arts grossiers offrirent leurs secours.
Il fallut sur les mers poursuivre la fortune,
Invoquer l’art savant qui subjugue Neptune :
Pour demander un guide aux astres radieux,
Le pilote éleva ses regards vers les cieux :

Il apprit à compter, à nommer les Hyades,
Les Ourses, Orion, les humides Pléiades(2),
Et, grâce aux vils besoins, grâce à la soif de l’or,
Vers de nobles pensers l’homme prit son essor.
      Ainsi la Renommée aux Grecs encor barbares
Vint dire que l’Euxin sur ses rives avares
Recélait des trésors à l’Europe inconnus :
Un dragon y gardait le bélier de Phryxus.
De cinquante héros une élite intrépide
S’élance sur les mers où l’audace les guide ;
Et ce lointain voyage aux vainqueurs de l’Euxin,
Pour prix de leurs travaux, révèle un art divin :
Ils conquièrent l’Olympe, et la savante Asie
Leur livre pour trésors les secrets d’Uranie.
      Le dieu du jour, quittant le céleste Bélier,
Surmontait le Dragon et le Taureau guerrier,
Alors que triomphant d’Amphitrite étonnée,
Montrant à l’Hellespont sa poupe couronnée,
Leur vaisseau de Colchos emportait la toison
Qu’osa livrer Médée au trop heureux Jason.

Le héros, pour ravir son illustre conquête,
De l’hydre venimeuse avait foulé la tête,
Et les taureaux ardents, monstres aux pieds d’airain,
Avaient courbé leurs fronts sous sa puissante main.
Les vents favorisaient la nef impatiente,
Ouvrage de Minerve et comme elle éloquente.
Déjà dans le lointain fuyait avec le jour
Dindyme, qui d’Argo saluait le retour :
Le pilote assuré franchit, d’un vol rapide,
Le rivage où Sestos se rapproche d’Abyde ;
La nuit tombe des cieux, et le chef des héros
Promet enfin la Grèce aux vainqueurs de Colchos.
Sous un dôme d’azur, la carène écumante
Sillonne sans effort une onde obéissante ;
Et, tel que l’alcyon balancé dans les airs,
Qui d’une aile d’argent rase le sein des mers,
Le navire animé porte aux natales rives
Les matelots penchés sur leurs rames oisives.
      L’interprète des dieux, Orphée, était assis
Entre le fils d’Éson et Pelée et Tiphys ;

La main sur le timon, les yeux vers les étoiles,
Le sage Canopus s’abandonnait aux voiles ;
Et, du haut de la poupe, aux enfants de Léda
Lyncée à l’œil perçant montrait les feux d’Ida.
Il voyait dans ce vide où s’égare la vue
D’astres pour lui brillants une foule inconnue :
Tous les yeux les cherchaient aux célestes lambris.
« Toi que l’Égypte admit aux mystères d’Isis,
Parle, divin Orphée, héritier de la lyre
Qui t’ouvrit de Pluton le redoutable empire.
Dis-nous, non ces secrets que le culte des dieux
Défend de dévoiler à de profanes yeux,
Mais des cieux mieux connus chante-nous les merveilles.
Dis-nous l’heureux mortel qui, dans ses doctes veilles,
Sut imposer des noms aux astres étonnés ;
Dis-nous quels mouvements leur furent ordonnés.
Ouvre le vaste Olympe à nos regards avides ;
Et tes chants, immortels comme les Piérides,
Instruiront l’avenir, si tu peux pardonner
Qu’une bouche vulgaire ose les profaner. »

Ainsi dit Amphion ; et de la troupe entière
lie fils de Calliope exauçant la prière,
Prélude sur sa lyre et commence en ces mots(3),
Que semble respecter le silence des flots :
      « Dieux qui nous ramenez vers ces heureux rivages,
Des Grecs reconnaissants acceptez les hommages.
Salut, terre d’Hellen, bois sacrés de Lemnos,
Naxe, fertile Eubée, inconstante Délos :
Quand pourront tes enfants, Athènes si chérie,
Baiser victorieux le sol de la patrie ?
Père brillant du jour, dont le premier rayon
Va rendre à nos regards Athos et Pélion ;
Compagnes de ma mère, augustes bienfaitrices,
Chastes divinités, mes premières délices,
Pour prix d’un long amour et d’un culte pieux,
Ouvrez-moi l’empyrée, et montrez-moi les cieux.
Chantez, Muses, chantez sur vos lyres savantes,
Le cours harmonieux des sphères éclatantes,
Et proclamez le nom des sages dont la voix
À ces mondes errants sut imposer des lois.

Et vous, nos protecteurs au milieu des tempêtes,
Astres qui m’écoutez, suspendus sur nos têtes,
Et par qui notre nef, triomphant de l’Euxin,
Sut atteindre Sinope et le Phase lointain ;
Vainqueurs du noir chaos et de la nuit profonde,
Feux divins, dites-moi quel bienfaiteur du monde,
Dégageant vos rayons dans l’Érèbe émoussés,
Sut lire au firmament que vous embellissez.
Ce fut toi, sage Hermès, père de l’harmonie,
Législateur du ciel conquis par ton génie,
À qui tant de bienfaits ont valu tant de noms ;
Ta lyre dans mes mains va célébrer tes dons.
      « Mais lorsque tu traçais les sacrés caractères,
Qui du vaste univers renferment les mystères,
Les dieux n’ont pas permis qu’à nos faibles regards
La lumière en torrents jaillît de toutes parts.
Ils nous ont accordé la lente expérience,
Le désir de connaître, et non pas la science :
La science est assise au pied de leurs autels ;
Et le temps, le travail, instruisent les mortels.

      « Avant de s’élancer dans la voûte azurée,
Avant que sur leurs lois, leur marche, leur durée,
Son audace savante interrogeât les cieux,
L’homme admira long-temps leur cours silencieux.
Les pasteurs chaldéens, sur leurs paisibles rives(4),
Consumaient de la nuit les heures fugitives
À voir, sous un ciel pur, ces feux étincelants,
D’un mouvement égal sur leurs têtes roulants,
Et l’Euphrate charmé répétait dans son onde
Ces flambeaux suspendus à la voûte du monde,
Qui tous, vers l’occident avec elle emportés,
Allaient au sein des mers éteindre leurs clartés.
À ces peuples errants, observateurs rustiques,
Les astres de l’Olympe ont dû leurs noms antiques.
Leur piété plaça dans les sacrés lambris
Le bélier conducteur de leurs troupeaux chéris,
Le chien qui les gardait, et le taureau superbe,
Et le front virginal que couronne une gerbe,
La chèvre aux cornes d’or, le sauvage coursier,
La vendangeuse active, et le char du bouvier.

Des objets de leurs soins la sphère était remplie,
Tout le ciel leur parlait des travaux de leur vie.
Ils surent, attentifs à l’ordre des saisons,
Sous quels astres amis jaunissent les moissons.
      « Voyez-vous, disaient-ils, le dieu de la lumière
« Fournir seul, sans rivaux, sa brillante carrière ?
« Le soir Hesper le suit dans l’humide séjour ;
« L’astre ami des bergers annonce son retour(5).
« Mais, sitôt que la nuit nous couvre de ses voiles,
« L’azur du firmament brille de mille étoiles ;
« Toutes, gardant leur place à la voûte des cieux,
« Y décrivent ensemble un cercle harmonieux.
« Des bords de l’orient les unes qui s’élèvent,
« Vont commencer leur cours quand les autres l’achèvent.
« Sur son trône de flamme ardent à s’élancer,
« Le dieu le lendemain revient les effacer ;
« Mais il s’éloigne, il tombe, et le soir fait renaître
« Celles qu’à l’occident nous vîmes disparaître.
« D’où viennent tous ces feux qui se lèvent sur nous ?
« Où vont ceux qu’en ses flots reçoit un dieu jaloux ?

« Comment, par quel chemin se trouvent-ils encore
« Des rives du couchant aux portes de l’aurore ?
« Quelques astres pourtant dans leur déclinaison
« Tournent sans effleurer les bords de l’horizon ;
« Une étoile surtout, immobile à la vue,
« Toujours au même point demeure suspendue
« Sur les climats glacés qu’habitent les hivers,
« Et semble le pivot de tant d’orbes divers.
« Jamais l’astre du jour ne s’est approché d’elle ;
« À sa zone de feu le dieu toujours fidèle
« Visite tour à tour les signes radieux
« Qui montent au sommet de la voûte des cieux.
« Sur l’ardent équateur sa route est inclinée,
« Et son disque deux fois le franchit dans l’année.
« Les nuits dans cet instant sont égales aux jours,
« Et, selon qu’il s’approche ou s’éloigne en son cours,
« L’été brille sur nous, ou l’orageux Borée
« Des tristes nuits d’hiver allonge la durée.(6) »
      « Tels furent les objets qui, dans l’ordre des cieux,
De ces simples bergers durent frapper les yeux.

L’apparence à leurs sens en imposait sans doute,
La terre était un plan, et le ciel une voûte,
Les astres des flambeaux ; mais de ces vastes corps
Ils ignoraient les lois, les masses, les rapports.
Hélas ! malgré l’orgueil de nos brillants systèmes,
Combien de ces secrets nous ignorons nous-mêmes !
L’antiquité du moins, dans ses illusions,
Sut partager du ciel les vastes régions.
Les prêtres de Memphis, ceux de l’Inde, et les sages
Qui de l’extrême Asie occupent les rivages,
Élevant dans le ciel d’immuables signaux,
Ouvrirent au soleil douze palais égaux.
Leur main déjà savante y traça l’écliptique,
Et divisa dès-lors dans cette route oblique
Le mois en trente jours, l’année en douze mois,
Qu’un jour capricieux vint allonger cinq fois.
Oh ! combien il fallut de jours, de mois, d’années,
De siècles consumés en veilles obstinées,
Pour observer des cieux les divers mouvements
Et fixer pour jamais ces premiers éléments !

Que de siècles encore avant que ces merveilles
Allassent du Brachmane étonner les oreilles,
Et qu’aux rives du Nil le porphyre sculpté
Aux yeux initiés montrât la vérité.
      « Justement étonné de ces travaux sublimes,
Que n’ont point des vieux temps engloutis les abîmes,
Un voyageur disait au prêtre d’Osiris :
« Quoi ! l’Olympe est tracé sur vos doctes lambris !
« Les cieux vous sont ouverts ! Quel peuple heureux et sage
« Vous transmit autrefois ce brillant héritage ?
« A qui doit notre encens payer de tels travaux ? »
Et le prêtre des dieux répondait en ces mots :
« Tu demandes quel peuple a conquis cet empire :
« Lève les yeux, mortel, les cieux vont te le dire.
« Ces signes qu’y sema la main de nos aïeux,
« Des rustiques travaux symbole ingénieux,
« Dans quels autres climats seraient-ils explicables ?
« La nature en ces lieux en dit plus que vos fables.
« Remonte dans les temps à ces antiques jours
« Où le char du soleil au plus haut de son cours

« Traversait d’Égipan le domaine céleste(7) :
« La Chèvre suspendue à la colline agreste
« Est l’emblème animé du char étincelant
« Tout prêt à s’élancer du solstice brûlant.
« Le Verseau, les Poissons à l’Égypte altérée
« Annoncent l’heureux temps, où de l’urne sacrée
« Son fleuve protecteur épanchera les eaux.
« Le Bélier dans les champs ramène nos troupeaux.
« Le Taureau nous rappelle aux travaux de l’année.
« Des Gémeaux d’Osiris l’enfance fortunée
« Invite la nature à la fécondité.
« Au solstice d’hiver le soleil arrêté,
« Revenant sur ses pas, imite en sa carrière
« De l’oblique Cancer la marche irrégulière(8).
« Le Lion reparaît, et son cœur belliqueux
« Rend la force à la terre en nous dardant ses feux.
« Et toi, brillante Isis, qu’un épi d’or couronne,
« Protège ces moissons que ton astre nous donne.
« La Balance te suit, par qui l’ombre et le jour(9)
« Se partagent l’empire au céleste séjour.

« Le sinistre Antarès d’une haleine empestée
« Verse ses noirs poisons sur la terre infectée ;
« L’Égypte, qui languit sous cet astre oppresseur,
« Attend le Sagittaire, implore un défenseur ;
« Il vient ; le monstre fuit, le trait part, l’air s’épure,
« Et les vents ont rendu la joie à la nature.
« Parle, étranger : qui sut dévoiler à tes yeux
« De ce livre sacré le sens mystérieux ?
« Si le ciel fut conquis, l’Égypte en a la gloire,
« Et depuis dix mille ans la pierre en sait l’histoire (10). »
      « Sage, tu disais vrai : dans ce cercle des jours,
Où l’ordre de l’Olympe est écrit pour toujours,
Les peuples ont reçu de l’Égypte féconde
Le plus grand monument des annales du monde.
Les noms, les attributs des signes éclatants,
Peuvent changer au gré du caprice des temps ;
Mais l’orbe restera dans la céleste voûte,
Autant que ce soleil dont il trace la route.
      « La piété de l’homme aux plus puissants des dieux
Osa distribuer les signes radieux(11) :

Minerve dans le ciel guida l’Agneau timide ;
Au superbe Taureau c’est Vénus qui préside ;
Phébus eut les Gémeaux, Mercure le Cancer ;
Le Lion rugissant trembla sous Jupiter ;
Cérès avec l’Épi nous porta l’espérance ;
De sa robuste main Vulcain tint la Balance ;
Le Scorpion brûlant de Mars suivit les lois ;
Diane au Sagittaire a prêté son carquois.
Chastes feux de Vesta, vous ranimez à peine
Le douteux Égipan que l’hiver nous ramène.
Junon, reine des airs, que ton urne à longs flots
Épanche les trésors de ses fertiles eaux ;
Et toi, Neptune, admis au partage du monde,
Protège tes poissons au ciel comme sur l’onde.
      « En peuplant de leurs noms le céleste palais,
La gloire a des héros consacré les hauts faits :
En Égypte Osiris, Bacchus dans l’Arabie (12),
Mythra cher à la Perse, Ammon à la Libye,
Bélus qui vit couler l’Euphrate sous ses lois,
Ont mérité le ciel pour prix de leurs exploits ;

L’Hercule qui du Nil dompta le cours rapide,
Cet Hercule thébain que nous rend notre Alcide,
De ses douze travaux a rempli tous les cieux(13) ;
Chaque pas du soleil les rappelle à nos yeux :
Là brillent le lion, le monstre d’Érymanthe,
Les serpents étouffés d’une main innocente,
L’hydre cent fois frappée et renaissant encor,
Achéloüs vaincu, la biche aux cornes d’or,
L’immense Géryon tombant sous la massue,
Les oiseaux de Stymphale expirant dans la nue,
Le taureau des Crétois par Dédale enfermé,
Rendant le sang impur dont il était formé,
De l’arbre d’Hespérus les pommes enlevées,
Les juments de Typhon dans son sang abreuvées,
Et le triple Cerbère arraché des enfers,
Épouvantant les cieux quoique chargé de fers.
      « Mais entre chaque pôle et la zone inclinée,
Que parent de leurs feux les signes de l’année,
Dans ces champs azurés combien d’astres épars,
Se défiant l’un l’autre, appellent les regards !

Pour parcourir ce ciel que notre vue embrasse,
L’homme, par la pensée, a divisé l’espace.
Le compas d’Uranie a tracé dans les airs
Sept invisibles points et huit cercles divers.
Tandis que tous les cieux roulent d’un pas tranquille,
À leur centre commun la terre est immobile :
Aux deux bouts de leur axe, en des climats glacés,
De Borée et d’Auster les pôles sont placés :
Apollon tour à tour rencontre dans sa lice
L’un et l’autre équinoxe et le double solstice.
L’horizon fuit en cercle autour du spectateur :
La sphère sur ses flancs arrondit l’équateur,
Qui des pôles entre eux divisant l’intervalle,
Garde de l’un à l’autre une distance égale :
Ces grands méridiens qui se courbent sur nous,
Coupent deux fois leur axe et s’y rencontrent tous :
La zone qu’en deux parts divise l’écliptique,
Voit ses bords limités par le double tropique ;
Et les astres du pôle, en leur course bornés,
Dans deux cercles étroits semblent emprisonnés.

      « Voyez-vous cette étoile à sa place arrêtée,
De la commune loi par le sort exceptée ?
Cynosure est son nom. Quand la mère des dieux
Redoutait pour son fils Saturne furieux,
La nymphe de la Crète, avec ses six compagnes,
Emporta Jupiter au sein de ses montagnes ;
Et l’Ida protégea, dans ses antres déserts,
L’enfance de ce dieu qui lance les éclairs.
Cynosure et ses sœurs, de la céleste voûte,
Propices au nocher, le guident dans sa route ;
Et leurs astres, amis du souverain des dieux,
Pour l’Érèbe jamais ne quitteront les cieux.
      « Non loin de Cynosure, et plus brillante encore,
S’élève Calisto vers le dieu qui l’adore.
Elle servait Diane : épris de tant d’attraits,
De la sœur d’Apollon Jupiter prend les traits ;
Et la Nymphe abusée à ses vives tendresses
Rendait avec transport d’enfantines caresses.
La sévère Junon, dans son orgueil jaloux,
Couvrit d’un poil grossier ce visage si doux ;

Calisto devint ourse, et sur les monts errante,
Elle pleura quinze ans sa faiblesse innocente.
Hélas ! elle était mère. Un jour, au fond des bois,
S’offre un jeune chasseur armé de son carquois.
C’est son fils. Ô tendresse ! ô douleur ! à sa vue,
Ne pouvant lui parler, Calisto méconnue
Tâche en vain d’adoucir son farouche regard.
Arrête, malheureux ! il la voit, le coup part…
Mais Jupiter veillait sur la nymphe timide ;
Un prodige a trompé la flèche parricide.
      « Brillez, astres du pôle, embellissez la nuit ;
Le Dragon vous enlace, et le Bouvier vous suit.
Là sourit Ganymède ; ici c’est la Couronne
Offerte à la beauté que Thésée abandonne ;
Et plus loin c’est Hercule, Hercule glorieux,
Fléchissant le genou pour rendre grâce aux dieux (14).
Le Dauphin dans le ciel levant sa tête humide,
La Flèche au vol léger, l’Aigle encor plus rapide,
Le Cygne harmonieux, à qui, brûlant d’amour,
Un dieu dut le bonheur, et deux héros le jour ;

Le Vautour las enfin de déchirer l’impie,
Et le coursier vainqueur dans les champs d’Olympie,
Des étoiles du nord compagnons immortels,
Les entourent de feux comme elles éternels.
Voyez-vous, orgueilleux d’une plus belle gloire,
L’autre coursier si cher aux Filles de Mémoire,
S’élever sur son aile et conquérir les cieux ?
Il frappe de son pied le Verseau pluvieux,
Comme il frappa jadis cette montagne aride
D’où jaillit à longs flots la source Aganippide.
Dirai-je le Delta, les sœurs de Phaéton,
Le serpent d’Esculape et le char d’Érichthon ?
Érichthon, l’inventeur du rapide quadrige(15),
Mais de qui la naissance, ineffable prodige,
A fait rougir le front de la chaste Pallas,
Quand l’amour de Vulcain outrageait ses appas.
      « Au-dessus de Pégase, à l’éclat dont il brille,
L’œil reconnaît Céphée, et sa femme, et sa fille.
Andromède expiait, sur un roc odieux,
Le crime de sa mère et le courroux des dieux.

 
Cette reine trop belle, ivre de sa fortune,
Méprisa les attraits des filles de Neptune ;
Un monstre que la mer vomit près de l’Atlas,
Vint du prince Numide infester les états :
Et l’oracle ordonnait qu’offerte en sacrifice
Andromède du ciel désarmât la justice.
Enchaînée au rocher qui domine les mers,
Elle entend à ses pieds mugir les flots amers ;
Et le monstre déjà, du fond du noir abîme,
S’apprête à dévorer sa dernière victime.
Nul espoir de secours, tout a fui de ces lieux :
Et quel bras s’armerait pour l’arracher aux dieux ?
Les dieux ont condamné, l’heure vient, la mer gronde,
Et la victime est seule entre le ciel et l’onde.
Tout-à-coup, ô prodige ! est-ce un dieu qui fend l’air ?
C’est un jeune héros, le sang de Jupiter,
Emportant dans les cieux son terrible trophée,
La tête de Méduse. Ô fille de Céphée,
Lève tes yeux mourants, dissipe ton effroi ;
Persée aux pieds ailés est déjà près de toi.

Il apprend son malheur, il combattra pour elle.
Le péril est si beau, la victime est si belle.
Seule avec son vengeur, Andromède rougit.
Et cependant la mer s’enfle, écume, mugit ;
C’est le monstre. Persée, élancé du rivage,
Du dragon sur lui seul veut attirer la rage.
L’un vole dans la nue, et l’autre, sur les flots
Se dressant, de son dard menace le héros ;
Dans ses replis affreux il brûle de l’étreindre.
Le héros fond sur lui sans se laisser atteindre,
S’élève, redescend, frappe encor, mais en vain,
L’écaille impénétrable a repoussé l’airain.
Le monstre est en fureur ; Andromède éperdue
De cet affreux combat veut détourner la vue,
Pousse un cri lamentable, et, levant ses beaux yeux,
Retrouve son vengeur qui plane dans les cieux.
Vingt fois il eût péri moins prompt et moins agile ;
Vingt fois le fer trompé tombe sur le reptile.
Le terrible ennemi, bondissant sur la mer,
Poursuit de ses élans le fils de Jupiter.

La fille de Céphée, en sa douleur mortelle,
Pleure, frémit de crainte, et ce n’est plus pour elle.
Mais enfin le héros vers le monstre abhorré
Précipite son vol, et, d’un bras assuré,
Dans sa gueule béante enfonce cette épée
Du sang de la Gorgone encor toute trempée.
C’en est fait : à ses pieds revoyant son vengeur,
Andromède a senti redoubler sa rougeur ;
Les dieux sont satisfaits ; et, près de lui placée,
Jusqu’au brillant Olympe elle a suivi Persée.
Par quels plus beaux exploits monte-t-on dans les cieux ?
      « D’autres astres encor s’élèvent à nos yeux
Par-delà l’équateur et la ligne écliptique :
La coupe de Bacchus, et l’Hydre du tropique ;
L’Éridan, qui reçut dans son lit embrasé
Le char de Phaéton par la foudre brisé ;
Le Loup cruel atteint par le fils de Philyre,
Qui, le premier des Grecs, dans l’Olympe sut lire ;
Et l’immense Baleine ; et, plus brillant encor,
L’autre Poisson si fier de ses écailles d’or ;

Le Corbeau, qui trahit un amoureux mystère ;
Et l’Autel, des serments sacré dépositaire ;
Le Lièvre aux pieds légers, l’agile Procyon,
Le brûlant Sirius ; toi surtout Orion,
Toi, dont le bras soulève ou chasse les tempêtes,
Le plus beau de ces feux qui roulent sur nos têtes :
Ta ceinture éclatante atteste à l’univers
Que tu dois la naissance au souverain des mers.
Ô vous, que sur les flots emporte votre audace,
Conjurez ce géant qu’Hélion seul efface !
Ô Grecs, sur ces flambeaux brillants de toutes parts,
Pieux navigateurs, attachez vos regards ;
Ils vous parlent des dieux : vers de lointains rivages
Ils ont guidé vos pas à travers les orages :
Consacrez-leur un culte, et des bienfaits nouveaux
Deviendront chaque jour le prix de vos travaux.
Que de secrets encor nous réserve Uranie !
Mais ce ciel qui m’écoute est ouvert au génie.
      « Regardez cette zone où se perdent nos yeux,
Qui du nord au midi ceint la voûte des cieux,

Et qui, tout à-la-fois brillante et nébuleuse,
Laisse tomber sur nous une clarté douteuse.
      « Dites-moi si du sein de l’auguste Junon
Une goutte échappée a tracé ce sillon ;
Si le char égaré par le fils de Clymène
Des cieux qu’il embrasait a dévasté la plaine ;
Ou bien faut-il en croire un récit des vieux jours ?
Le soleil autrefois suivait un autre cours(16) ;
Cette zone, dit-on, en a gardé la trace,
Et le pôle lui-même avait une autre place.
Mais plutôt n’est-ce point le concours radieux (17)
D’innombrables flambeaux qui confondant leurs feux,
Forment ce blanc tissu de lumière incertaine
Dont la reine des nuits pare son front d’ébène ?
      « Si les dieux dans l’Olympe ont établi leur cour,
Des héros cette zone est le brillant séjour.
C’est là que de mortels une race choisie(18)
Est admise aux festins qu’embaume l’ambroisie.
Ceux à qui la patrie a dû ses saintes lois,
Et ceux qui de leur sang ont cimenté ses droits,

Les inventeurs des arts à leur culte fidèles,
Et les chantres aimés des doctes Immortelles,
Au céleste banquet sont dignes de s’asseoir.
Amis, et vous aussi concevez cet espoir :
La gloire vous appelle ; heureux ceux qui l’entendent :
La carrière est ouverte, et les dieux vous attendent.
Un jour, reconnaissants de vos nobles travaux,
Et pleins du souvenir des vainqueurs de Colchos,
Les mortels placeront dans ce ciel qui m’inspire,
Le vaisseau qui nous porte, et vos noms, et ma lyre. »
      Ainsi disait Orphée, et ses accords savants
Allaient mourir au loin sur les ailes des vents.
Amphitrite prètait une oreille attentive ;
Et déjà, retirant leur clarté fugitive,
Ces astres que chantait son luth harmonieux
Achevaient lentement leur route dans les cieux.



NOTES

DU DEUXIÈME CHANT.




(1). PAGE 49, VERS 5.


Et long-temps au travail sa misère enchaînée.

« Et duris urgens in rebus egestas. »
(Géorgiques. I. ier.)

(2). PAGE 50, VERS I.


Il apprit à compter, à nommer les Hyades…

« Navita tum stellis numeros et nomina fecit,
Pleiadas, Hyadas, claramque Lycaonis Aseton. »
(Ibid.)

(3). PAGE 53, VERS 4.


Prélude sur sa lyre, et commence en ces mots…

« Dans le même temps, le divin Orphée prit en main sa lyre, et, mêlant à ses accords les doux accents de sa voix, il chanta comment la terre, le ciel et la mer, autrefois confondus ensemble, avaient été tirés de cet état funeste de chaos et de discorde ; la route constante que suivent dans les airs le soleil, la lune et les autres astres ; la formation des montagnes, celle des fleuves, des nymphes et des animaux. Il chantait encore comment Ophion et Eurynome, fille de l’Océan, régnèrent sur l’Olympe, etc. Orphée avait fini de chanter, et chacun restait immobile. La tête avancée, l’oreille attentive, on l’écoutait encore, tant était vive l’impression que ces chants laissaient dans les âmes.

« Le repas fut terminé par des libations, etc. »

(Les Argonautes d’Apollonius de Rhodes, ch. ier.)

(4). PAGE 55, VERS 5.


Les pasteurs Chaldéens, sur leurs paisibles rives, etc.

« Principio Assyrii, propter planitiem magnitudinemque regionum quas incolebant, cùm cælum ex omni parte patens et apertum intuerentur, trajectiones, motusque stellarum observârunt. »

(Cicero, de Divinatione, I. i, n. i. )

(5). PAGE 56, VERS 8.


L’astre, ami des bergers, annonce son retour.

« L’éclat dont brille Vénus avait frappé les Grecs ; mais ses mouvements avaient jeté ce peuple dans une erreur bien grossière. On sait que Vénus se montre alternativement avant le lever du soleil et après le coucher de cet astre, selon qu’elle est plus occidentale ou plus orientale que le soleil. Les Grecs n’imaginèrent pas qu’une même étoile pût se montrer sous deux aspects si opposés. Ils crurent devoir les attribuer à deux astres différents. Conséquemment à cette idée, Vénus reçut chez ces peuples deux noms, qui, caractérisant ses deux situations opposées, montrent que réellement les Grecs, d’une seule planète, en avaient fait deux. Ainsi, lorsque Vénus paraissait avant le lever du soleil, ils la nommaient Esophoros, c’est-à-dire, l’astre précurseur de l’aurore. Ils l’appelaient au contraire Esperos, l’astre du soir, lorsqu’elle ne se montrait qu’après le coucher du soleil. »

(Goguet, Origine des Lois, t. iii, I. iii.)

(6). PAGE 57, VERS 18.


L’été brille sur nous, ou l’orageux Borée
Des tristes nuits d’hiver allonge la durée.

Nous savons aujourd’hui que le soleil n’est pas plus près de la terre en été qu’en hiver : il en est au contraire plus loin : mais ici, c’est Orphée qui parle.


(7). PAGE 60, VERS I.


Ou le char du soleil au plus haut de son cours
Traversait d’Égypan le domaine céleste :
La Chèvre….

Égypan ou le Capricorne.

Nota. Voyez à la suite des notes, les noms des autres constellations décrites par Orphée.

« Ideo autem his duobus signis, quæ portæ solis vocantur, Cancro et Capricorno, hæc nomina contigerunt, quod cancer animal retrò atque oblique cedit, eâdemque ratione sol, in eo signo, obliquum ( ut solet) incipit agere retrogressum. Capræ vero consuetudo hæc in pastu videtur, ut semper altum pascendo petat ; sic et sol in Capricorno incipit ab imis in alta remeare. »

(Saturnales de Macrobe, I. i, ch. xvii.)

(8). PAGE 60, VERS 19.


De l’oblique Cancer la marche irrégulière… « Les noms des constellations du zodiaque ne leur ont pas été donnés au hasard ; ils ont exprimé des rapports qui ont été l’objet d’un grand nombre de recherches et de systèmes. Quelques-uns de ces noms paraissent être relatifs au mouvement du soleil. L’Écrevisse, par exemple, et le Capricorne indiquent la rétrogradation de cet astre aux solstices, et la Balance désigne l’égalité des jours et des nuits à l’équinoxe. Les autres noms semblent se rapporter à l’agriculture et au climat du peuple, chez lequel le zodiaque a pris naissance. Le Capricorne, ou la constellation de la Chèvre, paraît mieux placé au point le plus élevé de la course du soleil qu’à son point le plus bas. Dans cette position, qui remonte à 15 000 ans, la Balance était à l’équinoxe du printemps, et les constellations du zodiaque avaient des rapports frappants avec le climat de l’Égypte et avec son agriculture. »

(Exposition du système du Monde, I. v, ch. ier.)

Nota. Voir sur le même sujet l’Astronomie du 18e siècle, par M. Delambre, I. viii, et le mémoire de Dupuis sur les constellations.


(9). PAGE 60, VERS 19.


La Balance te suit, par qui l’ombre et le jour, etc.

Quelques personnes ont cru que la figure de la Balance était une invention moderne, ou du moins postérieure à Orphée. On trouvera dans le discours préliminaire de l’Histoire de l’astronomie du moyen âge, par M. Delambre, et dans le Mémoire de Dupuis, sur l’origine des constellations, l’exposé des motifs qui autorisent à croire que cette figure était connue des Égyptiens, dont Orphée reproduit ici les traditions.


(10). PAGE 61, VERS 10.


Si le ciel fut conquis, l’Égypte en a la gloire,
Et depuis dix mille ans, la pierre en sait l’histoire. Le prêtre que je fais parler ici est bien modeste, comparativement à ses compatriotes. Les Égyptiens avaient de bien autres prétentions : ils assuraient, au rapport de Syncelle, que le soleil avait gouverné l’Égypte pendant 30 000 ans. Ils comptaient, suivant le même auteur, 36 525 ans d’existence ; suivant saint Augustin (Cité de Dieu, I. 18, ch. 40), 48 863, et même 100 000 ans. Diogène Laërce rapporte qu’ils prétendaient avoir observé 373 éclipses de soleil et 832 de lune. Diodore de Sicile parle (liv. i) de deux traditions, qui se seraient bornées à 33 000 ans, et même à 23 000. Platon dit que, du temps de Solon, les prêtres qui passaient pour les mieux instruits, ne faisaient pas remonter les origines égyptiennes au-delà de 9 000 ans. Hérodote, qui voyagea en Égypte 100 ans après Solon, nous donne sur cet objet (I. 2, n. 142) une notion encore plus précise. Les prêtres de Thèbes assuraient, dit-il, que leur monarchie existait depuis 11 340 ans. Ils comptaient 341 rois, selon les uns ; 475, suivant les autres. C’était bien pis chez les Babyloniens : ceux-ci prétendaient avoir observé le cours des astres pendant 473 000 ans ; aussi Cicéron ne veut-il en rien croire. « Contemnamus etiam Babylonios… condemnemus, inquam, hos, aut stultitiæ, aut vanitatis, aut imprudentiæ, qui CCCCLXX millia annorum, ut ipsi dicunt, monumentis comprehensa continent, et mentiri judicemus, nec sæculorum reliquorum judicium, quod de ipsis futurum sit pertimescere. « ( De Divinatione, 1. i, n. 109.) En effet de pareilles traditions paraîtront exagérées ; mais il n’en est pas moins vrai que les monuments astronomiques des Égyptiens attestent une longue suite d’observations.


(11). PAGE 61, VERS 20.


La piété de l’homme aux plus puissants des dieux
Osa distribuer ces signes radieux.

… … Restat, quæ proxima cura,

Noscere tutelas, adjectaque numina signis, Et quæ cuique deo rerum natura dicavit, Cùm divina dedit magnis virtutibus ora, Condidit et varias sacro sub numine vires, Pondus uti rebus persona imponere possit. Lanigerum Pallas, Taurum Cytherea tuetur, Formosos Phœbus Geminos ; Cyllenie, Cancrum ; Tuque pater, cum matre deùm, régis ipse Leonem ; Spicifera est Virgo Cereris, fabricataque Libra Vulcani ; pugnax Mavorti Scorpius hæret ; Venantem Diana virum, sed partis equinæ ; Atque augusta fovet Capricorni sidera Vesta ; E. Jovis adverso Junonis Aquarius astrum est ; Agnoscitque suos Neptunus in æthere Pisces.

(Manilius, Astronomiques, I. 2.)

