L’intendant Bigot/11

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George E. Desbarats, éditeur (p. 58-67).

CHAPITRE IV.

Mlle DE ROCHEBRUNE.


Il est temps de revenir à notre héroïne que la fumée des combats nous a fait perdre de vue.

On se rappelle que le capitaine Brown l’avait enlevée du carrosse de Mme Péan au moment où la voiture, qui regagnait la ville, passait en arrière du parc de l’intendance.

L’éclair du coup de pistolet de Brown avait ébloui Berthe, dont les yeux s’étaient fermés en voyant chanceler Raoul. Ce qui suivit ensuite ne lui fut plus qu’un rêve pénible et confus : un cliquetis d’armes ; Beaulac entraîné garrotté ; Lavigueur jurant Dieu et terrassé ; elle-même arrachée du siège de la voiture et emportée dans une course échevelée par un homme inconnu ; des chaloupes, des clameurs et des coups de feu sur le rivage ; un grand cri d’effroi sur les eaux noires, puis rien… si ce n’est le brouillard d’un long sommeil étendu comme un voile épais sur tous ces souvenirs épars.

Il était grand jour quand elle reprit connaissance. Elle en jugea de la sorte par un faisceau de rayons de soleil qui pénétraient à travers une étroite ouverture dans l’endroit resserré où elle se trouvait.

Elle se souleva machinalement sur le cadre où elle était couchée, et approcha ses yeux de l’épaisse vitre ronde qui donnait accès à la lumière du jour. En regardant de haut en bas, elle ne vit que les sillons mouvants des vagues verdâtres. Deux frégates se dressaient en face, dont les sabords entr’ouverts laissaient passer le long cou des canons.

Durant quelques minutes, sa pensée flotta dans le vague, comme ces flocons de brume que l’on voit glisser le matin sur un lac au lever du soleil.

Bientôt, cependant, à l’aide des lambeaux de souvenirs qu’elle parvint à rattacher ensemble, elle reconstruisit en partie les événements de la veille. Elle se ressouvint d’avoir vu tomber Raoul. L’éclair du coup de feu repassa devant ses yeux. Alors elle jeta un grand cri et se renversa sur sa couche. Avec cette sensibilité des femmes qui sont toujours prêtes à tirer tout d’abord les conséquences les plus désastreuses du moindre accident, elle se dit que son amant était mort. Puis elle sentit son corset devenir trop étroit pour sa poitrine gonflée de sanglots, et lui broyer le cœur. Il lui sembla qu’elle étouffait et elle perdit de nouveau connaissance.

Lorsqu’on vint lui apporter à dîner sur le midi, on la trouva en proie à un affreux délire. Le chirurgien du vaisseau, qui fut immédiatement appelé auprès de la prisonnière, constata qu’une fièvre cérébrale des plus violentes venait de s’emparer de Berthe.

Elle était si belle dans le désordre du délire, avec les masses de ses cheveux bruns déroulés autour de sa figure animée par la fièvre, son malheur était si touchant que le vieux médecin fut pris aussitôt d’une profonde commisération pour la pauvre enfant. Il songea à sa fille unique qu’il avait laissée en Angleterre ; et à la pensée que son enfant chérie pourrait peut-être, par suite de circonstances analogues, se trouver dans la même position que la jeune femme qu’il avait devant lui, il ressentit un de ces frissons nerveux qui secouent les larmes et les amènent aux paupières. Aussitôt il s’empressa de prodiguer les soins les plus assidus à la jeune patiente que le hasard lui avait envoyée.

Pendant plusieurs jours elle fut en grand péril de mort : mais enfin la force de la sève de jeunesse, ainsi que les attentions habiles du médecin, triomphèrent du mal, et Berthe revint à la vie.

Elle n’était cependant encore que convalescente, lorsque le capitaine du vaisseau sur lequel on la retenait, reçut ordre de remonter le fleuve de concert avec deux autres bâtiments de guerre.

Les trois vaisseaux parvinrent, comme on l’a vu, à doubler le Cap-aux-Diamants, après avoir toutefois essuyé le feu le plus vif des batteries de la ville.

Ce que la pauvre enfant dut éprouver de terreurs et d’angoisses, on se l’imaginera facilement quand on saura que le seul bâtiment où elle était reçut plus de vingt boulets dans sa coque. Comme les marins anglais répondaient à nos artilleurs, Berthe sentait le vaisseau trembler à chaque bordée, tandis que les craquements du bois que trouaient nos boulets arrivaient jusqu’à ses oreilles.

On conçoit que l’ébranlement nerveux causé par toutes ces émotions n’était guère de nature à hâter la guérison complète de Mlle de Rochebrune. Aussi sa convalescence en fût-elle bien ralentie, et l’on verra bientôt quelles suites funestes tous ces chocs produisirent dans son organisation affaiblie.

Maintenant, si l’on veut se faire une idée de toutes les phases désolantes par lesquelles la pauvre enfant dut passer, qu’on se figure un peu la triste position d’une jeune fille au milieu de figures étrangères, ou plutôt ennemies, et n’ayant personne avec qui elle pût se distraire par la conversation, si ce n’est le vieux médecin auquel son âge, encore plus que sa sympathie pour elle, donnait un libre accès auprès de Berthe.

Une fois que l’on aura compris tout ce que cet isolement avait de pénible, qu’on s’imagine les angoisses que Mlle de Rochebrune devait éprouver en songeant aux dangers incalculables auxquels son fiancé se trouvait exposé dans les combats. Car elle avait appris par l’entremise du docteur qui avait couru aux informations, que son fiancé, loin d’être mort, s’était échappé avec Lavigueur d’entre les mains des Anglais. Le reverrait-elle un jour ? Ou était-il écrit dans le grand livre du destin qu’ils ne se retrouveraient qu’au ciel ? Dans cette perplexité poignante où son esprit, exalté par des souffrances antérieures, se heurtait sans relâche aux angles de doutes cruels, son pauvre cœur se meurtrissait de plus en plus sous l’étreinte des ongles, de fer de la fatalité. Ce vautour semblait ne pouvoir se résigner à lâcher la proie dans laquelle il avait enfoncé ses serres, alors encore qu’elle n’était qu’une enfant.

Elle demanda bien au docteur de faire transmettre une lettre à sa vieille parenté, Mlle de Longpré. Mais celui-ci ne put en obtenir l’autorisation. Car le vaisseau se trouvait alors mouillé vis-à-vis de la Pointe-aux-Trembles et sans communication avec le général Wolfe, qui seul, au dire du capitaine, pouvait permettre une pareille chose.

Sachant combien il était dangereux pour la jeune fille de rester continuellement plongée dans ses pensées tristes, le docteur s’avisa, pour changer le cours des idées de sa patiente, de lui donner quelques leçons d’anglais. Comme il parlait assez bien le français et que Berthe se prêta à ce désir avec complaisance, la tâche d’instituteur qu’il s’était volontairement imposée lui fut bien facile. Berthe, dont l’intelligence était très-vive, sut apporter tant d’attention aux enseignements du vieillard, qu’en moins de deux mois elle fut capable de comprendre assez bien cette langue étrangère pour en saisir parfaitement le sens dans la conversation.

