L’invasion noire 1/2

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CHAPITRE II

Aux mines d’or d’Alougha. — Le Bôma du Sultan et sa garde. — Extraction des pépites. — Le roi des Monbouttous. — Les Niam-Niam. — Un allié inattendu. — Traître à son pays. — Un nouvel explosif. — Les Musulmans de l’Inde. — Visite au Trésor. — L’argent, roi du monde moderne. — Fusils de pacotille

C’était un merveilleux spectacle que celui des mines d’or d’Atougha, et l’Européen qui, après avoir parcouru en pleine forêt vierge des centaines de kilomètres, fût tombé sur ce chantier en pleine activité, en eût éprouvé une surprise intraduisible.

Affluent inconnu du Chari que remonta le voyageur allemand Nachtigal et qu’atteignirent, sans pouvoir le descendre jusqu’au bout, Crampel et Dybowski, le Bahar-Dari traverse du nord-est au sud-ouest des fourrés inextricables jusqu’au 18° degré de longitude est, puis, grossi de nombreux torrents descendus des monts Mangayat, il arrive aux chutes d’Atougha.

Il franchit là une barre de rochers de 90 pieds de hauteur et s’étale dans un lit de 300 mètres de large où il dépose sur un fond de sable bleuâtre, les innombrables pépites d’Or qu’il a entraînées avec lui.

De torrent rapide il devient une rivière au cours tranquille et sinueux s’étalant entre deux rives éternellement verdoyantes. C’est au pied de la grande cascade d’Atougha et jusqu’à 1.000 mètres environ en aval qu’étaient installés les chantiers nègres travaillant à l’affouillement du lit de la rivière et à l’extraction du précieux métal.

Là en effet devaient, par suite de leur propre poids, se trouver les pépites importantes que l’eau avait détachées des parois de quartz, de gypse et de mica qui resserraient son cours supérieur.

Sur la rive gauche, au sommet d’un escarpement situé à 200 mètres environ de la grande chute, et entouré de trois côtés par un des bras de la rivière, s’élevait le bôma du sultan.

C’était une enceinte ovale, palissadée, de 300 à 400 mètres de tour, renfermant environ cinquante cases en pisé recouvertes d’un toit conique en paille semblables à celles que Binger avait observées dans le pays de Kong ; elles étaient destinées à la garde particulière du khalife, à ces Soudanais géants recrutés un peu partout, serviteurs dévoués aveuglément au sultan et capables de tout tenter sur un signe de lui.

Ils habitaient le « bôma » à raison d’une vingtaine par case ; mais ils avaient à l’extérieur de l’enceinte fortifiée sur la lisière du bois d’autres demeures en paille occupées par leurs femmes et leurs enfants, et où ils pouvaient séjourner quand ils n’étaient pas de garde auprès du maître.

L’ensemble de ces habitations très pittoresques au milieu du feuillage des bananiers et des Spathodea, l’un des plus imposants représentants de la flore africaine, formait un gros village où les enfants abondaient, chacun des guerriers de la garde ayant en moyenne trois ou quatre épouses.

Au centre de ce village, sur une place plantée d’arbres, s’élevaient les cases de leur commandant et de leurs officiers au nombre de vingt ; à l’imitation des armées européennes, le fils du sultan avait divisé ces 1.000 soldats en quatre compagnies de 250 hommes et de 5 officiers chacune. Le commandant de ce bataillon d’élite, un nègre gigantesque nommé Selim, était dévoué corps et âme au sultan. Ayant une connaissance assez complète des principaux règlements militaires français, il avait instruit et discipliné sa troupe à la façon des contingents indigènes du Sénégal, et le fanatisme religieux aidant, il en avait fait un corps redoutable dans lequel le mot peur n’avait aucune signification.

Et sa satisfaction était grande depuis le massacre de la mission italienne, car avec les armes des blancs et celles des noirs déserteurs, il avait pu munir tous ses hommes, sans exception, de fusils perfectionnés.

C’étaient des fusils Vitali, à magasin mobile, contenant dix cartouches et au calibre de 6mm, 8.

Au centre du « bôma » se dressait une espèce de forteresse aux murs très épais et construite en briques. Un architecte d’Europe n’en eût pas désavoué le plan et le dispositif.

Elle avait été bâtie par des nègres dirigés par le fils même du khalife, qui avait utilisé là les connaissances pratiques acquises par lui en Europe.’

Elle possédait deux étages percés d’étoiles meurtrières et quatre tourelles en flanquaient les angles. Un fossé de 5 mètres de profondeur en interdisait l’approche.

Elle constituait le réduit de l’enceinte palissadée qu’elle dominait de 15 mètres, et en admettant qu’une mission euro péenne eût pénétré jusque-là, elle eût été arrêtée de longs jours devant cet obstacle inattendu.