« Les Japonais ont douze dieux, partagés en deux classes ; sept primitifs et cinq qui ont été ajoutés depuis. Le nombre de douze dieux est évidemment relatif aux signes du zodiaque, aux mois de l’année, aux années de la période de douze ans, dont l’usage a été et est encore universel dans l’Asie. Les Égyptiens avaient également douze dieux, ce qui est encore une conformité singulière. Mais ce n’est pas tout, les douze dieux des Égyptiens ne furent primitivement qu’au nombre de sept : c’étaient les sept planètes. Les cinq autres furent ajoutés pour suffire aux douze signes du zodiaque. « Il y a donc le même nombre de dieux et le même partage de ces dieux, en sept et en cinq, au Japon et en Égypte. »

(Bailly, 3e Lettre sur l’origine des sciences.)

(12). PAGE 62, VERS 17.


En Égypte Osiris, Bacchus dans l’Arabie, etc.

Te Serapim Nilus, Memphis veneratur Osirim, Dissona sacra Mithram, ditemque, ferumque Typhonem.
Atys pulcher item, curvi et puer almus aratri,
Ammon, et arentis Libyes et Biblus Adonis
Sie vario cunctus te nomine convocat orbis.
(Hymne au soleil de Marcien Capella.)

(13). PAGE 63, VERS I-3.


L’Hercule, qui du Nil dompta le cours rapide…
De ses douze travaux a rempli tous les cieux.

« On verra dans la fable d’Osiris ou du soleil, qui voyage dans toutes les contrées de l’univers, pourquoi, tandis que ce héros s’avance vers les contrées brûlantes de l’Ethiopie, le Nil se déborde, et inonde principalement la partie de l’Égypte où régnait Prométhée, qui pensa en mourir, et pourquoi il donna à ce fleuve le nom d’Aigle ou de Vautour de Prométhée, c’est-à-dire de la constellation qui suit l’Hercule céleste dans son coucher, durant le débordement, et qui reparaît le matin avec lui, au bout d’environ trois mois, lorsque le Nil rentre dans son lit. C’est sans doute ce qui donna lieu de dire que ce fut cet Hercule qui vint repousser le fleuve, et le fit rentrer dans ses limites. »

(Dupuis, Orig. des Cultes, t. iii, p. 161.)

Voici le passage de Diodore de Sicile, qui est le fondement de cette allégorie.

« Au lever de la canicule, le Nil rompit ses digues et se déborda d’une manière si furieuse, qu’il submergea presque toute l’Égypte, et surtout cette partie dont Prométhée était gouverneur, de sorte que peu d’hommes échappèrent à ce déluge. L’impétuosité de ce fleuve lui fit donner le nom d’Aigle. Prométhée voulut se tuer de désespoir, mais Hercule, se surpassant lui-même, entreprit de réparer ces brèches et de faire rentrer le fleuve dans son lit. »

Voyez l’explication des douze travaux d’Hercule par l’Astronomie,

dans le Mémoire de Dupuis sur l’origine des constellations, t. iv de l’Astronomie de Lalande, p. 474 et suivantes.

(14). PAGE 66, VERS 17.


Hercule glorieux
Fléchissant le genou pour rendre grâce aux dieux.

L’Agenouillé est le nom ancien de cette constellation. On dit que cet homme qui fléchit le genou était Hercule. Pingré croit que l’on n’a donné à l’Agenouillé le nom d’Hercule qu’à une époque postérieure à Orphée. On peut voir la réfutation de cette opinion dans le Mémoire de Dupuis sur l’origine des constellations, Astronomie de Lalande, t. 4, p. 496.


(15). PAGE 67, VERS 13.


Érichton… sa naissance, ineffable prodige
A fait rougir le front de la chaste Pallas…

« De cujus progenie (Erichtonii) Euripides ita dicit ; Vulcanum Minervæ pulchritudine corporis inductum petiisse ab eâ ut sibi nuberet, neque impetrâsse ; et cœpisse Minervam sese occultare in eodem loco qui propter Vulcani amorem Ephestius est appellatus ; quo persecutum Vulcanum ferunt cœpisse ei vim afferre ; et cum plenus cupiditatis ad eam, ut complexui se applicaret, ferretur, repulsus effudit in terram voluptatem, quo Minerva, pudore permota, pede pulverem injecit. Ex hoc autem nascitur Erichtonius anguis, qui ex terrâ et eorum dissentione nomen possedit. »

(Hygin, Astronomiques, I.2.)

On lit à-peu-près la même chose dans les Mythologiques de Fulgentius, évêque de Carthage, I. ii.


(16). PAGE 72, VERS 8.


Le soleil autrefois suivait un autre cours.
An meliùs manet illa fides, per saecula prisca
Illàc solis equos diversis cursibus isse,
Atque aliam trivisse viam longumque per ævum
Exustas sedes, incoctaque sidera, flammis
Caeruleam verso speciem mutasse colore,
Infusumque loco cinerem, mundumque sepultum.
(Manilius, Astronomiques, I. i.)

Les Pythagoriciens flottaient entre ces diverses opinions. « Ils pensaient, dit Bailly (Hist. de l’Astronomie ancienne, Éclaircissements, liv. 7, § i), que la voie lactée était la trace d’une étoile enflammée au temps de l’incendie de Phaéton, laquelle avait tout brûlé sur son passage : selon quelques-uns, ce cercle fut autrefois la route du soleil ; enfin selon d’autres, la voie lactée est produite par une réflexion des rayons du soleil, à peu près pareille à celle qui produit l’arc-en-ciel ou les couleurs des nuées. »


(17) PAGE 72, VERS II.


Mais plutôt n’est-ce pas le concours radieux…

« An major densâ stellarum turba coronâ

Contex it flammas et crasso lumine candet Et fulgore nitet collato clarior orbis ! »

(Manilius, l. ier.)

(18) PAGE 72, VERS 17.


C’est là que de mortels une race choisie…

« An fortes animæ dignataque numina cœlo
Hue migrant ex orbe. »
(Manilius, l. ier.)
« Hic manus ob patriam puguando vulnera passi,
Quique pii vates et Phœbo digna locuti,
Inventas aut qui vitam excoluere per artes. »
(Virgile, I vi.)
NOMS DES CONSTELLATIONS DÉCRITES PAR ORPHÉE

Le Lion reparaît, et son cœur.

Le sinistre Antarès.
Le douteux Égypan.

Cynosure est son nom.
Cynosure et ses sœurs.
S’élève Calisto.
Là sourit Ganymède.
… Ici c’est la Couronne.
… Hercule glorieux.
Le coursier vainqueur.
L’autre coursier si cher.
Dirai-je le Delta.
… Les sœurs de Phaéton.
… Et sa femme et sa fille (de Céphée)
… Et l’Hydre du tropique.
… Le fils de Phillyre.
L’autre poisson si fier.

… L’agile Procyou.
Le brûlant Sirius.
Le vaisseau qui nous porte.
… Et vos noms.

… Et ma lyre
Régulus, ou le cœur du Lion.
La principale étoile du Scorpion.
Le Capricorne, moitié chèvre moitié
poisson.
L’étoile Polaire.
La petite Ourse.
La grande Ourse.
Antinous.
La couronne d’Ariane.
L’Agenouillé.
Le petit cheval.
Pégase.
Le Triangle.
Les Hyades.
Cassiopée, Andromède.
L’Hydre femelle.
Le Centaure ( ou Chiron).
Le poisson austral, l’étoile de
Fomalhaut.
Le petit chien.
Le grand chien.
L’Argo.
Jason, Hercule, les Dioscures,
Canopus.
La lyre.



CHANT TROISIEME.



HISTOIRE DE L’ASTRONOMIE ANCIENNE.


Premiers systèmes imaginés par les Grecs. — École d’Ionie. — Thalès explique les éclipses. — Pythagore : ses voyages dans l’Inde et en Égypte. — Fondation de l’École d’Italie. — Disciples de Pythagore, et dispersion de la secte. — Méton : son cycle. — Eudoxe, Pythéas, Platon, Aristote. — École d’Alexandrie. — Euclide, Manéthon, Ératosthène, Conon, Archimède, Hipparque, Sosigène, Ptolémée, son système. — Incendie de la bibliothèque d’Alexandrie. — L’étude de l’astronomie passe chez les Arabes.


Comment du sein des nuits put jaillir la lumière ?
Quand commença le temps ? d’où sortit la matière ?
L’espace est-il fini ? Tous ces mondes divers,
Éternels ou créés, habités ou déserts,
Seraient-ils destinés à tracer leurs orbites
Pendant des jours sans fin dans des cieux sans limites ?
Des limites ? le temps, l’espace, n’en ont pas :
Ils échappent à l’œil, aux nombres, au compas.
C’est en les divisant que notre intelligence
De ces corps, de ces faits signale l’existence,
Trésor mystérieux de la nature : en vain
À concevoir en eux un principe, une fin,

Notre esprit se consume. Il doit enfin se rendre
À ce double infini qu’il ne saurait comprendre.
Mais d’où viennent les corps, l’ordre, le mouvement ?
Ces mondes que leur centre attire incessamment ?
Cette lumière enfin, qui des cieux descendue
Coule sans s’épuiser, et remplit l’étendue ?
Ô méditations ! voiles mystérieux,
Délice et désespoir de l’esprit curieux !
Que notre âme, attachée à ces rêves sublimes,
Se plonge avec orgueil dans ces vastes abîmes !
Eh ! qui put contempler ces mondes enflammés,
S’agitant dans l’espace, et peut-être animés,
Sans s’élancer vers eux, et vouloir sur des ailes
Aller interroger les sphères éternelles ?
L’homme est un vermisseau sur la terre banni,
Il rampe, mais son œil aperçoit l’infini ;
Tout le frappe à-la-fois dans ce dédale immense,
Ces feux, ce mouvement, cet éternel silence,
Tout l’écrase et l’élève. En vain ces vastes corps
Échappent à sa vue et bravent ses efforts :

D’un vol audacieux, sous ces voûtes profondes,
Il poursuit, il atteint, il pèse tous ces mondes.
L’art d’un cristal magique arme ses faibles yeux ;
Il force les soleils à descendre des cieux ;
Des siècles engloutis dans la nuit des ténèbres
S’éveillent à sa voix les ruines célèbres ;
Et cet être éphémère, aveugle, avec fierté
S’élance dans les temps et dans l’immensité.
      Mais, en osant tenter ces sublimes problêmes,
Combien l’esprit de l’homme enfanta de systèmes !
De nos propres erreurs esclaves complaisants,
Vainement avertis du mensonge des sens,
Nous aimons le prestige, et la raison confuse
Sortant péniblement d’un songe qui l’abuse,
N’abjure qu’à regret tous ces romans divers,
Qui sans l’étudier expliquent l’univers.
Qu’aux rives de l’Ægos un brûlant météore
Tombe du haut des airs aux pieds d’Anaxagore,
La Grèce adorera cet informe débris,
Comme un fragment lancé des célestes lambris(1).

Mais, le premier, qu’il dise à la savante Éphèse :
Le soleil est plus grand que le Péloponèse ;
Aux erreurs de leurs sens intéressant les cieux,
Nul n’osera le croire et démentir ses yeux.
Si je demande aux Grecs d’où jaillit la lumière ?
Ce soleil quel est-il ? l’un répond : une pierre,
Un immense rubis brillant sur nos climats ;
Pour d’autres, le soleil n’existe même pas(2) ;
Des parcelles de feu s’élevant de la terre
Forment un météore au séjour du tonnerre.
Le disque étincelant s’arrondit tous les jours
Pour verser la lumière, et suivre un même cours ;
Et le soir, tous ces feux dispersés dans l’espace,
À la voûte d’azur vont prendre une autre place.
De l’univers la terre est le centre et l’autel :
Les sept astres errants dans les plaines du ciel
De la lyre sacrée entendent la cadence,
Et règlent sur ses tons leur marche et leur distance. (3)
      C’est par de tels discours qu’à l’Olympe autrefois
L’esprit léger des Grecs croyait donner des lois.

Ils savaient que non loin des sables de Libye,
À l’étude du ciel un roi vouant sa vie,
Avait tracé la sphère, et de l’astre des jours
Dans des cercles d’airain déterminé le cours :
Qu’Hercule, parcourant cette terre étrangère,
Des mains du sage Atlas avait reçu la sphère ;
La Grèce va prêter à ces inventions
Le voile ingénieux de vaines fictions.
      Atlas est un géant chargé du poids du monde ;
Dans ce travail immense Hercule le seconde.
Les fruits d’or à Vesper par le héros ravis
Sont les astres brillant au céleste parvis(4),
Que l’on voit chaque jour, quand leur course s’achève.
S’évanouir aux feux du soleil qui s’élève.
Hercule a triomphé de cinquante beautés,
Par le nombre des mois ses exploits sont comptés ;
Et le soleil aussi cinquante fois ramène
Le cercle étroit des jours qui forment la semaine.(5)
      De la fable trompeuse ainsi prenant les traits,
La vérité perdit ses pudiques attraits.

De ces vains ornements la parure étrangère
Trop long-temps dégrada son front noble et sévère.
Le voile allégorique est une ombre de plus
Qui dérobe Uranie à nos regards confus.
Elle a ses mots sacrés, sans doute, et ses mystères ;
Mais son temple est ouvert, et ses prêtres austères
Par un art mensonger n’osent plus l’avilir ;
Car c’est la profaner que vouloir l’embellir.
Instruire est son partage, et suffit à sa gloire.
Elle permet pourtant qu’ami de la mémoire,
Doux charme de l’oreille, en doublant d’heureux sons
Le vers en traits plus vifs y grave ses leçons.
      De la science enfin quelques lois plus certaines
De la terre d’Isis vont passer dans Athènes :
Le Nil instruit Thalès à lire dans les cieux ;
À sa voix tombera le glaive furieux
Par qui le sang du Mède inondait la Lydie.
Après cinq ans entiers de meurtre et d’incendie,
Deux peuples, vers l’Halys, dont ils couvrent les bords,
Dans un dernier combat épuisent leurs efforts.

Thalès paraît ; il dit qu’à leur rage guerrière
Le soleil indigné refuse sa lumière,
Qu’il va voiler son front, si les crimes de Mars
Insultent plus long-temps et souillent ses regards.
Vains discours ! la fureur est sourde à la menace :
Mais quoi ! l’astre pâlit, et son disque s’efface.(6)
Ô terreur ! ces guerriers, l’un sur l’autre acharnés,
Des ombres de la nuit soudain environnés,
Ne reconnaissent plus leurs enseignes flottantes,
Frappent leurs compagnons égarés sous leurs tentes,
Et de la guerre enfin maudissant les forfaits,
Ne demandent au ciel que le jour et la paix.
Ils ont jeté le fer ; et bientôt à leur vue
Le soleil reparaît, la paix leur est rendue.
Sarde, Éphèse, Théos, Mèdes et Lydiens
Accueillent à grands cris l’auteur de tous ces biens.
Quel dieu l’a revêtu de ce pouvoir suprême ?
Il parle, et du soleil tombe le diadème.
Ma voix, leur répond-il, n’a pas un tel pouvoir :
C’est la voix d’un mortel. Quand vous avez cru voir

L’astre du jour s’éteindre au haut de sa carrière,
Un astre sans clarté nous voilait sa lumière.
De ce grand phénomène un savant autrefois
M’enseigna vers l’Euphrate et la cause et les lois.
Le globe de Diane au soleil qui l’éclaire
Présente et tour à tour dérobe un hémisphère ;
Et, suivant les aspects qu’elle montre à nos yeux,
Le disque ou le croissant resplendissent aux cieux.
De l’hémisphère obscur s’allonge dans l’espace
Un cône ténébreux attaché sur sa trace, (7)
Une ombre qui voyage, asile de la nuit,
Dans cette mer de flamme où l’astre la conduit.
Vers ce disque brillant la lumière élancée
Du globe qu’elle frappe est au loin repoussée,
Et porte jusqu’à nous, sur son rayon brisé,
L’éclat de ce grand corps au soleil opposé ;
Phébé rend tous les feux dont son frère l’inonde ;
Mais si l’astre des nuits, la terre et l’œil du monde,
Dans un ordre pareil amenés par le temps,
Sur un axe commun tournent quelques instants,

L’un de l’autre au soleil va dérober la vue ;
L’ombre fuyant alors dans l’immense étendue,
Dans son cône jaloux reçoit pour l’éclipser
L’astre aux feux empruntés qui l’ose traverser :
Ainsi vous avez vu Phébé d’un crêpe sombre
Couvrir le dieu du jour et nous plonger dans l’ombre ;
Et ses feux s’éteindront par un effet pareil
Quand la terre à ses yeux voilera le soleil.
      La Lydie écoutait ces savantes merveilles
Qui jamais des Romains n’occuperont les veilles.
Empédocle, en des vers par le temps respectés (8),
Traçait l’ordre prescrit aux célestes clartés.
Cependant de Thalès émule ardent et sage,
Pythagore au savoir voue un noble courage.
Vers le Gange, dit-on, des hommes révérés
Célèbrent de Witsnou les mystères sacrés.
Il part, et le disciple est aux pieds de ses maîtres.
« Reçois la vérité de la bouche des prêtres ;
« Witsnou, dit le Brachman, est l’être universel (9) ;
« D’une fleur qui flottait sur l’abîme éternel

« Il engendra Brama ; Brama créa les ondes,
« Et c’est du sein des eaux que sont nés tous les mondes.
« À leur centre commun notre globe arrêté
« Est par quatre éléphants dans le vide porté.
« Le soleil loin de nous roule sous les étoiles
« Qui de la nuit profonde embellissent les voiles ;
« Et, d’une ombre soudaine enveloppant les cieux,
« Un dragon quelquefois le dévore à nos yeux.
« Sa sœur, encor plus loin, poursuivant sa carrière,
« Arrondit par degrés et cache sa lumière.
« Que de fois, dans le cours des siècles écoulés,
« Les sages de Brama, sur nos tours assemblés,
« L’œil toujours attaché sur la céleste voûte,
« Ont vu l’astre du jour s’éteindre dans sa route !
« Leur prophétique voix peut aux âges lointains
« Prédire de ces corps les mouvements certains.
« C’est peu, dans ce grand livre, où la flamme étincelle,
« Ils lisent l’avenir à leurs ordres fidèle :
« Brama leur révéla tous les secrets du sort ;
« Ils commandent aux rois, à la terre, à la mort :

« Le ciel leur est soumis ; et ces astres paisibles,
« Des sévères destins confidents inflexibles (10),
« Pour eux, de la nature interrompant les lois,
« De l’Olympe obscurci descendent à leur voix.
« Viens-tu de la science apprendre le mystère ?
« Le prêtre saint en est le seul dépositaire :
« Obtiens que son esprit descende jusqu’à toi ;
« Crois sans examiner : la science est la foi.
« Sois soumis, il suffit : le front dans la poussière,
« Que ta raison superbe attende la lumière,
« Et que sur toi Brama la répande à grands flots. »
      Pontife, répondit le sage de Samos,
Tu veux me commander, et ne veux pas m’instruire.
Sans doute que du ciel la vérité doit luire ;
Mais, si tu la comprends, de quel droit prétends-tu
Subjuguer mon esprit sans l’avoir convaincu ?
Le droit d’interroger les temps et la nature
Est le plus beau présent fait à la créature ;
L’honneur d’avoir ravi le céleste flambeau
Est du génie humain le titre le plus beau.

Non, le ciel, pour venger sa lumière empruntée,
N’a jamais au Caucase enchaîné Prométhée(11) :
Le ciel n’est point jaloux de ces nobles succès
Qui nous le font bénir, et qui sont ses bienfaits.
Le crime est dans l’orgueil du prêtre qui l’outrage,
Qui veut de ma raison m’interdire l’usage,
Consacrer l’imposture, et, la foudre à la main,
Le bandeau sur les yeux, guider le genre humain.
Celui qui m’a créé pouvait aussi sans doute
M’interdire ce bien qu’on veut que je redoute.
Si ma faible raison n’est qu’un guide trompeur,
Qui m’égare, a-t-il droit de punir mon erreur ?
Il m’a dit : Sois doué d’une céleste flamme,
Élève jusqu’à moi ta pensée et ton âme ;
Sois libre pour choisir, et, dans ta liberté,
Marche vers la justice et vers la vérité.
J’obéis, et d’un cœur respectueux, sincère,
Je cherche à le connaître, et j’aspire à lui plaire.
Je viens des murs d’Athène aux rives de l’Indus
Consulter la science, admirer les vertus,

À la voix qui m’éclaire ouvrir un cœur facile.
Vous qui faites trembler un vulgaire imbécile,
Si vous voulez ma foi, dessiliez-moi les yeux :
Je ne les ferme point à la clarté des cieux ;
Mais le doute à l’erreur est encor préférable ;
Laissez-moi ma raison, mon guide véritable :
Ma foi n’est qu’à ce prix, et sur de tels sujets
Le sage ne commande et n’obéit jamais.
      S’éloignant à ces mots du prêtre dont l’audace
Fait descendre du ciel l’erreur et la menace,
Il dirige ses pas vers les fertiles bords (12)
Où le Nil tous les ans épanche ses trésors.
Là, par mille travaux, monuments du vieil âge,
La savante Uranie a marqué son passage.
L’ombre de l’obélisque élancé dans les cieux
Décroît, tourne, s’allonge, et montre l’heure aux yeux ;
Le Bootès blanchit de ses clartés timides
Le front qu’à ses regards offrent les Pyramides ;
Et, lorsque vers le nord le soleil ramené
Vient toucher le tropique à son char incliné,

Au pied même des tours qu’un ciel ardent éclaire,
Le pâtre cherche en vain une ombre tutélaire :
La flamme est sur sa tête, et dans ses cavités
Syène voit du jour descendre les clartés(13).
Le sage a parcouru cette Égypte féconde
Que divisent les eaux du fleuve qui l’inonde ;
Il arrête ses pas au temple de Memphis,
Et sa voix de l’Aurore interroge le fils :
« Ô Memnon, par ce jour que ramène ta mère,
Aux vœux d’un étranger ouvre ton sanctuaire. »
Il dit : la porte d’or a roulé sur ses gonds,
La réponse du dieu sort des antres profonds :
« La vérité réside en ce temple paisible,
Elle est mystérieuse et non inaccessible ;
Mais aux yeux des mortels son voile n’est levé
Que pour une âme pure, un courage éprouvé ;
Trop souvent elle a lui pour un cœur infidèle :
Toi qui l’oses chercher, montre-toi digne d’elle ;
Descends sous cette voûte, et viens, qui que tu sois,
Recevoir la lumière une seconde fois. »

La voix cesse, et déjà dans l’enceinte sacrée
L’étranger sans pâlir s’avance. Dès l’entrée,
S’opposent à ses pas des obstacles soudains :
Un fleuve, il est franchi ; des feux, ils sont éteints ;
La faim, la sombre nuit, l’effroi d’un long silence,
Et le fer, tour-à-tour éprouvent sa constance.
Des rites d’Orient imitateur pieux,
D’une part de lui-même il fait hommage aux dieux ;
Et lorsque de la nuit la reine redoutée
Sept fois a ramené sa lumière empruntée,
Aux mystères du ciel le néophyte admis,
De ses mâles travaux reçoit enfin le prix.
La science d’Hermès à ses yeux dévoilée,
Les sept astres errants sous la voûte étoilée,
La terre suspendue, et son globe lancé
Dans l’espace des cieux sur son pôle abaissé,
Les mondes habités par des intelligences,
Le soleil présidant à ces orbes immenses,
La lune que sans lui ne verraient pas nos yeux,
Le voilant quelquefois dans son cours glorieux,

L’Égypte se levant sur ses humides plages
Comme un vivant témoin du savoir des vieux âges,
Et les siècles lointains guidés par ces flambeaux
Entretenus par elle au milieu des tombeaux ;
Voilà de quels objets la lumière inconnue
Du sage initié vient étonner la vue ;
Et des monstres hideux sur la pierre sculptés
Déjà le sens pour lui n’a plus d’obscurités.
      La ville du soleil t’appelle en son enceinte,
Pythagore ; introduit dans la demeure sainte,
Regarde sur l’autel l’oiseau mystérieux,
L’oiseau dont les couleurs resplendissent aux cieux,
Présent qu’a fait au Nil l’odorante Arabie.
Né sans père, il vit seul ; la mort lui rend la vie.
Être pur et léger, c’est en vain qu’à ses yeux
La terre vient offrir ses fruits délicieux ;
Dédaignant des mortels la pâture grossière,
Il s’abreuve aux rayons, source de la lumière (14) :
L’Olympe est son palais, l’éther son aliment ;
Sur ses ailes de pourpre il plane incessamment,

Part, s’éloigne, revient et règne dans l’espace.
Quand l’hiver trois cents fois au printemps a fait place,
L’oiseau, qui de ses jours sent le terme approcher,
Vient à l’autel sacré confier son bûcher ;
De myrrhe et d’aloès lui-même le compose :
Sur ce lit de parfums enfin il se repose,
Cherche d’un œil éteint la lumière du jour,
Et son dernier adieu monte au divin séjour.
C’en est fait ; mais du ciel un trait part, l’encens fume ;
Dégagé tout-à-coup du feu qui le consume,
Le phénix rajeuni, plus brillant et plus beau,
S’élance du brasier qui devient son berceau,
Et toute la nature, en le voyant paraître,
Retrouve en lui le dieu qui s’éteint pour renaître.
La ville d’Hélion sur son fertile bord
Des cendres du bûcher recueille le trésor,
Et l’Égypte salue avec des cris de joie
L’astre resplendissant que le ciel lui renvoie.
Pars, Pythagore, et va du phénix ranimé
Raconter la merveille au Céphise charmé(15).

      Bientôt, impatient d’illustrer sa patrie,
Il portait la lumière à son île chérie ;
Mais, ô de la sagesse inévitable sort !
La persécution l’attendait sur ce bord.
Proscrite dans Samos, méconnue, exilée,
la science à Crotone est enfin consolée.
Il y trouve un asile, et souvent dans ces lieux
Numa vient avec lui s’entretenir des cieux(16).
Ces murs avec orgueil possèdent Pythagore ;
Du titre du plus sage un oracle l’honore :
Métaponte à genoux lui dresse des autels.
Inconstante faveur des aveugles mortels !
Un disciple a bravé le vulgaire stupide(17),
Son imprudente voix dit que d’un cours rapide
Notre terre se meut, et de l’astre du jour,
Roulant sur elle-même, en un an fait le tour.
C’en est assez : soudain le préjugé s’irrite,
Les sens ont démenti la vérité proscrite :
La secte est en horreur ; cherchant des bords lointains,
Les sages ont aux flots confié leurs destins,

Et du maître au tombeau la cendre profanée
Chez ces peuples ingrats demeure abandonnée.
      Après les noirs frimas le printemps de retour
Sur l’Olympe embaumé fait lever ce beau jour
Où les talents rivaux dans le cirque d’Élée
Demandaient des lauriers à la Grèce assemblée.
C’était là qu’Hésiode et le chantre d’Hector
Avaient dit ces beaux vers qui nous charment encor,
Qu’Œdipe de Sophocle éternisait la gloire.
C’était là qu’aux récits du père de l’histoire,
Les acclamations d’un peuple transporté
Avaient prédit l’arrêt de la postérité,
Et que, né pour atteindre à ces palmes heureuses,
Thucydide versait des larmes généreuses.
Muses, redites-moi quels sublimes accents
Des enfants de la Grèce enivrèrent les sens !
      La ville de Cadmus, de Pindare si fière,
Opposait ce grand nom à l’Hellénie entière ;
Pour la cinquième fois du laurier glorieux
La couronne attendait son front victorieux :

Une femme paraît, qu’Apollon même inspire ;
Ses doigts harmonieux s’égarent sur sa lyre ;
Et le chantre thébain, muet d’étonnement,
Laisse tomber la sienne en son ravissement.
Cette femme chantait les sphères immortelles,
Les travaux de Titan et ses retours fidèles,
La lumière et le feu sur les corps répandus,
Tous les bienfaits du ciel jusqu’à nous descendus,
Et cette âme incréée, invisible et féconde,
Qui meut, soutient, anime et répare le monde.
      Transportés aux beaux jours du naissant univers,
Admis dans l’Empyrée aux célestes concerts,
Tous les Grecs, se levant à cette voix divine,
Proclament le triomphe et le nom de Corine :
Mais elle : « Retenez des transports trop flatteurs,
« Hellènes ; si ma voix a su toucher vos cœurs,
« Ce n’est point que Pindare ait en moi sa rivale :
« Il chantait d’un mortel la palme triomphale ;
« Je célébrais l’Olympe et ses rapides feux :
« Son talent fut plus beau, mon sujet plus heureux :

« Je rends ce noble prix au ciel qui me le donne. »
Elle dit, et les Grecs consacrent sa couronne
Au pied de cet autel qui brille au firmament (18),
Et qui des dieux jadis a reçu le serment.
La gloire de Corine au ciel est confiée.
Bientôt à d’autres jeux l’Élide est conviée :
Près de l’Alphée assis, les peuples cette fois
D’un sage aimé des dieux vont entendre la voix.
      Méton se lève et dit : « Élite de la Grèce,
Ma main n’anime point la lyre enchanteresse ;
Mais l’art ingénieux qui mesure le temps
Peut-être est digne aussi d’occuper vos instants.
Des révolutions de la sphère éthérée
L’homme dut observer l’immuable durée ;
Apollon et sa sœur, au même point des cieux,
Ne viennent point finir leur cercle radieux.
Diane moins constante, et pourtant régulière,
Signalait chaque pas de sa vaste carrière ;
En quatre fois sept jours, sa forme quatre fois
Changeait, et dut régler la semaine et le mois (19),

Tandis que le soleil dispensait les années
Et les saisons par lui tour-à-tour ramenées.
Pour diviser le temps en espaces égaux
Combien l’esprit de l’homme essaya de travaux !
L’ombre silencieuse et l’onde fugitive
Prêtèrent leur secours à la vue attentive.
Entre leurs mouvements et les célestes corps
Un art industrieux sut trouver des rapports ;
Grâce au cône léger qui laisse fuir le sable,
Le temps devint visible et sa trace palpable,
Et le rapide instant qui s’enfuit pour jamais
Put être apprécié par nos sens imparfaits. »
      « De l’orbe que Phébus parcourt à notre vue,
Trois fois cent vingt degrés divisent l’étendue ;
Mais sans cesse roulant sur son axe incliné
Dans le cercle de feu qui lui fut ordonné,
Il consume à franchir ses brillantes demeures
Douze mois et cinq jours prolongés de six heures (20).
La déesse des nuits et le père des jours,
Dans des cercles divers accomplissant leur cours.

Nous dispensent des ans de longueur inégale :
Mais, lorsque terminant sa marche triomphale,
Phébus a dix-neuf fois de son char embrasé
Effleuré le Tropique à l’Auster opposé,
Au même point du ciel, et la sœur et le frère,
De leurs feux réunis remplissent l’hémisphère,
Et réconciliés, mais pour quelques instants,
Recommencent leur cours par un nouveau printemps.
De cette période adoptez la durée ;
Il est digne de vous, de la Grèce éclairée,
En fixant pour jamais vos fêtes, vos travaux,
De mettre enfin d’accord les deux astres rivaux. »
Il a dit : tous les Grecs, d’un concert unanime,
Applaudissent au vœu que sa voix leur exprime ;
La science triomphe, et ce jour a porté
Le cycle de Méton à la postérité(21).
     Eudoxe, ambitieux d’une pareille gloire,
Du ciel, sans l’observer, osa tracer l’histoire ;
Mais il sut recueillir chez des peuples lointains
Sur les astres errants des calculs plus certains ;

Il dessina la sphère, aida l’agriculture,
Et de l’art des devins méprisa l’imposture.
      Voyageur courageux, cherchant un ciel nouveau,
Pythéas vers le nord dirigea son vaisseau.
Là du sommet glacé d’un mont Hyperborée
Il observa des nuits l’importune durée,
Et ces temps où Phébus, toujours à l’horizon,
Ne fait qu’un jour sans nuit de toute une saison(22).
      De la docte Uranie expliquant les mystères,
Ces sages la montraient sous ses formes austères.
Elle illustra leurs noms, mais, par un nouveau choix,
Du plus brillant génie elle emprunta la voix.
Sur un mont escarpé dont le faîte domine
Les vagues que Céos renvoie à Salamine,
S’élève un temple antique à Pallas consacré.
Là, le divin Platon, de sages entouré(23),
Aux vents tumultueux, à la voix des abîmes,
Mêlait la gravité de ses accents sublimes ;
Il disait la sagesse enfantant l’univers,
Et des mondes flottants les célestes concerts :

Ces mondes animés par l’immortelle essence,
Noble émanation de la toute-puissance.
      « La flamme, ajoutait-il, emporte dans les cieux,
De l’aurore au couchant, les disques radieux,
Tandis qu’appesantis par leur masse grossière,
Roulent vers l’orient nos globes de poussière.
Moi-même, par l’orgueil trop long-temps abusé,
J’ai cru que notre terre, astre favorisé,
Aux yeux de son auteur et plus noble et plus chère,
Demeurait immobile au centre de la sphère.
Mais de la vérité les oracles certains
Ont sous la loi commune abaissé nos destins.
Un sage l’apporta d’Égypte en Italie,
Et par un autre sage elle y fut accueillie.
Premier législateur d’un peuple encor grossier
Qui fonde sur le Tibre un empire guerrier,
Le disciple et l’ami de notre Pythagore
En reçut les secrets dont l’Égypte s’honore.
Un temple par ses mains élevé dans ces lieux,
À l’œil qui sait y lire offre l’ordre des cieux.