Pendant ce temps eut lieu la bataille de Montmorency, qui, l’on s’en souvient, fut livrée le trente-un juillet. La nouvelle de notre victoire parvint, quelques jours plus tard, sur les trois vaisseaux anglais qui croisaient au-dessus de la ville.

Tout en se réjouissant de la défaite des ennemis — car Berthe était une bonne et brave Canadienne, comme on le verra bientôt — elle fut assaillie par de nouvelles alarmes au sujet de Raoul. Était-il mort, blessé, ou sain et sauf ? son imagination inquiète courait sans cesse de l’une à l’autre de ces trois hypothèses.

Hélas ! quel bien-être lui eût causé son bon ange, s’il eût voulu lui dire que non-seulement Beaulac n’avait pas pris part à la bataille, mais encore qu’il n’était qu’à une très-faible distance d’elle, épiant avec le détachement de la Roche-Beaucourt[1], les trois vaisseaux ancrés à quelques lieues au-dessus de Québec et sur l’un desquels elle se trouvait.

Le mois d’août s’écoula de la sorte, sans que la position de Berthe éprouvât le moindre changement, à l’exception toutefois qu’elle avait recouvré une grande partie de ses forces au commencement de septembre.

Cependant la situation respective des deux armées avait tellement changé depuis un mois à Beauport et à l’Ange-Gardien, que nous en devons donner une idée afin de bien faire comprendre les événements qui vont suivre.

D’abord, le gouverneur, M. de Vaudreuil, avait appris, au commencement d’août, que Niagara venait de tomber entre les mains des Anglais. Pouchot, malgré sa belle résistance, qui coûta la vie à Prideaux, le général ennemi, avait dû succomber sous le nombre et rendre le fort de Niagara à Sir William Johnson.

On apprit en même temps, à Québec, les succès du général Amherst près du lac Champlain. Bourlamaque[2] avait dû retraiter jusqu’à l’Île-aux-Noix, après avoir évacué et fait sauter les forts de Carillon et de Saint-Frédéric, et s’attendait à être attaqué d’un moment à l’autre par les douze mille hommes du général Amherst, auxquels il n’avait à opposer que deux mille trois cents combattants.

Ces désastreuses nouvelles mirent M. de Vaudreuil dans une grande perplexité. Enfin, il donna au chevalier de Lévis huit cents hommes tirés de l’armée de Beauport, et lui enjoignit de pousser une reconnaissance vers le haut de la province, afin d’aviser aux meilleurs moyens d’arrêter les progrès d’Amherst sur le lac Champlain et de Johnson sur le Saint-Laurent. M. de Lévis partit en conséquence le neuf août pour Montréal.

Outre les trois mille hommes, tous soldats d’élite, que le colonel Bougainville avait avec lui pour épier les vaisseaux anglais au-dessus de la capitale, et les huit cents que M. de Lévis avait amenés à Montréal, un grand nombre de Canadiens avaient reçu la permission d’aller faire leurs récoltes, tandis que divers autres petits corps avaient été détachés du camp français ; de sorte que vers la fin d’août, l’armée française, qui avait été forte de treize mille hommes au commencement de la campagne, ne comptait plus que six mille combattants au camp de Beauport.

Passons maintenant à l’ennemi.

On a prévu le résultat de la conférence tenue vers la fin d’août par Wolfe et ses lieutenants. Assurés désormais de la coopération de Bigot, les généraux anglais s’étaient unanimement décidés à porter le siége des opérations au-dessus de la ville.

En conséquence, dans la nuit du trente-un août au premier septembre, quatre de leurs vaisseaux passèrent encore sous le feu des canons de la ville et allèrent rejoindre les autres au-dessus de Québec. Trois jours plus tard, quatre-vingts à cent barges, chargées de troupes, défilèrent en plein midi devant la ville, après avoir rangé de près la côte du sud : tandis que trois bataillons allaient camper à l’île d’Orléans et que le reste des troupes anglaises s’embarquait sur les vaisseaux, après avoir transporté l’artillerie du Sault à la Pointe-Lévi.

Le sept, le huit et le neuf septembre, dit M. Garneau, une douzaine de leurs vaisseaux remontèrent le fleuve et jetèrent l’ancre au Cap-Rouge ; on envoya plusieurs détachements des troupes qu’ils portaient en divers endroits du rivage pour diviser l’attention des Français. La moitié des soldats fut débarquée sur la rive droite du fleuve.

Pendant la journée du douze, presque toute leur armée, qui se trouvait à Saint-Nicolas, leva le camp et se rembarqua sur les vaisseaux.[3]

Sur la fin de l’après-midi du même jour, Berthe était occupée, dans la cabine qu’on lui avait assignée, à feuilleter un volume de Shakespeare que le docteur lui avait prêté, lorsqu’un bruit de voix animées attira son attention. Plusieurs officiers causaient à côté dans la chambre du capitaine, dont la cabine de Mlle de Rochebrune n’était séparée que par une cloison. Berthe prêta involontairement l’oreille. Bientôt elle se sentit intéressée au point que le livre qu’elle tenait s’échappa de ses petites mains et roula à terre après avoir glissé sur ses genoux, dont les gracieux contours se dessinaient sous les plis de la robe.

— Enfin, disait l’une de ces voix, nous serons probablement maîtres de Québec demain soir.

— Oui, merci à Dieu, répondait une autre.

— Les mesures sont-elles bien prises ?

— Oh ! parfaitement. Il paraît qu’un Français, espion ou traître, a appris au général Wolfe que les ennemis attendent ce soir un convoi de chaloupes chargées de vivres qui doit se glisser inaperçu au milieu de notre flotte pour descendre jusqu’à la ville. Comme ce convoi est attendu depuis plusieurs jours, les sentinelles françaises postées sur le rivage ne trouveront pas extraordinaire de voir défiler, à la faveur des ténèbres, un grand nombre d’embarcations. Aussi va-t-il nous être facile de substituer à ce convoi, que nous arrêterons du reste, une centaine de nos barges, remplies de nos meilleurs soldats. Quand la nuit sera venue, nous nous laisserons tranquillement descendre jusqu’au Foulon où les officiers-généraux prétendent avoir trouvé un lieu de descente de plus faciles.

— Fort bien ! Mais si les sentinelles françaises, placées en faction au long du fleuve, allaient concevoir des soupçons au passage de nos chaloupes et nous apostropher, notre silence forcé ne nous mettrait-il pas en grand danger d’être découverts ?

— Le cas est prévu. Le capitaine Fraser, qui parle admirablement le français, est chargé de leur répondre.

— Hourrah ! s’écrièrent les autres.

Puis des voix confuses :

— Nous les tenons, enfin ces maudits Français.

— Montcalm sera forcé de quitter son diable de camp retranché.

— Oui, et d’accepter la bataille où nous voudrons bien la lui offrir.

Ici, Berthe, qui retenait les mouvements convulsifs de sa poitrine oppressée, pour ne rien perdre de cet entretien, entendit le cliquetis des verres et des bouteilles. Puis il se fit un court silence et l’une des voix s’écria :

— Buvons, messieurs, à la gloire des armes anglaises. Rule Britannia !

Rule Britannia ! hurlèrent dix gosiers altérés.

Et la conversation redevint générale, décousue, entrecoupée d’éclats de rire et de tintements de verres.