L’artillerie seule eût pu en venir à bout.

Or, il eût été absolument impossible d’amener à une pareille distance des cotes une pièce, de si petit calibre qu’elle fût. C’est dans ce château fort que s’entassaient les richesses extraites du Bahr-Dari, et du sommet de la plate-forme qui le couronnait, le sultan pouvait embrasser d’un seul coup d’œil les quinze mille travailleurs occupés à leur extraction.

Une animation de fourmilière régnait dans la vallée. Sur le fond brillant de la rivière qui, sauf en son thalweg de la rive droite n’avait qu’une très faible profondeur, les corps des noirs se détachaient nombreux et pressés, divisés en ateliers de vingt hommes sous les ordres d’un « cheik ».

Chaque noir muni d’un de ces récipients en bois que les mineurs des placers californiens appellent batées, ou de sébiles ovoïdes taillées sur une corne de rhinocéros, la remplissait du sable extrait du lit de la rivière ou de la terre détachée de ses rives ; puis, exécutant rapidement une série de mouvements oscillatoires à droite et à gauche, en avant et en arrière, il inclinait l’appareil. L’eau entraînait avec elle les matières légères ; d’abord celles qu’elle tenait en suspension : sables, terres ou argiles ; puis, celles un peu plus lourdes : débris de pierres, petits cailloux, grains de quartz ou de silex, morceaux de roches désagrégées ; bientôt il ne restait plus au fond du récipient que les matières les plus lourdes : oxyde de fer noir, brillant, magnétique, c’est-à-dire attirable à l’aimant, et paillettes ou pépites d’or et de platine ; les premières d’un jaune Sombre, les secondes d’un blanc argentin un peu mat.

Avec un morceau d’aimant que chaque travailleur portait à sa ceinture dans une pochette de cuir, l’oxyde de fer était enlevé et rejeté..

Puis venait le triage de l’or et du platine.

Enfin, dans l’or lui-même, on extrayait les pépites, c’est-à-dire les morceaux de métal pur de la grosseur d’un pois au moins.

Elles se présentaient avec des formes bizarres et originales, à surfaces arrondies, usées par l’entraînement de l’eau ; Quelquefois la sébile ramenait du premier coup une pépite énorme, et il fallait voir la joie du noir à l’aspect de cette aubaine, dont aucune part cependant ne devait lui revenir.

Ce qui restait : paillettes, plaquettes, aiguilles, poussières, portait collectivement le nom de « poudre d’or », et sert d’ailleurs depuis longtemps de monnaie d’échange dans les nombreux États compris entre le Niger et la cote de Guinée.

Ce qui distinguait la mine d’or d’Atougha des mines découvertes en 1848 dans le Sacramento et les collines de Californie, c’étaient le nombre et le poids de ses pépites.

Il semblait qu’elle dût être inépuisable, et l’Italie était bien inspirée en cherchant à combler les énormes déficits de ses budgets successifs à l’aide de ce « placer » d’une richesse fantastique.

Le malheur voulut qu’il tombât entre les mains d’un homme décidé a retourner contre l’Europe cet or qui y soulevait tant de convoitises et d’appétits.

On aurait cherché en vain sur cet immense chantier les procédés employés par les peuples soi-disant civilisés pour exciter au travail leurs mercenaires ou leurs esclaves.

Les noirs savaient tous quel était le but poursuivi, quel était l’emploi de ce métal auquel jusqu’alors, comme d’ailleurs toutes les tribus du haut Nil Blanc, ils avaient préféré le cuivre, et le fanatisme chez eux activait le travail plus que les exhortations des chefs.

Convertis tout récemment à l’islamisme, ils avaient la ferveur des néophytes, et sachant gré a une religion qui avait chez eux supprimé l’esclavage, ils en observaient les pratiques avec une stricte rigidité.

Rien de plus touchant, de plus émouvant même, que leurs prières et leurs ablutions lorsque l’heure en était indiquée du sommet de la plate-forme du « bôma » par le « muezzin »[1] du sultan.

Quittant alors le lit de la rivière et regagnent les bords, ils se dirigeaient vers les marabouts descendus de la rive gauche, se prosternaient vers l’Orient, et les genoux dans le sable, répétaient les versets du Coran que récitaient à haute voix les prêtres de l’Islam.

Ils appartenaient à la tribu des Monbouttous, que les trafiquants d’ivoire de Khartoum appelaient Gourougourous, d’un mot arabe qui signifie « percé », qualification motivée par l’habitude qu’ils avaient toujours eue de se perforer la conque de l’oreille pour y insérer un bâtonnet[2].