Sa forme circulaire est l’emblème du monde ;
Il s’ouvre à l’orient. Sous la voûte profonde,
On voit Phébé, Cybèle, et Mercure, et Vénus,
Mars sanglant, Jupiter et le fils d’Uranus ;
Un autel est au centre, où, par un soin fidèle,
Vesta nourrit sans cesse une flamme immortelle. »
      Il disait ; et les Grecs, dans ses discours vantés,
Admiraient le talent plus que les vérités :
L’éloquence brillait, mais la patrie ingrate
Applaudissait Platon et condamnait Socrate :
Peuple léger ! les arts conquis par tant d’efforts
Avec la liberté s’exilent de tes bords.
      Tandis qu’au bruit lointain des vagues courroucées
Platon donne l’essor à ses hautes pensées,
Un prince, non content du trône paternel,
Veut être conquérant, fondateur, immortel,
Dieu : le voilà qui court asservir les rivages
Où dormait le trésor du savoir des vieux âges.
Digne d’un tel dépôt, sur les peuples vaincus
Aristote a levé ses glorieux tributs(24) ;

De son rapide élève il absout la victoire ;
Et l’Euphrate du ciel lui raconte l’histoire.
Du Gange aux murs de Tyr le jeune conquérant
A détruit, et fondé les villes en courant.
Sur les sables du Nil s’élève Alexandrie :
Les arts ont reconnu leur première patrie.
C’est là qu’on voit bientôt les sages accourir,
A l’ombre de la paix les sciences fleurir.
Et naître sous les lois de l’heureux Ptolémée
Une école nouvelle à l’étude animée.
Un phare audacieux s’élance dans les airs ;
De la chute du Nil au bord des flots amers
L’Égypte est mesurée, et Syène l’antique
S’étonne d’avoir vu reculer son tropique(25).
Oh ! que d’illustres noms, que de nobles travaux
Transmettra cette école à des siècles nouveaux !
Euclide, Manéthon, le sage Ératosthène,
Explorateur du Nil à sa source lointaine ;
Conon, qui dans le ciel plaça ces beaux cheveux
Offerts par une reine à la mère des Jeux(26) ;

Et ce grand citoyen dont l’heureuse industrie
Fit servir la science à venger sa patrie,
Archimède ! Au foyer d’un ardent appareil,
Concentrés par son art, les rayons du soleil
Défendaient Syracuse, et dans la mer fumante
Embrasaient des Romains la flotte menaçante.
Sa main sous le cristal d’un globe ingénieux
A suspendu la terre et les astres des cieux ;
Des ressorts animés l’invisible puissance
Dans de justes rapports de temps et de distance,
Autour de leur soleil, sur des orbes divers
Fait circuler les corps du petit univers ;
Et sur l’ordre du ciel leur marche calculée
A révélé les lois de la sphère étoilée(27).
Hipparque infatigable, et génie inventeur,
Incline l’écliptique au plan de l’équateur ;
Les triangles, par lui soumis à la mesure,
De la sphère aplanie expriment la figure,
Et tout le ciel lui dit, long-temps interrogé,
« L’équinoxe s’avance et le pôle a changé. »

Il entreprend (les dieux l’encourageaient sans doute)
De dénombrer les feux de la céleste voûte ;
Et mille astres par lui légués à l’avenir(28)
Des cieux alors connus fixent le souvenir.
Du haut de cette tour où veille la science
Il soumet au calcul la lente expérience ;
Il demande au soleil quel espace effrayant
Sépare de nos yeux son disque flamboyant.
Des astres inconstants il trace les orbites,
Et du monde agrandi recule les limites.
Du rivage africain chez le peuple de Mars,
Sosigène, à la voix du premier des Césars,
Sur un ordre meilleur vient réformer l’année,
Dont Janus ouvrira la première journée(29).
Combien d’heureux essais, de nouveaux instruments,
Du génie inventif utiles monuments,
Vont, de l’observateur aidant les doctes veilles,
Révéler à ses yeux de brillantes merveilles !
Les triangles qu’au ciel a tracés le compas,
Reproduits sur la terre y mesurent nos pas :

Sur les mers au pilote ils serviront de guide.
Voyez-vous de Memphis l’altière pyramide ?
Son immense contour, cent vingt fois mesuré,
Du globe où nous marchons exprime le degré (30).
      Les révolutions de la sphère éclatante,
Et tout ce qu’entrevit l’antiquité savante,
Et les astres comptés, qu’à la voûte d’azur
L’œil put voir rayonner sous le ciel le plus pur,
Et tant d’heureux travaux si dignes de mémoire,
D’un autre Ptolémée éternisent la gloire.
« Quel pouvoir a, dit-il, suspendu dans les cieux
Ces astres qui sans cesse y marchent à nos yeux ?
Dans un ordre immuable ils poursuivent leur route,
Au ciel qui les entraîne ils sont fixés sans doute ;
Mais, sans voiler ces feux, quelques globes errants
Tracent plus près de nous des orbes transparents,
Et des cieux de cristal, que perce la lumière,
Se recourbent sept fois sur la nature entière. »
      Tel fut dans l’Orient ce système inventé,
Mélange de l’erreur et de la vérité.

La main de son auteur le grava sur la pierre
Du temple que Canope ouvrait à la prière(31) ;
Et long-temps l’étranger qui visitait ces lieux
Sur ces murs éloquents lut l’histoire des cieux.
      Les siècles vont passer sur ces doctes ruines,
Mais Rome jusqu’au Nil étendra ses rapines,
Rome, toujours livrée aux durs travaux de Mars,
Apporte l’esclavage et disperse les arts.
La ville d’Alexandre a vu sa gloire éteinte,
Les sages dès long-temps ont fui de son enceinte,
Et des travaux par eux légués à l’avenir
Elle conserve à peine un vague souvenir.
Il fut un monument, palais de la science,
Qui des fils de Lagus dit la munificence.
C’est là qu’incessamment se déroulaient aux yeux
Les écrits rassemblés par un zèle pieux ;
Là du monde savant l’illustre colonie,
Au papier confiait les trésors du génie.
L’ambitieux César descendu sur ce bord,
Embrase ses vaisseaux, assiégés dans le port,

Et le feu dévorant sa flotte criminelle
Atteint de ce palais la moitié la plus belle.
Sept siècles écoulés, un Arabe, un Omar,
Barbare imitateur de l’illustre César,
Fanatique orgueilleux, insulte et met en cendre
Le dépôt du savoir et les murs d’Alexandre.
Un livre, un livre seul échappe à tous ces feux.
Ô destin ! d’un Arabe il attire les yeux ;
L’Almageste l’étonne, et son âme charmée
Saisit, dévore, admire, explique Ptolémée.
C’en est fait, son esprit n’aura plus de repos :
Du maître après mille ans reprenant les travaux,
La science lui doit une nouvelle vie.
Ptolémée au tombeau sert encore Uranie,
Comme si son destin était de ranimer
Le flambeau qu’autrefois sa main sut allumer.



NOTES

DU TROISIÈME CHANT.




(1). page 91, vers 20.


..... Un fragment lance des célestes lambris.

« Les Grecs font grand bruit d’une prédiction d’Anaxagore de Clazomène, qui par ses connaissances astronomiques annonça dans la 2e année de la 78e olympiade, qu’à tel jour une pierre tomberait du soleil. Au jour indiqué, une pierre tomba dans un canton de la Thrace, près du fleuve Ægos. On la montre encore aujourd’hui, elle ferait la charge d’une charrette. Elle est enfumée et noircie par le feu. A la même époque une comète brilla pendant plusieurs nuits. Si l’on veut bien admettre cette prédiction, il faut avouer en même temps que la prescience d’Anaxagore est plus merveilleuse que le fait lui-même, et que toute notre science est en défaut, que tout est confondu, si l’on doit croire en effet, ou que le soleil soit de pierre, ou qu’une pierre ait été dans le soleil. Au surplus, on ne peut disconvenir que des pierres ne tombent du ciel assez fréquemment. Aujourd’hui encore on en révère une de ce genre dans le gymnase d’Abydos : elle est

peu volumineuse. On prétend que le même Anaxagore avait prédit qu’elle tomberait au point central de la terre. Une autre est révérée à Cassandrie, nommée aussi Potidée. Une colonie y a été conduite à cette occasion. J’ai vu moi-même une pierre pareille dans la campagne des Vocontiens, où elle était tombée peu de temps auparavant. »

(Pline, Hist. nat. , I. ii , § 59.)

(2). PAGE 92, VERS 8.


L’un me dit une pierre,
Un immense rubis brillant sur nos climats,
Pour d’autres le soleil n’existe même pas.

Xénophon, Memorab., I. iv.
Platon, Apol. ; Plutarque, de Superstitione ; Diogène Laerce, I. ii, § 8.
Platon, de Rep., I. vi.
Plutarque, de Plac. philos., I. ii, ch. 24.
Aristote, Météor, I. ii, ch. 2.

(3). PAGE 92, VERS 18.


Et règlent sur ses tons leur marche et leur distance.

« Les planètes, en y comprenant le soleil et la lune, sont au nombre de sept. L’heptacorde, ou la lyre à sept cordes, renferme deux tétracordes unis par un son commun, et qui, dans le genre diatonique, donnent cette suite de sons, si, ut, ré, mi, fa, sol, la. Supposez que la lune soit représentée par si, Mercure le sera par ut, Vénus par , le soleil par mi, Mars par fa, Jupiter par sol, Saturne par la. Ainsi la distance de la lune si à Mercure ut sera d’un demi-ton, c’est-à-dire que la distance de Vénus à Mercure sera le double de celle de Mercure à la lune. Telle fut la première lyre céleste, etc. »
(Voyage d’Anacharsis, chap. 31.)
Voyez dans Pline (Hist. nat., I. ii, § 20) une exposition de ce même système, c’est-à-dire des rapports entre les distances des planètes et celles des tons de la musique, « toutes subtilités, ajoute-t-il, plus agréables que nécessaires. »

(4). PAGE 93, VERS 12.


Sont les astres brillant au céleste parvis.
« Suivant Vossins, la fable des Hespérides est un tableau des phénomènes célestes : les Hespérides sont les heures du soir, le jardin est le firmament, les pommes d’or sont les étoiles, le dragon est le zodiaque, ou l’horizon qui coupe l’équateur à angles obliques : Hercule, c’est-à-dire le soleil, enleve les pommes d’or, c’est-à-dire que cet astre, quand il paraît, semble faire disparaître tous les astres. »
                  (Noel, Dict. de la table, mot Hespérides.)


(5). PAGE 93, VERS 18.


Le cercle étroit des jours qui forment la semaine.

      La même allégorie se retrouve dans les amours de Diane et d’Endymion, qui eurent cinquante enfants.

(6). PAGE 95, VERS 6.


…L’astre pâlit, et son disque s’efface.

      « Divers astronomes ont essayé dans ces derniers temps de calculer cette éclipse et d’en trouver le jour. Ils s’accordent pour le 17 mai de l’année 6o3 avant Jésus-Christ, et ils trouvent que l’éclipse dut être totale pendant 4 minutes 1/2, pour le lieu de la bataille entre les rivières d’Halys et du Mélas. »
                  (Court de Gebelin, Hist. civile du calendrier.)


(7). PAGE 96, VERS 10.

 
Un cône ténébreux, attaché sur sa trace.

Inde tenebrosum sectatur in æthere conum,

Corpore quem spisso tellus in lumine solis
Defensat, cœlique trahit per aperta sequacem.

                            (Anti-Lucrèce, I. v.)

(8). PAGE 97, VERS II.


Empédocle en des vers par le temps respectés, etc…

Il y a un ancien poème grec qui est attribué au philosophe pythagoricien Empédocle, quoique plusieurs critiques ne soient pas de cette opinion. Ce poème, intitulé la Sphère, consiste en une énumération des constellations et des signes du zodiaque avec des étymologies souvent forcées des noms de ceux-ci. C’est au sujet de ce poème qu’a été dit un mot qui a fait une grande fortune :

(Tritemius, Quæst. ad Cæsarem Maximilianum.)

Deum empedocleum esse sphœram intelligibilem cujus centrum ubique circumferentia nusquam sit. Et ce mot remonte à une bien plus haute antiquité ; car on attribue cette définition de l’intelligence universelle à Hermès Trismégiste.


(9). PAGE 97, VERS 19.


Witsnou, dit le Brachman, est l’être universel, etc.

On peut consulter sur la cosmographie des Indiens l’ÉzourVédam (Éclaircissements, t. ii, p. 209), Bailly (Hist. de l’astron. anc, l. iv, § 18), et M. Delambre, lequel conclut d’un passage de M. Davis, « que les Hindous commencent à douter de leur dragon, qui occasionnait les éclipses en dévorant le soleil. »


(10). PAGE 99, VERS 2.


Des sévères destins confidents inflexibles, etc.

« Carminé, divinas artes, et conscia fati
Sidera, diversos hominum varianlia rasus ;
Cœlestis rationis opus, dedurere mundo

Aggredior, primusque novis Helicona movere
Cantibus, et viridi nutantes vertice sylvas,
Hospita sacra ferens, nulli memorata priorum. »

(Manilius, Astronomie, I. i.)

(11). PAGE 100, VERS 2.


N’a jamais au Caucase enchaîné Prométhée.

Riccioli trouve dans Servius que Prométhée demeurant sur le Caucase, où il était tourmenté par le besoin de deviner les lois du mouvement des astres, avait ainsi donné lieu à la fable du vautour qui lui ronge les entrailles.

(Delambre, Hist. de l’astr. mod., l. xi.)

(12). PAGE 101, VERS II.


Il dirige ses pas vers les fertiles bords Où le Nil……

Pythagore voyagea dans les Indes et en Égypte : toutes les traditions s’accordent sur cela. Dans laquelle de ces contrées puisa-t-il les connaissances astronomiques qu’on lui attribue généralement ? C’est ce qu’on ne dit pas. Quel est le peuple qui a précédé les autres dans les découvertes de cette science ? Nous ne le savons point. Je ne me charge point de prouver que cette gloire appartenait aux Égyptiens, mais j’ai cru pouvoir la refuser aux Indiens, et voici sur quels fondements. « Un peuple qui fait la terre plate, qui imagine une montagne au milieu, pour cacher le soleil pendant la nuit, qui crée exprès deux dragons, l’un rouge et l’autre noir, pour éclipser le soleil et la lune : un peuple qui place la lune plus loin que le soleil, et pose la terre sur une montagne d’or, inventeur de ces absurdités, n’est point l’auteur des méthodes savantes que nous admirons. »

(Lettres de Bailly sur l’Origine des sciences, lettre ii.)

Il est vrai que cet auteur suppose que chez ces peuples, dont les connaissances astronomiques étaient si grossières, les prêtres avaient conservé des traditions plus exactes qui venaient d’un peuple plus ancien.


(13). PAGE 102, VERS 4.


. . . . . . . . . .Et dans ses cavités Syène voit du jour descendre les clartés.

« On lui montra aussi les gnomons horaires, qui à midi ne fournissent point d’ombre, parce que le rayon solaire étant vertical à Syène le jour du solstice d’été, la lumière est également répandue de toute part, et ne donne lieu à aucune ombre, tellement qu’au fond même du puits, la surface de l’eau est éclairée en entier. »

(Éthiopiques d’Héliodore, liv. 9.)
« Umbras nusquam flectente Syene. »
(Lucain, I. 2.)

(14). PAGE 104, VERS 18.


Il (le phénix) s’abreuve aux rayons source de la lumière.

Non epulis saturare famem, non fontibus ullis

Assnetus prohibere sitim, sed purior illum Solis fervor alit, ventosaque pabula libat Tethyos, innocui carpens alimenta vaporis.

(Claudien, le Phénix.)

(15). PAGE 105, VERS 20.


Raconter la merveille au Céphise charmé.

      « La plus remarquable de ces fables est celle du phénix : cet oiseau, suivant les idées égyptiennes, est unique ; son plumage est or cramoisi, il vient du pays des ténèbres pour mourir en Égypte et renaître de ses cendres dans la ville du soleil, sur l’autel de cette divinité. On ne peut douter que ce phénix ne soit l’emblème d’une révolution solaire… »
            (Bailly, Lettres sur l’origine des sciences, lett. 8.)
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(16). PAGE 106, VERS 8.


Numa vient avec lui s’entretenir des cieux.
                    (Ovide, Mét., I. xv, et Fastes, I. iii.)

(17). PAGE 106, VERS 13.

 
Un disciple a bravé le vulgaire stupide.

      « Pythagore enseigna publiquement que la terre était au centre de l’univers. Il réserva pour ses disciples de choix l’opinion du mouvement de la terre et de l’immobilité du soleil, qui eût choqué le vulgaire. »
                 (Bailly, Hist.de l’astr., ancienne, I.8, § 3.)


      « Philolaus de Crotone, disciple de Pythagore et d’Architas de Tarente, est un des Pythagoriciens les plus célèbres dans l’astronomie, pour avoir établi plus précisément qu’aucun autre Pythagoricien le mouvement de la terre. »
           (Astronomie de Lalande, I. 2.)


(18). PAGE 109, VERS 3.

 
Au pied de cet autel qui brille au firmament, etc.

      Corinne de Tanagre disputa cinq fois avec succès le prix de la poésie à Pindare. La couronne qui lui fut décernée fut consacrée parmi les astres sous le nom de couronne australe. Elle est placée au-dessous de l’autel. Cet autel est celui sur lequel les dieux jurèrent leur ligue contre les Titans.


(19). PAGE 109, VERS 20.


En quatre fois sept jours, sa forme quatre fois
Changeait, et dut régler la semaine et le mois.

      « La semaine depuis la plus haute antiquité, dans laquelle se perd son origine, circule sans interruption à travers les siècles en se mêlant aux calendriers successifs des différents peuples. Il est très-remarquable qu’elle se trouve identiquement la même sur toute la terre, soit relativement à la dénomination de ses jours réglée sur le plus ancien système d’astronomie, soit par rapport à leur correspondance au même instant physique. C’est peut-être le monument le plus ancien et le plus incontestable des connaissances humaines. Il paraît indiquer une source commune d’où elles se sont répandues ; mais le système astronomique qui lui sert de base est une preuve de leur imperfection à cette origine. »
                      (Exposition du syst. du monde, I. 1, ch. 3.)

 

(20). PAGE 110, VERS 18.


Douze mois et cinq jours prolongés de six heures.

      Les prêtres de Thèbes passent pour très versés dans l’astronomie et dans la philosophie. C’est d’eux que vient l’usage de régler le temps, non d’après la révolution de la lune, mais d’après celle du soleil. Ils ajoutent aux douze mois de trente jours chacun, cinq jours tous les ans ; et comme il reste encore, pour compléter la durée de l’année, une certaine portion de jours, ils en forment une période composée d’un nombre rond de jours et d’années, suffisant pour que les parties excédantes étant ajoutées, fassent un jour entier. Ils attribuent à Hermès toute leur science en ce genre. »
                    (Strahon, I. 17.)

     On trouve dans Diodore de Sicile, liv. Ier, un passage tout-à-fait semblable à celui de Strabon ; il est même évident que l’un a été calqué sur l’autre ; mais on ignore lequel est l’original : ces deux écrivains étaient contemporains
d’Auguste.


(21). PAGE 111, VERS 16.


Le cycle de Méton à la postérité.

      « Méton proposa son cycle de 19 années solaires, pendant lesquelles s’écoulent 19 années lunaires et sept mois intercalaires. Par ce moyen les mouvements du soleil et de la lune sont très-heureusement conciliés, et les deux astres se retrouvent, à très-peu près, au bout de la période, au même point du ciel Quand son auteur en présenta les tables et une explication dans l’assemblée des Jeux olympiques, quoiqu’il changeât l’ordre public, sa forme fut adoptée sur-le-champ par toutes les villes et colonies grecques, et reçut unanimement le nom de cycle ou nombre d’or pour marquer son excellence, nom qu’elle a conservé jusqu’aujourd’hui chez la plupart des peuples de l’Europe, qui en font encore usage..... Le premier cycle commença l’an 432 avant Jésus-Christ. »
                            (Bailly, Hist. de l’astr. anc., I. 8, § 12, 13, 14.)


(22). PAGE 112, VERS 8.


Ne fait qu’un jour sans nuit de toute une saison.

      Il n’est guères possible de croire qu’un philosophe qui avait voyagé ait raconté aux habitants de Marseille qu’en s’élevant vers le nord il était parvenu à un point où la voûte du ciel était si basse, qu’un homme ne pouvait s’y tenir debout. On a pourtant prêté cette exagération méridionale à Pythéas.

(23). PAGE 112, VERS 16.


Là le divin Platon, de sages entouré, etc.

      Toute cette doctrine est empruntée des discours que l’abbé Barthélémy fait prononcer à Platon, sur le promontoire de
Sunium.
              ( Voyage d’Anacharsis, ch. 59.)


      « Platon avait d’abord été de l’opinion générale, comme on le voit dans plusieurs endroits de ses ouvrages ; mais plus avancé en âge, on dit qu’il connut mieux la physique de l’univers et qu’il adopta le sentiment des Pythagoriciens sur le mouvement de la terre. C’est le témoignage que lui rendent Cicéron, Acad., quest. 2, 123, et Plutarque dans la vie de Numa. »
                   (Astronomie de Lalande, I. 2.)


      « L’on tient que Numa fit fabriquer le temple rond de la déesse Vesta, auquel est gardé le feu éternel, voulant représenter, non la terre, que l’on dit Vesta, mais la figure du monde universel, au milieu duquel les Pythagoriciens veulent que ce soit le siège et le séjour propre du feu, lequel ils appellent Vesta et disent être l’unité ; car ils ne tiennent pas que la terre soit immobile, ni située au milieu du monde, ni que le ciel tourne à l’environ, mais, au contraire,
disent qu’elle est suspendue à l’entour du feu, comme du centre du monde, et si ne veulent point que ce soit l’une des premières et principales parties de l’univers ; laquelle opinion l’on dit que Platon même tint en sa vieillesse, que la terre était en autre place que celle du milieu. »
                     (Plutarque, Numa.)


(24). PAGE 114, VERS 20.


Aristote a levé ces glorieux tributs.....

     On raconte que Callisthènes, parent et disciple d’Aristote, ayant eu communication à Babylone, où il avait accompagné Alexandre, d’une suite d’observations astronomiques qui

remontait à 1903, les envoya à ce philosophe, qui en fit usage dans les écrits qu’il publia. Le conquérant en fut jaloux, et il écrivit à son précepteur. « Tu n’as pas bien fait d’avoir publié tes livres des sciences spéculatives, pour autant que nous n’aurons rien au-dessus des autres, si ce que tu as enseigné en secret vient à être publié et communiqué à tous ; et je veux bien que tu saches que j’aimerais mieux surmonter les autres en intelligence des choses hautes et très-bonnes que non pas en puissance. »

(Plutarque, vie d’Alexandre. Voyez aussi les Nuits Attiques d’AuluGelle, I. 21, ch. 5.)


(25). PAGE 115, VERS 14.


L’Égypte est mesurée, et Syène l’antique
S’étonne d’avoir vu reculer son tropique.

      On va même jusqu’à accorder aux astronomes de l’école d’Alexandrie l’honneur d’avoir mesuré la circonférence de la terre : les moyens qu’on croit qu’ils employèrent pour y parvenir sont expliqués par M. de Lalande.
                     (Astronomie, I. ier.)


      « Ce lieu si âpre (Syène) était pour les géographes un des points les plus importants du globe. Il a servi à Ératosthène, à Hipparque, à Strabon et à Ptolémée, de point de départ pour déterminer la position des lieux de la terre. C’était la seule ville placée sous cette ligne qui sépare la zone torride de celle que nous habitons. L’opinion que Syène était sous le tropique fut maintenue plus de 3 000 ans après que cette ville avait cessé d’y répondre, et même de nos jours. Au 2e siècle de l’ère vulgaire, le bord septentrional du soleil atteignait encore au zénith de Syène, séjour du solstice d’été… Aujourd’hui le tropique est bien plus rapproché de l’équateur, et sa distance à Syène est de 37’23 au sud, ou de plus de 15 lieues et demie. »
(Description de Syène et des Cataractes, par M. Jomard.) V. la note 12.


(26). PAGE 115, VERS 20.


. . . . . . . . . . . . . . .Ces beaux cheveux Offerts par une reine à la mère des Jeux.

Bérénice Evergète, femme de Ptolémée Soter, roi d’Égypte, fit vœu de consacrer sa chevelure à Vénus, si son mari revenait triomphant d’une guerre qu’il faisait en Asie. Sa prière ayant été exaucée, elle se coupa les cheveux et les déposa dans le temple de la déesse. Mais ils disparurent, et pour expliquer cette disparition, l’astronome Conon montra au roi sept étoiles dans le voisinage de la queue du Lion, qu’il prétendit être la chevelure de la reine transportée dans le ciel.

« Omnia qui magni dispexit lumipa mundi.

Qui stellarum ortus comperit atque obitus, Flammeus ut rapidi solis nitor obscuretur, Et cedant certis sidera temporibus, Idem me ille Conon cœlesti lumine vidit E Bereniceo vertice cresaricm Fulgentem clarè, quam multis illa deorum, Lævia protendens brachia, pollicita est, Quâ rex tempestate, novo auctus hymenæo, Vastatum lines iverat assyrios. »

(Catulle, Épig. 66.)

(27). PAGE 116, VERS 14.


A révélé les lois de la sphère étoilée.

Archimède avait fait une sphère mécanique.

Arte syracosiá suspensus in ære clauso

Stat globus, immensi parva figura poli.

(Ovide, Fastes, I. 6.)
Huccine mortalis progressa poentia curæ ? Jam meus in fragili luditur orbe labor.
Jura poli, rerumque fidem, legesque deorum,

Ecce Syracusius trauslulit arte senex ; Inclusus variis famulatur spiritus astris, Et vivum certis motibus urget opus. Percurrit proprium mentitus signifer annum, Et simulata novo Cinthia mense redit : Jamque suum volvens audax industria muudum Gaudet, et humaná sidera mente regit. »

(Claudien, sur la sphère d Archimède.)

Voyez, dans le Traité de la République de Cicéron, liv. 2 § 14, quelques détails sur la sphère que Marcellus rapporta de Syracuse.


(28). PAGE 117, VERS 3.


Hipparque infatigable…
Et mille astres par lui légués à l’avenir, etc.

« Cœlo in hæreditate cunctis relicto. »
(Pline, I. 2, ch. 26.)

Le catalogue d’Hipparque contenait 1022 étoiles et assignait leur position pour l’année 128 avant Jésus-Christ.

Hipparque fut l’inventeur de la trigonométrie et du planisphère, et découvrit la précession des équinoxes. « Synesius, ancien auteur, qui a écrit sur l’astrolabe, atteste qu’Hipparque avait dit aussi quelque chose sur les planisphères, c’est-à-dire la manière de tracer sur un plan la convexité du ciel, sans changer les proportions des cartes, malgré la différence des surfaces. »

(Astronomie de Lalande, I. 2.)

(29). PAGE 117, VERS 14


Sosigène… vient réformer l’année,

Dont Janus ouvrira la première journée,
Ecce tibi faustum, Germanice, nuntiat annum

Inque meo primus carmine Janus adest.

                     (Ovide, Fastes, I. ier.)


     Voici l’explication de Dupuis, Orig. des Cultes, tom. i, pag. 85.
     « L’année des Romains commença à minuit depuis Nuina, qui en fixa le départ huit jours après le solstice d’hiver. Cet instant où le jour naturel commençant ouvrait en même temps la carrière du soleil et de l’année, qu’il engendre dans sa course à travers les 12 figures, était marqué dans les cieux par le lever des étoiles des pieds de la Vierge. La plus remarquable d’entre elles fut regardée comme le portier de l’Olympe, et en prit le nom de Janitor ou de Janus. Cette étoile devint un génie qui fut placé à la tête du calendrier. »


(30). PAGE 118, VERS 4.


Du globe où nous marchons exprime le degré.

      Le périmètre de la grande pyramide de Memphis avait 30 secondes du degré propre à l’Égypte ; ainsi le côté de la pyramide répété 480 fois, ou le périmètre pris 120 fois, faisait le degré terrestre.
(Mémoire sur le système métrique des anciens Égyptiens par M. Jomard.)
      L’Égypte, dit Paucton, dans sa Métrologie, conservait le module authentique des mesures. Les anciens en avaient pris le type dans la mesure de la terre. Le côté de la grande pyramide pris 500 fois est précisément la mesure du degré déterminé par les modernes.
      « Les rapports de plusieurs mesures de la plus haute antiquité, soit entre elles, soit avec la longueur de la circonférence terrestre, ont fait conjecturer non-seulement que dans des temps fort éloignés, cette longueur a été exactement connue, mais qu’elle a servi de base à un système complet de mesures, dont on retrouve des vestiges en Égypte et dans l’Asie. »
                       (Exp. du syst. du monde, I. i, ch. 14.)

      On peut voir sur le même sujet un passage du même ouvrage, liv. 5, ch. 2, et l’Astronomie mod. de Bailly, liv. 4.

(31). PAGE 119, VERS 2.

 
Du temple que Canope ouvrait à la prière.

      « Ptolémée inscrivit dans le temple de Sérapis à Canope les principaux éléments de son système astronomique. Ce système a subsisté pendant 14 siècles. Aujourd’hui qu’il est entièrement détruit, l’Almageste, considéré comme le dépôt des anciennes observations, est un des plus précieux monuments de l’antiquité. »
                    (Exposition du système du monde, I. 5, ch. 2.



L’ASTRONOMIE.




CHANT QUATRIÈME.

Palais des Pharaons, ouvrez-moi vos portiques !
Tombeaux, tables d’Isis, et vous, marbres antiques,
Où le ciseau savant traça l’ordre des cieux,
Des temps qui ne sont plus témoins silencieux,
Nous direz-vous un jour quelle source première
Sur ce monde engourdi fit jaillir la lumière ?
Des bienfaiteurs du globe à qui les arts sont dus
Retrouverai-je en vous les vestiges perdus ?
De leurs premiers travaux quelle terre s’honore ?
Soit qu’ils cachent leur source aux lieux où naît l’aurore,
Soit que l’onde du Nil ait porté leur berceau,
L’Égypte a dans son sein rallumé leur flambeau.

Errant des murs de Thèbe à l’indien rivage,
L’Arabe a recueilli ce brillant héritage.
Califes conquérants et savants couronnés,
Consolant par les arts leurs peuples étonnés,
Almanzor, Aaron, voient l’Europe soumise(1)
Chanter la double gloire à leurs règnes promise ;
Et par quelques écrits, glorieuse rançon,
Les Grecs payent la paix que leur donne Almamon.
Des princes d’occident un seul suit cet exemple,
Fait recueillir les lois des astres qu’il contemple,
Et les tables d’Alphonse illustrent à la fois
Abensid leur auteur, la Castille et ses rois(2).
Mais un siècle naissait, où l’essor du génie
Allait ouvrir à l’homme une route infinie.
Il semble que le sort dans le cercle des ans
Assigne à nos travaux quelques heureux moments.
Après un long sommeil, l’esprit humain s’élance,
Il renverse l’obstacle, il franchit la distance,
Il invente, et pour prix de ses nobles transports,
La gloire quelquefois sourit à ses efforts.

Honorable toujours, avec un but utile,
Le travail assidu rarement est stérile.
Mais lorsque la nature à nos yeux indiscrets
A laissé pénétrer quelques nouveaux secrets,
Qui peut dans l’avenir en prévoir tout l’usage ?
Ainsi quand le hasard, favorisant un sage,
Vint lui montrer le fer, mystérieux amant,
Par un charme invincible attiré vers l’aimant,
Vit-il dans ce jouet, vit-il dans le prodige
De ce mobile acier que le pôle dirige,
L’essor audacieux d’un conquérant hardi,
La mer d’Atlas soumise et le monde agrandi ?
Mais depuis qu’heureux don d’une main inconnue,
L’aiguille d’Amalfi vint étonner la vue,
Qui voudrait affronter, dans un frêle vaisseau,
Sur la foi d’un tel guide, un Océan nouveau ?
Si les monts de Calpé sont les bornes du monde,
Où finit cette mer ? et, si la terre est ronde,
Comment peuvent marcher, renversés dans les airs,
D’autres mortels bannis dans un autre univers ?

Vains doutes de l’esprit, préjugés du vieil âge,
Vous n’arrêterez pas un généreux courage.
Ferme dans ses desseins, les yeux vers l’occident,
Colomb s’est élancé sur l’abîme grondant.
L’horizon fuit ; la mer, se courbant sous ses voiles,
Retarde chaque jour le coucher des étoiles.
Point de bords, plus d’espoir, les vents sont déchaînés.
Entendez-vous les cris des soldats mutinés ?
Les cieux sont obscurcis, l’aiguille est infidèle(3).
« N’importe : à l’occident ! l’occident nous appelle ;
Nos yeux verront des bords et des astres nouveaux. »
Il dit, le jour renaît, un monde sort des eaux.
Par-delà l’équateur et la zone brûlante,
Deux continents aigus dans l’onde turbulente
S’avancent, et les flots, par ces caps divisés,
Offrent vers l’orient deux chemins opposés.
Gama des Portugais y conduit la vaillance.
Sur un autre océan le Castillan s’élance,
Et, surpris l’un de l’autre, ils se sont rencontrés(4)
Aux rives où le Gange épand ses flots sacrés.

Que ces enfants du Tage ont bravé de tempêtes !
Que de cieux inconnus ont brillé sur leurs têtes !
Tandis que le Bouvier et le pôle abaissé
Ont fui sous l’horizon avec le Char glacé ;
Tandis que le Dragon, qui ceint l’axe du monde,
Pour la première fois a disparu dans l’onde,
S’élève un autre pôle où le Poisson ailé(5)
Disperse les rayons de son corps étoilé :
La colombe y redit ses amours innocentes.
Déployant l’appareil de ses voiles brillantes,
Sous le tropique ardent fuit le vaisseau d’Argus,
Qui reconnaît encor la main de Canopus.
Là du caméléon se fixe enfin l’image.
L’oiseau cher à Junon étale son plumage.
Deux nuages légers flottent parmi ces feux.
La grue y vole auprès du phénix fabuleux,
Et l’hydre a déroulé ses écailles dorées.
C’est à vous, conquérants de ces mers ignorées,
C’est à vous de nommer tous ces astres nouveaux.
Ce mont vit la tempête arrêter vos vaisseaux ;

Qu’il aille dans les cieux publier vos conquêtes,
Et que la croix du sud y protège vos têtes.
Vainqueurs de l’Océan, Diaz, Vasco, Nugnez(6),
Andrada, Magellan, intrépide Perez,
Quand vous fendez ces flots témoins de votre gloire,
L’Europe est sous vos pieds et n’ose encor le croire.
Et vous, Cortez, Pizare, heureux navigateurs,
Des enfants du soleil rapides destructeurs,
Dites-nous, quand ce bord reçut vos nefs avares,
Les arts qu’à leurs vainqueurs apprirent ces barbares.
Ces princes du Potose, illustres par leurs lois,
Adoraient leur ayeul dans le père des mois.
Un temple qu’entouraient douze nobles demeures
Offrait aux yeux le cours des saisons et des heures.
À douze mois égaux ils savaient ajouter
Les cinq jours que Memphis nous apprit à compter.
Au pied d’une colonne un savant édifice
Forçait l’ombre incertaine à marquer le solstice.
Mais, si l’astre des nuits s’éclipsait dans les cieux,
Tout ce peuple craignait que la lune à ses yeux

Ne se précipitât du haut de sa carrière ;
Et par des hurlements rappelait la lumière.
L’Asie eût retrouvé dans cet autre univers
Ses emblèmes, ses arts, ses préjugés divers(7).
Lorsque l’Européen, jusque chez les sauvages,
Dans ce monde inconnu vint porter ses ravages,
Oh ! quel étonnement ! il vit l’homme nouveau
Nommer en les montrant et l’Ourse et le Taureau(8) !
Ces noms capricieux qu’il ne saurait comprendre,
Au fond de ces déserts où put-il les apprendre ?
Mais, nous-mêmes, de qui les avons-nous reçus ?
Le Nil, l’Euphrate, l’Inde, ont instruit l’Ilissus.
Faut-il aller plus loin ? et la science encore
Est-elle le bienfait d’un peuple qu’on ignore(9) ?
Ils vont briller ces jours à sa gloire promis :
Fidèle au saint dépôt par l’Égypte transmis,
L’Europe expliquera, par la suite des âges,
Ce que d’un œil timide entrevirent les sages.
L’homme a franchi les mers ; au midi parvenu,
Ses regards ont erré sous un ciel inconnu.