— Mon Dieu ! murmura Berthe en comprimant de sa main blanche les battements de son cœur, mon Dieu ! serait-il donc vrai que nous fussions si près d’une défaite ! Et nous aurions des traîtres qui vont livrer ainsi leurs frères ! Seigneur, je ne suis qu’une pauvre fille, seule et sans force, mais inspirez-moi le courage et les moyens de prévenir les nôtres des complots qui se trament contre leur sûreté !

Et la demoiselle de Rochebrune, cette fille d’une race de soldats dont les aïeux avaient guerroyé dans la Palestine, où leurs grands coups d’épée avaient pavé de cadavres musulmans le trône où monta le superbe Godefroy de Bouillon, la fille des barons de Rochebrune inclina ses deux genoux en terre et pria longtemps.

Quand elle se releva, sa figure intelligente respirait la décision d’un projet fermement arrêté. Son bel œil noir rayonnait sous l’arc finement recourbé de ses sourcils d’ébène, et sur sa petite bouche aux lèvres purpurines passait et repassait un sourire à la fois espiègle et rêveur.

Bien que j’aie déjà dit que le visage de Mlle de Rochebrune annonçât beaucoup d’énergie, les dames de nos jours, qui ne savent, pour la plupart, que penser à leur toilette et parler chiffons ou dentelles, se récrieront peut-être sur les idées martiales de mon héroïne. Permettez-moi, mesdames, de vous rappeler, si vous vous plaisez à l’oublier, que vos mères furent des femmes fortes, qui savaient aussi bien charger et tirer un mousquet, que vous promener vos doigts effilés sur les touches d’ivoire d’un piano ou suivre les capricieuses arabesques de vos broderies. Souvenez-vous que dans ces temps chevaleresques, où le cri de guerre des Iroquois venait réveiller leurs enfants au berceau, les Canadiennes ne craignaient pas, pour défendre leurs fils, de faire le coup de feu avec les maraudeurs indiens. Ne riez pas, car si les exemples de Jeanne d’Arc et de Jeanne Hachette vous paraissent d’une époque et d’un pays trop lointains, sachez que nous eûmes aussi des femmes héroïques, dont les noms figurent avec honneur dans les plus belles pages de notre histoire. Apprenez à vénérer les noms de Mme de Verchères et de sa fille, comme en France on bénit celui de la vierge de Domrémy et de l’héroïne du siège de Beauvais. La vie n’est pas toujours rose, et ce n’est pas sans cesse la saison des bals. Demandez-le plutôt à vos pauvres sœurs de France, qui n’ont entendu, depuis une année, que le fracas des armes et les cris de leurs fiancés ou de leurs époux mourants. Et si le tumulte des batailles laisse arriver leurs voix jusqu’à vous, vous les entendrez vous dire que lorsque le soldat est broyé par la fatigue des combats, abattu par les revers, il a besoin que la bouche d’une femme lui souffle le courage au cœur. Elles vous diront que lorsque la patrie verse des larmes de sang, c’est à la femme forte de les étancher. Apprenez-le donc à vos filles, ce noble nom de Verchères, et le soir, à la veillée, racontez-leur les beaux souvenirs qu’il rappelle, afin que si, par malheur, un jour leurs frères tombaient sanglants sur un champ de bataille, nos sœurs ne craignissent pas d’affronter les balles pour panser de nobles blessures et arrêter l’effusion du plus pur sang de la patrie.

Bercée dans son enfance au récit des légendes des grands jours de la Nouvelle-France, imprégnée des idées généreuses communes à sa race et à son temps, Berthe avait conçu le projet de prévenir les siens du danger qui les menaçait. D’ailleurs, l’état nerveux dans lequel l’avait laissée la maladie, avait fait naître en elle cette résolution avec une spontanéité qui est la force des grandes entreprises.

On avait permis à Mlle de Rochebrune de se promener sur le pont du vaisseau quand il lui plaisait de le faire : et, comme l’air de distinction répandu par toute sa personne en imposait aux matelots comme aux officiers, elle avait pu, jusque là, se livrer sans crainte au seul exercice qu’il lui fût possible de prendre. Dès qu’elle paraissait, on prenait soin de s’écarter de son passage, afin de ne point l’effaroucher et de ne gêner en rien ses mouvements.

Elle se hâta de monter sur le pont.

Il pouvait être six heures du soir. Tout était en mouvement sur le tillac. Ici, l’on défonçait des quarts de cartouches que l’on distribuait largement ; là, on éventrait des caisses remplies d’armes. Les soldats nettoyaient leur fusil ou fourbissaient leur baïonnette, tandis que les officiers, groupés à l’écart, semblaient préoccupés des sujets les plus graves, s’il en fallait juger par leurs froncements de sourcils, leur air méditatif ainsi que les paroles rares et brèves qu’ils échangeaient.

De leur côté, les marins ne perdaient pas leur temps. Disséminés sur les embarcations plus légères qui entouraient les navires comme une flottille de canots, les matelots y faisaient tous les préparatifs d’une expédition prochaine. Ici, les uns poussaient, à l’aide de maillets et de coins de fer, de l’étoupe dans les fissures des bordages. Plus loin, d’autres assujétissaient de nouveau tolets dans le plat-bord des barges. Partout, l’on entourait de linge l’estrope des avirons[4] pour en amortir les gémissements.

Quoique chacun apportât la plus grande ardeur à tous ces travaux, Berthe vit bien que le transbordement des troupes des vaisseaux dans les chaloupes ne s’effectuerait pas avant quelques heures, et que l’on attendrait probablement la venue de la nuit pour le moment du départ.

Aussi redescendit-elle dans la cabine. Son souper l’y attendait. Elle mangea d’appétit, mais vite, en personne préoccupée ou pressée.

Elle entendit à côté les mêmes voix qu’elle avait écoutées durant l’après-midi. Messieurs les officiers se mirent à table. Berthe prêta l’oreille et ne saisit guère autre chose que ce que la conversation précédente lui avait déjà révélée ; à cette exception près, pourtant, qu’elle s’assura que les troupes devaient passer sur les chaloupes aussitôt que l’obscurité serait suffisante pour qu’on ne pût s’en apercevoir de terre. Alors elle resta dans une attitude d’attente rêveuse, la fossette de son menton appuyée sur les doigts effilés de sa main droite dont l’avant-bras se retenait gracieusement arc-bouté sur le genou.

Les officiers se levèrent de table dans la chambre du capitaine. Berthe ne parut y faire aucune attention et ne se dérangea point. Seulement, quelques instants après qu’ils furent remontés sur le pont, elle se leva et regarda par l’étroite fenêtre de sa cabine.

Le disque embrasé du soleil allait disparaître derrière la cime boisée du Cap-Rouge, et ses rayons de flamme semblaient envoyer un baiser d’adieu au Saint-Laurent, avant la fin du jour. Peu à peu il redescendit les hauteurs de la rive nord, derrière laquelle il disparut enfin après avoir étreint la tête chevelue des arbres dans une dernière caresse.

Les ténèbres qui s’épandaient petit à petit sur les flots envahirent aussi la cabine. Mais Berthe ne remua pas. Elle regardait les barges qui se groupaient autour de la frégate, comme les poussins d’une poule autour de leur mère. L’une après l’autre, ces embarcations approchaient de l’échelle du navire qui versait des flots d’hommes armés dans chacune d’elles.