Ils avaient été amenés à Atougha par leur roi Mounza, homme intelligent converti par le sultan lui-même à qui il avait donné l’hospitalité, lorsque, chassé de Constantinople, puis traqué en Égypte par les Anglais, il avait dû se réfugier dans la région du Bahr-el-Ghazal.’

Aussi existait-il entre le khalife et le roi des Monbouttous des relations étroites qui ne faisaient qu’accroître le dévouement de ce monarque à la cause musulmane, et comme il dominait sur une population évaluée par Schweinfurth à un million de sujets et qui en comprenait au moins le triple, comme il était de plus un des rares souverains d’Afrique entretenant une armée permanente, on comprendra pourquoi le sultan avait fait de ce peuple intelligent et belliqueux le noyau de l’armée qu’il se réservait avec son fils le soin de diriger lui-même.

Il en était de même des tribus des Niam-Niam qui bordaient au nord le royaume de Mounza.

Longtemps en Europe les nègres connus sous ce nom avaient passé pour avoir une queue comme les singes, et nombre de disciples de Darwin n’avaient pas manqué de les regarder comme des êtres transitoires tenant le milieu entre l’homme et le gorille.

Ils allaient faire rapidement justice de ces imputations en montrant aux peuples d’Europe qu’ils étaient conformés comme eux et savaient manier les fusils les plus perfectionnés, ce à quoi le singe n’arrivera jamais.

Leur roi Timbo avait été lui aussi un des premiers à écouter la lecture du Coran que lui avait faite l’iman du khalife, Si-Ahmer-ed-Din, et il avait entraîné tout son peuple dans sa conversion.

Non sans peine toutefois, car les Niam-Niam, peuple batailleur s’il en fût, avaient depuis les temps les plus reculés conservé la douce habitude de manger les prisonniers de guerre.

Le cannibalisme existait au même degré chez les Monbouttous. Mais telle était l’influence de leurs rois sur ces deux peuples, que cette sauvage et hideuse coutume avait presque disparu de leurs États en moins de deux ans.

Ce soir de novembre, quelques jours après le massacre de la mission italienne, le sultan arriva à son « tomba » où le roi Mounza commandait en son absence, et comme il venait de franchir le pont-levis à l’aide duquel on pénétrait dans son réduit, deux Soudanais entrèrent accompagnant un homme enchaîné portant le costume arabe.

Mais s’il avait le costume arabe il n’en avait pas le type : au premier abord et sans s’y méprendre, malgré son teint bronzé par le soleil des tropiques, on reconnaissait en lui un Européen.

Il avait les deux pieds reliés par une chaîne qui lui laissait la liberté de marcher, et ses poignets étaient réunis par des cordes en fibres d’élaïs.

Un des serviteurs du roi Mounza le suivait, porteur d’une large épée nue.

C’était Mazimbé, le bourreau du roi des Monbouttous.

— Qu’est-ce ? fit le sultan s’adressant a lui.

— Un prisonnier que nos guerriers ont fait hier sur les bords mêmes de la rivière, au moment où il allait se mettre comme les autres au lavage de l’or.

— Pourquoi Mounza me l’envoie-t-il ?

— Le roi l’a condamné à mort, car c’est un étranger ; mais avant de me le livrer, il a tenu à le faire paraitre devant toi à ton arrivée parce qu’il a, parait-il, des choses graves à te dire.

— A moi ?

— A toi-même.

— Que me veux-tu ? parle, dit le khalife s’adressant au prisonnier.

— Un homme de ma race ne parle pas avec des chaînes aux pieds et aux mains, répondit l’inconnu : fais-moi détacher et renvoie ces gens. Ce que j’ai à te dire ne doit être connu que de toi seul.

Le sultan regarda fixement l’homme qui lui parlait ainsi.

Il était de haute taille, maigre et osseux. Son teint brûlé avait dû être primitivement d’un rouge brique et sa barbe inculte était d’un roux ardent. Ses yeux d’un vert clair luisaient d’un éclat étrange sous des sourcils très saillants et très touffus. Toute sa personne révélait l’audace, mais il y avait dans son regard quelque chose de faux et de fuyant qui ne pouvait échapper à un observateur comme Abd-ul-M’hamed.

Ce dernier fit un signe et l’un des Soudanais trancha les liens qui serraient les poings du captif.

Le bourreau fit tomber les chaînes de fer de ses pieds en ouvrant un cadenas de cuivre, et un instant après, le prisonnier était seul avec le sultan dans une vaste pièce dont les murs étaient littéralement couverts de fusils.

C’étaient des armes de luxe sortant des premières maisons européennes : il y en avait de toutes marques et de toutes provenances, et le sultan les destinait aux chefs à qui il allait envoyer pour leurs peuples les armes promises.

L’ameublement de la pièce était des plus simples : des nattes à terre, un canapé arabe et quelques coussins en étoffe de Damas.