Notre globe exploré, suspendu dans l’espace,
A révélé sa forme, et va changer de place.
L’astrolabe, l’aimant, le tube ingénieux,
Livrent le monde à l’homme et rapprochent les cieux ;
L’art d’Euclide au compas, dans sa marche assurée,
Soumet le mouvement, l’espace, la durée,
Et bientôt tout le ciel suit de nouvelles lois.
Dans les siècles passés déjà plus d’une voix,
Proclamant les destins du Dieu qui nous éclaire,
Avait marqué sa place au centre de la sphère(10).
Mais quand la vérité trouve un facile accès,
Le préjugé l’attend pour troubler ses succès.
Faiblement aperçue et sans preuve annoncée,
Reproduite vingt fois et vingt fois repoussée,
Son destin est celui des astres qu’en leur cours
Notre œil ne reconnaît qu’après de longs retours.
Vers le pôle du nord, dans ces plaines fécondes
Où la lente Vistule épand ses froides ondes,
Un sage, l’œil fixé sur ces globes errants,
Observait de leur cours les aspects différents.

Il voyait Jupiter, Mars, et l’époux de Rhée
D’un vol capricieux traverser l’Empyrée,
S’avancer, hésiter, suspendre leur essor,
Revenir sur leur route et la reprendre encor.
Quel désordre, dit-il, constant, inexplicable,
Égare ces trois corps dans leur marche semblable.
Les étoiles sans cesse accomplissent leur tour ;
L’écharpe de Vénus enceint le dieu du jour ;
La déesse des nuits, paisible et solitaire,
Chaque mois de son orbe enveloppe la terre ;
Et ces autres flambeaux, incertains dans leur cours,
À des instants marqués l’interrompent toujours !
Est-ce une loi secrète à ces corps imposée ?
Est-ce une illusion de la vue abusée ?
Oh ! qui pénétrera ce mystère des cieux !
Et comment démentir ce qu’attestent mes yeux ?
C’en est fait ; ce problème, où sa gloire est placée,
Trente ans de Copernic assiège la pensée.
Pour lui plus de repos ; son bonheur, son destin
Est d’affranchir du doute un esprit incertain.

Il demande à la nuit ce secret qu’il ignore,
Et le jour se consume à le chercher encore.
Müller est des Germains l’oracle révéré ;
Par l’ardent Copernic Müller est imploré.
Maria de Bologne illustre les Portiques,
Et Copernic descend des Alpes helvétiques.
Oh ! tant qu’il restera de ces cœurs généreux,
Des nobles vérités saintement amoureux,
Ils sauront quelle force à notre ame charmée
Donne le juste espoir de quelque renommée :
Mais pourront-ils jamais nous peindre leurs transports
Ceux à qui la science ouvre enfin ses trésors ;
Ceux qu’enivre la joie et la gloire féconde
D’expliquer la nature et d’éclairer le monde ?
Copernic, quel bonheur, lorsqu’un rayon divin
T’apporta les clartés qui te fuyaient en vain !
Plus éloignés que nous du dieu de la lumière,
D’un pas toujours égal poursuivant leur carrière,
Mars, Jupiter, Saturne à la voûte des cieux
Ne ralentissent point leur cours silencieux.

Par-delà le soleil quand leur sphère s’élance,
Plus bornée en son cours la nôtre la devance.
Par un rapide essor dans l’espace entraînés,
Aux erreurs de nos sens nous sommes condamnés.
Lois, mouvements, rapports, pour nous tout se complique ;
Observé du soleil, tout est simple et s’explique.
Il est donc vrai, tu tiens dans tes heureuses mains
Le flambeau désormais seul guide des humains !
Tu brises tous ces cieux de métal ou de verre :
Copernic a fixé les destins de la terre.
Qu’immobile à présent et remis dans ses droits
Le soleil nous dispense et ses feux et ses lois ;
Que les globes errants, que la terre elle-même,
Composent un cortège au monarque suprême,
Et, n’assignant qu’un centre à leurs orbes divers,
Qu’une loi générale explique l’univers.
Puissante vérité, tu vas enfin nous luire !
Ardent à te chercher, mais lent à te produire,
Le sage dont la main a fait briller tes traits,
Feint de douter encor et voile tes attraits.

La presse te révèle à la terre étonnée.
Ô néant ! Copernic ! dans la même journée,
Il s’est éteint ! la mort l’enlève aux nations,
À la gloire, et peut-être aux persécutions(11).
Le fanatisme ardent, l’ignorance profonde
Auraient-ils épargné l’architecte du monde,
Lorsque son successeur, digne d’être après lui
L’héritier de sa gloire et son plus ferme appui,
Autour du globe obscur que son erreur protège
Lance encor le soleil et son brillant cortège ?
Ô faiblesse ! et pourtant sur ces astres divers
Ticho dès son enfance avait les yeux ouverts.
Espoir de la science, honneur de la Scanie,
Sa main dédie un temple au culte d’Uranie ;
D’instruments qu’il invente il aime à le parer,
Et des rois courtisans l’y viennent honorer.
Heureux le citoyen digne d’un tel hommage !
Et plus heureux les rois qui cultivent le sage !
Ce titre vénéré Ticho l’eût mérité,
S’il eût pour elle-même aimé la vérité.


Mais de son précurseur la gloire créatrice
L’importune ; il promet d’en saper l’édifice :
Et ce grand monument, au lieu de s’écrouler,
Repoussera la main qui le veut ébranler.
Pour sonder l’univers d’un œil sûr et rapide,
C’est peu d’être savant dans les règles d’Euclide ;
Le ciel reste muet aux esprits assiégés
De superstitions et de vains préjugés.
L’observer est un art, y lire est le génie :
Ticho n’atteignit point cette gloire infinie.
Épris de l’art qui cherche aux lambris étoilés
Les arrêts du destin à tous les yeux voilés,
Philosophe timide et savant véritable,
Il prodigue à l’erreur un zèle infatigable.
Daignez lui pardonner, chastes filles du ciel !
Des abeilles du Pinde il savoura le miel ;
Amant de la science et de la solitude,
Il confia trente ans son bonheur à l’étude :
Il aima l’art des vers. Persécuté, banni,
En fuyant sa retraite il fut assez puni.

À contempler des cieux les savantes merveilles,
Nul n’a depuis Hipparque employé tant de veilles.
Accordez-lui de voir l’auguste vérité ;
Qu’il soumette au compas le rayon réfracté ;
Que sa main par-delà les orbes des planètes
Aux profondeurs des cieux repousse les comètes.
Vous l’exaucez : déjà semble naître pour lui
Un astre qui jamais aux humains n’avait lui ;
Leurs yeux depuis mille ans ont compté les étoiles,
C’est en vain : de la nuit perçant les sombres voiles,
Celle-ci tout-à-coup prend son rang dans les cieux,
Et de l’heureux Ticho vient étonner les yeux.
Blanche comme Vénus, à Jupiter égale,
De l’ardent Procyon éclatante rivale,
Elle brille à la place où vers l’astre du nord
Le père d’Andromède étend son sceptre d’or.
Ô bonheur ! ô du ciel faveur inattendue !
A l’Hipparque nouveau cette étoile était due.
Sans doute l’un à l’autre attachés désormais,
Et son astre et son nom vont briller à jamais.

Fragile espoir ! à peine au terme de l’année
Où l’astre s’est levé sur la terre étonnée,
Il fuit, décroît, pâlit, s’éteint pour tous les yeux,
Et sans changer de place il se perd dans les cieux.
Console-toi, Ticho ! protégeant ta mémoire,
Tes disciples savants suffisent à ta gloire ;
Ton étoile n’est plus, mais un astre plus cher,
Nous guide dans les cieux, et cet astre est Kepler(12).
Disciple indépendant, vaste et puissant génie,
Kepler a pénétré les secrets d’Uranie.
Philosophe hardi, mais sage observateur,
Son esprit entrevoit le principe moteur
Qui semble animer tout, traverse les espaces,
Et des mondes divers précipite les masses.
Moins du centre commun chacun s’est écarté,
Plus il franchit les cieux d’un vol précipité ;
Et si l’éloignement règle leur course immense,
Leur vitesse à son tour vous dira leur distance.
Les corps dont le soleil est le centre et l’appui,
Dans un orbe allongé, roulent autour de lui ;

Il tourne sur lui-même, et ces sphères énormes,
Les révolutions que trahissent leurs formes,
Leur vitesse, leur cours circulaire autrefois,
Kepler, l’heureux Kepler en a dicté les lois.
Heureux ! ah ! qu’ai-je dit ? Souffrant, dans la misère,
Ses enfants déploraient les travaux de leur père :
Son siècle fut ingrat ; mais dans la pauvreté
Il parvint à la gloire, et vit la vérité (13).
Cette ardeur inquiète et jamais assouvie,
Besoin de notre esprit, élément de la vie,
Par qui l’homme a connu ce monde fait pour lui,
Est un jour bienfaisant qui du ciel nous a lui.
Source de tous les biens, charme de l’existence,
C’est notre activité qui fait notre puissance.
Qui sait l’encourager en bénit les effets,
Et les nouveaux besoins sont déjà des bienfaits.
Par eux sont rapprochés l’un et l’autre hémisphère ;
Même en se combattant le genre humain s’éclaire.
Dans sa course égaré, quelquefois sur ses pas,
L’homme rencontre un bien qu’il ne soupçonnait pas.

Des voyageurs campaient aux plaines d’Idumée,
De leur foyer s’écoule une lave enflammée :
La fougère, le nitre et le sable fondus
Avaient produit le verre à leurs yeux confondus.
Sidon bientôt reçoit leur brillante conquête ;
Rome de ses palais en décore le faîte.
Le cristal protecteur, dans nos âpres climats,
Sans repousser le jour écarte les frimas ;
Ou, d’un métal opaque opposant la barrière,
Sa surface polie arrête la lumière,
Et, renvoyant à l’œil de fidèles reflets,
Dans ces tableaux vivants nous peint tous les objets,
Venise produira ces merveilles fragiles
Ornement des palais, et luxe de nos villes.
Un art plus secourable à Florence inventé
Dans nos yeux presque éteints ramène la clarté.
Enfin chez le Batave un jouet de l’enfance
Des cristaux combinés révèle la puissance ;
Et Galilée, armé du tube audacieux,
Livre à l’homme étonné la conquête des cieux.

Phénomènes nouveaux, secrets de la nature,
Des mondes mal connus dites-lui la structure ;
Présentez-vous en foule à ses yeux plus parfaits ;
Que son bonheur, sa gloire, égalent ses bienfaits.
Déjà depuis long-temps par lui fut mesurée
Des corps abandonnés la chute accélérée.
Des lampes qui veillaient sous le dôme pieux
Les longs balancements ont attiré ses yeux.
Il les voit, décrivant une courbe inégale,
Revenir constamment dans le même intervalle :
Le pendule est trouvé pour compter les instants,
Et pour servir de guide à l’aiguille du temps.
Le sage, de Phœbé parcourant les campagnes,
Y découvre des mers, des vallons, des montagnes ;
De la blanche Vénus le disque éblouissant
A des phases soumis se recourbe en croissant ;
Dans les feux du soleil des gouffres véritables,
De sa rotation témoins irrécusables,
Pour la première fois étonnent ses regards.
Des astres inconnus brillent de toutes parts.

Ô prodige ! entouré d’un diadème énorme,
Saturne est apparu sous une triple forme ;
Et quatre astres légers, aux plaines de l’éther,
Dans sa marche rapide escortent Jupiter.
Mais quoi ! si Jupiter, Mars, Saturne et Mercure,
Au dieu qui leur départ sa lumière si pure,
Rendant comme Vénus un hommage éclatant,
Tournent autour de lui dans un ordre constant,
Aux loix de l’univers notre globe indocile
Seul, doit-il s’arrêter sur son axe immobile ?
Non, à la vérité ne fermons point les yeux :
Copernic nous la montre écrite dans les cieux.
Ainsi pour son malheur a parlé Galilée.
La superstition à sa voix s’est troublée.
Qu’il périsse l’impie ! En vain soixante hivers
Ont respecté sa tête, il recevra des fers.
Sous une voûte antique, où des flambeaux funèbres
Dispersent leurs rayons dans l’horreur des ténèbres,
Parmi les fouets, la roue et les pointes d’acier,
La tenaille mordante et les feux du brasier,

Sur l’autel qu’entourait l’appareil des tortures,
Un livre était ouvert, formidable aux parjures.
C’est là dans ce tombeau que, nouveaux Anytus,
Sept prêtres à l’œil sombre et de pourpre vêtus,
En présence du Dieu dont ce monde est l’ouvrage,
De leurs propres erreurs viennent punir un sage.
Ils attestent ce Dieu prêt à les démentir ;
Leur voix au philosophe ordonne de mentir.
Le front dans la poussière, il reçoit sa sentence.
Le cilice, les fers, l’austère pénitence,
Les larmes et le sang laveront-ils jamais
De sa témérité les coupables succès ?
Plus d’espoir, à genoux sur la pierre sanglante,
Qu’il expire à l’instant, si sa main défaillante,
Déchirant ses écrits sur cet autel sacré,
Ne désarme ce ciel dont il fut inspiré.
La torture, à ce prix, lui laisse quelque trêve.
Le vieillard se soumet ; il signe, se relève,
Frappe du pied la terre, et, les glaçant d’effroi :
« Non, dit-il, elle tourne, et vous tous avec moi(14) ! »

Après six ans comptés dans une nuit profonde,
L’exil accueillera le bienfaiteur du monde.
Quel exil ! les humains sont ingrats, mais ce ciel,
Objet de tout son culte, est-il donc plus cruel ?
A ses yeux si perçants la lumière est ravie.
Tel autrefois, dit-on, le savant Tirésie,
Pour avoir osé lire aux mystères des dieux,
Vieillit errant, privé de la clarté des cieux,
Tandis que les mortels, frappés de ses miracles,
À son urne, après lui, demandaient des oracles.
Tel et plus grand encor Galilée au tombeau
Du siècle qui l’opprime est le vivant flambeau,
Vainqueur des préjugés que Rome déifie.
Paraissez, défenseurs de la philosophie,
Descartes, Gassendi ; venez, qu’à votre voix(15)
La raison s’affranchisse et reprenne ses droits.
Simple, austère et nourri des leçons d’Épicure,
L’un d’un œil pénétrant contemple la nature ;
L’autre, non moins savant, mais plus audacieux,
Reconstruit l’univers, agite tous les cieux,

Imagine en poète, et sait douter en sage :
Heureux si son génie eût douté davantage !
Il entraîne son siècle. Étrangers ses rivaux,
D’un pas mieux assuré poursuivez ses travaux.
Huygens, donne au long tube une force nouvelle(16),
Suspends le balancier à l’horloge fidèle ;
Pour prix de tes travaux, que Saturne à tes yeux
Se montre couronné du bandeau radieux.
Et toi, l’illustre auteur d’une race savante(7),
Cassini, vers Saturne à la marche si lente
Découvre à nos regards cinq astres inconnus ;
Vois les taches de Mars et celles de Vénus :
Dis-nous comment, soumis à des ordres suprêmes,
En des temps mesurés ils roulent sur eux-mêmes ;
Sur son pôle aplati fais tourner Jupiter ;
Suis ses gardes errants ; cependant que Rœmer(18)
Conquête, comme toi, de l’heureuse Lutèce,
Des flèches du soleil mesure la vitesse,
Et que vers l’équateur Halley sous d’autres cieux(19)
Cherche l’île d’Hélène et son port odieux.

Ah ! que sur ce rocher la terre soit stérile.
Vous que la mort menace, évitez cet asile.
Voyageur malheureux, fuyez, éloignez-vous,
Les flots seront plus sûrs, les orages plus doux ;
Que la noire tempête, assiégeant ce rivage,
Sappe les fondements de cette île sauvage.
Sur ce roc abhorré des hommes et des dieux
Qu’aucun astre jamais ne console les yeux.
Halley, tu l’éprouvas : plus d’une année entière
Tu cherchas dans le ciel une faible lumière.
Enfin, sous le Centaure et non loin du Vaisseau,
Tes yeux se sont fixés sur un groupe nouveau.
Dans les flancs caverneux un chêne séculaire
A de son roi proscrit accueilli la misère :
Qu’il brille dans le ciel, cet astre généreux,
Asile hospitalier des princes malheureux.
Du ciel depuis trente ans observant l’harmonie,
Au silence Newton condamnait son génie ;
Halley, de son ami, seul, obtint qu’Albion(20)
Apprît enfin sa gloire, et l’univers son nom.

Des rayons lumineux Newton dit le mystère,
Et quel pouvoir occulte anime la matière.
Des cristaux assemblés par un heureux concours,
Galilée à nos sens apportant le secours,
Avait grossi les corps, rapproché les distances :
Newton, pour embrasser des quantités immenses,
Pour se faire un compas digne du firmament,
Donne aux yeux de l’esprit un nouvel instrument.
Leur puissance par lui croît et se développe ;
Le calcul qu’il invente est un vrai télescope :
Il atteint l’infini. De cette force armé,
L’homme a sondé l’abîme, et l’abîme enflammé
Avoue enfin la loi constante, universelle,
Que Kepler entrevit et que Newton révèle.
Pourquoi ces mouvements et ces orbes divers,
Que six mondes errants tracent dans l’univers ?
Quel pouvoir auprès d’eux retient leurs satellites ?
Où l’ardente comète a-t-elle ses limites ?
Pourquoi l’astre du jour, sur son axe agité,
Vers le centre commun semble-t-il arrêté ?

Pourquoi le firmament s’ébranle-t-il lui-même ?
Tout fut lancé des mains du créateur suprême :
Tout pèse, attire, fuit, par un destin pareil ;
Le moindre grain de sable attire le soleil.
Soumis aux mêmes lois, doués d’une puissance
Qui s’accroît par leur masse et perd par la distance,
Les astres voyageurs dans les plaines du ciel
Exercent l’un sur l’autre un effort mutuel.
Le pouvoir balancé de leurs forces rivales
De ces corps inégaux fixe les intervalles :
C’est là que, produisant l’équilibre commun,
Pesant de tous côtés ils ne tombent d’aucun.
Mais ces globes, enfin, comment à leur surface
Retiennent-ils des corps renversés dans l’espace ?
Quelle loi leur défend de s’y précipiter ?
L’universelle loi qui fait tout graviter.
L’espace sur les corps n’exerce aucun empire :
Tomber, c’est s’approcher du point qui nous attire.
Chaque astre nous dira, fidèle aux mêmes lois,
Sa vitesse, son cours, sa distance et son poids ;

Le soleil, au milieu des globes qu’il rassemble,
Pèse seul huit cents fois tous ces mondes ensemble.
La main qui mesura le soleil étonné
Décompose un rayon de son disque émané,
Ramène la comète, enfle les mers profondes,
Et sur leurs fondements assied enfin les mondes.



NOTES.


NOTES
DU QUATRIÈME CHANT.


(1). PAGE 142, VERS 5.

Almanzor, Aaron….. Almamon.

« Vers l’an 800, au commencement du 9 e siècle, sous les règnes d’Almanzor, d’Haroun al Raschid et d’Almamon, Bagdad devint le centre des connaissances humaines, comme Alexandrie l’avait été sous Ptolémée. »

Au sortir d’une guerre heureuse, en accordant la paix à Michel III, empereur de Constantinople, Almamon y mit pour condition la liberté de recueillir tous les livres de philosophie, pour les faire traduire en arabe par les savants qu’il avait rassemblés à Bagdad. Il présidait à leur travail, les éclairait lui-même et prenait part à leurs disputes. L’Almageste, dont sans doute on avait tiré le texte d’Alexandrie, fut le premier livre traduit.

(Bailly, hist. de l’astr. mod., 1. 6, § 7 et 8.)
(2). PAGE 142, VERS 12.

Et les tables d’Alphonse illustrent à la fois
Abensid leur auteur, la Castille et ses rois.

Alphonse X, roi de Castille, surnommé le Sage. Les tables appelées de son nom Alphonsines parurent le jour même qu’il monta sur le trône. Ces tables sont fondées sur les mêmes hypothèses que celles de Ptolémée. C’est le même système du monde. Il y a seulement quelque différence dans le moyen mouvement des planètes. Le juif B. Isaac Abenside, dit Hazan, fut le principal auteur de ces tables.

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., 1. 8, § 7 et 8.)
(3). page 144, vers 9.

Les cieux sont obscurcis, l’aiguille est infidèle.

Le premier peut-être, Colomb s’aperçut de la déclinaison de l’aiguille aimantée, dans son premier voyage, en 1492 ; ce phénomène si important pour la navigation devait sauter aux yeux du premier qui se serait aventuré dans l’immensité de l’Océan, en suivant une ligne parallèle à l’équateur.

(Histoire de Christophe Colomb, par le chevalier Bassi.)
(4). page 144, vers 19.

Et, surpris l’un de l’autre, ils se sont rencontrés…


« Les Portugais et les Espagnols, sortis de leurs ports en suivant des routes contraires, étaient surpris de se rencontrer à la même extrémité de l’Asie. »

(M.Fourier. Préface historique de la description de l’Égypte.)
(5). page 145, vers 7.

S’élève un autre pôle, où le………

… Poisson ailé. Le poisson volant.
Le vaisseau d’Argus. Le navire, dont Canopus est l’étoile brillante.
L’oiseau cher à Junon. Le Paon.
Deux nuages légers. Le grand et le petit nuage.
Et l’hydre a déroulé. L’hydre mâle.
Ce mont vit la tempête.  La montagne de la Table.
(6). PAGE 146, VERS 3.


Vainqueurs de l’Océan, Diaz, Vasco, Nugnez,
Andrada, Magellan, intrépide Perez…
Et vous, Cortez, Pizarre, etc…..

Diaz découvre le cap de Bonne-Espérance en 1486. — Vasco de Gama fait le tour de l’Afrique et parvient aux Indes en 1498. — Nugnez Balboa entre le premier dans la mer du Sud en 1513. — Fernand Andrada découvre la Chine en 1517. — Magellan découvre la Terre-de-Feu en 1520 et les îles Philippines en 1521. — Perez de la Rua découvre le Pérou en 1515. — Fernand Cortez, conquérant du Mexique en 1519. — Pizarre, conquérant du Pérou en 1524.


(7). PAGE 147, VERS 4.


L’Asie eût retrouvé dans cet autre univers Ses emblêmes, ses arts, ses préjugés divers.

« Les Péruviens et les Mexicains observaient avec soin les solstices et les équinoxes au moyen de colonnes érigées devant le temple du soleil, au pied desquelles on avait tracé un cercle. On reconnaît la méthode que les Indiens employent pour orienter leurs pagodes. Ils avaient douze tours pour marquer les mois, comme les Chinois ont douze palais pour les lunes de l’année. Aussi superstitieux que les Orientaux, les Péruviens croyaient le soleil irrité contre eux lorsqu’il leur dérobait sa lumière ; la lune malade lorsqu’elle commençait à s’éclipser, morte ou mourante, lorsque l’éclipse était totale. Comme les anciens Perses avaient annoncé la fin du monde, au moment qu’un esprit tomberait sur la terre, on craignait au Pérou que la lune en tombant n’écrasât les hommes par sa chute… Leurs mois étaient lunaires, divisés en quatre parties qu’ils distinguaient par des noms et par des fêtes. Voilà l’usage de la semaine bien établi en Amérique. Leur année, de 365 jours, était partagée en 12 mois de 30 jours, avec cinq jours épagommes. »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., 1. 7, § 19.)

« Les Méxicains avaient, au lieu de la semaine, une période de cinq jours. Leurs mois étaient de 20 jours, et 18 de ces mois formaient l’année, qui commençait au solstice d’hiver, et à laquelle ils ajoutaient cinq jours. Il y a lieu de penser qu’ils composaient, de la réunion de 104 ans, un grand cycle, dans lequel ils intercalaient 25 jours. Cela suppose une durée de l’année tropique plus exacte que celle d’Hipparque, et, ce qui est remarquable, elle est la même, à très-peu-près, que l’année des astronomes d’Almamon… Quand on considère la difficulté de parvenir à une détermination aussi exacte de la longueur de l’année, on est porté à croire qu’elle n’est pas leur ouvrage et qu’elle leur est venue de l’ancien continent. Mais de quel peuple et par quel moyen l’ont-ils reçue ? Pourquoi, si elle leur a été transmise par le nord de l’Asie, ont-ils une division du temps si différente de celles qui ont été en usage dans cette partie du monde ? Ce sont des questions qu’il paraît impossible de résoudre. »

(Exposition du système du monde, l.5, ch.3.)

(8). PAGE 147, VERS 8.


Oh, quel étonnement ! il vit l’homme nouveau Nommer en les montrant et l’Ourse et le Taureau.

C’est une chose bien digne de remarque que le nom d'Ourse donné à deux constellations composées de sept étoiles, dont quatre forment un carré long et trois une espèce de queue. Les ours n’ont point de queue ; et cependant ces constellations ont été désignées par ce nom, dès la plus haute antiquité, chez des peuples de la haute Asie, chez les Phéniciens, les Arabes et les Grecs, et même en Amérique. Bailly nous apprend que les Iroquois, qui n’ont guères eu de communication avec ces différents peuples, nommaient Okouari, c’est-à-dire l’Ourse, les sept étoiles de la grande Ourse, et que les nations des bords du fleuve des Amazones donnaient aux Hyades, qui sont sur la tête du Taureau, un nom qui dans leur langue signifie mâchoire de bœuf ; et le P. Laffitteau assure que ces deux noms sont antérieurs à l’arrivée des Européens en Amérique.

Les Arabes ne nomment pas Andromède, ils disent la femme enchaînée.
Dans la sphère persienne, Cassiopée est l’homme sur une chaise ; Hercule, l’homme à genoux.
Le peuple chez nous nomme les Pléiades, la Poussinière, et les Indiens les nomment les Petits et la Poule.
Persée était, dit-on, pour les Indiens et pour les Persans, l’homme qui porte une tête.
Enfin les Brames divisent le zodiaque en vingt-sept constellations et en douze signes, parmi lesquels on trouve :
Le chien maron qui répond au Bélier, le bœuf au Taureau, la fille à la Vierge, la balance, la flèche ou le Sagittaire, la cruche ou le Verseau, etc.
La voie lactée des Grecs est pour les Chinois le fleuve céleste, pour les Coptes et les Arabes le chemin de chaume, pour les sauvages de l’Amérique septentrionale le chemin des ames, et pour nos paysans le chemin de Saint-Jacques.
Il n’est pas possible d’attribuer ces conformités si singulières au hasard ni à aucun rapport entre la disposition des groupes d’étoiles et les figures des êtres dont on leur a donné le nom. Avant de chercher à les expliquer, il serait sage d’attendre que les faits fussent mieux constatés.
(Voyez à ce sujet Bailly, Ast. anc., I. 9, § 1. Idem, Ast. mod., t. 3. Dis. 5 ; Ast. ind., dis. prélim. et chap. 8. La Condamine, Mém. de l’acad. des sci. 1745, pag. 447. Pluche, Spect. de la nat., t. 4, 2e part. 1er entretien.)
(9). PAGE 147, VERS 14.


Est-elle le bienfait d’un peuple qu’on ignore ?

C’est là, comme on sait, le système de Bailly, qui tendait à établir que les Égyptiens, les Babyloniens, les Brames, avaient reçu les sciences d’un peuple plus ancien qui habitait la haute Asie, et qui nous a tout appris, disait d’Alembert, excepté son nom et son existence.


(10). PAGE 148, VERS 10.


...........Déjà plus d’une voix
Avait marqué sa place au centre de la sphère.

« Hicetas Syracosius, ut ait Theophrastus, cœlum, solem, lunam, stellas, supera denique omnia stare censet, neque præter terram, rem ullam in mundo moveri ; quæ cum circum axem se summâ celeritate convertat et torqueat, eadem effici omnia quæ si, stante terrâ, cœlum moveretur : atque hoc etiam Platonem in Timaeo dicere quidam arbitrantur, sed paulo obscurius. »

(Cicéron, Questions académiques, I. 4, § 39.)

« Illo quoque pertinebit hoc excussisse, ut sciamus, utrum mundus, terrà stante, circumeat, an, mundo stante, terra vertatur. Fuerunt enim qui dicerent nos esse, quos rerum natura nescientes ferat, nec cœli motu fieri ortus et occasus, sed ipsos oriri et occidere. »

(Sénèque, Questions naturelles, I. 7, ch. 4)

(11). PAGE 152, VERS 4.


A sa gloire (de Copernic) et peut-être aux persécutions.

« Copernic ( né à Thorn le 19 février 1473, mort le 11 juin 1543) se fit d’abord le disciple du fameux Müller, professeur de mathématiques à Vienne, puis entreprit le voyage d’Italie, pour entendre à Bologne Dominique Maria, célèbre astronome, auprès duquel il s’arrêta long-temps.

Indifférent à la gloire, enflammé du seul amour de l’étude, ce grand homme sembla craindre les persécutions qui s’élèvent contre les vérités nouvelles ; il se cacha pendant qu’il a vécu… Aussi rien n’a paru de lui avant son immortel ouvrage, qui, commencé, dit-on, en 1507, fut imprimé pour la première fois en 1543, à Nuremberg. Il était âgé de 70 ans et mourant lorsqu’il reçut le premier exemplaire… Il mourut au moment même où l’enfant de ses veilles, ce système qu’il avait médité, et porté pour ainsi dire dans son sein pendant 36 ans, voyait enfin le jour… Sa gloire n’a commencé qu’à sa mort… Dans son livre, qu’il dédia à Paul III, pontife savant et éclairé, il ne présente ses idées que comme des hypothèses, et ne touche point aux difficultés des passages de l’Écriture. »
(Extrait de l’Hist. de l’astr. mod. de Bailly, 1. 9, § 19 et 20.)

(12). PAGE 155, VERS 8.


(Un astre) nous guide dans les cieux, et cet astre est Kepler.

« TichoBrahé (né à Knudstrup, en Scanie, le 19 décembre 1546, mort le 24 octobre 1601) n’avait pas 15 ans lorsqu’une éclipse de soleil, en 1560, frappa son attention et décida sa vocation.

Ticho a la gloire d’être le premier qui a déterminé l’effet de la réfraction et le premier qui l’a employée pour corriger les observations.

Il détruisit pour jamais les sphères de cristal…, et s’occupa, ce semble, le premier, de fixer le sens de la route des comètes à l’égard de l’écliptique… Mais Ticho, plus astronome que philosophe, en amassant un trésor d’observations, s’éleva contre la vérité. Il en retarda les progrès : dans le moment où la nature venait d’être dévoilée, il osa produire un système encore plus défectueux que celui de Ptolémée.

Le 11 novembre 1572, il aperçut dans la constellation de Cassiopée un astre nouveau et très-brillant… Il marqua avec soin tout ce qui concernait sa position, sa forme, sa couleur, etc. Cette étoile dura toute l’année suivante et jusqu’au commencement du printemps de 1574, sans changer de place ni de forme… Ceux qui avaient bonne vue, la voyaient en plein jour au méridien… Elle fut toujours scintillante, mais sa couleur varia très-sensiblement… Il semble qu’il s’y soit opéré des changements assez grands pour être sensibles à l’énorme distance où nous sommes. Mais ce qu’il y eut de plus étonnant, cette étoile, qui perdit sa lumière et s’éteignit par degrés, l’avait acquise tout-à-coup… Ce phénomène si rare de l’apparition subite d’une nouvelle étoile, n’avait encore eu que deux témoins, Hipparque et Ticho, et occupa tous les savants de ce siècle. »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., discours préliminaire,
l. 10, § 3, 4, 19, 22, 23 et 32.)

(13). PAGE 156, VERS 8.


Il (Kepler) parvint à la gloire et vit la vérité.

Kepler (né à Wiel dans le Würtemberg, le 27 décembre 1571, mort le 15 novembre 1630.) « Sa réputation le fit appeler pour enseigner à Gratz en Styrie : son ouvrage des proportions des orbes célestes lui valut le suffrage de Ticho qui… sentit que Kepler serait son successeur, et l’ayant attiré près de lui à Prague, lui fit donner le titre de mathématicien de l’empereur, avec des pensions… Kepler paraît s’être plaint des réserves qu’avait pour lui Ticho, qui tenait fermé le trésor de ses observations… Enfin, à la mort de Ticho, Kepler se vit en possession de son héritage astronomique. Chargé par l’empereur de continuer les tables astronomiques de Ticho, qui devaient être nommées Rodolphines, il y travailla avec zèle pendant 20 années. »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., t. 2, I. 1, § 8.)

Kepler mourut dans la misère, mais il disait qu’il n’aurait pas cédé ses ouvrages pour le duché de Saxe. Pour juger de son enthousiasme et du bonheur qu’il trouvait dans ses découvertes, il ne faut que l’entendre : « Le sort en est jeté, j’écris mon livre. Il sera lu par l’âge présent, ou par la postérité, peu m’importe, il pourra attendre son lecteur : Dieu n’a-t-il pas attendu six mille ans un contemplateur de ses œuvres. »

« Kepler, dit Bailly, développa l’idée de la gravité que les anciens ont eue, et qui lui avait été transmise par Copernic… Mais combien cette idée s’était aggrandie en passant par sa tête… Avec quel plaisir nous nous arrêtons sur les idées philosophiques de Kepler, et sur les endroits où il semble deviner les pensées des grands hommes qui l’ont suivi… Combien Kepler est alors proche de Newton ? »

(Ibid., § 30.)