Quand la dernière fut remplie, les grandes ailes de la nuit planaient depuis longtemps sur les ondes du Saint-Laurent. Mais ceux qui restaient sur les vaisseaux anglais purent voir une agitation singulière troubler la calme surface de l’eau. On aurait dit, à la faveur de l’obscurité, qu’une myriade de monstres marins venaient de surgir des profondeurs du fleuve, et glissaient silencieusement sur les eaux brunes en les effleurant de leurs longues et grêles nageoires.

Ce qui ajoutait encore à l’illusion, c’est que pas un cri, pas un son ne montait au-dessus de la mouvante flottille. Les mesures étaient sévères contre ceux qui auraient osé enfreindre l’ordre de silence absolu, et les rames enveloppées de linge allaient et revenaient sans bruit sur le plat-bord des embarcations.

Quand elle eut vu la dernière barge s’enfoncer dans la brume et disparaître comme un requin qui rentre dans la mer après avoir un instant respiré à la surface, Berthe monta sur le pont.

Elle eut soin, toutefois, de vêtir auparavant une mante de couleur sombre que le docteur lui avait procurée pour ses promenades du soir sur le pont, et qui provenait du butin enlevé aux Français à Deschambault.

Le pont était presque désert. Fatigués de leurs travaux du jour, les matelots étaient allés en grande partie dans l’entrepont rejoindre leurs hamacs. Quant aux troupes, elles avaient déserté les vaisseaux et descendaient en ce moment vers le Foulon avec le courant du fleuve. En sorte qu’il restait à peine quelques hommes sur le tillac avec le matelot de quart.

Berthe se mit à marcher lentement à tribord du côté de l’échelle qui pendait sur le flanc du navire et descendait jusqu’à l’eau.

Les matelots ne prêtèrent qu’une attention distraite à son arrivée, tant ils étaient accoutumés de la voir se promener ainsi chaque soir.

Au bout d’une demi-heure, ils secouèrent au-dessus de l’eau les cendres chaudes de leurs pipes et disparurent l’un après l’autre par les écoutilles. Berthe continua sa promenade, s’arrêtant parfois et jetant un long regard sur la rive gauche du côté de laquelle elle se trouvait.

Appuyé sur le bastingage opposé, à bâbord, le matelot de quart lui tournait le dos et regardait vers le haut du fleuve où l’on entrevoyait à quelques arpents les sombres masses des vaisseaux de l’escadre qui bloquait le Saint-Laurent.

On se rappelle que les Anglais avaient été avertis qu’un convoi de bateaux français, chargés de vivres, devait tenter de forcer le passage pour descendre durant la nuit à la capitale. Or, le vaisseau sur lequel se trouvait Berthe étant ancré plus bas que tous les autres, le capitaine avait jugé inutile d’obliger son équipage à passer la nuit sur pied pour attendre le convoi, vu qu’on veillait, sur le gros de la flotte mouillée plus haut, à guetter les barges françaises. Seulement, le matelot de quart avait ordre de diriger toute son attention vers l’escadre afin de donner l’alerte, dans le cas où quelque chaloupe réussirait à forcer le blocus.

Cela favorisait, on ne peut mieux, Berthe dans ses desseins, le matelot ne s’inquiétant pas plus d’elle que si elle n’eût pas existé. Que pouvait-il craindre en effet d’une jeune fille frêle et convalescente, venue un instant sur le pont pour respirer la fraîcheur du soir ? D’ailleurs, son attention était éveillée par la lumière de plusieurs falots qu’il venait de voir briller simultanément sur le vaisseau amiral.

Berthe s’assit sur une courbe qui rattachait le bastingage au pont et près de l’ouverture pratiquée au-dessus de l’échelle. Durant quelques secondes elle ne bougea pas : puis voyant que le matelot de quart lui tournait toujours le dos, elle sortit sa tête hors de l’ouverture du bastingage et regarda en bas. Ses yeux, habitués à l’obscurité, distinguèrent les formes sveltes d’une légère chaloupe qui se berçait le long du navire et au pied de l’échelle. Lentement sa tête se releva pour épier le matelot. Il n’avait point bougé.

Berthe fit le signe de la croix, murmura une courte prière et se glissa sur les genoux vers l’ouverture. Son œil interrogea une dernière fois le matelot de quart qui semblait de bronze et rivé au pont du vaisseau.

Les pieds tremblants de la jeune fille rencontrèrent le second échelon, puis le troisième et le quatrième, tandis que ses mains se retenaient au premier, puis au deuxième.

Un instant encore, elle s’arrêta, d’abord pour vaincre la peur qu’elle éprouvait de se voir ainsi suspendue au-dessus de l’eau et qui communiquait une trépidation nerveuse à ses jambes, ensuite pour s’assurer que tout était tranquille sur le pont.

Un puissant effort de volonté lui fit maîtriser son émotion, et elle continua de descendre doucement, bien doucement, en ayant soin de poser fermement le pied sur chacun des échelons.

Enfin, elle toucha l’un des bancs de la chaloupe dans laquelle elle se laissa glisser en poussant un grand soupir de satisfaction. Sans perdre de temps, elle prit son mouchoir de poche, dont elle entoura l’estrope d’une rame, se servant, pour l’y assujétir, de quelques bouts de fine corde qu’elle avait apportés à dessein de sa cabine. L’idée lui en était venue durant l’après-midi en voyant les matelots arrimer ainsi leurs avirons pour en étouffer les plaintes sur le plat-bord.

Avec les plus grandes précautions, pour éviter de se trahir par le moindre bruit, elle poussa cette rame dans l’entaille arrondie pratiquée à l’arrière du canot. Puis elle revint à l’avant et délia, non sans peine, la corde attachée à l’un des barreaux de l’échelle.

À peine démarrée, la chaloupe se mit à glisser le long de la frégate avec le baissant. Berthe revint promptement à l’arrière, et saisissant à deux mains le manche de la rame arrêtée par la rainure sur l’arrière de l’embarcation, elle se mit à balancer hardiment de droite et de gauche son aviron, dont le plat faisait ainsi dans l’eau un demi-tour à chaque oscillation et poussait la chaloupe en avant.

Si l’on est surpris de voir la demoiselle de Rochebrune apte à godiller — genre d’exercice fort peu en usage dans les couvents et les salons — qu’on veuille se rappeler que Berthe avait passé plus d’un an chez Lavigueur après la mort de son père. On sait que chez les pauvres gens les filles et les garçons s’élèvent ensemble et prennent part aux mêmes jeux, jusqu’à un certain âge du moins. Or, le fils aîné de Lavigueur, alors âgé de douze ans, n’avait pas de plus grand plaisir que d’amener ses sœurs et Berthe du côté de la rivière Saint-Charles, où maintes chaloupes se chauffaient paresseusement sur la rive, au soleil, en attendant qu’on voulût bien s’en servir. Maître Jean, junior, en connaissait une surtout qui avait toute sa prédilection. C’était une fine embarcation, légère à la rame et coupant la vague comme un saumon. Garçons et filles, tous tirant ou poussant, la traînaient jusqu’à l’eau. Le joyeux équipage s’embarquait sous l’œil hardi du capitaine Jean, qui, après avoir fait prudemment asseoir les fillettes, dont le voisinage immédiat de l’eau calmait d’ailleurs aussitôt les ébats, se campait fièrement à l’arrière de la chaloupe et godillait à plein bras comme un vieux marin. Berthe, que cet exercice amusait beaucoup, demandait souvent à Jean d’essayer la godille. Celui-ci avait toujours une condescendance respectueuse pour la petite demoiselle. Volontiers il la laissait faire et lui montrait comment il fallait se servir de la rame. En sorte qu’au bout du premier été qu’elle passa chez Lavigueur, Berthe savait godiller comme un mousse de deuxième année.