— Parle maintenant, et parle vite, dit le khalife ; tu es Européen : ne cherche pas à le nier.

Et comme le prisonnier allait répondre, une portière se souleva dans un des angles de la pièce et Omar parut.

Il alla s’incliner respectueusement devant son père dont il baisa l’épaule et attendit.

Et comme l’inconnu gardait le silence.

— Parle, te dis-je, reprit le sultan impatienté, mon fils Omar est un autre moi-même et peut tout savoir ici. Qui es-tu ? tu parles l’arabe de Smyrne ? d’où viens-tu et qu’es-tu venu faire ici ?

— Je suis venu pour t’aider dans tes projets.

— Tu les connais ?

— Je les connais.

— Quelle est ta nationalité ?

— Je n’en ai plus.

— Le plus malheureux des hommes a toujours un pays : quel est le tien ?

— C’est l’Angleterre ; mais…

Il ne put achever ; au seul nom du pays abhorré, le sultan avait bondi et quittant le canapé sur lequel il s’était étendu :

— Anglais ! tu es Anglais, fit-il en fixant sur son interlocuteur un regard enflammé. Et tu as osé venir vers moi ; mais tu ne sais donc pas ?… Mais je donnerais ma vie pour faire disparaître du monde le nom de ton pays maudit !

Tu connais mes projets, dis-tu ; non tu ne les connais pas, car tu saurais qu’en attaquant la race blanche, c’est l’Angleterre surtout que je veux atteindre.

Et tu veux m’aider, dis-tu ; mais tous les Anglais sont des traîtres et des fourbes ; tu viens pour me trahir comme je l’ai été une fois déjà par tes pareils. Ah ! misérable insensé ! tu ne connais pas le sultan Abd-ul-M’hamed : car tu n’aurais pas prononcé devant lui ce nom… qu’il exècre…

— Nul ne l’exècre plus que moi, dit le prisonnier, qui pendant cette violente sortie avait conservé le plus grand calme.

— Tu mens ; tu viens ici pour m’espionner : tu vas mourir.

— Je ne mens pas ; j’ai embrassé l’islamisme pour devenir

\ un de tes sujets, et je suis venu à toi pour me venger du pays où j’ai eu le malheur de naître.

— Tu es musulman, toi ? renégat, oui ; mais disciple de notre sainte religion, c’est impossible.

— Je suis musulman, te dis-je, et tu reconnaitras plus tard que tu as eu tort de douter de mes paroles. J’ai été instruit des vérités du Coran, à Damas, où je m’étais réfugié, et il y a trois ans déjà que je suis Hadj[3].

Le sultan considéra de nouveau, en silence, l’homme qu’il avait devant lui : il avait d’abord eu l’idée de l’écraser comme une vipère, mais se ravisant, il poursuivit :

— Et pourquoi as-tu quitté ton pays et renié ta religion ?

— Mon histoire est simple. Je suis né dans un des plus misérables quartiers de Londres ; j’ai vécu de la charité publique jusqu’au jour où j’ai pu suffire à mes besoins par le travail. Mais je me sentais capable de devenir autre chose qu’un bon ouvrier forgeron. J’ai étudié ; j’ai dirigé mes recherches vers la physique et la chimie ; avec un de mes amis, aussi pauvre que moi, j’ai réussi à inventer une machine perfectionnée destinée au forage des canons de fusil. Je m’adressai à une grande maison anglaise, à celle qui fabrique une partie du matériel de guerre anglais, la maison Armstrong : son directeur écouta mes explications, me promit le payement de ma découverte quand il aurait vu mes plans, et après les avoir vus, me renvoya sans un sou. Six mois après, mes machines fonctionnaient dans ses usines.

On m’avait volé mon invention.

Je me remis à l’ouvrage et trouvai le secret d’une poudre plus économique et plus puissante que la poudre employée pour les canons des vaisseaux. Cette fois je m’adressai à l’amirauté. Je fus volé par le gouvernement comme je l’avais été par les particuliers. Quand on est pauvre, en Angleterre, on ne compte pas. De désespoir, je me jetai dans la politique et je prêchai l’anarchie. Ne trouvant plus de travail, je connus la misère noire et la faim, et un jour que mon estomac criait famine, je tuai un riche pour pouvoir manger. Depuis ce jour, traqué comme une bête fauve, poursuivi dans mon pays et à l’étranger, j’ai juré une haine mortelle à une société où l’homme ne peut trouver sa place au soleil ; j’ai en horreur le monde civilisé, ses religions hypocrites, ses gouvernements durs aux misérables. Tu as rêvé son bouleversement, je puis t’aider dans ta sinistre besogne : veux-tu de moi ?

Tout cela était dit froidement, résolument.