« Toutes les planètes, à la voix de Kepler, marchèrent dans des ellipses ; ces ellipses ne diffèrent que par des excentricités plus ou moins grandes, mais le soleil occupe le foyer commun.

« Kepler a été le législateur de la science en posant les trois lois fondamentales du mouvement des planètes. Il leur a tracé leur route dans une ellipse : c’est la première loi ; il a déterminé leurs inégalités par la seconde loi des aires proportionnelles au temps ; et il a enchaîné tous ces mouvements par la troisième, par le rapport des révolutions avec les diamètres des orbites. »

(Ibid., §48 et 31.)

Les lois de Kepler, sont :

1o Les aires décrites par les rayons vecteurs des planètes dans leur mouvement autour du soleil, sont proportionnelles aux temps.

2o Les orbes des planètes et des comètes sont des sections coniques, dont le soleil occupe un des foyers.

3o Les carrés des temps des révolutions des planètes sont proportionnels aux cubes des grands axes de leurs orbites.

Ces trois lois mathématiques ont été réduites par Newton à une seule qui les comprend toutes, et qui en est en quelque sorte l’expression simple ; je veux parler de cette attraction universelle qui s’exerce entre tous les éléments de la matière, et à laquelle on a donné le nom de gravité. Tôt ou tard les théories se ramènent toujours ainsi, par le progrès des sciences, à une règle unique, simple, et par cela même en harmonie avec les actions de la nature. Mais souvent les lois que l’on avait crues les plus générales sont subordonnées à d’autres lois plus générales encore, que le perfectionnement nécessaire des esprits et des moyens matériels vous amène à découvrir. Qui pourrait dire que la gravité est le principe de tous ces mouvements qui se passent au-delà de notre système et qu’il ne nous sera probablement jamais donné de connaître ?


(14). PAGE 160, VERS 20.


Non, dit-il, (Galilée) elle tourne, et vous tous avec moi.


Galilée, né à Pise le 15 février 1564, mort à Florence le 8 janvier 1641.

On a rappelé dans les vingt vers précédents les découvertes que Galilée a faites, et ce qui est plus encore, les vérités qu’il a démontrées et expliquées dans un intervalle de 25 ans, savoir :

Les lois de la chute accélérée des corps graves. « Ce travail de Galilée, dit Bailly, influera sur tous les travaux futurs. »

Le phénomène du pendule. Quant à son application aux horloges, faite 16 ans plus tard par Huygens, qui a bien pu l’avoir imaginée lui-même, on sait que Galilée en avait conçu le projet, en 1641, et que sa cécité et sa mort l’empêchèrent de l’exécuter. (Voy. la lettre de son disciple Viviani au prince Léopold de Médicis, en date du 20 août 1659.)

Les inégalités de la surface de la lune.

Les phases de Vénus, les étoiles de 6e et 7e grandeurs, notamment celles de la voie lactée, et l’anneau de Saturne.

Les taches dans le soleil, et enfin les satellites de Jupiter.

Il est vrai qu’on lui a disputé la priorité de ces deux dernières ; mais quand il aurait été devancé par d’autres astronomes, on n’en serait pas moins redevable de ces découvertes au télescope, et du télescope à Galilée. Le P. Scheiner, jésuite, prétendait avoir vu le premier des taches dans le soleil ; mais il fut gagné de vitesse, disait-il, parce qu’il ne pouvait publier sa découverte sans la permission de ses supérieurs : or, il se trouva que le père provincial était un zélé Péripatéticien qui lui répondit : « Mon cher fils, j’ai lu plusieurs fois mon Aristote, et je puis vous assurer qu’il ne contient rien de semblable. Allez, demeurez en paix, et tenez pour certain que les taches que vous croyez avoir vues sont dans vos verres ou dans vos yeux. » Les Péripatéticiens allaient encore plus loin : ils soutenaient, d’après leur maître, que le soleil était nécessairement immaculé. Les jésuites, grands défenseurs de la doctrine d’Aristote, s’étaient trouvés en opposition sur ce sujet avec Galilée, dans l’université de Padoue ; de sorte qu’à la honte de la faible humanité, il ne serait pas impossible que l’esprit de secte philosophique eût contribué autant que l’intolérance religieuse aux persécutions que le philosophe éprouva de leur part.

Voici les termes de la sentence ; elle est du 2 juin 1633.
(Almageste de Riccioli, t. 2, p. 496.)

« Soutenir que le soleil, immobile et sans mouvement local, occupe le centre du monde, est une proposition absurde, fausse en philosophie et hérétique, puisqu’elle est contraire au témoignage des Écritures. Il est également absurde et faux en philosophie de dire que la terre n’est point immobile au centre du monde ; et cette proposition, considérée théologiquement, est au moins erronée dans la foi. »

Voici la formule d’abjuration qui fut dictée à Galilée :

« Moi Galilée, à la soixante-dixième année de mon âge, et ayant devant les yeux les saints Évangiles que je touche de mes propres mains, j’abjure d’un cœur contrit, et d’une foi sincère je maudis et je déteste les absurdités, erreurs, hérésies, etc. »

Depuis un an, l’auteur avait lu et analysé par de nombreux extraits tous les ouvrages relatifs à Galilée et à sa condamnation. Dans ce mémorable procès dont il recueillait les pièces, peut-être vit-il le sujet intéressant d’une nouvelle composition historique. On ne peut du moins douter que le poète n’eût déjà l’intention d’adoucir dans le tableau des rigueurs exercées contre Galilée, tous les traits dont l’historien impartial aurait reconnu l’exagération.

(Note de l’éditeur.)

(15). PAGE 161, VERS 15.


Descartes, Gassendi ; venez, qu’à votre voix…

« À quoi bon essayer aujourd’hui de faire comprendre les tourbillons, la matière cannelée, le mouvement sans vide ? Mais on ne doit pas oublier que Descartes fut le restaurateur de la philosophie. C’est par-là qu’il a été utile à l’astronomie et non par ses systèmes. »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., l. 4, § 2 et 20.)

« Gassendi, fils d’un paysan des environs de Digne, astronome et surtout philosophe, se rendit le défenseur d’Épicure. Il combattit Descartes, et il partage avec ce grand homme la gloire d’avoir fondé la philosophie en France. »

(Ibid., l. 3, § 22.)
(16). PAGE 162, VERS 5.


Huygens, donne au long tube une force nouvelle…

Huygens, né en Hollande en 1629, a perfectionné les télescopes, appliqué le pendule aux horloges, et découvert l’anneau de Saturne, aperçu confusément par Galilée.


(17). PAGE 162, VERS 9.


Et toi, l’illustre auteur d’une race savante…

Jean Dominique Cassini, né près de Nice en 1625, découvrit la rotation de Jupiter, de Mars et de Vénus, par le moyen des taches qu’il observa sur ces planètes, calcula la durée de la révolution qu’elles faisaient sur elles-mêmes, détermina l’aplatissement du globe de Jupiter, et aperçut quatre des satellites de Saturne. Le mérite étant héréditaire dans cette famille, MM. de Cassini ont été obligés de se distinguer par des numéros comme les rois. L’Académie des sciences en est déjà à la cinquième génération.


(18). PAGE 162, VERS 16.


.............Cependant que Rœmer…

C’est au danois Rœmer, appelé en France comme Cassini par Louis XIV, que l’on doit la détermination de la vitesse de la lumière par l’observation des éclipses des satellites de Jupiter. Cette découverte consiste à avoir observé l’immersion d’un des satellites dans l’ombre de la planète, lorsque la terre se trouvait entre le soleil et Jupiter, et à avoir répété l’observation du même satellite au moment où la terre, ayant parcouru la moitié de son orbite, se trouvait à 70 millions de lieues plus loin de Jupiter. La lumière, dans la seconde expérience, mettant 16 minutes de plus à parvenir à l’observateur, il était évident que ce retard était employé à parcourir le diamètre de l’orbe terrestre.


(19). PAGE 162, VERS 19.


Et que vers l’équateur Halley sous d’autres cieux…

Halley, né à Londres en 1556, alla à Sainte-Hélène pour observer l’hémisphère austral, mais il ne put faire, sous ce ciel brumeux, d’aussi utiles observations qu’il se l’était promis. « On lui avait fort vanté le climat ; il fut bien trompé dans son attente. Des pluies fréquentes, un ciel constamment nébuleux, lui permirent à peine deux observations dans les mois d’août et de septembre : les éclaircies duraient une heure au plus, et quoiqu’il n’eût manqué aucune occasion, dans une année entière à peine observa-t-il 360 étoiles, quoique jamais il ne se soit occupé des planètes. »

(Delambre, Astronomie du 18e siècle, I. 2.)

C’est lui qui a donné à un groupe d’étoiles, voisin de la constellation du Navire, le nom de Chêne de Charles, pour conserver la mémoire du chêne qui servit d’asile au roi Charles II.


(20). PAGE 163, VERS 19.


Obtint qu’Albion, etc.

« Ce ne fut qu’en 1687 que, vaincu par les sollicitations de Halley, Newton consentit à se dévoiler et à faire au monde savant le beau présent des Principes mathématiques de la philosophie naturelle. »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., t. 2, I. 12, § 47.)


L’ASTRONOMIE.




CHANT CINQUIÈME.

Arbitre souverain des mondes qu’il attire,
Le soleil les retient dans son brillant empire :
Immobile à leur centre, il voit, obscurs vassaux,
Autour de lui flotter onze astres inégaux ;
Errante colonie, et dont l’âge où nous sommes
Vit naître la moitié long-temps cachée aux hommes.
Eudoxe et Copernic n’atteignirent aux cieux
Que Mercure, Vénus, Mars, et le roi des dieux ;
Saturne leur cachait son écharpe brillante.
Mais depuis que, doués d’une force puissante,
Nos yeux ont pu sonder les profondeurs du ciel,
Un monde plus lointain fut conquis par Herschel.

Kepler, oh ! prescience attribut du génie !
Kepler, en admirant la céleste harmonie,
Soupçonna qu’entre Mars et l’ardent Jupiter
Quelques globes obscurs se perdaient dans l’éther,
Et notre siècle a vu, peuplant ce vaste espace,
Vesta, Junon, Cérès, Pallas, y prendre place.
Sur l’équateur céleste, en leur route inclinés,
Dans une zone étroite ils seraient tous bornés,
Si Pallas, renversant une injuste barrière,
N’eût loin de l’écliptique élargi sa carrière.
Tous ces astres, dont l’orbe enceint le dieu du jour,
En des temps inégaux recommencent leur tour.
De Mercure en trois mois la course est terminée(1),
La terre en douze mois accomplit son année,
Et l’antique Uranus y consume à pas lents
Seize lustres entiers prolongés de quatre ans.
Plus ou moins éloignés du monarque suprême,
Chacun reçoit ses feux en tournant sur soi-même.
Enfin les plus puissants, courtisans couronnés,
De leurs propres sujets marchent environnés.

La terre aime en Phœbé sa compagne fidèle ;
De quatre astres suivi Jupiter étincelle ;
Saturne, le front ceint du céleste bandeau,
Voit sept gardes brillants ranimer son flambeau :
Ils devancent ses pas, le suivent, et son père,
Deux fois encor plus loin du dieu qui nous éclaire,
De six globes amis dont il marche escorté,
Pour ses profondes nuits emprunte la clarté.
Loin, bien loin d’Uranus et de ses satellites,
Quels astres vont traçant ces bizarres orbites ?
L’erreur les crut long-temps dans leur route égarés ;
Mais vers notre soleil, comme nous, attirés,
Ils fuient et tour à tour recherchent sa présence ;
Et plus prompts que la foudre en leur ellipse immense,
Des limites du monde accourent vers leur roi,
Hérissant leur crinière, objet de notre effroi.
De l’astre souverain telle est la cour errante,
À son pouvoir soumise, et par lui seul brillante.
De ces globes long-temps méconnus dans les cieux,
La plupart échappaient à nos débiles yeux ;

Aux sept astres formant le nombre du mystère(2)
La science bornait le monde planétaire ;
La moderne Uranie a peuplé ces déserts,
Et peut d’astres nouveaux doter notre univers.
Mais lorsque de la terre à la voûte azurée,
Observateur d’un jour, dans sa courte durée,
L’homme suit sa conquête, hélas ! à ces confins
Qu’aux filles du soleil tracèrent les destins,
S’arrête aussi l’empire ouvert à son étude.
Par-delà, tout pour lui n’est plus qu’incertitude.
Limité, son domaine est encore assez beau.
Qu’il nous dise comment le céleste flambeau
Vers l’aurore en un an, corps immense et solide,
Tourne quatorze fois sur son axe rapide(3),
Tandis que des sujets qui composent sa cour,
Les quatre plus voisins roulent en un seul jour,
Et que des deux géants, Jupiter et son père,
La révolution en dix heures s’opère.
Archimèdes nouveaux, dont le savant compas
Mesura du soleil et le disque et les pas,

Dites-nous son pouvoir et sa vitesse immense.
Son axe ? — Cent dix fois le nôtre. — Sa distance ?
— Ce même axe compté douze mille et cent fois.
— Son orbite ? — Une ellipse. — Et sa force ? son poids ?
— Trois cent mille leviers, puissants comme la terre.
Ne l’ébranleraient pas au centre de la sphère.
— Sa grandeur, son volume ? — O mortels curieux,
Entassez tous ces corps qui flottent sous vos cieux,
Satellites obscurs, comètes vagabondes,
Saturne, Jupiter, un million de mondes
Non moins grands que ce globe où s’impriment vos pas,
Et leur masse au soleil ne s’égalera pas.
Bien qu’à nos yeux trompés son disque égale à peine
Le disque de sa sœur que roule un char d’ébène,
Trois fois il remplirait l’espace qui s’étend
De notre terre obscure à ce globe inconstant.
Atomes animés, contemplez votre maître :
Et toi, protége-les, puisque tu les fis naître,
Toi, l’un des souverains de l’immense univers,
Brillant monarque, assis sur le trône des airs,

De la vie et du feu source pure et féconde,
Centre des mouvements prescrits à notre monde ;
C’est toi qui nous dépars, régulateur du temps,
Les ans, les mois, les jours, les heures, les instants.
Bienfaiteur des mortels, prête-leur ta lumière :
Leurs jours sont-ils sereins, rallentis ta carrière ;
Sont-ils infortunés, retire ton flambeau,
Soleil, hâte ta course, et les rends au tombeau(4).
Mais quelle est ta nature, ô source inaltérable,
Foyer toujours ardent, toujours inépuisable ?
L’œil fixé vers les cieux dans un doute constant,
La science se tait, observe, admire, attend.
Son regard attentif suit cette tache obscure
Qui ternit de tes feux la lumière si pure,
Nuage irrégulier, qui d’abord offre aux yeux
Une ombre qu’environne un filet radieux ;
Fidèle à l’équateur, dont elle suit la trace,
Dans cette route ardente elle croît et s’efface,
Et le trait allongé que nous montre le bord
S’élargit en marchant pour s’amincir encor.

Après deux fois sept jours dans les cieux disparue,
A l’orient du disque elle nous est rendue ;
Et son retour atteste à l’œil qu’elle avait fui,
Que, fille du soleil, elle tourne avec lui (5).
Mais quelle est cette tache ? une écume formée
Des éléments impurs de la sphère enflammée ?
Un gigantesque mont de feux environné,
Qui lève tout-à-coup son sommet calciné ?
Un nuage dix fois aussi grand que la terre ?
D’un immense volcan l’effroyable cratère ?
Ou, dans ces cieux enfin qu’embrasent les éclairs,
Un long déchirement, des gouffres entrouverts,
Par qui l’œil peut atteindre à la surface obscure
De ce brillant soleil flambeau de la nature ?
Oh ! qui me répondra ? Newton, Laplace, Herschel,
Vous si souvent admis aux mystères du ciel,
Cet astre est-il ardent, ou le léger fluide
S’enflamme-t-il autour de son disque rapide ?
Quel est de tous ces feux l’éternel aliment ?
Cette lumière enfin qui coule incessamment (6),

Est-ce un trait qui s’élance, ou, partout répandue,
Attend-elle un effort pour frapper notre vue,
Pareille aux bruits lointains dans l’air retentissants,
Dont la vague sonore ébranle un autre sens ?
Ces mystères que l’homme encor n’a pu connaître,
Le ciel à nos neveux les réserve peut-être :
L’art a déjà tracé sur ses tables d’airain
Les mouvements divers de l’astre souverain,
Roulant parmi les feux qu’efface sa lumière.
Mais d’un cours inégal poursuivant sa carrière,
L’étoile, qui le soir accompagnait ses pas,
Aux portes du matin ne le retrouve pas.
Chaque jour, vers l’aurore, il rallentit sa route ;
Il s’élève, il s’éloigne, et la céleste voûte
Le voit, deux fois par an, abaissant sa hauteur,
Se rapprocher du pôle et franchir l’équateur.
À ses pâles sujets qui peuplent l’Empyrée
Il dispense des jours d’inégale durée ;
Mais lui-même, inégal dans son cours radieux,
Plus lent ou plus rapide, il traverse les cieux,

Et, pour favoriser l’hémisphère de l’Ourse,
Il semble de sept jours y prolonger sa course.
Ainsi ce globe obscur qui lui doit la clarté
L’accusait d’inconstance et d’inégalité.
Mais quand la terre enfin, rejetée à sa place,
Allongea son orbite et roula dans l’espace,
Le soleil arrêta ses coursiers bondissants,
Et l’ellipse expliqua l’illusion des sens.
C’était trop peu ; l’erreur qui redoublait ses voiles,
Faisait vers l’équinoxe avancer les étoiles(7),
Agitait l’équateur, ébranlait tout le ciel,
Pour laisser à la terre un repos éternel.
La science a détruit cet antique prestige ;
La terre se balance, il n’est plus de prodige.
L’équateur s’est gonflé, Newton parle ; à sa voix,
Et la terre, et les cieux, suivent les mêmes loix.
Des corps que le soleil retient dans son système,
Qui gravitent vers lui, qui l’attirent lui-même,
Si le compas sévère eût tracé les contours,
Sur un axe immobile ils tourneraient toujours ;

Les révolutions de leur course ordonnée
Au même point du ciel ramèneraient l’année :
Mais des globes roulants, sur leur pôle aplati,
L’essor est tour à tour rapide ou rallenti,
Et leur cours inconstant, l’ellipse qui l’enserre,
D’une immuable loi sont l’effet nécessaire.
Voyez-vous s’élancer, d’acanthe couronnés,
Ces marbres de Paros que l’art a façonnés,
Dont la tige superbe élève dans les nues
Le dôme qui des dieux protège les statues ?
Le ciseau, du compas empruntant le secours,
A d’un parfait module arrondi les contours.
Que la scie, en glissant, patiente ouvrière,
Divise obliquement cette colonne altière,
Le tronçon mutilé du marbre somptueux
Offre un orbe allongé dont le centre est douteux,
Image de celui qu’aux plaines de l’espace
Suivent les corps errants dans leur route sans trace(8).
L’invisible pouvoir qui fait le mouvement
Sur des points inégaux agit diversement(9) ;

Infini, répandu sur toute la nature,
Il nous est imposé par la planète obscure.
Voisin faible et pressant, le globe qui nous suit
Sollicite et retient l’astre qui le conduit (10).
Inégale en sa forme, errante en son orbite,
D’un triple mouvement notre sphère s’agite,
Marche autour du soleil, sur soi roule toujours,
Et, troublée, incertaine, oscille dans son cours.
Ainsi, lorsqu’un vaisseau, les ailes étendues,
De sa quille d’airain fend les ondes émues,
Les mâts, que chaque flot balance lentement,
D’un et d’autre côté penchent incessamment,
Et le nocher croit voir dans la céleste voûte
Les astres ébranlés s’écarter de leur route ;
Aux cieux et sur la terre ainsi l’illusion
Fait marcher le rivage et tourner l’horizon.
Tout change, l’équateur s’ébranle dans sa masse,
Avec l’axe des cieux le pôle se déplace,
L’écliptique descend ; quelques siècles encor,
Le char prendra sa course, et la reine du Nord (11)

Cessant de dominer sur le pôle infidèle,
Ne verra plus rouler les mondes autour d’elle.
Quoi ! nos neveux, un jour, verront-ils sans terreur
Le soleil égaré parcourir l’équateur ?
Plus d’été, plus d’hiver ; les saisons, les journées
A l’uniformité seraient donc condamnées ?
Rassurez-vous, mortels ; votre globe agité
Doit son juste équilibre à sa rapidité.
Il penche, il se relève en tournant sur lui-même.
Tel, si j’ose à l’enfance emprunter cet emblème,
Tel, d’une adroite main rapidement frappé,
Le buis infatigable, à sa corde échappé,
Sur un pivot aigu suspend son cône agile,
Et plus il est fouetté, plus il dort immobile.
Dans ses frivoles jeux l’enfance a découvert
Ce que sut le premier expliquer d’Alembert (12).
Par un balancement peu sensible à la vue,
Sur son axe incliné la terre est soutenue.
Les astres, chaque jour, d’un mouvement pareil
Devancent d’un instant la marche du soleil ;

Il semble que le dieu, regardant en arrière,
S’arrête au premier pas de sa vaste carrière,
Et des signes trop lents attende le retour :
Tous à chaque saison président tour à tour.
Vingt siècles prolongés de cent soixante années,
Reviennent douze fois changer leurs destinées.
La terre se souvient qu’aux âges reculés
Quatre de ces flambeaux des lambris étoilés
Dispensaient les saisons, et dans sa route oblique
En quatre égales parts divisaient l’écliptique.
Aux tropiques fixés, l’éclatant Régulus,
Et l’habitant des eaux protégé de Vénus,
Qui semble de ses flots couvrir l’urne propice,
De l’été, de l’hiver annonçaient le solstice(13) ;
Et plus loin Antarès ; Apis à l’œil sanglant,
L’un à l’autre opposés dans ce cercle brillant,
De leur flamme rougeâtre éclairaient l’Empyrée
Dans ces nuits qui des jours égalent la durée.
Long-temps Apis du Nil fut le dieu protecteur :
Plus tard, quand le soleil, franchissant l’équateur,

Ramenait lentement sa barque radieuse(14),
Et quittait pour le Nord l’Égypte limoneuse,
Ammon, le front paré des cornes du bélier(15),
Ouvrait à l’Orient son temple hospitalier,
Et Thèbes, vers l’autel couvert de ses offrandes,
Conduisait un taureau couronné de guirlandes.
Rites mystérieux ! antiques monuments,
Où la terre du ciel lisait les mouvements.
D’Ammon, vainqueur d’Apis, l’étoile fortunée
Présidait aux beaux jours qui commencent l’année
Autrefois le Taureau ramenait le printems ;
Le Bélier à sa place a régné deux mille ans ;
Et ce sont aujourd’hui les poissons de Nérée
Qui rendent sa parure à la fertile Rhée.
Le Verseau dardera tous les feux du Cancer ;
Le brûlant Sirius verra naître l’hiver.
L’Épi, trompant nos vœux, produira les orages ;
Et quand, roulés enfin par le torrent des âges,
Sur les vastes débris des trônes écroulés,
Treize siècles vingt fois se seront écoulés,

Les signes, l’équinoxe, et le solstice et l’Ourse,
Retrouveront leur place et reprendront leur course.
     Ainsi nés pour l’erreur, mortels ambitieux,
Tout n’est qu’illusion pour vos débiles yeux :
Ce soleil, cette terre, et ces astres tranquilles,
Vous paraissent briller à leur place immobiles !
Hélas ! de votre esprit les efforts impuissants
N’ont-ils pas leurs erreurs aussi bien que vos sens ?
Nier est téméraire ; affirmer, impossible.
La science d’Euclide est la seule infaillible :
Mais comment à l’erreur prétend-elle échapper ?
En écartant au loin ce qui peut la tromper.
Dans le monde idéal souveraine absolue,
Elle embrasse le temps, mesure l’étendue :
Le monde véritable échappe à son compas.
Elle ose soupçonner, mais ne nous montre pas
De ces globes brillants les énormes distances
Leur vitesse, leur cours et leurs orbes immenses.
Déjà Lalande, Herschel, dans des angles aigus,
Vers le pôle d’Auster ont vu fuir Sirius.

L’Arcture et le Lion suivent la même route.
Hercule, qui du Nord illumine la voûte,
Dans ce ciel qu’il porta s’élargit aujourd’hui :
Est-ce lui qui s’avance, ou marchons-nous vers lui(16) ?
Si le soleil voyage avec tout son système,
Sur quel centre inconnu gravite-t-il lui-même ?
Quels sont ces mouvements, divers, prodigieux,
Et par qui rien ne change au séjour radieux ?
S’il tourne sur un point qui lui-même s’agite,
Notre terre sur lui, sur nous un satellite,
Que deviennent alors les cercles éclatants
Si savamment prescrits à ces mondes flottants ?
De spirale en spirale, en sa course rapide,
Phœbé va décrivant sa triple cycloïde,
Et ces orbes divers qui se croisent aux cieux
Échappent au calcul et trompent tous les yeux.
Toutefois la science et la vue elle-même
Dans l’espace conquis atteindront ce problème.
Ô puissance du temps, du travail et des arts !
Vers des cieux plus voisins arrêtant ses regards,

Que l’étude assidue y sollicite encore
Les autres vérités que notre siècle ignore.
Comment interroger ces astres qui toujours
Dans un ordre immuable accomplissent leur cours,
Et qui, nous dérobant leur masse et leur distance,
Semblent fixés au ciel d’où leur flamme s’élance ?
Mais autour du foyer qu’enceint notre univers
Sont des mondes errants dans des sentiers divers,
Dont la douce lumière, au soleil empruntée,
Réfléchit son éclat, et n’est point agitée.
Dans l’océan de flamme incessamment plongé,
Roulant sa masse obscure en un orbe allongé,
Divers dans ses aspects, Mercure solitaire
Erra long-temps peut-être inconnu de la terre.
Cependant quand, le soir, le soleil moins ardent
Laissait le crépuscule éclairer l’occident,
Au bord de l’horizon une faible lumière,
Semblait suivre du dieu l’éclatante carrière.
L’art mesura son orbe, et l’œil de Gassendi
Sur le front du soleil suivit son vol hardi(17).

Du globe où nous marchons inconstante rivale,
Entre Mercure et nous partageant l’intervalle,
Compagne radieuse et sœur du dieu du jour,
C’est Vénus qui l’annonce et le suit tour à tour.
Mais en vain sous deux noms le vulgaire l’honore,
L’étoile de Vesper est celle de l’aurore.
La voilà qui paraît, courez, heureux amants !
Ô Vénus, devant toi, ces feux, ces diamants(18),
Tout pâlit ; et que sont auprès de tes montagnes,
Les Alpes et l’Atlas, géants de nos campagnes ?
Lorsque sur nous des nuits l’astre resplendissant
Huit fois a ramené son disque et son croissant,
Des coursiers du soleil brillante avant-courrière,
Tu fermes ton année et reprends ta carrière.
Près d’Hélion lui-même à son midi monté,
Ta sphère brille encor d’une douce clarté :
L’œil y distingue à peine une tache légère :
Dis-nous si dans les cieux tu roules solitaire.
Laisse-nous mesurer ton croissant lumineux.
Surtout quand du soleil tu traverses les feux,

Permets à l’œil humain d’y suivre ton passage ;
Qu’un obstacle jaloux, un funeste nuage
Ne vienne point ravir au sage qui t’attend
Le prix de ses travaux, ce bonheur d’un instant,
Qu’il est venu chercher de l’Europe savante
Aux rives où l’Indus roule une onde indolente.
Mars d’un œil amoureux contemple tes attraits :
Mais son disque en croissant ne se courbe jamais ;
Il s’arrondit en cercle, il s’allonge en ovale (19) ;
Maint nuage ternit sa lumière inégale.
Plus petit que Vénus, moins brillant à nos yeux,
Il est deux fois plus loin du flambeau radieux ;
Et, chargés de frimas, ses pôles qu’il balance
Du soleil qui les frappe attestent la distance.
D’une atmosphère épaisse on le dit entouré ;
Aux profondeurs des cieux quelquefois égaré,
Il échappe à la terre, et quand vers notre monde
Deux ans ont ramené sa course vagabonde,
Il revient furieux de ces orbes lointains,
D’un œil ensanglanté menaçant les humains.

Tel n’est point Jupiter, lorsque dans l’Empyrée(20)
S’élève lentement sa lumière azurée.
L’Éclatant est son nom ; d’un maître redouté
Il garde seulement la douce majesté.
Vainement Uranus, et Saturne et Cybèle,
Mars, Vénus, et Mercure, à son père rebelle,
Contre lui réunis voudraient le détrôner,
Le dieu d’un bras d’airain saurait les entraîner.
Mais rien ne trouble plus son empire paisible :
Son cortège long-temps à nos yeux invisible (21),
Errant autour de lui, va raconter aux cieux
De ses amours divins le sens mytérieux.
Le bel enfant qu’Ida vit ravir à la terre
Pour verser le nectar au maître du tonnerre,
L’arbitre des humains, la sévère Thémis,
Hébé toujours riante, et la sage Métis,
Par qui des arts savants la déesse animée
Du front de Jupiter s’élança toute armée,
Voltigent sur ses pas, l’entourent, et du jour
Lui prêtant les clartés qu’il leur rend à son tour,

Sans cesse à ses regards offrent la même face
De globes que vingt fois notre terre surpasse.
Autant nous sommes loin du souverain des deux.
Autant et quatre fois, dans son cours glorieux,
Le puissant Jupiter étend son orbe immense (22).
Le lustre vainement s’enfuit et recommence :
Dans chacun des palais sur sa route placés
Un an retient ses pas si lentement tracés ;
Et lorsqu’il touche enfin à sa borne dernière,
La terre a terminé sa douzième carrière.
Mais, tandis que nos yeux accusent sa lenteur,
Dans les cieux qu’il parcourt son rapide équateur
Accomplit en un an neuf cents tours sur lui-même.
Plus cet orbe est immense et sa vitesse extrême,
Plus, libre du pouvoir qui la fait graviter,
La matière s’échappe et tend à s’écarter,
Et vers son équateur par le temps amassée,
Change en globe aplati sa sphère balancée :
Tel roule Jupiter en fuyant l’occident.
O vous, de la nature illustre confident,

Dites-nous, Arago, quel savant artifice
Vous a rendu cet astre et docile et propice ;
Dites-nous et son jour à cinq heures borné,
Et son axe au soleil faiblement incliné,
Ses pôles, cette nuit qui, sur eux descendue,
Six ans de ce soleil leur dérobe la vue.
Mais des ans, sur ce globe immuable en son cours,
Rien ne marque la fin, n’annonce les retours.
D’une même saison l’éternelle durée
De feux ou de frimas couvre chaque contrée :
Le temps fuit, rien ne change, et l’hiver et l’été
Y gardent à jamais leur uniformité.
Sur ce disque pourtant des ombres infidèles (23)
Étendent à l’envi leurs zones parallèles ;
Leur forme est inconstante et leur nombre divers.
Qu’y dois-je voir ? des monts ? des nuages ? des mers ?
Des taches ont paru par le temps ramenées,
Et que l’œil reconnaît après plusieurs années.
Du globe impétueux elles disent l’essor ;
Ce qu’elles-mêmes sont, nous l’ignorons encor.

Resserrant son empire en d’étroites limites,
Jupiter près de lui retient ses satellites (24).
Tour à tour à nos yeux, de leur disque argenté
S’accroît, pâlit, s’éteint l’inégale clarté,
Et cachant son éclat dans l’ombre qui s’allonge,
Chaque jour éclipsé, l’un ou l’autre se plonge.
Chaque jour l’œil humain peut voir au haut des cieux
Leur ombre traverser le front du roi des dieux,
Et l’un d’eux quelquefois avec l’autre conspire
Pour obscurcir deux parts de ce brillant empire.
O pouvoir du génie ! ô travaux assidus !
Ces globes, si long-temps à nos yeux inconnus,
Leur marche, leurs retours, leurs éclipses fréquentes,
Laplace les soumet à ses règles savantes.
Delambre a calculé ces vastes mouvements.
Au pilote égaré sur les flots écumants
Ces astres vont marquer et sa place et sa route.
De l’éclipse annoncée à la céleste voûte
Le retard dit quel tems à parcourir les cieux
Employa le rayon qui vient frapper nos yeux :

Ces mondes avoueront leur masse et leurs distances.
Ah ! s’ils sont habités par des intelligences,
Que des observateurs sur leur surface épars
Un spectacle brillant doit charmer les regards !
Plus grand quinze cents fois que la sphère de Rhée,
Leur astre au milieu d’eux éclaire l’Empyrée.
Mais de Saturne encor le destin est plus beau (25) ;
Moins grand, deux fois plus loin du céleste flambeau,
Il a, comme son fils, de légers satellites,
Son double mouvement dans d’immenses limites,
Ses bandes et son jour par cinq heures compté,
Et des saisons sans terme et sans diversité.
Il consume trente ans à fournir sa carrière ;
Phébus ne lui départ qu’une faible lumière.
Sept lunes vont pour lui s’élevant, s’abaissant,
Lui présentent leur disque ou leur orbe naissant,
Et, favori du sort, seul dans notre système,
Il marche le front ceint d’un double diadème.
Par un espace étroit deux cercles divisés,
Et d’atomes flottants à nos yeux composés,

L’éclairent sans l’atteindre, et de leur face sombre
Sur son globe attristé laissent tomber leur ombre ;
Ils ont le même centre, et sur le même appui
En moins d’un demi-jour ils tournent comme lui.
De ces ponts éclatants, suspendus l’un sur l’autre,
L’axe prodigieux vingt fois passe le nôtre.
Quels tableaux variés doivent offrir aux yeux
Ces deux écharpes d’or flottantes dans les cieux !
Oui Saturne, à bon droit, en contemplant sa masse,
Ce soleil qui pour lui n’est qu’un point dans l’espace,
Ses gardes, sa couronne et leurs orbes divers,
Peut se croire le roi, centre de l’univers.
Nous-mêmes, race aveugle, éphémère, fragile,
Atomes exilés sur l’atome d’argile,
N’avions-nous pas, pour nous disposant tous les cieux,
Cru marquer des confins au monde radieux ?
Homme, console-toi de ces vaines chimères.
Si tu fus rejeté loin du centre des sphères,
Toi-même t’en bannis, et des astres nouveaux
Seront le prix heureux de tes nobles travaux.