Elle s’en était rappelé depuis qu’elle était prisonnière sur la frégate anglaise, en voyant les matelots diriger les chaloupes, et avait bien compté mettre son expérience nautique à profit pour s’évader.

Comme c’était le reflux et que la frégate était seulement ancrée à l’avant, elle avait évité et offrait la proue au courant du fleuve. De sorte que le vaisseau présentait le flanc de tribord à la rive gauche vers laquelle Berthe désirait atterrer, et que le matelot de quart qui regardait, appuyé sur le bastingage de bâbord, vers le haut du fleuve, ne pouvait apercevoir la chaloupe que le baissant poussait du côté de la ville.

Dirigée par la rame que la jeune fille maniait avec habileté, sinon avec beaucoup de vigueur, l’embarcation, après avoir suivi d’abord le sillage du vaisseau, finit par obliquer à gauche.

Dès que la chaloupe fut hors des eaux de la frégate, Berthe ressentit un frisson d’épouvante. Si le matelot allait se retourner et voir la fugitive, on la rejoindrait en peu de temps. Car le grand canot était amarré à l’arrière du navire et se balançait dans l’ombre sur l’eau brunie.

Cette pensée donna un surcroît de vigueur à Mlle de Rochebrune. Ses petites mains crispées autour de la rame, tandis que les muscles de ses beaux bras ronds, fortement tendus par cet exercice violent et inusité, saillissaient sous l’enveloppe satinée de ses poignets nus, elle tourmentait sans relâche l’eau du plat de son aviron. Aussi, tout en suivant le courant, la chaloupe gagnait terre d’une manière sensible.

Berthe vit les lignes de la lourde silhouette du vaisseau s’effacer peu à peu dans la brume, pendant que les grands mâts semblaient s’évanouir dans l’air obscur. Elle respira plus librement ; et pourtant, la lassitude gagnait déjà ses faibles bras. Ses mains serraient avec moins de force le manche de la rame dont les oscillations de droite et de gauche se ralentissaient de plus en plus.

Elle sentit que ses forces la trahiraient bientôt si elle n’avait pas soin de les ménager en ramant moins vite. Elle s’éloignait visiblement du vaisseau, qui ne lui semblait plus maintenant qu’une masse indécise sur le fond noir du fleuve et des falaises de la rive sud confondus par la nuit. Le danger d’être surprise et arrêtée n’était donc plus assez imminent pour qu’elle s’épuisât tout d’un coup. Elle cessa donc de serrer aussi fortement sa rame en lui imprimant une impulsion moins rapide.

La distance à parcourir était cependant assez grande, vu que la frégate était mouillée à quinze arpents de la rive nord. La moitié en était bien franchie, mais c’était la plus courte, vu que Berthe l’avait dévorée dans le premier moment de l’exaltation et dans toute la plénitude de ses forces, qui baissaient maintenant. Un autre inconvénient surgissait. Déshabituées de ce rude travail, les mains délicates de Berthe se meurtrissaient sur le bois de la rame et de grosses ampoules gonflaient déjà l’épiderme de ses doigts endoloris. Chaque pression des mains lui causait de cuisantes douleurs.

Son courage ne se démentit pourtant pas un instant et elle continua de ramer vers terre, bien que ses doigts écorchés saignassent sur la rame.

Enfin, la masse sombre de la falaise se dessina plus nettement, la cime et la base du cap prirent des contours plus arrêtés, et Berthe entendit à une courte distance en avant, le bruit que faisait l’eau de la rivière du Cap-Rouge en se jetant dans le fleuve.

La jeune fille pensa d’abord qu’elle pourrait faire entrer la chaloupe dans la rivière. Mais cette espérance fut de bien courte durée. Car à peine l’embarcation eut-elle atteint l’embouchure du cours d’eau que le courant la saisit en travers, la fit tournoyer deux ou trois fois et finit par la jeter sur la grève où elle échoua.

Berthe n’avait pu retenir une exclamation de terreur en voyant tourner ainsi la chaloupe, d’autant plus que sa rame lui avait été arrachée des mains.

— Qui va-là ! s’écria-t-on de terre à une petite distance.

— Une Française prisonnière des Anglais et qui vient de leur échapper.

— On va voir ça, la belle, repartit la voix du rivage. Mais pour le moment ne bougez pas, ma mignonne ; car si vous nous tendiez un piège, on vous enverrait du plomb sous l’aile.

Trois hommes sortirent d’un bouquet de broussailles dont les branches craquèrent sous leurs pas. Berthe put voir que leurs fusils la couchaient en joue. Elle ne remua pas. Des trois hommes, deux s’arrêtèrent à vingt pas de la chaloupe, sur le bord de la grève, tandis que le troisième continuait d’avancer dans l’eau vers l’embarcation.

Il s’en approcha à petits pas, comme s’il se fût attendu de recevoir une balle à l’improviste. Quand il toucha à la chaloupe, il la scruta du regard et aussitôt convaincu que la jeune fille y était bien seule :

— Pardon, excusez, mademoiselle, dit-il en ôtant son chapeau. Mais il est bon de se méfier de tout par le temps qui court, et les petites précautions ne sont pas à négliger. M’est-il permis de vous demander d’où vous venez ?

— De cette frégate anglaise qui est ancrée là-bas. J’y étais prisonnière depuis la fin de juin. Ce soir, profitant de l’inattention de mes gardiens, j’ai réussi à me sauver sur cette chaloupe.

— C’est bien fait, ça ! Vous allez venir à terre ?

— Oh ! oui, monsieur !

— Attendez, je vais vous porter à la grève, pour vous empêcher de vous mouiller les pieds.

Il saisit entre ses bras la jeune fille qu’il enleva comme un enfant.

— Merci, monsieur, dit Berthe quand il l’eut déposée sur le rivage.

Les deux autres hommes l’entourèrent avec curiosité. Mlle de Rochebrune ne se sentait pas bien à l’aise entre ces trois inconnus, sur une grève déserte et au milieu de la nuit. Mais elle n’en voulut rien laisser paraître, et s’adressant d’une voix ferme à celui qui l’avait amenée à terre :

— Vous êtes militaire ?

— Oui, et du régiment de Béarn.

— Y a-t-il dans les environs un poste où vous pourriez me conduire immédiatement ? J’aurais les révélations les plus importantes à faire à l’officier qui le commanderait.

— Notre compagnie, mademoiselle, est campée à une portée de fusil, là, sur les hauteurs. C’est le capitaine Taillefer qui la commande.

— Oh ! conduisez-moi vers lui, s’il vous plaît.

— Tout de suite ?

— Immédiatement.

— Impossible, mademoiselle. Il nous reste encore une heure de garde à faire, et nous avons ordre de ne pas bouger d’ici jusqu’à ce qu’on nous relève.

— Mon Dieu ! j’arriverai trop tard ! Les Anglais auront le temps de débarquer au Foulon !