On sentait que l’homme qui parlait ainsi disait la vérité, qu’une haine mortelle remplissait son cœur et qu’il appartiendrait à celui qui lui donnerait les moyens de l’assouvir.

Il s’était tu, et comme le sultan continuait à le fixer sans répondre.

— Tu doutes encore, reprit-il ; que peut-il te coûter d’user de moi, de me mettre à l’essai tout au moins. Si je t’ai trompé, ne peux-tu me prendre la vie quand et comme tu le voudras ? C’est le seul bien qui me reste et j’y tiens si peu vraiment… Mais je voudrais tant me venger auparavant.

— Et comment te vengerais-tu, demanda Abd-ul-M’hamed.

— J’ai inventé un explosif dont les effets sont effrayants, répondit l’Anglais : celui-là je n’en ai livré le secret à personne. Je le garde pour toi si tu acceptes mes services. I

— Mais pour fabriquer les substances explosibles, il faut des usines, des acides, des éléments de toutes sortes que je n’ai pas, que je ne puis traîner derrière moi.

— L’explosif que je t’offre ne nécessite aucune installation ; je puis le fabriquer par masses en plein air, et les éléments qui entrent dans sa composition se trouvent presque partout sur ta route.

— Et quels sont-ils ?

— Permets-moi de garder mon secret jusqu’au jour où tu auras confiance en moi.

— Mais comment puis-je savoir que tu le possèdes réellement ?

— En consentant à en voir les effets.

— Comment cela ?

— Ici même ; la rivière qui te fournit l’or fait, à 500 mètres d’ici, une chute de 30 mètres ; l’eau tombe en deux nappes distinctes séparées par un énorme rocher.

— Oui ! « El Kef ».

— Veux-tu que je le fasse disparaître ?

— Tu pourrais abattre cette masse plus considérable que le minaret de la mosquée du Caire.

— Oui, dans quinze jours, il se sera abîmé dans la rivière si tu l’ordonnes.

— Bien ; je te donne rendez-vous en ce point dans quinze jours.

— Il me faudra quarante nègres et des outils pour faire des forages dans la paroi du rocher.

— Tu les auras : et que veux-tu de moi si tu réussis ?

— D’abord, la permission de te suivre dans l’expédition que tu vas entreprendre. Et plus tard, quand nous serons en Europe, quand nous nous serons rapprochés de l’Angleterre, je te dirai ce que je veux encore…

— Quel est ton nom ?

— J’ai oublié celui de mon pays : mes coreligionnaires de Damas m’ont appelé Zérouk.

— L’homme aux yeux bleus ?

— Oui.

— Eh bien, Zérouk, va ; pour le moment ta vie est sauve, mais je te défends de porter une arme, quelle qu’elle soit, jusqu’au jour où je serai sûr de toi : deux nègres seront attachés à tes pas et ne te quitteront ni le jour ni la nuit. Prépare ton expérience et tremble si tu as voulu me tromper.

Quand le renégat fut sorti, Omar qui ne l’avait pas quitté des yeux pendant toute cette conversation, se rapproche de son père.

— Crois-tu, fit-il, que le concours d’un pareil homme puisse servir notre cause ?

— Allah choisit ses instruments partout, mon enfant.

— Oui, mais cet homme ne m’inspire que de la répulsion.

— Je le méprise comme toi, mais s’il possède le secret dont il parle, il peut être précieux dans la lutte que nous allons avoir à soutenir contre des peuples armés de tous les engins que fabrique la science européenne. Et s’il peut nous servir quelle que soit son indignité, l’intérêt de notre cause veut que je l’emploie.

— Que ta volonté soit faite, mon père, mais cet homme ne me dit rien qui vaille, et je le surveillerai.

— C’est cela : je te le confie. À ce moment, Embareck, le premier khodja (secrétaire) du sultan, entra en se courbant :

— Maître, dit-il, deux frères qui viennent de loin demandent une audience de ta hautesse.

— D’où viennent-ils ?

— De l’Inde.

— Introduis-les.

Deux hommes entrèrent : ils paraissaient exténués de fatigue ; leurs longues robes de couleur, semblables à celles des Persans, étaient lacérées par les épines et leurs sandales en cuir jaune bâillaient lamentablement.

C’étaient les envoyés d’All-ed-Din, le dernier descendant de la dynastie musulmane des Gourides, qui, venue du pays des Turcomans, régna Sur l’Inde pendant deux siècles et n’en fut chassée que par Tamerlan.

Depuis que le sultan lui avait envoyé un émissaire de confiance pour le sonder et lui demander de s’associer à sa gigantesque entreprise, Ail-ed-Din abhorrant les Anglais et plein du souvenir des hauts faits de ses ancêtres et de la splendeur de Delhi avant l’invasion Mongole, avait travaillé à réunir en un faisceau les forces musulmanes de l’Inde.