Tandis que, rallumant les foudres de la guerre,
Les discordes des rois ensanglantaient la terre,
Armé d’un tube immense, ouvrage de ses mains,
Un sage, l’œil fixé sur ces globes lointains,
Paisible conquérant de la voûte profonde,
Au-delà de Saturne y découvrait un monde,
Cette sphère qui luit dans ces cieux inconnus,
Et que l’ingratitude a nommée Uranus (26).
Entre les feux du jour et son orbite immense
Autant l’époux de Rhée a laissé de distance,
Autant se plonge encor dans l’abîme du ciel
Le front demi voilé de la fille d’Herschel.
Trois heures ont à peine amené la lumière
Qui frappe de si loin sa timide paupière.
De six gardes suivie, elle embrasse en son cours
Tous les mondes errants connus jusqu’à nos jours.
Sait-elle cependant qu’au loin court dans l’espace
Un globe que le sien quatre-vingts fois surpasse,
Que de ce globe obscur l’habitant curieux
Sut l’atteindre elle-même aux profondeurs des cieux,

Et, guidé par Laplace, a tracé son orbite,
Déterminé sa marche, assigné sa limite.
Pendant trois ans entiers s’attachant à ses pas,
Delambre la soumet à l’angle du compas ;
Bouvard, de qui Saturne a publié la gloire,
D’Uranus, pour cent ans, trace déjà l’histoire ;
Herschel ajoute un monde à la création,
Et la France applaudit à l’orgueil d’Albion.
Honneur de l’Italie et mon guide céleste,
Toi qui daignas m’admettre à ton foyer modeste ;
Toi qui dans tes travaux as souvent confié
Les rêves de ta gloire à la tendre amitié,
Puis-je oublier jamais ce jour où, l’âme émue,
Palpitant de plaisir, tu me dis : — Je l’ai vue !
— Quoi ? — Cette nuit. — Quoi donc ? — Oui, je viens de la voir,
La planète. Grands dieux ! vous comblez mon espoir ;
Un monde est découvert, ma carrière est remplie ;
Piazzi peut maintenant abandonner la vie.
Juste orgueil ! noble joie ! oui, ton nom glorieux
Avec le nom d’Herschel est écrit dans les cieux.

C’était l’heure où Janus nous ramenait l’année,
Et d’un siècle nouveau la première journée.
Cérès se dévoilant à tes regards surpris,
À ton culte pieux gardait ce digne prix.
Cérès, de la Sicile antique protectrice (27),
Te devait un regard de son astre propice ;
Ton art de ses guérets protège les tributs,
Et son île à ton nom doit un lustre de plus.
Quel prix peut te payer de tes veilles savantes ?
Déjà la fièvre court dans tes veines brûlantes,
Et va fermer peut-être à la clarté du jour
Ces yeux explorateurs du céleste séjour.
Mais non ; après deux mois, la force t’est rendue :
Tu demandes Cérès ; Cérès est disparue.
Perdras-tu sans retour un si noble laurier ?
Le printemps fuit, l’été s’écoule tout entier :
Olbers revoit ton astre, il l’atteint, il l’arrête,
Proclame ton triomphe et te rend ta conquête :
Qu’il soit récompensé par de nouveaux succès.
Kepler, se disait-il, a de notre Cérès

Deviné l’existence et désigné la place ;
Mais du quart de Phœbé n’égalant point la masse,
Comment cette planète aux plaines de l’Éther
Peut-elle balancer et Mars et Jupiter (28) ?
Serait-elle un débris d’une sphère inconnue,
À cette même place autrefois suspendue ?
Il dit, il cherche, il veille ; et le tube allongé,
Sur les pas de Cérès constamment dirigé,
Lui découvre Pallas, Pallas, astre paisible,
Pâle comme Cérès, comme elle imperceptible.
Ce n’est pas tout encor ; Vesta sur son autel (29)
Rallume un chaste feu désormais immortel,
Et la fière Junon pour Harding s’est montrée.
Nouvelles déités de la sphère éthérée,
Parlez, que venez-vous enseigner aux humains ?
Laissez-vous contempler, dites-nous vos destins ;
Notre œil vous suit à peine en votre route obscure,
Et déjà le calcul vous pèse et vous mesure :
À ses efforts savants ne vous dérobez pas.
Est-il vrai qu’un degré qui s’enfuit sous nos pas

De vos pôles entre eux égale la distance ?
Des mondes tels que vous le nombre est-il immense ?
En vous tout semble égal, vitesse, orbes, pâleur :
Sœurs d’un âge pareil, de pareille grandeur,
Sortîtes-vous ainsi d’entre les mains divines ?
D’un monde qui n’est plus êtes-vous les ruines ?



NOTES.



NOTES
DU CINQUIÈME CHANT.

Séparateur


(1). page 186, vers 13.


De Mercure en trois mois la course est terminée, etc.
Et l’antique Uranus…


La durée des révolutions sidérales des planètes et leur distance moyenne au soleil, celle de la terre étant prise pour l’unité, sont :

Temps des révolutions.


Jours.
Distances à la terre


Mètres.
Pour Mercure 87,969 et de 0,387
Vénus 224,701 0,723
La terre 365,256 1,000
Mars 686,980 1,524
Vesta 1335,205 2,373
Junon 1590,908 2,667
Cérès 1681,539 2,767
Pallas 1681,709 2,768
Jupiter 4332,596 5,203
Saturne 10758,970 9,539
Uranus 30688,713 19,183

Telles sont les distances des planètes au soleil. Si de là on voulait passer aux distances des différentes étoiles, même des plus rapprochées, on tomberait dans des chiffres d’une longueur si démesurée, qu’ils ne représenteraient plus rien à l’esprit ; pour faire concevoir ces grandeurs qui n’ont pas de modèle dans notre nature et que notre imagination se refuse à embrasser, un auteur nommé Antide Janvier s’est servi d’une comparaison fort ingénieuse que voici :

« Qu’on se représente, dit-il, le soleil comme un globe de 10 pouces ou 120 lignes de diamètre, placé au milieu du grand bassin circulaire des Tuileries. La planète de Mercure sera représentée par un globe de 0,4382l. circulant autour de lui à la distance de 34 p., Vénus, Mars, etc., ainsi qu’il suit :

planète Diam. du globe


l.
Dist. au soleil


p.
Mercure 0,4382 34,709 Dans le bassin.
Vénus 1,0337 64,854
Terre 1,0763 89,664
Lune 0,2938 89,984
Mars 0,5599 136,622 sur le groupe d’Énée, un peu en-deçà.
Vesta 212,77 sur la statue de Jules-César.
Junon 232,15
Cérès 248,12
Pallas 248,73
Jupiter 11,6917 446,508 au-delà du Laocoon
Saturne 10,7458 855,465 au Centaure.
Uranus 4,6687 1710,967 à la grille du p. tournant.

Il résulte de ce tableau que Vénus et Mercure seraient renfermés dans le bassin des Tuileries ; la Terre, la Lune, Vesta, Junon, Cérès, Pallas et Jupiter, dans l’enceinte du jardin, entre les grilles latérales et la façade du palais. Uranus à une distance répondant à peu-près à l’endroit qu’occupe la grille du pont tournant. En observant ces proportions, si on veut connaître la place qu’occuperait l’étoile la plus rapprochée du soleil, on trouve qu’en lui supposant une parallaxe de 8″, il faut l’aller porter à Marseille. Que serait-ce si nous supposions la parallaxe de 2″ ? Cette hypothèse reculerait l’étoile la plus voisine de 674 lieues mesurées sur notre échelle, et de 1349 lieues environ, si on supposait la parallaxe de 1″. Faut-il s’étonner si la science est réduite jusqu’ici à des conjectures sur le diamètre des étoiles ? Notre système solaire tout entier, dans l’hypothèse d’une parallaxe de 8″, est en grandeur, pour les étoiles fixes les plus rapprochées, ce que serait un cercle de 1710 pieds de rayon, à un cercle concentrique de 2,301,264 pieds.


(2). page 188, vers 1.


Aux sept astres formant le nombre du mystère…


Le nombre sept était regardé comme sacré à cause des sept planètes : on élevait sept autels, on immolait sept victimes, etc. (Dict. de la fab. de Noël). On ne saurait croire combien chez les anciens et chez les modernes on avait imaginé de raisons pour établir que le nombre des planètes ne pouvait être que de sept, ni plus ni moins. La découverte des quatre lunes de Jupiter par Galilée, d’un satellite de Saturne par Huyghens, etc., vinrent déranger ce système.


(3). page 188, vers 14.


Tourne (le soleil) quatorze fois sur son axe rapide,
Tandis que, etc ......


La révolution du soleil sur lui-même s’accomplit en 25 jours et demi environ.

La durée de la rotation des planètes est :

Pour Mercure de 1 jour
Vénus 0,973
La terre 0,997
Mars 1,027
Jupiter 0,414
Saturne 0,428

« Il est assez remarquable que cette durée soit à peu près la même et au-dessous d’un demi-jour pour les deux grosses planètes, tandis que les planètes qui leur sont inférieures tournent toutes sur elles-mêmes dans l’intervalle d’un jour à fort peu près. »

L’axe du soleil… exactement 109,93 fois le nôtre ; sa distance moyenne exactement 34,522,339 lieues de 2280 toises, ou 24096 rayons terrestres de 1432 lieues 7/10.

L’orbite solaire est une ellipse dont le centre de la terre occupe un des foyers. L’ellipse solaire est peu différente d’un cercle ; car l’excès de la plus grande sur la moyenne distance du soleil à la terre, n’est que de 168 dix millièmes de cette distance.

La masse de la terre est à celle du soleil comme 1 est à 354,936.

Le volume du soleil est 1,328,460 fois celui de la terre.


(4). PAGE 190, VERS 8.


Soleil, hâte ta course…..

Phœbe pater, medio cessas quid lentus Olympo ?
Quid cohibes tardos fræno remorante jugales ?
Urge, age, fac celeri decurrant sæcula gressu ;
Fac citius miseris fugiat mortalibus ætas.
(Éclipses de Boscowich, ch. 4.)
(5). PAGE 191, VERS 4.


Que, fille du soleil, elle tourne avec lui (tache du soleil).

« On observe souvent sur le disque du soleil des taches noires d’une forme irrégulière qui traversent sa surface dans l’espace de quelques jours. Leur nombre, leur position, leur grandeur, sont extrêmement variables. On en a vu qui, par l’espace qu’elles occupaient sur le diamètre apparent du soleil, devaient être cinq ou six fois plus larges que la terre entière… Chaque tache noire est ordinairement environnée d’une pénombre, autour de laquelle on remarque une bordure de lumière, plus brillante que le reste du soleil. Quelque-fois on aperçoit d’abord des nuages lumineux sur le bord du disque, sans voir de taches à leur centre. Mais à mesure qu’ils s’avancent, les taches commencent à se former, ou du moins à devenir visibles, et ce phénomène est assez constant pour qu’on puisse prévoir par-là leur apparition. Lorsque les taches commencent à paraître sur le bord du soleil, elles ressemblent à un trait délié. Peu à peu leur grandeur apparente augmente, à mesure qu’elles s’avancent vers le milieu du disque ; ensuite elles diminuent par les mêmes périodes et finissent par disparaître entièrement… Ces accroissements et ces diminutions s’expliquent facilement, si l’on suppose les taches adhérentes à la surface arrondie du soleil ; car alors le seul mouvement de rotation doit nous les faire apercevoir sous divers degrés d’obliquité et de grandeur… Lorsqu’on a observé avec soin une même tache, pendant tout le temps qu’elle emploie à traverser le disque du soleil, ce qui demande environ 14 jours, si l’on est assez heureux pour qu’elle dure, on la revoit encore après un intervalle de temps à peu près égal ; mais elle se trouve sur le bord du soleil opposé à celui où elle a disparu. Cette marche révolutive est commune à toutes les taches… Il y a des années où on n’en voit aucunes, d’autres où elles sont très fréquentes… La durée de leur révolution est la même ; elles emploient toutes environ 27 jours pour revenir à la même position apparente sur le disque du soleil… Ces phénomènes ont conduit M. Herschel à penser que le corps du soleil est un noyau solide et obscur, environné d’une immense atmosphère, presque toujours remplie de nuages lumineux… qui s’entr’ouvrant quelquefois, nous découvrent le noyau obscur, de même que du haut de nos montagnes on peut quelquefois, à travers les interstices des nuages, découvrir le fond des vallées ;… et qu’il existe aussi à la surface du soleil des montagnes très-hautes, dont les sommets paraissant par intervalles au-dessus de la matière lumineuse, nous offrent l’apparence de taches noires… En supposant, avec l’auteur de la Mécanique céleste (qui a déclaré que la nature des taches est encore ignorée), que le corps même du soleil est embrasé, les taches pourraient être des cavités profondes d’où sortiraient par intervalles de vastes éruptions de feux faiblement représentées par les volcans terrestres. »

(Traité élém. d’astr. physique, par M. Riot, 1.2, ch. 13.)

(6). PAGE 191, VERS 20.


Cette lumière enfin, etc.....

« Les modernes se sont partagés entre deux systèmes, 1o de l’émanation, suivant lequel le soleil lance effectivement une matière lumineuse ; 2o des ondulations, où, l’espace étant regardé comme rempli d’une substance très-rare et éminemment élastique, qu’ils nomment éther, cet éther, par des mouvements vibratoires qu’il transmet fort rapidement, produit sur l’œil la sensation de la lumière, comme les vibrations de l’air produisent dans l’oreille le phénomène du son. »

(Astr. élément de Quetelet) M. Delambre remarque que le système des ondes, dû à

Huyghens, a été adopté par Euler et par quelques physiciens, mais n’a pas encore été suffisamment développé, et qu’en général, les géomètres étaient du sentiment de Newton pour l’émission en ligne droite, qui se prête mieux à l’explication générale des phénomènes.


(7). PAGE 193, VERS 10.


(L’erreur) faisait vers l’équinoxe avancer les étoiles.

« Comme les étoiles ont un mouvement progressif de longitude, ou plutôt que les points équinoxiaux rétrogradent continuellement à l’égard des étoiles et des constellations, il en résultait que les levers de ces étoiles retardaient dans le cours de l’année solaire, et que les points des équinoxes et des solstices répondaient à différents degrés des constellations. Ces changements deviennent sensibles au bout de quelques années. »

(Bailly, Hist. de l’astr. anc., 1. 7, § 6.)

(8). PAGE 194, VERS 18.


Suivent les corps errants dans leur route sans trace.

Il n’est pas étonnant que l’ellipticité des orbes planétaires ait échappé à tous les astronomes jusqu’au temps de Kepler, qui fut conduit à cette découverte par le calcul plutôt que par l’observation. Toutes les orbites des planètes sont allongées, mais d’une si petite quantité, que pour Mercure, qui décrit l’ellipse la plus excentrique, la différence du grand axe au petit n’est que de  ; pour Mars, elle est de  ; pour les autres planètes, encore moindre.


(9). PAGE 194, VERS 20.

L’invisible pouvoir qui fait le mouvement
Sur des points inégaux agit diversement..

« Cette protubérance de la terre à l’équateur est comme une ceinture dont elle est enveloppée… Newton conçut que la terre ainsi figurée ne devait plus éprouver la même attraction des corps célestes ; elle n’est plus un globe dont tous les points de la surface sont également éloignés du centre ; elle a des parties qui donnent plus de prise et qui doivent être différemment attirées. »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., 1. 12, § 26.)

« La théorie de l’attraction universelle a fait connaître que le phénomène de la précession des équinoxes est causé par l’attraction de la lune et du soleil sur le sphéroïde aplani de la terre. Cette attraction étant inégale sur les diverses portions du sphéroïde, à cause de l’aplatissement, détourne continuellement la place de l’équateur terrestre de sa direction, et le force de rétrograder sur l’écliptique. Si la terre était sphérique, cet effet n’aurait pas lieu, il n’y aurait point de précession. »

(Traité élémentaire d’astr. physique, par M. Riot, 1. 2, ch. 5.)
(10). PAGE 195, VERS 4.

Le globe qui nous suit
Sollicite et retient l’astre qui le conduit.

Euler est le premier qui ait fait voir que l’attraction des planètes sur la terre devait produire cet effet. — « La précession des équinoxes, qui est de 50″ par an, est produite par l’attraction du soleil et de la lune sur la partie de la terre que l’on conçoit relevée vers l’équateur du sphéroïde. De ces 50 secondes, il y en a au moins 36 qui sont produites par l’action seule de la lune. »

(Astr. de Lalande, 1. 16 et 17.)
(11). PAGE 195, VERS 20.

L’écliptique descend ; quelques siècles encor
Le char prendra sa course, et la reine du Nord…

« La théorie de l’attraction a prouvé que l’attraction des diverses planètes qui composent notre système, doit nécessairement déplacer peu à peu le plan de l’écliptique dans le ciel, et diminuer son inclinaison sur l’équateur d’une quantité à peu près égale à 160", 83 par siècle… et que cette diminution d’obliquité ne sera pas toujours progressive. Il arrivera un temps où ce mouvement commencera à se ralentir, puis cessera entièrement, et alors l’obliquité de l’écliptique sur l’équateur paraîtra constante ; après quoi, le déplacement de ce plan recommencera en sens contraire. »

(Traité élément. d’ast. phys. par M. Riot, I. 2, ch. 5.)

« L’obliquité de l’écliptique était, il y a 2000 ans, d’environ 24 degrés ; elle n’est plus aujourd’hui que de 23′ 28″ et diminue d’environ 1′ tous les cent ans. » (Lalande, astr. 1. 1.) Suivant M. de Laplace, l’étendue entière des variations de son inclinaison ne peut pas excéder 3 degrés.

Autrefois l’étoile qui forme l’extrémité de la queue de la petite Ourse était assez loin du point invisible où se trouve le pôle ; elle en est la plus voisine depuis 400 ans, s’en rapprochera encore jusque vers l’an 2013, puis s’en éloignera pour reprendre successivement les mêmes positions dans une révolution de 25980 ans. Deux autres étoiles, Alpha du Dragon et Beta de la petite Ourse, parviennent aussi tour à tour à la proximité du pôle.


(12). PAGE 196, VERS 16.

Ce que sut le premier expliquer d’Alembert.

« Ce grand géomètre a déterminé le premier par une très belle méthode les mouvements de l’axe de la terre… et fait connaître les vraies dimensions de la petite ellipse que décrit le pôle de la terre. »

(Exposition du système du monde, liv. 4, ch. 13.)
(13). PAGE 197, VERS 14.

De l’été, de l’hiver annonçaient le solstice.

« Environ 2500 ans avant notre ère, quatre belles étoiles semblaient avoir été placées par la nature pour fixer les limites des saisons, ou les divisions des signes de trois en trois, aux points équinoxiaux et solsticiaux : toutes quatre de première grandeur et de couleurs différentes, deux par deux. Les unes étaient rouges, les deux autres blanches ; et elles se trouvaient en telle opposition, que quand une rouge passait au méridien supérieur, l’autre était sous la terre au milieu de sa course. Les deux rouges étaient dans les signes des équinoxes de ce temps-là, lesquels étaient le Taureau et le Scorpion. L’une était l’œil du Taureau (Aldébaran) ; l’autre, le cœur du Scorpion (Antarès). Toutes deux étaient placées près du colure des équinoxes… comme en sentinelles près des deux points qui séparent les longues nuits des longs jours. Les autres répondaient aux signes solsticiaux ou aux limites du mouvement du soleil de haut en bas et de bas en haut. L’une fait partie du Lion et se trouvait située sur le colure même des solstices. C’était le cœur du Lion… ou Régulus. La deuxième, placée hors du zodiaque, mais liée au signe du Verseau, auquel répondait le solstice d’hiver, est la belle étoile de l’extrémité de l’eau du Verseau, dite la bouche du poisson et plus connue sous son nom arabe de Fomahaut. »

(Dupuis, Orig. des Cultes, 1. 1, p. 116.)

« Qu’il y ait des observations de cette date dans l’antiquité, c’est ce dont il ne semble pas possible de douter. Les Perses disent que quatre belles étoiles ont été établies pour garder les quatre coins du monde ; or, il se rencontre qu’au temps du commencement de l’âge Caliougan, 3000 ou 3100 ans avant notre ère, l’œil du Taureau et le cœur du Scorpion étaient précisément dans les équinoxes, le cœur du Lion et le Poisson austral assez près des solstices. »

(Bailly, traité de l’astr. indienne, dise, préliminaire.)
(14). PAGE 198, VERS I.

........ La barque radieuse.

Chaque peuple a ses usages. Les Grecs faisaient voyager le soleil sur un char ; les Égyptiens le plaçaient dans un bateau.


(15). PAGE 198, VERS 3.

Ammon, le front paré des cornes du Bélier.

« La translation de l’équinoxe est peut-être marquée dans une fête des Égyptiens, où, selon Hérodote, I.2, on amenait la statue d’Hercule à celle de Jupiter Ammon, couvert d’une peau de bélier. Cela ne semble-t-il pas signifier que l’équinoxe, représenté d’abord par Hercule, l’était alors par Jupiter Ammon, et avait passé du Taureau dans le Bélier ? »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., t. 3, disc. 5.)
(16). PAGE 200, VERS 4.

De ces globes brillants les énormes distances
Leur vitesse, leur cours et leurs orbes immenses.
Déjà Lalande, Herschell…
Est-ce lui (Hercule) qui s’avance, ou marchons-nous vers lui ?

« Pour les étoiles, non-seulement les diamètres apparents sont insensibles, mais leurs distances angulaires sont invariables, ou presque invariables, même après de longs intervalles de temps ; aucun point de la sphère des fixes ne s’approche donc ou ne s’éloigne de nous, dans cet intervalle, d’une quantité sensible. Ces différences nous conduisent à regarder le soleil, la lune, les planètes, les comètes et la terre, comme une sorte de groupe particulier parmi les autres corps célestes ; c’est ce que l’on nomme notre système planétaire.

« Mais ce repos des étoiles pourrait bien n’être qu’une apparence ; car, à cause de leur immense éloignement, il faut qu’elles parcourent de très-grands intervalles avant que nous puissions nous apercevoir qu’elles ont changé de place. Déjà quelques astronomes ont essayé de prouver que les distances angulaires de plusieurs étoiles ont augmenté sensiblement dans une certaine partie du ciel située vers la constellation d’Hercule, et ont diminué dans la partie opposée. Il est donc probable que les premières sont maintenant plus près de nous et les autres plus loin.

« Ces phénomènes prouvent incontestablement que la distance de la terre aux divers corps célestes ne reste pas toujours la même ; mais ils ne nous apprennent pas si le soleil, les planètes et les étoiles sont réellement en mouvement, la terre étant immobile, ou si la terre en mouvement s’approche et s’éloigne de ces astres. Quelque singulière que cette question paraisse, il n’y a rien dans les observations qui puisse la décider. »

(Traité élément, d’astr., phys. par M. Biot, l. ier, ch. 16.)

Voyez dans l’Astronomie de Lalande, liv. 16, les détails sur les mouvements particuliers de plusieurs étoiles, nommément d’Arcturus et de Théta de la grande Ourse : leur mouvement est, dit-on, de 2 secondes par an, ce qui, en les supposant à une distance seulement 400 mille fois plus grande que celle du soleil, correspondrait à un déplacement annuel de 137 millions de lieues ; et il y a plusieurs milliers d’années qu’on observe ces étoiles sans que ce mouvement ait été soupçonné.

« Quelques étoiles paraissent avoir des mouvements propres, et il est vraisemblable qu’elles sont toutes en mouvement ainsi que le soleil, qui transporte avec lui dans l’espace le système entier des planètes et des comètes, de même que chaque planète entraîne ses satellites dans son mouvement autour du soleil. »

(Exposition du système du monde, I. 2, ch. 2.)

« Le système du soleil et de tout ce qui l’environne est emporté vers la constellation d’Hercule avec une vitesse au moins égale à celle de la terre dans son orbite. Les observations très-précises et très-multipliées, faites à un ou deux siècles d’intervalle, détermineront exactement ce point important et délicat du système du monde. »

(Ibid., I. 4, ch. 15.)

« Quelques belles étoiles ont changé de position dans le ciel : ces changements sont légers, mais assez sensibles pour être décisifs. Plusieurs étoiles de l’Aigle, d’Orion, du Lion, ont laissé apercevoir de petits mouvements, mais surtout Arcturus et Sirius, qui se sont avancés et s’avancent encore vers le midi. Ces mouvements n’appartiennent pas à notre globe ; ils seraient communs à la multitude des étoiles ; et puisqu’ils sont différents pour chacune d’elles, ils sont réellement propres à ces étoiles. »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., t. 3, disc. 4.)
(17). PAGE 201, VERS 20.

L’art mesura son orbe, et l’œil de Gassendi
Sur le front du soleil suivit son vol hardi (de Mercure).

L’ellipse que décrit Mercure est plus excentrique que les orbites des autres planètes : sa masse n’est à celle de la terre que comme 39, est à 100.

« Kepler… annonça un passage de Mercure sur le soleil pour le 7 novembre 1761… Gassendi s’était préparé à l’observer… Mais le temps fut couvert le 7 novembre. Le soleil parut dans les nuages… et la sortie de la planète fut le seul phénomène qu’il put observer avec soin… Son observation est cependant la seule dont on ait tiré des conséquences astronomiques. »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., t. 2., 1. 3, § 10.)
(18). PAGE 202, VERS 8.

Ô Vénus ......

On croit que les hautes montagnes de Vénus ont à peu près 17,000 toises d’élévation, c’est-à-dire quatre ou cinq fois plus que celles de la terre.

La révolution de Vénus autour du soleil est de 224,701 jours, ce qui équivaut à huit fois 28 jours, ou huit mois lunaires.

Il y a des temps où l’éclat de Vénus est tel qu’on la voit en plein jour, à la vue simple[1].

« En 1678 et en 1686, D. Cassini, observant Vénus, vit une lumière qui avait la même phase que la planète : c’était un croissant. Il est certain que si Vénus avait un satellite, nous les verrions l’un et l’autre avec la même phase… Ce satellite, ou du moins cette apparence, a été revue en 1740 par M. Short, Anglais, en 1761 par M. Montagne de Limoges… Malgré ces apparitions répétées, les astronomes doutent encore de l’existence de ce satellite, qu’on n’a pu retrouver en le cherchant et qui n’a jamais été offert que par le hasard ; plusieurs sont portés à croire que c’est une illusion d’optique… »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., I. 10, § 19 et 20.)

M. Le Gentil, parti le 26 mars 1760, pour aller observer à Pondichéry le passage de Vénus sur le disque du soleil, qui devait avoir lieu le 6 juin 1761, ne put, par suite des événements de la guerre entre la France et l’Angleterre, observer ce phénomène que de dessus le pont de son vaisseau, et par conséquent très-imparfaitement : son zèle le détermina à attendre dans ces contrées l’autre passage qui devait avoir lieu, huit ans après, le 3 juin 1766. La paix lui permit de se transporter dès 1766, pour son observation, à l’île de Manille ; mais il y reçut ordre de retourner à Pondichéry, où un autre malheur lui fit perdre le fruit de dix ans d’attente. « Par une fatalité qui semblait le poursuivre, le temps serein qui avait régné tout le mois de mai, et s’était prolongé jusqu’au 3 juin 1766, cessa le jour même où il en avait le plus besoin. Un coup de vent s’éleva de grand matin ; le ciel fut couvert constamment pendant toute la durée du passage de Vénus ; il s’éclaircit une demi-heure après. Le reste de la journée et les jours suivants, il fit le plus beau temps du monde ; et pour comble de regrets, M. Le Gentil apprit bientôt qu’à Manille, qu’il avait quittée presque malgré lui, le ciel avait été très-favorable. »

(Éloge de M. Le Gentil, par M. le comte de Cassini, iv.)
(19). PAGE 203, VERS 9.

Il (Mars) s’arrondit en cercle, il s’allonge en ovale…
Plus petit que Vénus…

Les phases de Mars n’ont pas la forme d’un croissant, mais bien celle d’une ovale plus ou moins allongée. À mesure que les planètes s’éloignent du soleil, les phases doivent paraître moins prononcées.

Son volume est à celui de Vénus, comme 2 est à 9.

La distance moyenne de Vénus au soleil est de 24,966,000 lieues ; celle de Mars, de 52,613,000.

Ses régions polaires, suivant que l’un ou l’autre pôle est frappé des rayons du soleil, réfléchissent une lumière blanche et beaucoup plus vive que celle que nous envoient les autres parties de ce globe ; ce qu’on attribue aux neiges qui couvrent ces régions. Quelques taches de Mars, deux surtout qui forment une espèce de zone autour de ses pôles, augmentant ou diminuant, suivant leur exposition plus ou moins oblique au soleil, peuvent être des amas de glaces, analogues à nos glaces polaires.

Mars a une lumière obscure et rougeâtre, très-prononcée, qui a fait penser qu’il a une atmosphère épaisse et nébuleuse… et comme les étoiles, quand elles viennent d’être éclipsées par cette planète, ne reprennent leur éclat qu’après s’en être éloignées d’une distance égale aux deux tiers de son diamètre, on a conclu que dans tout cet intervalle l’éclat de l’étoile était affaibli par l’atmosphère de Mars, et que cette atmosphère devait avoir mille lieues d’élévation.

Dans les oppositions, la planète est très-brillante ; ce phénomène revient après 2 ans et 50 jours. En août 1719, Mars était à la fois au périhélie et en opposition ; son éclat extraordinaire porta l’effroi parmi les ignorants.

(Uranogr. de M. Francœur, et Traité élém. de M. Biot.)
(20). page 204, vers 1.

Tel n’est point Jupiter......
L’éclatant est son nom......

Jupiter, dont le nom, chez presque tous les peuples de l’antiquité, rappelle l’idée d’éclatant, surpasse par son volume, par sa masse, par son poids, toutes les planètes et tous les satellites ensemble. Homère, qui ne pouvait pas connaître cette vérité, a cependant fourni une image qui en est l’allégorie : « Osez, dit Jupiter, essayer vos forces contre les miennes, suspendez une chaîne d’or à la voûte du ciel, attachez-vous tous, dieux et déesses, à cette chaîne, tous vos efforts réunis ne pourront entraîner sur la terre le moteur et l’arbitre du monde. Moi, si je veux y porter la main, j’enlèverai et la chaîne, et la terre, et les mers ; j’attacherai la chaîne au sommet de l’Olympe, et l’univers entier ne sera qu’un météore suspendu devant moi : tant mon pouvoir surpasse le pouvoir et des hommes et des dieux. »

(Iliade, 1.8, traduct. de M. Lebrun.)
(21). PAGE 204, VERS 10.

Son cortège… et la sage Métis…
Sans cesse à ses regards offrent la même face…

Hébé, la jeunesse ; Ganymède, la beauté ; Thémis, la

justice ; Métis, la prudence, sont les noms qu’on a donnés aux quatre satellites de Jupiter. « Métis était une déesse dont les lumières étaient supérieures à celles de tous les autres dieux et de tous les hommes. Jupiter l’épousa, mais ayant appris de l’oracle qu’elle était destinée à être mère d’un fils qui deviendrait le souverain de l’univers, il avala la mère et l’enfant afin d’apprendre le bien et le mal. » (Hésiode) « Ce fut ainsi qu’il conçut Minerve. »

(Dict. de la Fable, par M. Noël.)

Herschell a trouvé que les satellites de Jupiter (ainsi que la lune et le dernier satellite de Saturne, les seuls dont on ait encore reconnu la rotation) tournent sur eux-mêmes dans un temps égal à la durée de leur révolution autour de leur planète, d’où il résulte qu’ils lui présentent constamment la même face. — Les satellites de Jupiter sont à la terre,

Le 1er comme 1 est à 40.
Le 2e29, 57.
Le 3e7, 73.
Le 4e15, 82.

(22). PAGE 205, VERS 5.


Le puissant Jupiter.....

Sa distance moyenne au soleil est 5 fois 203 m. de celle de la terre.

Il emploie à parcourir les 12 signes du zodiaque 4,332 jours , ou près de 12 de nos années à faire sa révolution autour du soleil.

900 tours… exactement, 882 en 365 jours un quart.

Le diamètre de Jupiter étant de 31,118 lieues, ou 11 fois environ celui de la terre, le contour de son équateur est près de 12 fois plus grand que celui de la terre ; il roule sur lui- même en moins de dix de nos heures ; il s’ensuit que chaque point de l’équateur de Jupiter fait dans un temps égal 26 fois plus de chemin qu’un point de l’équateur terrestre, et que cette rapidité de mouvement produit une force centrifuge 68 fois plus grande que celle qu’éprouve la terre. Aucune planète n’a un mouvement de rotation si rapide ; aussi son aplatissement (découvert par D. Cassini) est-il plus considérable que dans les autres planètes. « M. Arago a trouvé, par des mesures très-précises, que le diamètre de Jupiter, dans le sens des pôles, est à celui de son équateur, à fort peu près, dans le rapport de 167 à 177. »

(Exposition du système du monde, I. i, ch.7.)

« Cassini découvrit que la rotation de Jupiter s’accomplit en 9 heures 56 minutes. Le jour y est donc de 5 heures, et la nuit n’y est pas plus longue. L’axe, les pôles dans ce mouvement sont presque perpendiculaires à la route que Jupiter trace autour du soleil ; l’équateur de ce globe se confond presque avec son écliptique… Il n’y a donc point de vicissitudes dans les saisons. Presque partout les jours sont égaux aux nuits. Mais aussi, quelque peu d’inclinaison que cet équateur ait sur l’écliptique, quand le soleil est une fois au-dessous de son équateur, il y est pour long-temps… et la nuit des pôles, au lieu d’être de 6 mois, comme celle de nos pôles, est de six de nos années. »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., t.2, I.8, § 7.)

(23). PAGE 206, VERS 13.