— Hein ! que dites-vous ? s’écrièrent à la fois les trois hommes.

— Avez-vous vu, il y a deux heures à peu près, cette flottille de chaloupes qui a dû passer tout près d’ici et qui descendait le fleuve ?

— Oui, mademoiselle, c’est le convoi de vivres que nous attendions.

— Un convoi de vivres ! s’écria Berthe. Ces embarcations étaient chargées de troupes anglaises !

— Mais tonnerre ! les gens qui les montaient nous ont jeté le mot de passe !

— C’est qu’un des nôtres nous a trahis, et le leur a donné.

— Sacre… excusez, mademoiselle — Que satan l’étrangle celui-là !

Les deux autres soldats mâchonnèrent aussi chacun leur juron.

— Nous voilà avec une belle affaire sur le dos, dit l’un d’entre eux.

— Mais enfin, est-ce notre faute à nous ? reprit un autre. On nous dit de laisser passer un convoi en nous apprenant le mot d’ordre qu’il doit donner. Le convoi arrive : on nous crie ce maudit mot. Nous laissons descendre en paix les chaloupes. Eh ! que diable ! étions-nous pour tirer sur des gens qui répondaient exactement comme ceux que nous attendions ?

— C’est vrai, ça.

— Pardié, oui !

— Mon Dieu ! s’écria Berthe impatientée de tous ces retards, ils vont avoir le temps de débarquer et de surprendre les nôtres ! Je vous en prie, messieurs, que l’un de vous prenne sur lui de me conduire au poste, et je lui promets qu’il ne lui sera rien fait.

— C’est bien bon à dire, mademoiselle. Mais on nous a défendu de bouger d’ici sous peine de mort. Et le capitaine Taillefer, qui ne badine pas sur le chapitre de la discipline, est homme à tenir sa parole.

Mlle de Rochebrune eut un moment l’idée de se rendre seule au poste. Mais la nuit était si noire et l’endroit si nouveau pour elle, le souvenir de l’embuscade dont elle avait été victime, près de l’intendance, lui revenait si vif à la mémoire, qu’elle ne put parvenir à vaincre la peur qui la dominait. Pourtant, la pensée qu’elle aurait peut-être pu réussir à prévenir la descente des Anglais en avertissant les siens à temps, l’oppressa affreusement, et, sentant son impuissance, elle se tordit les bras et poussa une exclamation sourde.

— Écoutez, mademoiselle, dit l’un des soldats en consultant quelques rares étoiles. Il est minuit passé. On nous relève à une heure. Vous n’attendrez donc pas longtemps.

— Mais songez donc que chaque minute de retard assure notre perte !

— Que voulez-vous qu’on y fasse ? Essayez d’aller seule au poste.

— Oh ! j’ai trop peur !

— Eh bien ! alors, venez vous asseoir avec nous, derrière ces talles d’aunes, en attendant la ronde.

Berthe vit bien que c’était le seul parti à prendre. Et partagée entre la crainte de se trouver seule avec des inconnus et la douleur de ne pouvoir donner l’alarme à ses compatriotes, elle suivit les soldats qui rentrèrent dans le fourré.

Ils s’assirent sur un arbre renversé. Berthe se blottit à l’écart en grelottant ; car les nuits sont fraîches au milieu de septembre, et l’humidité saisissait d’autant plus Mlle de Rochebrune que le violent exercice auquel elle s’était livrée, en ramant, l’avait beaucoup échauffée.

On sait combien sont longues les heures de nos Canadiens, lorsqu’ils n’ont pour se régler que le soleil ou les étoiles. Il en est de même sur la marche. Quand ils vous disent que vous n’avez plus qu’une petite lieue de chemin à faire, si vous vous sentez de la lassitude aux jambes, prenez votre mal en patience ; ce diminutif de lieue s’allonge tellement qu’en définitive il en forme deux.

On concevra donc les tourments de Mlle de Rochebrune. qui dut frissonner pendant une heure et demie sous les froids baisers de la rosée. Car, outre qu’il n’était pas encore minuit quand le soldat avait consulté les astres, la ronde était bien en retard d’un quart-d’heure, lorsqu’enfin des pas lourds et cadencés qui venaient de la hauteur firent crier les cailloux du sentier.

Les arrivants répondirent au qui-vive et, quelques instants plus tard, Berthe, aidée de l’un des factionnaires remplacés, gravissait la falaise du Cap-Rouge. La difficulté de la montée lui fit du bien ; car elle était transie lorsqu’elle s’était remise en marche, et maintenant une chaleur agréable circulait par tout son être.

Enfin, l’on mit pied sur le plateau et l’on aperçut à quelque distance les feux d’un bivouac.

Une cinquantaine d’hommes étaient campés au bord du chemin du roi. On ne voyait que deux petites tentes dont les cônes de toile blanche étaient argentés par la lueur des feux autour desquels dormaient les soldats.

— Il faut éveiller le capitaine, dit le guide de Berthe en poussant du pied un troupier d’ordonnance couché en travers de la première tente.

Celui-ci grommela un juron entre deux ronflements et se retourna de l’autre côté pour se rendormir.

— Allons ! allons ! flandrin !

Et le coup de pied, plus accentué cette fois, se répéta.

— Que le diable t’emporte ! s’écria le dormeur en se mettant sur son séant, Qu’est-ce que tu veux ?

— Il faut que cette demoiselle parle au capitaine. Il s’agit de choses graves.

— Va te coucher avec tes choses graves ! Le capitaine, qui vient de s’endormir avec six lieues de chemin dans les jambes, sera de bonne humeur si je l’éveille !

Berthe frémissait d’impatience.

— Écoutez, s’écria-t-elle, d’une voix vibrante. Les Anglais sont peut-être, à l’heure qu’il est, maîtres du Foulon et des Plaines-d’Abraham !

— Quoi ! s’écria-t-on à l’intérieur de la tente.

Éveillé par l’altercation des deux soldats, le capitaine avait entendu les dernières paroles de Berthe.

Il sortit de la tente dans un costume assez débraillé. Dès qu’il aperçut Mlle de Rochebrune :

— Que dites-vous, mademoiselle ? Les Anglais sont maîtres des plaines !

— Peut-être, monsieur.

Et sans transition, Berthe raconta, en l’abrégeant, son évasion et ce qu’elle savait du plan des Anglais. Si court que fût son récit, il était passé deux heures lorsqu’elle eut donné les derniers renseignements que le capitaine lui demanda.

— Que faire ? s’écria l’officier quand elle eut fini.

— Agir ! agir ! dit Berthe impérieusement.

— Mais encore ?

— Envoyez un courrier à M. de Montcalm.

— Un courrier ! nous n’avons pas de chevaux et nous sommes à plus de quatre lieues du quartier général du camp de Beauport. Il fera grand jour avant qu’un homme à pied ne s’y rende ! Tonnerre !

— Oh ! la fatalité s’en mêle, murmura Berthe.

En ce moment, on entendit le bruit cadencé du galop de plusieurs chevaux. Dans un clin-d’œil tout le poste fut sur pied, l’arme au bras.

— Qui-vive ! crièrent les sentinelles.

— Ronde de nuit ! la Roche-Beaucourt ! répondit le premier des cavaliers en arrêtant sa monture à trente pas.

— Avancez.