Et si l’on songe que cette contrée, la plus peuplée du globe, eu égard à sa superficie, puisqu’elle renferme 280 millions d’habitants, contient 70 millions de musulmans, on comprendra quelle importance le sultan attachait à ce que le mouvement panislamique l’entrainât elle aussi.

— Prince des fidèles, dit le plus vieux des messagers, mon maître est en ce moment à Bombay : nous l’avons quitté au commencement du mois de Moharem et voici les paroles qu’il nous a confiées pour toi : « J’ai parcouru, a-t-il dit, la province d’Haiderabad, de Madras et de Bombay, et j’y ai répandu la bonne parole. Tous les disciples du prophète se réjouissent et tous espèrent que des jours glorieux vont luire pour l’Islam. Dans six lunes, sous le prétexte de fêter le Ramadan, ils se réuniront en des points choisis d’avance et agiront. Tu peux compter sur eux : leur nombre augmente tous les jours. »

— Je n’attendais pas moins de ton maître, dit le sultan : Le descendant de Cubt-ed-Din ne pouvait renier sa noble origine.

— Ce n’est pas tout, reprit l’envoyé, mon auguste maître a pensé que pour mener à bien une pareille œuvre, il fallait mettre provisoirement un terme aux querelles sanglantes qui éclatent trop souvent entre les disciples de Brahma et ceux de Mahomet, querelles que les Anglais étouffent dans le sang et qu’eux-mêmes provoquent pour régner plus sûrement sur les deux races rivales.

— Il a pensé en sage.

— Il a donc noué des relations avec les principaux rajahs ; il a déjà amené à ses idées ceux de Tanjore, de Madoura et de Nag-pur ; quand l’heure de l’action aura sonné, il aura atteint son but, et les Hindous se joindront aux musulmans pour jeter les Anglais à la mer.

— Ce jour-là sera un jour béni.

— Si, comme il l’espère, l’entente est complète, nos alliés seront assez forts à eux seuls pour anéantir cette race maudite, et mon maître, à la tête des forces qu’il aura pu réunir, pourra, par le Beloutchistan et la Perse, te rejoindre en Asie Mineure. Quel rendez-vous lui donnes-tu ?

— Dis-lui que je l’attendrai à Constantinople.

Longtemps encore le sultan conversa avec les deux messagers. Il leur demanda s’ils avaient eu des nouvelles de leurs frères de Chine.

A ceux-là aussi il avait envoyé des émissaires, car ils étaient plus de trente millions dans ce vaste empire et chaque jour le Coran y gagnait du terrain.

On pouvait même prévoir l’époque où la Chine entière deviendrait musulmane.

— Ah ! l’on a parlé de notre décadence, dit le vieillard en s’animant ; on a dit que nous étions une race abâtardie, finie, usée ; nous allons prouver au monde que l’ère des conquêtes n’est pas close pour nous !

En décadence, la religion du prophète ! poursuivit-il, mais si le christianisme nous a repris l’Espagne, la Sicile et une partie de la France et de l’Italie que nous occupions au second siècle de l’Hégire, nous avons en revanche conquis une partie de l’inde et de la Chine, le Turkestan et les pays à l’est du Volga ; sans Pierre le Grand nous tiendrions toute la Russie : nos ancêtres n’avaient converti que les régions de l’Afrique qui bordaient la Méditerranée. On obéit aujourd’hui au Coran, de l’Atlantique à l’Océan Indien.

Nous sommes le nombre ; soyons l’union, nous serons la force !

— Quand vous repartirez, dit-il aux envoyés de l’Inde, je vous donnerai un convoi et une escorte pour vous guider jusqu’au golfe d’Aden. Chacun des chameaux qui vous accompagnera portera une fortune en lingots d’or enfermés dans de vulgaires couffins. Vous direz que vous faites le commerce des dattes.

A Berbera, port de la côte Somali, vous porterez à l’un de mes cheiks fidèles l’ordre que je vous donnerai pour lui. Il vous embarquera vous et votre or pour Bombay. Remettez à votre maître les trésors que je vous confie pour faire triompher notre cause en Asie ; dites-lui que quand les peuples d’Afrique se mettront en mouvement, je lui enverrai par la voie Aden-Bombay un télégramme ainsi conçu : « Dieu a parlé », et répétez-lui mon dernier mot : « A Constantinople ! »

Et comme Mounza, le roi des Monbouttous, venait d’entrer :

— Conduis-nous dans les souterrains, dit-il, et montre nous quel a été l’accroissement de nos richesses pendant mon absence.

Les messagers indiens s’inclinèrent et sortirent à reculons.