Sur ce disque pourtant des ombres infidèles…

On voit à la surface de Jupiter des bandes ou taches qui ceignent le globe de cette planète par zones sensiblement parallèles entre elles et à l’écliptique. Mais les variations sont telles, quant à leur mouvement, à leur mobilité, à leur volume, à leurs apparences plus ou moins obscures ou lumineuses, surtout à leur nombre (de 8, ou 7, ou 5, ou d’une seule, le plus souvent de 3), que l’on en est encore réduit à d’ingénieuses conjectures sur la nature de ces étranges phénomènes. Seulement, les retours de plusieurs taches ou points ont suffi pour faire connaître le mouvement de rotation de Jupiter d’occident en orient. Voyez les Mémoires de D. Cassini, les opinions de MM. de Laplace, de Lalande, Biot et de M. Thilorier dans son Système universel, et le morceau de Bailly sur les bandes, dans son Discours sur les corps lumineux, où il conclut ainsi : « Cette planète paraît livrée à un bouleversement général ; c’est l’image du chaos des éléments, et d’un premier état de nature. »


(24). PAGE 207, VERS 2.


Jupiter près de lui retient ses satellites…

Le mouvement des satellites de Jupiter est presque circulaire et uniforme. Le plus éloigné n’en est qu’à 27 fois le demi-diamètre de la planète, c’est-à-dire à 27 fois 16,500 lieues. Herschell a remarqué que leur éclat varie, ce qui donne lieu de croire que certaines parties de leur surface réfléchissent plus de lumière que les autres. Le quatrième disparaît quelquefois entièrement.

Les ellipses reviennent,

Pour le premier satellite après 42 heures 48 minutes.
Pour le second, après 85 heures 3 minutes.
Pour le troisième, après 7 jours 4 heures.
Pour le quatrième, après 17 jours.
Ainsi, il y a par mois trente de ces ellipses.

« M. de Laplace, entrant dans la carrière, la parcourut en entier, et chacun de ses pas fut marqué par une découverte… Il expliqua toutes les inégalités périodiques… les variations des nœuds et celles de l’inclinaison… Il détermina entre les mouvements moyens et les longitudes des trois premiers de ces satellites un rapport qui lui fournit deux théorèmes élégants qu’on pourrait appeler les lois de Laplace, comme on a désigne par le nom de lois de Kepler, les trois théorèmes fondamentaux des mouvements elliptiques des planètes. »

(Delambre, rapport sur les progrès des sciences mathém.)

La découverte de la transmission successive de la lumière est due à l’observation des satellites vers les conjonctions de Jupiter, c’est-à-dire lorsque étant au-delà du soleil par rapport à la terre, il se trouve plus loin de nous de tout le diamètre de notre orbite, ou de plus de 69 millions de lieues, les éclipses de ces petits corps retardent sur celles qui ont lieu dans les oppositions de 16′ 26″, d’où l’on a conclu, et l’observation l’a pleinement confirmé, que la lumière parcourt plus de 4 millions de lieues en une minute, et nous vient du soleil en 8′ 13″.

La masse de ces quatre petits corps est de 17, 23, 88 et 43 millionièmes de la masse de Jupiter.

L’observation de leurs éclipses a aussi fait trouver une méthode simple et assez exacte, et qui manquait aux anciens astronomes pour comparer les distances respectives de Jupiter et du soleil à la terre, et prouver que Jupiter est au moins 5 fois plus loin de nous que le soleil.

Plus grand 1500 fois : exactement 1470 fois que la terre.


(25). PAGE 208, VERS 7.


Mais de Saturne encor le destin est plus beau…

La grosseur de Saturne est de 887 fois celle de la terre. Sa distance au soleil est de 5 fois 539 millièmes celle de la terre.

Il consume 30 ans… exactement 29 ans 5 mois ½. Qu’une faible lumière….. Vu de Saturne, le soleil doit paraître 90 fois moins grand que vu de la terre.

« Il est vraisemblable que les anneaux (ou cercles) de Saturne sont des zones pareilles, abandonnées par son atmosphère. »

(Exposit. du syst. du monde, I.4, ch. 8.)

« Le diamètre apparent de l’anneau, dans la distance moyenne de la planète, est, d’après les mesures précises de M. Arago, égal à 118",58. Sa largeur apparente est de 17",858. Sa surface n’est pas continue : une bande noire qui lui est concentrique la sépare en deux parties qui paraissent former deux anneaux distincts, dont l’extérieur est moins large que l’intérieur. Plusieurs bandes noires, aperçues par quelques observateurs, semblent même indiquer un plus grand nombre d’anneaux. L’observation de quelque point brillant de l’anneau a fait connaître à Herschel sa rotation d’occident en orient, dans une période de oj, 437, autour d’un axe perpendiculaire à son plan et passant par le centre de Saturne. »

(Exposit. du syst. du monde, I.1, ch. 8.)
La largeur du cercle extérieur est de 2,439 lieues
Celle du cercle intérieur est de 6,541
Ils sont spéarés l'un de l'autre par un espace de 0,682
La distance du bord intérieur du petit cercle à la surface de Saturne est égale au tiers du diamètre de la planète, c'est-à-dire à 9,645
Ainsi le rayon de la circonférence extérieure du grand cercle est de 33,775 lieues

C’est vingt-deux fois le rayon de la terre.

L’épaisseur est d’à peu près quinze cents lieues, c’est-à-dire égale au rayon terrestre ; mais elle décroît en s’éloignant du centre.


(26). PAGE 210, VERS 8.


Et que l’ingratitude a nommée Uranus…

L’auteur de sa découverte avait donné à la nouvelle planète le nom d’astre de Georges, pour témoigner sa reconnaissance au roi Georges III. Lalande lui donna celui d’Herschell ; mais les Allemands se sont obstinés à l’appeler Uranus, et ce nom a prévalu.

La distance d’Uranus au soleil est à celle qui sépare Saturne du même astre dans le rapport de 19,183 à 9,539 .

La lumière du soleil ne parvient à Uranus qu’en 2 heures 3/4.

80 fois… Uranus surpasse la terre exactement 77 fois.

MM. de Laplace, Delambre et Bouvard ont déterminé l’orbite d’Uranus, son ellipticité et les perturbations que cette planète doit éprouver par l’influence de Jupiter et de Saturne.

L’Académie des sciences ayant proposé pour sujet de prix la théorie d’Uranus, ce prix fut remporté par M. Delambre en 1790. Il compara pendant trois ans ses tables avec le ciel, et dans cet intervalle, la différence entre le calcul et l’observation ne se trouva que de sept secondes. Trente ans d’observations qu’on a faites depuis ce beau travail, n’ont donné lieu à aucune correction sensible.

M. Bouvard a donné des tables de Jupiter, de Saturne et d’Uranus.


(27). PAGE 212, VERS 5.


Cérès, de la Sicile antique protectrice…

M. Piazzi aperçut, 1er janvier 1801, une étoile inconnue ; il y reconnut un mouvement, et soupçonna une planète nouvelle… Mais bientôt une maladie grave, causée par un travail excessif, manqua de faire périr l’astronome avec sa découverte. Quand il fut rétabli, la planète, qu’il nomma depuis Cérès (par allusion à la déesse de la Sicile, et qu’il surnomma Ferdinandea pour rappeler que cet astre avait été découvert sous le règne de son roi Ferdinand IV), avait disparu dans les rayons du soleil. Cette planète, presque imperceptible, et dont l’orbite n’avait pu encore être bien déterminé, était très-difficile à retrouver… Tous les astronomes étaient à sa recherche. MM. Olbers et de Zach l’aperçurent enfin à peu près dans le même temps, un an après sa première observation.


(28). PAGE 213, VERS 4.


Peut-elle (Cérès) balancer et Mars et Jupiter ?… ..................Pallas, astre paisible.

« Kepler avait soupçonné l’existence de deux planètes, l’une entre Mars et Jupiter, l’autre entre Mercure et Vénus… Cérès se trouve à peu près à la place où les idées de Kepler indiquaient une planète inconnue. Cette espèce de prédiction ne fut accueillie qu’en Allemagne, où l’on forma un plan méthodique pour découvrir la planète de Kepler… M. Piazzi l’avait trouvée en cherchant autre chose : cette rencontre inespérée ramena plus fortement à l’idée de Kepler… On fut obligé de renoncer au rapport qu’il avait cru entrevoir dans les distances des planètes au soleil… Ce fut en recherchant Cérès, que M. Olbers aperçut une nouvelle planète, qu’il nomma Pallas. Cette planète est encore plus petite que Cérès, et chose beaucoup plus extraordinaire, elle fait sa révolution dans un temps égal, et par conséquent à même distance du soleil. Ces deux circonstances réunies lui firent soupçonner que ces deux planètes imperceptibles et hors de toute proportion avec les planètes connues, devaient être des fragments d’une ancienne planète de grosseur ordinaire, et qu’une cause inconnue avait pu diviser eu différents morceaux, qui auraient continué de se mouvoir avec la même vitesse et à la même distance… idée au moins fort ingénieuse… et qui a été suivie de recherches pénibles et heureuses. »

(Delambre, Rapport sur le progrès des sciences math.)

Les astronomes allemands ont remarqué que la distance moyenne des planètes au soleil (la terre étant prise pour unité) suivait la progression des multiples de 3 en les doublant toujours, ainsi qu’il suit :

mètr. lieues, du soleil.
Mercure 4 4 à 387 ou 13,361,000
Vénus 4+3 ou 7 0,723 24,966,000
La terre 4+3 x 2 10 1,000 34,515,000
Mars 4+3 x 4 16 1,524 52,613,000
Vesta 4+3 x 8 28 2,373 81,904,000
Junon 4+3 x 8 28 2,667 92,051,500
Pallas 4+3 x 8 28 2,767 95,632,000
Cérès 4+3 x 8 28 2,768 95,600,000
Jupiter 4+3 x 16 52 5,203 179,575,000
Saturne 4+3 x 32 100 9,539 329,232,000
Herschel 4+3 x 64 196 19,183 662,114,000

L’accord de cette formule avec les mesures reconnues est fort singulier, mais rien n’explique la cause de ce rapport ; la lacune qui existait dans la progression ci-dessus entre Mars et Jupiter, s’est trouvée remplie par la découverte des 4 petites planètes. (Extrait du même Rapport.)


(29). PAGE 213, VERS 11-14.


.............. Vesta, sur ton auteur...
Et la fière Junon....... M. Olbers a découvert Pallas en 1802, et Vesta en 1807.

M. Harding a découvert Junon en 1803. — On dit que le diamètre de Junon n’est que de 25 lieues. Vesta paraît encore plus petite. Cérès et Pallas sont plus grandes. — Ces planètes n’ont pas encore été observées pendant assez longtemps pour être bien connues.



L’ASTRONOMIE.




CHANT SIXIÈME.

Après un long voyage aux limites du monde,
Après avoir erré sur l’abîme de l’onde,
Parmi les noirs écueils et les flots étonnés,
Que la carène encor n’avait point sillonnés,
Quand du haut de ce mât d’où s’agrandit la vue,
Par un agile enfant la terre est aperçue ;
Ah ! que le voyageur entend avec transport
Le cri victorieux qui lui promet le port !
Terre ! terre ! féconde et sage bienfaitrice,
Toujours l’homme t’implore, et ta bonté propice
L’accueille, le nourrit, le porte, et dans ton sein,
Lorsque tout l’a quitté, tu le reçois enfin.

Donne, donne un asile à ma nef imprudente,
Qu’égarèrent les feux d’une route brillante ;
Laisse-moi, descendu de la voûte des cieux,
Contempler à loisir tes destins glorieux :
Ton globe n’est qu’un point dans la sphère infinie,
Mais son noble habitant fut doué de génie :
Eh ! parmi tous ces corps lumineux, éclairés,
Brûlants ou refroidis, attirants, attirés,
Planètes ou soleils, comètes, satellites,
Qu’importent les grandeurs ? qu’importent les limites ?
Ces mondes et le tien, sur leur axe agités,
Roulent inaperçus dans cette immensité.
Plus grande que Vénus, que Mars et que Mercure,
Ceins ton front de forêts, pare-toi de verdure ;
Que l’automne et l’été, variant leurs couleurs,
Répandent sur ton sein et les fruits et les fleurs,
Doux charme des saisons, variété féconde,
Qu’ignore Jupiter aux limites du monde.
Et vous, de cette terre enfants industrieux,
Qui cultivez son sein, qui lisez dans ces cieux,

Mesurez sa grandeur du pôle à cette zone
Qu’enferme le tropique, et parcourt l’Amazone.
Oh ! du génie humain succès toujours croissants !
Colomb ajoute au monde, et Galilée aux sens ;
L’un agrandit la terre et l’autre l’Empyrée :
Herschel peuple de feux cette voûte azurée,
Et Copernic, Kepler, Newton, à tous ces corps
Marquent leur rang, leurs lois, leur force et leurs rapports.
À ces lois, cependant, du globe de Cybèle
L’essor capricieux parut long-temps rebelle ;
Les sages qu’en son vol Newton sut devancer
Sur ses vastes calculs n’oseraient prononcer.
Ils hésitent, leur art à la planète obscure
Demande vainement sa forme, sa mesure ;
Picard et Cassini la cherchent, et leur main
Ouvre et ferme vingt fois le compas incertain.
« Sortons, sortons du doute, a dit La Condamine :
« Mesurons les degrés que le pôle domine ;
« Partageons-nous la terre, allons sous l’équateur,
« Le pendule à la main, juger la pesanteur.

« Que sa marche révèle à la vue attentive
« Du centre plus distant la force moins active. »
Il dit, il part : Godin, Bouguer, vont sur ses pas
Chez les fils du soleil affronter les frimas ;
La neige est sous leurs pieds, la flamme est sur leurs têtes ;
Les Andes les verront, défiant les tempêtes,
Élever leurs signaux sur les rochers déserts,
Et soumettre au compas le nouvel univers.
Hélion a neuf fois, sur ces rives sauvages,
Traversant l’équateur, ramené les orages ;
Neuf fois il a revu, de leurs tubes armés,
Ces enfants de l’Europe à leur tâche animés.
Quels périls lasseraient leurs efforts, leur constance ?
Sur un mont où le feu s’ouvrit un gouffre immense,
La Condamine, seul, dans la nuit égaré,
Hasardait sur la glace un pied mal assuré.
Point de guide au ciel même, et la mort l’environne :
Le sentier est glissant, le cratère bouillonne :
Partout le précipice, et, dans ce lieu d’horreur,
Aucun asile au loin ne s’offre à son malheur

Il se sent pénétré par l’humide nuage ;
Le givre à coups pressés sillonne son visage ;
La flamme tour à tour vient éblouir ses yeux,
Retombe au fond du gouffre ou s’éteint dans les cieux,
Et le laisse éperdu dans l’horreur des ténèbres.
Adieu France, famille, amis chers et célèbres :
Oh ! qu’un trépas stérile est amer loin de vous !
Daignez, daignez sur lui jeter un œil plus doux,
Cieux, qui fûtes toujours son étude chérie ;
Sciences qu’il servit, postérité, patrie,
À ce Pline nouveau luttant contre la mort
Donnerez-vous des pleurs, apprendrez-vous son sort ?
Dieux ! que vois-je ? perçant les ombres redoutables,
Des gémeaux fabuleux les astres secourables
Brillent à l’orient : « Voilà, voilà Castor,
C’est lui, je vois son frère, et c’est ici le nord.
Le nord : de ce côté la pente est moins perfide. »
Il dit, marche à pas lents, suit l’astre qui le guide ;
Et le soleil enfin qui frappe ces sommets
Le rend aux compagnons de ses nobles succès (1).

Muses, dites leur gloire, et du pôle du monde
Qu’à vos chants de triomphe une autre voix réponde !
Prenez vos harpes d’or, êtres mystérieux
Qui peuplez de Fingal le ciel harmonieux,
Et, dédaignant enfin des exploits fantastiques,
Bardes, chantez du nord les héros pacifiques !
Voyez-les imprimant sur vos âpres climats
L’ineffaçable trait de leurs savants compas.
Les prismes du Kittis qui brillent dans la nue,
Des angles calculés marquent la cime aiguë.
Docile au voyageur, le renne bondissant
Dans ces routes sans trace emporte un char glissant ;
Les fleuves, arrêtés dans leur course rapide,
Offrent à la mesure une base solide,
Et la toise qui court sur leurs sentiers unis,
Se confie au niveau de ces flots aplanis(2).
Que des pins renversés les tiges résineuses
S’élèvent en brasier sur ces rives neigeuses,
Et de l’homme engourdi protégeant le repos,
Que la flamme pétille où murmuraient les eaux.

Il faut qu’incessamment de la voûte de glace
Le fer à coups pressés brise et perce la masse,
Pour tirer d’une source épuisée à l’instant
Le liquide trompeur qui se gèle en sortant.
La vie est un combat dans ces tristes contrées,
Mais l’art a su dompter ces monts hyperborées.
Du degré qui s’allonge en fuyant l’équateur
La courbe se revèle à l’œil observateur.
Le marbre en redira la grandeur véritable ;
Et là, sur les confins de la terre habitable,
Restent gravés ces noms à la gloire promis,
Lemonier, Le Camus, Clairault et Maupertuis.
Uranie a parlé, que Neptune réponde ;
Sous la voile de Cook lancés autour du monde,
Que d’autres voyageurs, non moins audacieux,
De tous les points du globe interrogent les cieux.
Élèves de la France, enfants de l’Angleterre,
Pingré, Chappe, Masson, dispersés sur la terre,
Allez, allez, armés d’un magique instrument,
Aux deux pôles, au Gange, épier le moment

Où Vénus du soleil franchira l’orbe immense,
Et surprendre à ce dieu l’aveu de sa distance (3).
Sur le mont qu’autrefois gardait Adamastor
La Caille vient s’asseoir loin du flambeau du nord :
Dans le ciel peu connu qui brille sur sa tête
Dix mille astres comptés deviennent sa conquête.
Il divise à son gré ces vastes régions.
Législateur, par lui les constellations
Consacrent les travaux de la docte Uranie,
Les instruments des arts, les bienfaits du génie.
Tel que l’homme nouveau qui nomma dans Éden
Les êtres habitants du céleste jardin,
Puissant nomenclateur du nouvel hémisphère,
L’astronome a peuplé l’Olympe qui l’éclaire.
Il dispose, il ordonne, il place dans les cieux(4)
Le triangle, autrefois signe mystérieux,
Le burin patient, la palette brillante,
Le ciseau consacré par les dieux qu’il enfante,
L’équerre et son niveau, la règle et le compas
Qui marche en pivotant et mesure ses pas,

La pompe d’où l’air fuit pour produire le vide,
Et l’aiguille soumise au pôle qui la guide.
Là le fourneau d’Hermès fond les métaux ardents,
Le pendule animé compte ici les instants.
Du ciel le télescope a conquis les royaumes,
Et le verre puissant donne un corps aux atomes.
Un jour, lorsque le temps dans un long avenir
Aura détruit nos arts et notre souvenir,
Lisant ces mêmes noms, écrits à cette place,
L’homme dira sans doute : Oui, je revois les traces
Des antiques travaux, et du ciel les deux parts ;
Leur contraste éloquent l’atteste à nos regards :
Sous les astres du nord les peuplades sauvages
Ne virent dans ces feux que bizarres images,
Des ourses, des dragons, des monstres fabuleux,
Tandis qu’à son génie associant les dieux,
Le midi, plus savant, confiait aux cieux mêmes
Des arts qu’il inventa les fidèles emblèmes.
Hélas ! quand à nos yeux s’offrent des monuments.
Telle est souvent l’erreur de nos vains jugements ;

Par les siècles guidé, l’homme pourra sans doute
Prendre un vol plus heureux vers la céleste voûte,
Et connaître, éclairé par des arts plus puissants,
Des secrets jusqu’alors interdits à nos sens.
Mais, heureux d’agrandir son illustre héritage,
Il n’aura point le droit de mépriser notre âge,
Qui, bienfaiteur aussi de la postérité,
A sur l’expérience assis la vérité.
De ce qu’il a fondé l’avenir doit s’instruire,
Il y peut ajouter, mais n’y peut rien détruire.
Oui, la terre accomplit dans un ordre constant
Autour d’un point central ses lois, son mouvement ;
Chaque astre voyageur va roulant sur lui-même,
Et le soleil réside au centre du système,
Il est le souverain, l’âme de tous ces corps,
Dont l’art a calculé la marche, les rapports,
Comparé la grandeur, mesuré les distances,
Et tracé dans les cieux les orbites immenses.
Lorsqu’au signal soudain d’une puissante voix
La matière se mut pour la première fois,

Par un ordre éternel, deux forces différentes
Fixèrent les destins des planètes errantes ;
En mille sens divers tous les globes lancés
Allaient fuir dans le vide, incessamment poussés,
Sans jamais s’écarter de leur route première,
Sans atteindre jamais la fin de leur carrière ;
Si par une autre force en limitant leur cours,
Un centre plus puissant ne les fixait toujours.
Par ce double pouvoir lancée et retenue,
Chaque sphère poursuit son orbite connue :
Tout se meut, rien ne change et ne peut s’arrêter.
Affranchis de la loi qui les fait graviter,
Les mondes dispersés se perdraient dans l’espace ;
Que la pesanteur seule agisse sur leur masse,
Les gardes de Saturne et ceux de Jupiter
Roulent précipités des voûtes de l’Éther ;
La lune, s’échappant de sa route brillante,
Vient tomber en éclats sur la terre tremblante ;
Enfin, sur le soleil s’écroulent Uranus,
Ces mondes loin de lui si long-temps retenus ;

La terre, Jupiter, la comète elle-même,
Les soleils l’un sur l’autre avec tout leur système,
Vont former, des débris de tant d’astres divers,
Une masse immobile au sein de l’univers.
Rassurez-vous, mortels, le mouvement des sphères,
Leur ordre est maintenu par deux forces contraires.
Mais quel bras imprima le premier mouvement
À ces corps que leur centre attire incessamment ?
Quelle cause produit cet attrait invisible
Qu’éprouve de si loin la matière insensible ?
Quel contraire pouvoir en agitant ces corps
Les fait fuir de leur centre et les chasse au dehors ?
L’homme interroge en vain et le ciel et la terre :
Newton a dit les lois, la cause est un mystère.
Le caillou que ma fronde a long-temps agité
S’échappe vers les cieux, malgré la gravité ;
Il m’obéit encor, déjà loin de ma vue :
Ma force qui le suit le soutient dans la nue ;
L’air s’ouvre devant lui par mon bras refoulé :
La pierre inerte monte au séjour étoilé ;

Mais son ardeur s’épuise à vaincre le fluide,
L’obstacle rallentit son essor moins rapide,
Et de la pesanteur l’invincible pouvoir
Le ramène à mes pieds pour ne plus se mouvoir.
Cette force, non loin de l’heureuse Cybèle,
Captive incessamment sa compagne fidèle.
Commence-t-elle à croître ? un filet argenté
Se courbe à l’occident que Phébus a quitté.
Est-elle en son décours ? arrondi vers l’aurore,
Son croissant fuit le dieu qui la poursuit encore.
La pointe de ses dards menace tour à tour
L’espace que le ciel oppose aux traits du jour.
De sept nuits en sept nuits, plus brillant ou plus sombre,
Son disque se dégage ou se plonge dans l’ombre,
Se dévoile à demi, s’arrondit par degrés,
Et disparaît enfin dans les cieux azurés.
Sur l’orbe du soleil sa marche est inclinée.
Mais avant d’accomplir sa dix-neuvième année,
Coupant sur tous les points le zodiaque ardent,
Son char qui le parcourt a gagné l’occident.

C’est non loin de ces nœuds, où dans sa route oblique
Le globe de Phébé divise l’écliptique,
Qu’elle ose du soleil nous dérober les feux,
Ou le rend à la terre, et se cache à tous deux :
Quatre lustres ont vu ses courses incertaines,
Et le ciel reproduit les mêmes phénomènes.
Par ces nœuds inconstants, ses caprices divers,
Phébé semblait braver les lois de l’univers :
Laplace l’a soumise, et la sphère infinie
Obéit tout entière au sceptre du génie.
Notre terre en grosseur passe cinquante fois
L’astre dont le croissant nous ramène les mois :
En vain il voudrait fuir ; à sa distance extrême
La terre l’atteindrait en dix tours sur soi-même.
La fille de Latone au visage si doux
Va roulant à la fois sur son axe et sur nous.
Ses révolutions qu’un temps égal opère,
Fixent toujours nos yeux sur le même hémisphère,
Et du globe paisible, à notre sort lié,
L’œil humain ne peut voir qu’une seule moitié ;

L’autre face, sans cesse évitant notre vue,
Ne connaît point la terre et lui reste inconnue.
D’hémisphères gémeaux ô bizarres destins !
L’un obscur, effleuré de quelques feux lointains,
Suit un guide invisible en sa marche tracée,
Sans savoir que la terre est près de lui placée.
Pendant ses longues nuits, si lentes dans leur cours,
Égales en durée à quinze de nos jours,
Il roule enveloppé de ténèbres profondes.
Pour lui plus de flambeau dans l’abîme des mondes
Jusqu’au jour qui lui rend son maître couronné.
Cependant que vers nous sans cesse ramené,
L’autre voit dans les nuits briller un orbe immense.
Qui du soleil jaloux fait oublier l’absence.
Que dis-je, pour jouir d’un spectacle si beau,
Pour admirer aux cieux le terrestre flambeau,
Cette lune, qu’on dit par la glace envahie,
Conserve-t-elle encor quelques restes de vie ?
Nous contemplons son disque, image du chaos,
Et ces mers où jamais ne s’agitent les flots,

Et les gouffres profonds qui creusent ses campagnes :
Rien ne s’y meut que l’ombre au pied de ses montagnes.
Rien n’y change, tout dort : quelques points lumineux
De volcans non éteints semblent les derniers feux.
Mais autour de ce globe il n’est point d’atmosphère,
Qui brise les rayons du soleil qui l’éclaire.
Jamais sur ces déserts un nuage flottant
Ne promène à nos yeux une ombre d’un instant ;
Et l’art a pu graver les fidèles images
De sa face immuable et de ses froides plages.
Que la reconnaissance y consacre à jamais
Ces noms qu’ont illustrés de sublimes bienfaits :
Ptolémée, Archimède, Eudoxe, Eratosthènes,
Kepler, vous avez droit aux célestes domaines ;
Gassendi, Copernic, Ticho, noms glorieux,
Phébé s’honorera de vous redire aux cieux (5).
Et toi, dont la nature occupa le génie,
Pline, monte à la place où t’appelle Uranie ;
La mer te révéla, pour prix de tes travaux,
Le pouvoir inconnu qui tourmente ses flots,

Et, devançant Newton, de ce grand phénomène
Tu demandais la cause au ciel qui le ramène.
La marche de Phébé, la colère des mers,
Fixent l’œil attentif sur leurs rapports divers.
La lune vient d’atteindre au haut de sa carrière,
Déjà l’Océan gronde et franchit sa barrière ;
Elle fuit, il s’apaise ; elle se rallentit,
Le flot séditieux l’attend et s’amortit.
L’astre est-il plus voisin ? De sinistres orages,
Des vagues en fureur insultent les rivages.
Est-ce donc que Phébé chaque jour vient deux fois
Refouler l’Océan qui mugit sous le poids ?
Non, mais des flots émus pour soulever l’empire,
Au lieu de les presser sa force les attire.
Phébus, qui de plus loin appelle nos regards,
De ce pouvoir caché lui laisse les trois parts.
Quand le frère et la sœur, opposés l’un à l’autre,
De leurs disques rivaux prêtent l’éclat au nôtre,
Ou quand le dieu du jour et la reine des mois
Sous l’humide occident se plongent à la fois,

Neptune, maîtrisé par leur double influence,
Vers ces astres amis se soulève et s’élance.
Mais sur notre horizon le croissant de retour
Fait-il obliquement tomber les traits du jour ?
Les flots sollicités par deux forces contraires
N’élèvent qu’à demi leurs écumes amères,
Et le dieu, pour atteindre à toute sa hauteur,
Attendra qu’Hélion franchisse l’équateur.
Ô mystères ! Laplace a fait tomber ces voiles (6).
Lalande, poursuivant et fixant les étoiles,
A montré par milliers à l’univers surpris
Ces feux par lui rangés au céleste lambris (7) ;
Humboldt observera sur la montagne altière
Comment l’air fait fléchir les traits de la lumière ;
Et l’art, plus sûr que l’œil, à l’esprit détrompé
Marquera le vrai lieu par l’objet occupé (8).
Bienfaiteur de nos sens, conquérant qu’on admire,
Viens, Herschel, du soleil viens reculer l’empire.
Treize mondes nouveaux, apparus sous les cieux,
Dans la création prennent place à nos yeux (9).

Notre âge a vu briller ces merveilles savantes,
Notre âge qu’ont troublé les discordes sanglantes,
La colère des rois parcourant l’univers,
Et les peuples émus, s’agitant dans leurs fers.
C’était peu que de Mars la fureur impunie
Renversât dans Manheim le temple d’Uranie,
Dans Copenhague en feu, du haut de ses vaisseaux,
Nelson d’un astronome a détruit les travaux (10).
Ce fut au bruit des vents déchaînés sur nos têtes,
Quand la foudre appelait les publiques tempêtes,
Quand le sol ébranlé s’entr’ouvrait sous nos pas,
Que Delambre et Méchain, armés de leur compas,
Des sables de Dunkerque aux rivages de l’Èbre,
Sur la terre marquaient cette ligne célèbre
Qui du globe inégal mesure les degrés :
Tel aux yeux des humains, par lui-même éclairés,
Hermès gravait jadis, de sa main immortelle,
Le type des grandeurs sur la pierre fidèle ;
Mais d’un art plus parfait empruntant le secours,
Nos savants bienfaiteurs l’ont fixé pour toujours,

Et, grâce au monument élevé par ces sages,
Les peuples, affranchis de bizarres usages,
Pourront dans tous les temps soumettre aux mêmes lois
La ligne, la surface, et le cube et le poids.
Émules de Delambre, achevez sa victoire,
Portez sous d’autres cieux et son art et sa gloire :
Allez, Svanberg, cherchez sous les astres glacés
Les pas de Maupertuis non encor effacés ;
Lambton, aux bords du Gange affrontez les obstacles :
Uranie autrefois y rendait ses oracles ;
Et vous, de notre France ô l’espoir et l’orgueil,
Saisissez le compas de Méchain au cercueil,
Poursuivez ses travaux jusqu’à cette île ardente
Où des serpents jadis répandaient l’épouvante.
Parmi tant de succès et de périls divers
Méchain trouva la mort ; vous, Arago, des fers ;
Et Biot ira plus tard, défiant les orages,
De l’extrême Thulé chercher les noirs rivages (11).
Fière de ses enfants, riche de leurs travaux,
La France à les juger appelle leurs rivaux,

Et l’Europe savante, à Paris invitée(12),
Par ses ambassadeurs s’y voit représentée.
Élite des mortels, venez, et des Français
Proclamez les travaux, partagez les succès.
Rien n’est désordonné dans la nature entière,
Rien ne reste en repos : tout change ; la matière
Pèse, attire, et, soumise aux lois du mouvement,
S’assemble, se disperse, et roule incessamment.
Voyez-vous la comète en sa route brillante ;
Elle semble égarée, et n’est qu’obéissante.
Volez, mondes légers, que l’on croyait errants ;
Promenez dans les cieux vos disques transparents :
Arbitres autrefois des destins de la terre,
Vous portâtes long-temps l’épouvante et la guerre ;
Plus tard, vous répandiez, astres consolateurs,
Sur les mondes vieillis vos feux réparateurs.
Vos destins sont changés ; planètes solitaires,
Comme nous, du soleil vous êtes tributaires ;
Sa force vous captive, et comme nous, en lui
Dans votre orbe allongé vous trouvez un appui.

Tel que le char volant dans des flots de poussière,
Poursuit la borne assise au bout de la carrière.
Revient, tourne, s’éloigne, et reprenant son cours,
Ne la touche jamais, et l’effleure toujours ;
Telles dans votre ellipse et votre essor rapide,
Que poursuit ou devance un lumineux fluide,
Par-delà les confins de l’antique Uranus
Vous fuyez, vous plongez dans des cieux inconnus ;
Vers un autre soleil vous semblez entraînées,
Mais un regard, après des centaines d’années,
Un regard vous rappelle, et du maître éclatant
Le cortège en son sein vous reçoit un instant.
Votre apparition soudaine, inattendue,
Surprend l’œil, qui des cieux parcourait l’étendue :
Par un art diligent vos pas sont mesurés ;
D’un soleil plus voisin vos astres éclairés,
Brillent, changent de phase, et prompts à disparaître,
Se perdent dans l’espace, innombrables peut-être ;
Ils échappent à l’œil qui les épie en vain :
Comment les reconnaître en leur cours incertain ?

Des planètes qu’au ciel ils trouvent sur leur route
Le pouvoir attirant les égare sans doute.
Trois d’entr’eux seulement, plusieurs fois signalés,
Promettent des retours que l’homme a calculés.
Mais leur course est immense et non pas sans limites :
Hélion, jusqu’à lui ramenant leurs orbites,
Permet qu’en tous les sens leur vol capricieux
Divise l’écliptique et traverse les cieux.
Tantôt loin des regards du souverain du monde,
Tantôt couverts des feux dont le dieu les inonde,
Ces globes inconstants dispersent à l’entour
Des vapeurs que blanchit la lumière du jour ;
Écharpe radieuse ou crinière embrasée,
Dont la flamme au soleil est toujours opposée,
À travers le tissu de ce voile léger
Perce l’éclat lointain d’un rayon étranger.
La comète elle-même au ciel dont elle émane
Se montre quelquefois sur un char diaphane.
Mais si près du soleil ces astres emportés,
Tour à tour refroidis, tour à tour dilatés,

Perdent incessamment quelques parts de leur masse,
Qui vers d’autres destins vont errer dans l’espace(13).
Et voilà ces objets, terreur de nos ayeux,
Où la terre lisait la colère des cieux !
« Voyez-vous, disaient-ils, ces arides campagnes,
Les pas de l’Océan gravés sur nos montagnes,
La terre calcinée et ses flancs déchirés,
Sur la poudre des champs les marbres égarés,
Ces os devenus pierre, où des races éteintes
Le temps, sur des débris, déposa les empreintes,
Innombrables témoins d’un désastre lointain,
Qui de notre planète a changé le destin ?
Sans doute que du ciel sur la terre tremblante,
Tombant avec fracas, une comète errante
Troubla l’axe du monde, et soulevant les eaux,
De l’homme industrieux renversa les travaux.
Tout périt, disparut sans laisser nulles traces,
Les champs et les cités, les empires, les races,
Les arts, les souvenirs. Quelques rocs escarpés,
Par la noire tempête incessamment frappés,

Reçurent les débris de ce vaste naufrage.
Là, seuls, nus, au milieu d’une mer sans rivages,
Les plus infortunés, car ils vivaient encor,
N’attendaient que la mer, la famine et la mort ;
La mort, à chaque instant plus pâle et plus affreuse,
S’avançait en roulant sur la vague orageuse.
Après trois longues nuits, les autans conjurés
Ont enfin, dispersant les lambeaux déchirés
Du voile ténébreux qui couvrait l’hémisphère,
Rendu la terre au ciel et le ciel à la terre ;
Mais en vain à ce ciel qui les avait proscrits,
Les mères, les vieillards redemandaient leurs fils ;
Par la faim enhardis, sur la fange liquide
Quand ils osent enfin poser un pied timide,
Oh terreur ! plus d’espoir ! leurs champs sont ravagés,
Leur famille est éteinte, et les climats changés.
Même les animaux descendus des montagnes
Ne reconnaissent plus leurs bois et leurs campagnes.
De son génie alors rappelant le secours,
L’homme de ses travaux recommença le cours ;

Et depuis cinq mille ans qu’il invente et répare,
Un désastre nouveau peut-être se prépare. »
Ainsi de nos ayeux s’exprimait la douleur.
Et comment, en effet, défier le malheur,
Alors que d’un Néron la fatale puissance
De ces astres cruels attesta l’influence ?
Un globe teint de sang s’est levé sur l’Ossa,
Et soudain, dans les flots où domine Crissa,
Hélice, aux naufragés long-temps hospitalière,
Avec ses citoyens s’abîme tout entière.
Un Arabe imposteur, un farouche Timour,
Vont-ils porter la mort aux lieux où naît le jour ?
La comète a paru, sinistre messagère,
Semant devant leurs pas l’épouvante et la guerre.
Un autre Mahomet a-t-il d’un bras puissant
Aux murs de Constantin arboré le croissant ?
Le Danube étonné se trouble au bruit des armes,
La Grèce est dans les fers, l’Europe est en alarmes :
Et, pour comble d’horreur, l’astre au visage ardent
De ses ailes de feu va couvrir l’occident.