Le cheval du second cavalier était encore à vingt pieds du bivouac, lorsqu’un grand cri de femme se fit entendre.

— Mon Dieu ! Raoul !

— Berthe !

Ces deux exclamations se croisèrent et l’on vit un jeune officier se dresser debout sur ses étriers et sauter comme un daim au milieu des soldats ébahis.

Suivit un instant de silence pendant lequel Beaulac retint entre ses bras tremblants sa bien-aimée Berthe qui chancelait sous le poids d’un bonheur trop subit.

Mais rougissant de voir tant de regards curieux concentrés sur elle, Berthe s’arracha des bras de son fiancé et se retira quelque peu à l’écart.

Raoul la suivit.

— Vous arrivez à temps, disait le capitaine Taillefer à M. de la Roche-Beaucourt.

— Comment cela ?

— Figurez-vous que les Anglais ont formé le plan de prendre position sur les plaines en forçant le passage du Foulon, dont ils sont peut-être maîtres à l’heure qu’il est.

— Hein !

— C’est cette demoiselle, où cette dame, que M. de Beaulac paraît si bien connaître, qui vient de m’en informer. Elle était retenue prisonnière sur un vaisseau de la flotte anglaise, quand, ce soir, elle a réussi à s’échapper. Or avant de s’évader, elle a surpris une conversation entre les officiers du bord. Figurez-vous que ces damnés Anglais ont appris d’un traître infâme que nous attendions cette nuit un convoi de vivres et quel était le mot de passe convenu entre nous pour le laisser passer. Saisissant l’occasion au vol, ils ont chargé de troupes leurs chaloupes que les nôtres ont prises pour celles que nous attendions, vu qu’on leur a crié le mot de passe en bon français. De sorte que les Anglais sont descendus jusqu’au Foulon sans obstacles.

— Mille tonnerres !

— Comme ces barges ont passé vis-à-vis d’ici vers onze heures, les troupes qui les montaient doivent être maintenant débarquées au Foulon.

— Sacrebleu ! et M. de Montcalm qui, paraît-il, a rappelé au camp de Beauport le bataillon qu’il avait consenti, avant-hier, à envoyer sur les hauteurs de Québec ![5] Les plaines vont se trouver sans défense, si Vergor n’oppose pas une résistance vigoureuse en attendant qu’on lui envoie du secours. Mordieu !

— N’êtes-vous pas d’avis qu’il faut prévenir immédiatement M. de Montcalm ?

— Mais certainement !

— Nous n’avons pas de chevaux.

— Et les miens donc ? Holà… Beaulac !

En s’entendant appeler par son chef, Raoul coupa court au doux entretien qu’il avait depuis une minute avec sa Berthe chérie.

— Qu’y a-t-il à votre service, mon commandant ? dit-il en s’approchant de la Roche-Beaucourt.

— Vous allez remonter à cheval et courir à franc-étrier au camp de Beauport. Demandez le général et dites-lui que l’ennemi menace le Foulon. Lavigueur vous suivra. Moi, je vais aller prévenir les hommes de ma compagnie. Dites à M. de Montcalm que j’accours et que je lui amène tous les renforts que je pense trouver sur mon chemin. Allons, Taillefer, en route, vous aussi.

— Pardon, mon commandant, dit Raoul. Mais que va devenir Mlle de Rochebrune ? Je ne puis la laisser seule ici.

— Diable !… Prenez-la en croupe avec vous. Elle ne pèse pas assez pour fatiguer beaucoup plus votre cheval.

— Oh ! merci, monsieur !

— Bien ! bien ! en selle. Ah ! dites-donc, Beaulac ?

— Monsieur ?

— Dans le cas où l’ennemi serait maître des Plaines-d’Abraham, passez par le chemin de Sainte-Foye, afin de ne pas être arrêté.

— Oui, commandant.

M. de la Roche-Beaucourt, qui n’était pas descendu de cheval, tourna bride et partit à fond de train dans la direction de la Pointe-aux-Trembles.

Tandis que les soldats du capitaine Taillefer repliaient les tentes ou rebouclaient leurs sacs pour se mettre en marche, les deux autres chevaux prenaient au grand galop le chemin de la ville. Beaulac et Berthe montaient le premier. Lavigueur suivait sur le second. Le brave Canadien était si content de revoir sa petite demoiselle, qu’il essuyait du revers de la main, tout en galopant, une larme de joie qui voulait obstinément quitter ses yeux attendris par la charmante vision qui s’offrait à eux dans l’ombre.

Ravissant, en effet, était l’aspect présenté par le charmant groupe que formaient Beaulac et Mlle de Rochebrune.

Ferme en selle comme un bronze, Raoul guidait son coursier de la main droite, tandis que son bras gauche, passé autour de la ceinture de sa fiancée, maintenait la jeune fille en croupe. La fine taille de Berthe, souple comme une liane, se cambrait sur le bras nerveux de son amant. Enivrée par cette course vertigineuse, la tête inclinée vers l’épaule de Raoul et les yeux à demi fermés, Berthe contemplait son fiancé dans une muette extase.

Et sous eux, comme il bondissait le vaillant coursier noir ! Sa longue crinière au vent, et mordant avec rage le frein couvert d’écume, il allait dans la nuit sombre rapide comme la tempête, frappant sans relâche de ses sabots ferrés les pierres de la route, d’où jaillissaient des étincelles.

Derrière eux fuyaient les grands arbres, comme les soldats d’une armée de géants en déroute ; tandis que le galop furieux des chevaux allait réveiller les échos endormis dans les profondeurs du bois qui bordait les deux côtés du chemin, et roulait continu sous les sonores arceaux de feuillage, comme les grondements lointains du canon.

Ils coururent ainsi longtemps, sans dire un mot. Tout entiers à leur félicité, ils en savouraient intimement les douceurs, semblant craindre d’élever la voix de peur que le seul souffle de leurs paroles ne la fit envoler.

La nuit cependant paraissait fuir derrière eux avec le chemin dévoré. Car le ciel blanchissait graduellement du côté où ils allaient. Déjà même l’horizon se parait à l’orient d’un ruban argenté qui se transformait peu à peu en large écharpe d’or à mesure que la clarté du jour envahissait le ciel.

Raoul regardait Berthe. Qu’elle était belle si près de lui ! Sa tête fatiguée s’appuyait maintenant tout à fait sur l’épaule de son ami. Ses beaux yeux bruns se miraient dans ceux de Raoul et sur ses lèvres empourprées frissonnait un céleste sourire, pendant que les flots épais de sa chevelure noire flottaient au vent du matin qui la soulevait en tresses onduleuses pour la caresser avec plus d’amour.

La tête de Raoul finit par s’incliner aussi, et quand ses lèvres furent à la hauteur du front de sa bien-aimée, elles s’y posèrent éperdues sur une boucle folâtre qui serpentait sur la tempe où courait un petit réseau de jolies veines bleues.

Raoul sentit frémir sur son bras le cœur de sa fiancée.

Il releva la tête, et baignant de nouveau son regard dans l’œil limpide de la jeune fille :

— Berthe, dit-il, il me semble qu’à présent je pourrais mourir.

— Oh ! ne parlez pas ainsi, Raoul ! Ces paroles répondent trop à la pensée douloureuse qui vient de me mordre au cœur. Je me disais que notre bonheur étant trop grand pour durer, de nouveaux malheurs allaient fondre sur nous.

