L’enseignement du français en Allemagne

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L’enseignement du français en Allemagne
Revue pédagogique, second semestre 1884 (p. 78-79).

L’enseignement du français. — Si la langue française est bannie des écoles de l’Alsace, ou du moins réduite à un minimum d’enseignement qui équivaut à peu près à la proscription, il n’en est pas de même dans le reste de l’Allemagne. On y fait des efforts considérables, et qui paraissent réussir sur bien des points, pour répandre dans les écoles et collèges la connaissance de notre langue.

C’est ainsi que nous voyons paraître, depuis le 1er avril, à Nuremberg, une revue trimestrielle en français, sous ce titre : « Le Répétiteur. Journal instructif et amusant. Rédacteur en chef, Charles Oudin. Prix, 4 mark par trimestre. » Ce journal est destiné à ceux qui connaissent déjà la grammaire française, les diverses parties du discours, règles, mots usuels, mais qui ne seraient pas encore en état de lire sans maître les classiques de notre langue ou les auteurs modernes. Ce journal a des abonnés et peut vivre. On pourrait douter qu’une publication analogue en allemand trouvât chez nous assez d’amateurs.

Chaque mois voit éclore de nouveaux livres d’école pour faciliter l’enseignement du français : ce sont des dictionnaires, des grammaires, des recueils de morceaux choisis, des auteurs annotés. On pourrait, en prenant au hasard parmi les plus récents, former presque une librairie. Voici seulement quelques titres de ceux qu’on recommande dans diverses revues de ce mois :

Le Dictionnaire de la langue commerciale, par le professeur Odermann, Leipzig.

L’Enseignement du français, par le Dr Anselme Ricard, professeur à l’Académie commerciale de Prague.

Le Fablier de nos enfants. Recueil de fables à l’usage des écoles supérieures, par Westenhœffer, Mulhouse. C’est un recueil de fables de valeur bien inégale, soit en prose, soit en vers, tirées de Berquin, Diderot, Dorat, Fénelon, Florian, Lachambeaudie, La Fontaine, Le Bailly, Viennet, etc., pêle-méêle.

Le Livre de lectures françaises, par Albert Benecke et Friedrich d’Hargues, Potsdam. Les livres de M. Benecke pour l’enseignement du français sont très répandus en Allemagne.

Livre de lectures françaises avec un dictionnaire, par Bechtel, Vienne.

Choix de poésies françaises dans une suite graduée, avec traduction allemande, par le Dr Franz Hummel, Gotha.

Ces recueils font un étrange effet aux yeux d’un Français. Ils sont composés en vue de besoins que nous ne connaissons pas, que nous ne comprenons guère, et ils admettent à l’honneur de figurer comme modèles de notre langue des pages que nous n’aurions pas soupçonnées de tant d’ambition.

Ce qui paraît plus important et ce qui témoigne d’une connaissance plus sérieuse et d’un goût plus sûr, c’est la série d’éditions d’auteurs français publiés en Allemagne. Voici par exemple les œuvres de Molière, avec commentaire, introduction et études, éditées par Ad. Laun, à Leipzig, et reprises par le Dr W. Knœrich, qui vient de faire paraître la seconde édition du Misanthrope.

La librairie Weidmann à Berlin publie une grande collection des écrivains français avec notes. Dans ces trois dernières années ont déjà paru en 4 volumes les Fables de La Fontaine, expliquées par Lubarsch, un « romaniste » connu, c’est-à-dire savant très versé dans la connaissance du français du moyen âge. Puis l’Histoire de la civilisation de Guizot, commentée et expliquée par le Dr Lambeck ; et le Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, de l’abbé Barthélemy, avec des notes de M. Kuhne.

Nous pourrions citer encore nombre d’éditions d’auteurs français, tels que Voltaire, Racine, etc., destinés soit aux écoles, soit au public. Ce n’est pas vanité que nous devons tirer de ces faits, c’est exemple et émulation.