Au pied de ses autels, qu’il ne saurait défendre,
Callixte, l’œil en pleurs, le front couvert de cendre,
Conjure la comète, objet de tant d’effroi :
Regarde vers les cieux, pontife, et lève-toi !
L’astre poursuit sa course, et le fer d’Huniade
Arrête le vainqueur, qui tombe sous Belgrade(14).
Dans les cieux cependant le globe suspendu,
Par la loi générale à jamais retenu,
Ignore tes terreurs, l’existence de Rome,
Et la terre peut-être, et jusqu’au nom de l’homme,
De l’homme, être crédule, atome ambitieux,
Qui tremble sous un prêtre et qui lit dans les cieux.
Parmi ces feux sans nombre et ce vaste silence
L’élève d’Uranie en conquérant s’élance ;
Mais pour de tels travaux les avares destins
N’ont accordé qu’un sens et qu’un jour aux humains.
C’est par un point douteux, fuyant dans l’étendue,
Que l’astre se révèle à notre faible vue,
Notre œil seul peut l’atteindre au haut du firmament,
Mais son cours dure un siècle, et la vie un moment.

N’importe, ce moment suffit à des conquêtes.
La marche de ces feux, qui roulent sur nos têtes,
Sert de mesure au temps, et ce temps à son tour
Mesure leur vitesse et promet leur retour.
L’homme a doué ses yeux d’une force nouvelle ;
Il s’arme du compas, de l’équerre fidèle,
Compte les pas égaux du pendule agité,
Et le calcul enfin, par lui-même inventé,
Atteint la certitude à nos sens inconnue,
Et la reporte au ciel dont elle est descendue.
Mais dans ce ciel encor que de faits remarqués
Sont à peine entrevus et sont mal expliqués !
De ces points rayonnants, dont le nombre est immense.
Chaque jour loin de moi recule la distance.
Plus le verre est puissant qui vers eux me conduit,
Plus leur éclat redouble et leur corps se réduit ;
Mais aux yeux de l’esprit il croît dans l’étendue,
L’imagination vient aider à la vue.
Sirius, nous dit-elle, ardent en son courroux,
S’il venait se placer entre Phébus et nous,

D’un côté frapperait le quadrige fragile,
Et de l’autre broîrait notre globe d’argile(15).
Pourtant ce Sirius entre mille soleils
Peut-être est le moins grand de tant d’astres pareils.
Leur axe échappe à l’œil et trompe la mesure ;
Ils sont fixés, dit-on, à cette voûte obscure :
Et voilà qu’une étoile entraîne dans les cieux(16)
Un groupe dont l’éclat se confond à mes yeux,
Des astres différant de grandeur, de lumière,
En roulant l’un sur l’autre achèvent leur carrière.
L’éclat de ces soleils, ou moins vif ou plus pur,
Imite le rubis, et l’opale et l’azur.
Le Lion tout sanglant presse l’Hydre livide,
La Vierge épand sur nous une clarté timide ;
L’Aigle d’un œil de feu parcourt le firmament,
Et l’ardent Sirius, pareil au diamant,
Éblouit nos regards de ses flèches brillantes.
C’est peu : le ciel connaît des étoiles changeantes(17)
Dont l’éclat inconstant, mais toujours ramené,
Pâlit et se ranime en un temps ordonné.

La tête qui tomba sous les coups de Persée
Reprend après trois jours sa splendeur éclipsée.
Céphée, Antinoüs, l’Hydre, Léviathan,
La Lyre harmonieuse, et le Cygne éclatant,
D’un pareil phénomène étonnent notre vue.
L’astre brille et s’éteint, grossit et diminue,
Ici dans quelques jours, quelques mois écoulés,
Plus loin, après dix ans sur huit accumulés.
D’un globe sans clarté la marche régulière,
Vient-elle d’un soleil éclipser la lumière ?
Ou lui-même, en tournant, offre-t-il à nos yeux
Un côté tantôt sombre et tantôt radieux ?
Il est des changements dans la sphère azurée
Dont l’art ne peut encore assigner la durée.
Tel astre s’est éteint qui peut renaître un jour ;
Tel autre a dans le ciel disparu sans retour.
Voyez-vous ces Gémeaux à la terre fidèles,
D’une sainte amitié doux et brillants modèles,
Habitants du Ténare et des sacrés parvis :
Aux âges reculés, quand leurs astres amis

Se levaient dans les cieux pour conjurer l’orage,
Le fils de Jupiter y brillait sans partage ;
Aujourd’hui c’est Castor, à son éclat rendu,
Qui fait pâlir son frère aux Enfers descendu.
Sous un voile léger déguisant ce mystère,
La fable ingénieuse instruisait le vulgaire ;
Mais la science antique aurait-elle connu
Ce qu’après tant d’efforts nos yeux ont entrevu ?
Ou plutôt serait-il dans notre destinée,
Sans cesse au même point par le temps ramenée,
D’apprendre, d’inventer, d’oublier, et toujours
Dans un cercle borné de suivre un même cours ;
Pareille à tous ces corps errant dans la nuit sombre,
Éclatants aujourd’hui, demain plongés dans l’ombre,
Tantôt fuyant, tantôt poursuivant à grands pas
Un but qui les attire et qu’ils n’atteignent pas ?
Non, non, l’esprit humain marche dans la science ;
Chaque jour, chaque instant, la lente expérience
Ajoute à sa richesse et conduit par degrés
Jusqu’à la vérité ses pas mieux assurés :

Chaque jour il confie à la presse fidèle
De faits mieux observés une moisson nouvelle ;
Mais n’allons plus sonder, follement indiscrets,
De la marche des deux les éternels secrets :
Sachons abandonner d’insolubles problèmes ;
Que notre orgueil échappe à l’attrait des systèmes.
Il est de ces esprits, du monde séparés,
Sublimes, loin de nous, dans l’espace égarés ;
Laissons-les, sans troubler leurs conquêtes paisibles,
Tenter ces régions pour nous inaccessibles :
Le monde ne sait pas qu’ils habitent les cieux.
Ainsi près du soleil, loin de nos faibles yeux,
L’oiseau de Jupiter aux ailes étendues
Aime, combat, triomphe, et plane dans les nues.
Qu’Herschel poursuive au loin ces nuages confus,
Dans l’espace pour lui par milliers répandus,
D’atomes vaporeux lumineux assemblage,
Où déjà la comète et se forme et surnage ;
Qu’il y cherche une terre, et qu’un soleil nouveau
Dans ces cieux agrandis allume son flambeau ;

Ces doutes, hasardés par un esprit sublime,
Aux respects des mortels ont un droit légitime :
Nos regards, élancés aux profondeurs du ciel,
Verront peut-être un jour ce que crut voir Herschel,
Atteindront ce fluide, ou plus dense ou plus rare,
Où des mondes futurs le destin se prépare :
Déjà par ses secours que d’astres découverts
Dans la zone qui ceint l’orbe de l’univers !
L’univers ! qu’ai-je dit ? ah ! pardonne, ô grand Être,
Pardonne à cet orgueil qui voudrait tout connaître.
Créateur des soleils, source de la clarté,
Nous diras-tu leur nombre et leur immensité ?
L’univers est borné, si notre esprit l’embrasse ;
L’univers que je vois n’est qu’un point dans l’espace.
Placez l’observateur sur l’ardent Sirius,
Un fil lui cachera l’orbite d’Uranus,
Et les mondes flottants que le soleil attire,
Et cet astre lui-même avec tout son empire.
La Terre, les Gémeaux, les Ourses, Procyon,
Et l’énorme Baleine et l’immense Orion,

Et les signes brillants qu’enferme le tropique,
Et cette écharpe d’or dont l’éclat pacifique
Montre aux yeux éblouis et d’un long tube armés
D’innombrables soleils l’un sur l’autre semés ;
Enfin ce qui remplit la sphère radieuse
Pour les mondes lointains n’est qu’une nébuleuse,
Pareille à ces vapeurs d’atomes pâlissants
Dont les faibles clartés n’arrivent à nos sens
Qu’après avoir couru, de leurs deux émanées,
Dans l’espace désert, des millions d’années (18).
Oh ! quand pourront nos yeux sonder ces régions ?
Qui me transportera parmi ces légions
De mondes animés par leurs métamorphoses ?
Qui me dira les lois, le principe, les causes,
La nature en travail, et ces orbes flottants,
Vapeur, poussière, corps, puis astres éclatants,
Véritables soleils dont les flammes fécondes
Éclairent un empire et gouvernent des mondes ?
Serait-il vrai qu’un jour sur leur trône écrasés
Ces monarques du ciel, déchus, éteints, brisés,

Doivent se disperser en poussière impalpable,
Des mondes renaissants matière inépuisable ?
Les torrents de lumière, au sein du firmament,
Peuvent-ils sans tarir couler incessamment ?
Enfin cette substance, invisible et fluide,
Qui reçut un vain nom pour occuper le vide,
L’éther, qui dans ses flots voit nager tous les corps,
Peut-il, sans les user, fatiguer leurs ressorts ?
Ainsi dans l’univers tout s’agite et circule,
S’assemble et se détruit, l’astre et la molécule ;
Tout change, et, s’élançant dans les âges lointains(19),
Court sous une autre forme à de nouveaux destins ;
Cet avenir obscur, les mystères de l’Être,
Qui les expliquera ? la mort, la mort peut-être.
Dans ces lieux souterrains où par de durs travaux
L’avarice poursuit les sels ou les métaux,
Il est des malheureux dont la faible paupière
N’a jamais du soleil entrevu la lumière.
Nés dans les profondeurs des antres ténébreux,
Jamais un jour serein ne se leva pour eux ;

Ils n’en connaissent point la fraîcheur ravissante,
Ni d’une belle nuit la pompe éblouissante.
Mais pour d’autres mortels, leur dit-on, un ciel pur
Brille, et la nuit revêt son écharpe d’azur,
Resplendit de saphirs et de rubis sans nombre ;
Et tandis qu’enfouis dans votre asile sombre
Vous n’avez sous les yeux que les tristes clartés
Des flambeaux résineux aux forêts empruntés,
Ils ont pour se guider un soleil, des étoiles,
Des cieux dont l’œil humain peut écarter les voiles,
Des arts qu’ils ont créés, dont les secours puissants
Rapprochent l’univers de leurs débiles sens.
Ces feux qui vont roulant sous des voûtes profondes,
Ces feux sont des soleils, ces soleils sont des mondes,
Ces mondes ont des lois. Comme à de tels récits
Les pâles habitants de ces antres noircis
Brûleront de détruire une injuste barrière !
Pourront-ils s’élancer jusques à la lumière ?
Qui les délivrera de leur obscurité ?
Tel est l’homme, aspirant après la vérité :

C’est au jour qui pour lui s’éteindra sans renaître,
Qu’à ses yeux dessillés elle doit apparaître,
Qu’elle fera briller son immortel flambeau :
La lumière l’attend sur le seuil du tombeau.
Voyez-vous tous ces corps, et l’atome et les sphères,
Rouler assujétis à deux forces contraires,
Par l’une vers un centre en vain précipités,
Par l’autre incessamment de leur orbe écartés,
Dans l’espace captifs, errants dans leur empire,
Et fuyant le repos qui toujours les attire ?
Voyez l’homme, il subit aussi les mêmes lois ;
Sublime intelligence et matière à la fois,
Il penche vers la terre, et toujours son génie
S’élance vers les biens que le sort lui dénie.
Faible atome perdu dans cette immensité,
Il veut embrasser tout, le ciel, l’éternité,
Les causes et la fin, le temps et la nature,
Et lui-même à ses yeux n’est qu’une énigme obscure.
Aveugle, il consuma sa vie à s’égarer ;
Plus savante la mort seule peut l’éclairer.

Ainsi, m’abandonnant à ces graves pensées,
J’oubliais les clartés dans les cieux effacées :
Vénus avait pâli devant l’astre du jour,
Dont la terre en silence attendait le retour ;
Avide explorateur durant la nuit obscure,
J’assistais au réveil de toute la nature :
L’horizon s’enflammait, le calice des fleurs
Exhalait ses parfums, revêtait ses couleurs ;
Deux insectes posés sur la coupe charmante
S’enivraient de plaisir, et leur aile brillante
Par ses doux battements renvoyait tous les feux
De ce soleil nouveau qui se levait pour eux ;
Et je disais : Devant le créateur des mondes
Rien n’est grand, n’est petit sous ces voûtes profondes,
Et dans cet univers, dans cette immensité
Où s’abîme l’esprit et l’œil épouvanté,
Des astres éternels à l’insecte éphémère,
Tout n’est qu’attraction, feu, merveille, mystère.



NOTES.

NOTES
DU SIXIÈME CHANT.



(1). PAGE 249, VERS 20.

Le rend aux compagnons de ses nobles succès.

« M. de La Condamine, né ardent et curieux, doué de ce mouvement de l’esprit qui met sur la voie des découvertes, dans une assemblée de l’Académie de Paris, où on discutait cette grande question devenue si difficile par la contradiction des faits, proposa, en 1733, de lever toutes les difficultés en envoyant des académiciens déterminer un degré du méridien vers l’équateur, et répéter dans la zone torride les mesures qui avaient été faites en France, afin de les comparer ensemble. Il s’offrit lui-même pour ce voyage. »

(Bailly, Hist. de l’astronomie moder., disc, premier.)

« Ce qu’ils eurent de fatigues, de malheurs à supporter, ne saurait se concevoir (Biog. univer.). » Voyez le Journal du voyage à l’équateur, par La Condamine.

Bouguer qui fut, dit-on, l’ame de l’expédition, en publia les résultats dans son grand ouvrage Théorie de la figure de la terre.

(2). page 250, vers 16.

Les prismes de Kittis ...... de ces flots aplanis.

Le Kittis est l’une des montagnes les plus septentrionales de la Laponie.

« Vers le milieu de l’heptagone formé par les triangles se trouvait une base plus grande qu’aucune qui eût jamais été mesurée (elle fut de 7407 toises), et sur la surface la plus plate, puisque c’était sur les eaux du fleuve (de Tornéo) que nous devions la mesurer, lorsqu’il serait glacé. » (Maupertuis, Figure de la terre).


(3). PAGE 252, VERS 2.


Où Vénus du soleil franchira l’orbe immense,
Et surprendre à ce dieu l’aveu de sa distance.

Des savants de diverses nations se dispersèrent sur les différents points du globe pour observer, en 1761, le passage de Vénus sur le soleil : Le Gentil à la côte de Coromandel (voyez les notes du Vme chant), l’abbé Chappe à Tobolsk, Pingré à l’île Rodrigue, près l’île de France, Maskelyne à l’île Sainte-Hélène, Masson au cap de Bonne-Espérence. L’Académie de St.-Pétersbourg envoya des astronomes sur les confins de la Tartarie et de la Chine.

Le second passage, en 1769, fut observé avec le même zèle par l’abbé Chappe en Californie, où il mourut de la peste ; par Pingré, à Saint-Domingue ; par le P. Christophe, capucin, à la Martinique. L’Angleterre envoya huit observateurs sur divers points du globe. Le roi de Suède en plaça douze dans ses états. Le roi de Danemarck, un à Wardus. Sept autres occupèrent divers points de la Laponie russe, de la Russie d’Asie, de la mer Caspienne. Ainsi plus de trente personnes observèrent ce passage sur tous les points de l’Europe,

où il y avait des observatoires permanents.
(4). PAGE 252, VERS 15.


Il (La Caille) dispose, il ordonne, il place dans les cieux
Le triangle........

« Terraque composuit cœlum, quæ pendet ab illo. »

(Manilius, Astronomie, I.2.)

On porte à dix mille le nombre des étoiles observées par La Caille pendant son séjour au cap de Bonne-Espérance. On a désigné ici les constellations qu’il a ajoutées à celles que ses prédécesseurs avaient déjà formées dans l’hémisphère austral : le Triangle, le Burin du graveur, le Chevalet du peintre, l’Atelier du sculpteur, l’Équerre et le Niveau, la Règle, le Compas, la Machine pneumatique, la Boussole, le Fourneau du chimiste, l’Horloge ou le Pendule, le Télescope, le Microscope, l’Octant, le Rhéticule rhomboïde.


(5). PAGE 260, VERS 16.


Par ses nœuds inconstants, ses caprices divers(la lune),…
La terre l’atteindrait en dix tours sur soi-même…
L’autre voit dans les nuits briller un orbe immense…
..........il n’est point d’atmosphère......
Phébé s’honorera de vous redire aux cieux.

La lune, chaque fois qu’elle traverse l’écliptique, avance un peu vers l’occident. Cette révolution s’accomplit en 18 ans 223 jours et quelques minutes, de sorte qu’à la fin de cette période la lune se trouve couper l’écliptique au même point où elle avait passé dix-neuf ans auparavant, et alors tous les phénomènes recommencent dans le même ordre.

On remarquait autrefois tant d’irrégularités dans les mouvements de la lune, avant que les astronomes modernes les eussent expliqués, qu’Halley appelait cet astre Siduscontumax.

(50 fois....) Le volume de la lune est la 49e partie de celui de la terre. La terre a 9,000 lieues de tour, et la plus grande distance de la terre à la lune n’est pas de 90,000 lieues.

« Qu’on se place dans la lune, on aura une nuit de quinze fois 24 heures et un jour de durée égale. Une aussi longue absence du soleil, autant que le défaut d’atmosphère, doit y causer un refroidissement considérable. Dans un jour aussi étendu, l’accumulation de la chaleur doit la rendre excessive. Chaque nuit est un hiver rigoureux, chaque jour un été fatigant.... Notre habitant de la lune n’aura jamais le spectacle de la terre s’il se trouve sur l’hémisphère qui nous est inconnu ; mais, à la face opposée, les phases terrestres changeront graduellement et à vue dans une seule nuit. La clarté solaire disparaissant, sera sur-le-champ remplacée par celle que refléchira la terre, d’abord sous la forme d’un croissant ; mais à mesure que la terre approchera de l’opposition, la phase terrestre prendra plus d’étendue, et bientôt la terre sera vue pleine sous un angle de 2°, c’est-à-dire avec une surface treize fois plus grande que la lune, et environ treize fois plus de lumière. Nos mers, nos plaines, nos montagnes, nos volcans et nos neiges, par le contraste de leurs reflets, produiront des teintes variées et des taches que notre rotation fera voir sous des aspects sans cesse différents. Après environ sept fois et demie 24 heures, on aura le minuit. Enfin la phase se trouvant dirigée vers le côté opposé, le soleil reparaîtra du côté de la convexité du disque terrestre, et le jour renaîtra. Il n’aura jamais le spectacle de la nuit ni des étoiles, puisque l’éclat du jour sera aussitôt remplacé par celui que notre globe reflète. »

(Uranog. de M. Francœur.)

« L’atmosphère lunaire, si elle existe, est d’une rareté extrême, et telle, qu’aucun tics animaux terrestres ne pourrait respirer et vivre dans la lune, et que, si elle est habitée, ce ne peut être que par des animaux d’une autre espèce. Aux bords de la partie éclairée du disque lunaire, les montagnes se présentent sous la forme d’une dentelure, qui s’étend au-delà de la ligne de lumière d’une quantité dont la mesure a fait connaître que leur hauteur est au moins de 3,000 mètres. On reconnaît par la direction des ombres que la surface de la lune est parsemée de profondes cavités semblables aux bassins de nos mers. »

(Exp. du syst. du moude, I. ier, ch. 4.)

On a essayé de deux systèmes pour la nomenclature des taches de la lune. Hévélius y avait transporté les noms des régions du globe terrestre, quoiqu’il n’y eût aucune ressemblance de formes ; on ne s’accoutuma point à voir dans ces taches l’Europe, la Méditerranée, la Sicile, le mont Etna, et l’on adopta la nomenclature proposée par le P. Riccioli. Celui-ci remplaça les noms d’Hévélius par ceux de quelques astronomes anciens et modernes, et de beaucoup de jésuites, ses confrères, sans s’oublier lui-même. Les principales taches, les seules dont on fasse usage dans les observations (pour reconnaître et mesurer l’immersion et l’émersion du corps de la lune dans les éclipses), sont au nombre de quarante-neuf, dont trente portent des noms d’hommes et onze le nom de mers ou de promontoires.


(6). PAGE 262, VERS 9.


Et toi (Pline) dont la nature occupa le génie,
....................
Ô mystère ! Laplace a fait tomber ces voiles !

« La connaissance précise du flux et du reflux de la mer paraît appartenir à cette époque (de l’école d’Alexandrie). Possidonius reconnut les lois de ce phénomène qui, par ses rapports évidents avec les mouvements du soleil et de la lune, appartient à l’astronomie, et dont Pline le naturaliste a donné une description remarquable par son exactitude, liv. 2, § 99. »

(Exposition du syst. du monde, I. 5, ch. 2.)

« Il résulte des rapports généraux entre les phénomènes des marées et les actions du soleil et de la lune sur la mer, une certitude entière que ces phénomènes ont pour cause unique l’attraction de ces deux astres conformément à la loi de la pesanteur universelle.

« L’action du soleil et de la lune sur la mer, suite nécessaire de l’attraction universelle, démontrée par tous les phénomènes célestes, étant confirmée directement par les phénomènes des marées, elle ne doit plus laisser aucun doute. Elle est portée maintenant à un tel degré d’évidence qu’il existe sur cet objet un accord unanime entre les savants. »

(Ibid., liv. 4, chap. ii.)

(7). PAGE 262, VERS 12.


Ces feux par lui (Lalande) rangés au céleste lambris.

Catalogue de 50,000 étoiles par M. Le François Lalande.

« Ausus etiam rem Deo improbam, adnumerare posteris stellas, et sidera ad normam expangere. »

(Pline, Hist. nat., I. ii, ch. 26.)

(8). PAGE 262, VERS 16.


(Humboldt) marquera le vrai lieu par l’objet occupé.

Observations de M. de Humboldt sur le phénomène de la réfraction, faites, de 1799 à 1804, sur les hautes montagnes dos Cordillères.

(9). PAGE 262, VERS 20.

Treize mondes nouveaux… prennent place à nos yeux.

Uranus, et ses six satellites en 1781 ; Cérès, 1801 ; Pallas, 1802 ; Junon, 1803 ; Vesta, 1807 ; les sixième et septième satellites de Saturne, 1789.


(10). PAGE 263, VERS 7.

….. dans Manheim….. dans Copenhague en feu.

« En 1798, des bombes tombèrent sur l’observatoire de Manheim. »

(Lalande, Hist. de l’astron., p. 799.)

« M. Bugge, astronome royal de Danemarck, avait perdu ses livres, ses manuscrits et toutes ses observations par le feu, dans le bombardement de Copenhague par les Anglais. »

(Delambre, Hist. de l’astr. mod., I. 15.)
(11). page 264, vers 18.

Que Delambre et Méchain… Allez, Svanberg… Lambton.
Méchain trouva la mort ; vous, Arago, des fers ;
Et Biot… de Thulé… chercher les noirs rivages.

« En 1801 et 1802, une nouvelle mesure du degré sous le cercle polaire fut exécutée par MM.  Svanberg, Ofverboom et Holmquist, savants suédois : ils trouvèrent le degré de 57,196 toises , c’est-à-dire 208 toises plus petit que celui déterminé par les astronomes français.

En 1802 et 1803, la société asiatique du Bengale voulut faire mesurer la presqu’île de l’Inde d’une mer à l’autre, vers le parallèle de Pondichéry. Le major Lambton, auteur du projet et chargé de l’exécution, commença par la mesure d’un arc du méridien, sur la côte de Coromandel, dans la latitude de 12° 32′, et d’un arc perpendiculaire au méridien. Il en conclut la longueur du degré correspondant au milieu de l’arc de 56744,9 toises. »

(M. Voiron, Hist. de l’astr, de 1781 à 1811, 3e part., 1re  sect., art. 5.)

« La France ayant adopté un système de mesure fondé sur la grandeur du méridien terrestre, MM. Méchain et Delambre avaient été chargés de mesurer exactement l’arc de ce méridien compris entre Barcelone et Dunkerque. Les opérations de la partie boréale furent exécutées par M. Delambre. La partie qui s’étend de Barcelone à Rhodez fut confiée à M. Méchain. Il mourut victime de son dévouement à l’astronomie, avant d’avoir pu joindre les triangles d’Espagne à ceux des stations françaises ; et, par suite des guerres et des désordres du temps, la grande méridienne de France fut seule terminée, et ne le fut qu’en 1799.

En 1806, MM. Biot et Arago furent chargés de la terminer en Espagne, et la prolongèrent jusqu’à l’île de la Formentera, le point le plus austral de l’arc (l’ancienne Ophiuse, ou île des Serpents) ; et après un séjour de près de deux ans dans les îles Baléares, malgré tous les obstacles que la nature et les hommes opposèrent à leurs immenses travaux, ils eurent l’avantage de terminer d’une manière digne de leurs prédécesseurs la plus belle entreprise qui ait jamais été exécutée sur les mesures terrestres…………

L’arc mesuré par Delambre et Méchain était de 9°,6738. Il a été prolongé par les opérations de leurs continuateurs jusqu’à 12°,3704, ou à 13°,744875 de la division décimale. En multipliant ce nombre de degrés par les 100,000 mètres que contient chaque degré décimal, ils auraient obtenu le nombre de mètres que devait contenir l’arc mesuré, si la terre était exactement sphérique. Ayant donc fait à ce nombre la réduction qu’exige l’aplatissement de la terre, , donné par la théorie de la lune, ils ont trouvé, pour la distance entre Dunkerque et Formentera, un résultat qui ne diffère de celui que donnent les mesures des triangles que de 41 centièmes de mètre ou de 1 pied 3 pouces 1 ligne. »

(Hist. de l’astr. de M. Voiron, 3e part., 1re  sect., art. 3e.)

« M. Arago, victime de la haine excitée par l’invasion des Français, fut jeté dans les prisons de Boses. Pris par les corsaires, jeté par la tempête sur des côtes ennemies, etc., il ne revit la France qu’en 18. »

(Voir dans M. Voiron, ibid., les détails de ce voyage.)

M. Biot a fait, en 1817, un voyage aux îles Schetland ou Orcades, dont la principale est l’ancienne Thulé, pour prolonger vers le nord la mesure de l’arc du méridien.


(12). page 265, vers 1.

Et l’Europe savante, à Paris invitée……

Les envoyés d’Espagne furent MM. Ciscar et Pedrayés ; du roi de Sardaigne, M. Balbo, remplacé ensuite par M. Vassali ; de Rome, M. Franchiui ; de Toscane, M. Fabroni ; de Milan, M. Mascheroni ; de Gênes, M. Multedo ; de la république helvétique, M. Trolles ; de la Hollande, MM.  Œnée et Van-Swinden ; du roi de Danemarck, M. Rugge.

Savants Français MM.  Borda, Brisson, Coulomb, Darcet, Delambre, Haüy, Lagrange, Laplace, Lefèvre-Gineau, Legendre, Mechain et Prony.


(13). PAGE 268, VERS 2.

Volez, mondes légers… vos feux réparateurs…
Comme nous, du soleil vous êtes tributaires…
Un regard vous rappelle… vous revoit un instant…
Brillent, changent de phase… innombrables peut-être

Promettent des retours que l’homme a calculés…
Leur vol capricieux divise l’écliptique…
Se montre quelquefois sur un char diaphane…
…vers d’autres destins vont errer dans l’espace…

Newton avait soupçonné que les comètes pouvaient finir par être absorbées par le soleil, servir d’aliment à ses feux et réparer peut-être l’émission continuelle de sa lumière.

« Diximus cometas esse genus planetarum in orbibus valdè excentricis circa solem revolventium. »

(Principes de Newton.)

« Les comètes, qu’on a regardées pendant long-temps comme des météores, sont des astres semblables aux planètes. Leurs mouvements et leurs retours sont réglés suivant les mêmes lois que les mouvements planétaires. »

(Exposition du système du monde, 1. 2, ch. 5.)

« Nous voyons que la puissance du soleil suit la comète de 1680 jusqu’à une distance de 5,700 millions de lieues, et que là cet astre est encore assez fort pour arrêter la course fugitive de la comète et la faire revenir vers lui. »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., tom. 3, disc. 4.)

La plus longue apparition des comètes observées jusqu’ici n’est que de quelques mois.

« La lumière des comètes est toujours faible et douce ; c’est une lumière du soleil qu’elles réfléchissent sur nous aussi bien que les planètes. Cela est prouvé spécialement par la phase observée dans la comète de 1744, dont la partie éclairée n’était visible qu’à moitié. »

(Mémoires de l’Académie, 1744, pag. 304.)

« Si ces phases ne s’observent pas toujours, c’est que l’atmosphère épaisse où la plupart des comètes sont noyées disperse la lumière, en sorte qu’elles nous semblent toujours d’une forme à-peu-près ronde. »

(Astronomie de Lalande, 1. 19.)

« Une évaluation très-modique fera mouvoir dans nôtre système solaire pour le moins cinq cents millions de comètes. »

(Lambert, Système du monde.)

On connaît aujourd’hui la marche de trois comètes périodiques ; il n’y a que peu d’années que M. Biot disait : « Il n’y a jusqu’à présent qu’une seule comète dont la révolution sidérale soit bien connue et dont le retour soit certain, c’est celle de 1682, déjà observée en 1607, 1531 et 1456, et qui a reparu en 1759 ; elle emploie environ 76 ans à faire sa révolution et doit reparaître en 1832. »

(Traité élémentaire d’ast. phys. 1. 4, ch. 8.)

« Ces astres ne se meuvent pas tous dans le même sens comme les planètes. Les uns ont un mouvement réel direct, d’autres ont un mouvement rétrograde ; les inclinaisons de leurs orbes offrent toutes les variétés d’inclinaisons depuis l’orbe couché sur le plan de l’écliptique jusqu’à l’orbe perpendiculaire à ce plan. »

(Exposition du système du monde, 1.2, ch. 5.)

« Les masses des comètes sont d’une petitesse extrême ; les diamètres de leurs disques doivent donc être presqu’insensibles, et ce qu’on nomme leur noyau est, selon toute apparence, formé en grande partie des couches les plus denses de la nébulosité qui les environne. Aussi Herschell, avec de très-forts télescopes, est-il parvenu à reconnaître dans le noyau de la comète de 1811 un point brillant, qu’il a jugé avec raison être le disque même de la comète. Ces couches sont encore extrêmement rares, puisque l’on a quelquefois aperçu des étoiles au travers. »

(Ibid.)
(Sénèque avait consigné cette dernière observation dans ses Questions naturelles, ch. 18.)

« On voit, dit Delambre, les étoiles à travers la queue, à travers la chevelure, on dit même à travers le noyau. »

(Ast. du 18e siècle, article Pingré.)

« Les substances évaporables d’une comète, diminuant à chacun de ses retours au périhélie, elles doivent, après plusieurs retours, se dissiper entièrement dans l’espace, et la comète ne doit plus alors présenter qu’un noyau fixe ; ce qui doit arriver plus promptement pour les comètes dont la révolution est plus courte. On peut conjecturer que celle de 1682, dont la révolution n’est que de 76 ans, et la seule à laquelle on ait jusqu’ici soupçonné des phases, approche de cet état de fixité. Si le noyau est trop petit pour être aperçu, ou si les substances évaporables qui restent à sa surface sont en trop petite quantité pour former par leur évaporation une tête de comète sensible, l’astre deviendra pour toujours invisible ; peut-être est-ce une des causes qui rendent si rares les réapparitions des comètes, et la disparition de plusieurs plus prompte qu’on ne devait s’y attendre.

(Exp. du syst. du monde, 1. 2, ch. 5.)
(14) page 271, vers 6.

Néron… attesta l’influence…
Hélice… s’abîme tout entière.
Un Arabe imposteur, un farouche Timour…
Un autre Mahomet… tombe sous Belgrade.


Il parut deux comètes du temps de Néron, l’une en l’année 55 de l’ère chrétienne, à-peu-près à l’époque où il parvint à l’empire, et l’autre en l’année 64.

La submersion des villes d’Hélice et de Buris dans la mer de Crissa fut précédée de l’apparition d’une comète ou d’un météore.

(V. Sénèque, Quest. nat., l. 6, ch. 25 et 26)

La comète de 603 parut au temps de Mahomet, et celle de 1240 parut à l’époque de l’irruption de Tamerlan.

Après la prise de Constantinople par Mahomet II, en


  1. Vénus étant une planète inférieure, c’est-à-dire placée plus près du soleil que la terre, nous ne pouvons jamais la voir complètement éclairée.