— Allons ! allons ! enfant. Trêve de ces idées sombres. Nous avons assez souffert, il me semble. L’avenir est à nous.

— L’avenir, Raoul, l’avenir n’appartient qu’à Dieu.

Sous le coup de ces pensées funestes que le malheur jaloux jetait entre eux pour les arracher de l’extase dans laquelle ils étaient ravis, les pauvres enfants se turent et continuèrent à chevaucher quelque temps en silence.

Mais l’insouciance inhérente à leur âge et la joie de se revoir après une aussi longue séparation, leur fit bientôt reprendre leur amoureux babil.

Beaulac l’en ayant priée, Mlle de Rochebrune lui fit le récit de ses aventures. Puis la conversation devint plus intime. Ils se parlèrent longtemps bien bas, tout bas, car la bouche de Raoul était si près de la fine oreille de Berthe que la jeune fille sentait l’haleine de son amant flatter les contours de sa joue veloutée. Leurs regards, où se lisaient tous les sentiments de leur âme, accompagnaient ce duo plus charmant encore que les harmonieuses roulades que les oisillons perlaient à la cime des arbres, sur le passage des deux amants, en lustrant leurs plumes avec les goutelettes de rosée tombées sur le bord de leurs nids.

Les chevaux couraient toujours, et sous leurs pieds nerveux, la terre du chemin fuyait grise et rayée.

Comme ils arrivaient au Belvédère, sur le chemin de Sainte-Foye, Raoul et Lavigueur entendirent des coups de fusil qui crépitaient sur leur droite, dans la direction des Plaines ou du Foulon.

— Entends-tu, Jean ? s’écria Raoul.

— Oui, mon lieutenant, il y a déjà une demi-heure que ça dure.

En effet, Lavigueur, qui était moins préoccupé que les deux amants, entendait depuis quelque temps la fusillade.

— Mon Dieu ! dit Raoul, nous n’arriverons jamais à temps !

Il enfonça ses éperons dans les flancs de sa monture. Le noble animal bondit sous le coup, et son allure, effrénée pourtant, s’accrut encore. L’écume tigrait le poil lustré de ses flancs noirs comme l’aile du corbeau, et courait en veines blanches sur ses souples jarrets.

Raoul déboucha bientôt dans les champs, déserts alors, où s’élève aujourd’hui le faubourg Saint-Jean. Il jeta un regard à droite. Mais le terrain sur lequel il courait était trop bas pour qu’il pût voir ce qui se passait en arrière des hauteurs d’Abraham. Il n’aperçut, au-dessus des collines, que de légers flocons de fumée blanche, dont les taches ouatées ressortaient de la teinte rose dont l’aurore illuminait l’orient.

Quelques coups de fusil retentissaient encore, mais le bruit en allait s’affaiblissant à mesure que Beaulac approchait de la ville.

En quelques secondes, Raoul arriva près de la porte Saint-Jean.

— Qui-vive ! cria la sentinelle, dont la silhouette se découpait en noir sur le ciel au sommet du rempart.

— France.

— Quel régiment ?

— Compagnie de la Roche-Beaucourt. Estafette. Ouvrez vite, l’ennemi est au Foulon.

— Au Foulon !

— Vous n’en savez rien ! Mais, mordieu ! n’avez-vous point entendu la fusillade ?

— Oui, mais nous avons cru que c’était notre convoi de vivres que les Anglais attaquaient. Nous n’y pouvions rien.[6]

— Ouvrez ! pardieu ! ouvrez !

Avant que le factionnaire n’eût donné l’éveil au corps de garde et que les soldats du poste n’eussent ouvert la porte de ville, qu’on tenait barricadée, il s’écoula bien un quart-d’heure.

Beaulac s’en rongeait les poings. Lavigueur sacrait à s’en casser les dents.

Enfin, l’entrée fut libre.

Les chevaux s’enfoncèrent sous la poterne.

Il était passé quatre heures. Tout le monde dormait dans la ville.

— Donnez l’alarme ! cria Beaulac aux soldats.

Et sans plus s’arrêter, il lança son cheval au galop dans la rue Saint-Jean, tandis que les cris perçants des clairons qui sonnaient l’alarme éclataient derrière lui.

Arrivé au détour de la rue du Palais, il voulut passer outre, pour aller déposer Berthe chez Mlle Longpré, qui demeurait sur les remparts.

Mais Mlle de Rochebrune s’y opposa.

— Au revoir, Raoul, dit-elle en se laissant glisser à terre. Ne perdez pas une minute : la patrie avant tout. D’ailleurs, je ne suis qu’à deux pas de chez moi.

— Adieu donc, ma chère Berthe.

Et Beaulac, toujours suivi de Lavigueur, piqua des deux vers la porte du Palais.

Ah ! si l’infortuné jeune homme eût prévu de quelles larmes de sang il déplorerait, le soir même, d’avoir ainsi laissé sa fiancée seule au milieu de la rue déserte !

En deux secondes il atteignit la porte du Palais, où il pensa devenir fou d’impatience pendant les dix minutes qui s’écoulèrent avant qu’on la lui pût ouvrir. La même scène se renouvela au pied de la côte, en bas de la rue Saint-Nicolas, puis à la tête du pont de bateaux sur la rivière Saint-Charles.

De sorte qu’il était passé cinq heures quand Raoul, laissant le pont derrière lui, put enfin galoper librement sur le chemin de Beauport.

Partout sur son passage il jeta l’éveil.

Les troupes, qui avaient bivouaqué durant la nuit, allaient rentrer, sous les tentes.[7]

Enfin, lorsque les chevaux fumants de Beaulac et du Canadien s’arrêtèrent près de la maison[8] que le Général occupait à Beauport, il était six heures.[9]


  1. M. de la Roche-Beaucourt agissait maintenant sous les ordres du sieur de Bougainville, qui était venu le rejoindre vers le cinq août avec les grenadiers du régiment de Béarn, un piquet de celui de Languedoc et deux de milices.
  2. MM. Ferland et Dussieux écrivent Bourlamaque, et M. Garneau, Bourlarmaque. Qui a raison ? « Antiquaires, répondez ! » s’écrierait ici M. James Lemoine. »

    M. l’abbé Casgrain, que je consulte, me produit à l’instant un fac-simile de la signature de Bourlamaque, qu’il tient lui-même du Rév. P. Martin. Cette signature est conforme à l’orthographe que lui donnent MM. Dussieux et Ferland.

  3. Pour ces détails, voyez MM. Garneau et Ferland.
  4. Bien que le mot aviron désigne particulièrement en Canada la pagaie, ou petite rame dont se servent les sauvages et nos canotiers pour faire voguer leurs canots d’écorce et de bois, les écrivains français se servent indifféremment des expressions rames et aviron.
  5. Historiques. Voir l’œuvre de M. Garneau.
  6. « L’on entendit des coups de feu au-dessus de Québec ; dans la ville, on crut qu’un petit convoi de vivres qu’on faisait venir par eau avait été attaqué par les Anglais. »
  7. Historique.
  8. On peut voir encore cette maison, abandonnée maintenant, sur la terre de M. le colonel Gugy à Beauport.
  9. « M. de Montcalm reçut la nouvelle inattendue de ce débarquement, à six heures du matin. » M. Garneau.