L’honneur de souffrir/XXII. Sages de tous les temps, de toutes les patries

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Librairie Grasset (p. 42-43).

XXII


Sages de tous les temps, de toutes les patries,
Fronts calmes et corps résignés,
Esprits qui ne pouvez, loin de tout ce qui prie,
Que concevoir et que nier,

Honneur de la raison, justes intelligences,
Qui de la terre aux cieux connus
N'élevez pas des cris d'espoir ni d'exigence,
Ô contempteurs des ingénus,

Quand l’horizon n’est plus qu’une haute muraille
Sans nulle rose et nul ramier,
Quand par de vains plaisirs il semble que l’on raille
La gravité que vous aimiez,

Quand des morts sont nos morts, car toute différence
Est entre les miens et les tiens !
Quand il faut porter seul une entière souffrance,
Quelle illusion vous soutient ?

Certes il est altier d’opposer le courage
À ce que l’on voit défleurir,
Et d’aborder en paix les défaites de l’âge.

Mais il est plus pur de mourir.