Le sultan, suivi de son fils et précédé du roi Mounza, traversa deux salles où écrivaient des scribes. Dans l’une d’elles, cabinet de travail d’Omar, des cartes allemandes et françaises tapissaient tous les murs : une table était surchargée de papiers et de livres ; on se serait cru dans le bureau d’un ingénieur européen.

Soudain, Mounza disparut : une trappe dont il avait déclenché le ressort venait de basculer sous ses pieds, et il s’enfonçait rapidement dans un escalier raide et obscur.

Le sultan et son fils le suivirent en hommes familiarisés avec ce dédale, construit pour mettre à l’abri d’une surprise les richesses accumulées depuis de longs mois, et au bout de quelques instants tous trois se trouvaient réunis dans une vaste salle taillée dans le rocher et éclairée par des lampes en terre vernissée suspendues au plafond.

L’Européen qui eût pénétré à leur suite dans ce réduit n’eût pu retenir un cri de surprise indicible.

Sous toutes ses formes l’or, ce dieu du monde moderne, s’y étalait, s’y entassait dans un rayonnement fauve. Chacun des ateliers noirs avait fondu les pépites extraites du fleuve suivant une forme particulière : cylindres, cônes, briquettes, galettes, barres plates ou rondes s’empilaient dans un désordre apparent. L’œil était ébloui par ces richesses dont le sultan lui-même ne connaissait pas le chiffre et dans lesquelles il puisait sans compter pour acheter des armes et compléter les approvisionnements de guerre.

Mounza montra au sultan les lingots coulés pendant les derniers mois, puis ceux qui, répartis en charges de 300 kilogrammes dans des sacs en peau de buffle, attendaient un convoi pour partir à la côte.

Trois cents kilogrammes : c’était, en tenant compte du degré d’impureté du métal qui le mettait au prix de 2 fr. 70 le gramme, une somme de plus de 800.000 francs que portait chacun des chameaux envoyés en caravane.

Le sultan resta là un instant. Il regardait sans les voir ces richesses entassées, songeant au passé, scrutant l’avenir.

Il avait maintenant entre les mains, il le sentait, le levier qui soulève tout.

Alors il se reporta à l’époque où, assis sur le trône de Constantinople, il voyait chaque année se creuser le déficit des finances turques.

Il avait bien essayé, pendant ses années de règne, de réagir contre le gaspillage et la concussion qui rongeaient l’empire et le mettaient à la merci de ses créanciers européens.

Il avait entassé iradeh[4] sur iradeh, brisé des vâlis[5], dissous des medjliss[6], sans parvenir à y introduire l’honnêteté administrative et soulager son peuple.

Et pourtant la Turquie est un pays riche où les ressources matérielles ont énormes. Mais pour les mettre en valeur, pour percer des routes, créer des chemins de fer, exploiter des mines, il eût fallu s’adresser aux capitaux européens.

Or, jamais Ab-ul-M’hamed n’avait voulu se plier à cette inéluctable nécessité, sentant que le jour où il appellerait à lui des ingénieurs et des banquiers chrétiens, il ouvrirait la route de Constantinople à ceux qui voulaient en chasser l’Islam.

Et s’il était tombé du pouvoir, s’il avait été obligé de quitter précipitamment Yldiz-Kiosk sous une révolution de palais préparée par l’ambassadeur anglais, c’est parce qu’il manquait d’or.

Ah ! s’il avait eu alors sous la main le centième seulement des richesses incalculables qu’Allah venait de lui envoyer, quels admirables résultats il eût obtenus !

Quelle rénovation il eût accomplie dans cette nation rendue si docile par le fatalisme ! Quelle superbe armée il eût entretenue dans ce pays qui fournit les meilleurs soldats du monde !

Avec quelle satisfaction, enfin, il eût replacé l’empire turc à son rang dans les conseils de l’Europe, et l’eût arraché à ces plénipotentiaires médecins qui, sous prétexte de guérir « l’homme malade », ne songeaient qu’a se disputer son héritage.

Dans quelles inextricables difficultés il s’était débattu, portant seul le poids du pouvoir absolu au milieu de ministres insignifiants ; mais quelle rage l’avait secoué maintes fois devant une impuissance qui grandissait chaque » jour a mesure que se creusait le déficit.

Et voilà qu’à cette heure, devant ce trésor des Mille et une Nuits, il se souvenait de tout ce qu’il avait entendu dire autour de lui ; des offres qui avaient été faites à son grand vizir, des tentatives de corruption pratiquées dans son propre palais par des ambassadeurs et des banquiers.

C’était donc vrai ; la puissance qui dominait toutes les autres était maintenant celle de l’or.

Et la moralité était tombée si bas dans cette Europe exécrée, que justice, conscience, patriotisme même, tout était à vendre.

Eh bien ! puisque tout se vendait, il avait là de quoi tout payer.

Cet or ne lui servirait pas seulement à acheter des armes et à faciliter la mise en mouvement des masses qu’il outillait pour la lutte.

Il l’emploierait encore à corrompre les conseillers des rois, à acheter des représentants dans les parlements, à se ménager des intelligences dans les chancelleries, à entretenir les divisions et les méfiances entre les grandes puissances, à les désunir enfin pour les affaiblir.

Après quoi, il purifierait tout dans le sang et par le feu.

C’était un nouvel horizon qui s’ouvrait à lui.

Et il se disait que ce n’était pas assez d’avoir envoyé des émissaires auprès de tous les rois et de tous les chefs en Afrique et en Asie, qu’il ne suffisait pas d’avoir fait annoncer à ses partisans de Constantinople son retour prochain.

Il allait encore en expédier dans les grandes capitales de l’Europe pour y commencer par la désagrégation morale l’œuvre de destruction matérielle.

Le personnel ne lui manquait pas pour mener à bien ces projets multiples.

Là-bas, au milieu du Sahara, dans l’oasis d’Aghadès, sous la protection des Touaregs rassemblés autour du Ksour, il avait appelé des quatre coins du monde musulman, tous les Arabes qu’il avait jugés capables de comprendre son nouveau rôle et de suivre sa fortune.

Imans de la Mecque, marabouts algériens et marocains, ulémas de Bagdad et de Damas formaient là un conseil dont il était l’inspirateur et le maître.

Il allait combiner avec eux l’action diplomatique avant de commencer l’action militaire.

Il avait six mois encore devant lui : c’était plus qu’il ne fallait pour permettre à la puissance de l’or d’accomplir son travail souterrain.

Maintenant qu’il jetait un long regard sur l’avenir, il ne regrettait plus le passé.

Allah avait eu ses desseins en le précipitant du pouvoir.

S’il eût continué à régner sur cette infime partie de l’ancien empire musulman, il eût dépensé en pure perte et sans moyens suffisants une activité qui promettait à cette heure d’être féconde.

Car ce n’était pas avec les Turcs qu’il était possible de réveiller le fanatisme religieux dans toutes les couches de l’islamisme.

C’était avec les Arabes.

Il savait combien est profonde, malgré la communauté de religion, la division entre les uns et les autres.

Ce n’était pas non plus le sultan de Constantinople qui pouvait se mettre à la tête du mouvement panislamique ; le sultan qui l’avait précédé, Ahd-ul-Hamid, s’y était essayé avec une ténacité rare et n’avait réussi qu’à perdre plusieurs provinces en Europe sans s’imposer aux musulmans d’Afrique.

Celui qui seul pouvait réunir toutes ces forces désunies, c’était le plus haut dignitaire de la religion de Mahomet : le « khalife » de la Mecque.

Et ce titre de khalife qu’il possédait par droit de naissance, étant du sang d’Albas, oncle du Prophète, il ne l’avait révélé au monde musulman qu’en quittant le pouvoir turc.

Allah avait eu ses desseins ! Il n’avait qu’a s’incliner devant sa puissante volonté.

Sa méditation terminée, le sultan se tourna vers le Soudanais gardien du trésor qui, debout dans un angle du rocher, semblait une cariatide de bronze.

— Veille, Mata ! fit-il.

Mata était un des serviteurs de confiance du sultan : il couchait dans ce souterrain, insouciant des millions qu’il renfermait, dévoué avant tout au maitre qui l’avait arraché à un négrier de Sokoto, lui et sa femme Alima, et leur avait rendu la liberté.

La liberté, Mata n’avait su qu’en faire : trop loin de son pays, il était des bords de l’Ogoué, il avait suivi comme un chien fidèle parmi les bagages de maître, suivi lui-même de la pauvre petite négresse encore meurtrie du carcan de bois qu’elle avait traîné dans le Sahara.

Et le sultan, touché de cette affection muette, lui avait donné ce poste de confiance dont il était très fier. Il se relayait pour veiller avec un Nubien, un géant comme lui, nommé M’raoui.

— Maintenant, dit le sultan à Mounza, montre-moi le dernier envoi de fusils arrivé de Cameroun.

Ils remontèrent l’escalier et en gravirent un autre qui conduisait au premier étage : car les armes devaient être placées dans un endroit sec et les deux étages de la forteresse leur étaient spécialement affectés.

Dix salles en étaient pleines : elles étaient rangées avec ordre par modèles, et des étiquettes écrites en arabe indiquaient leur système et leur provenance.

Les Martiny anglais et les Werndl autrichiens, les Remington espagnols et les Berdan russes, les Mauser allemands et les Gras français, les Comblain belges et les Vetterli italiens s’y alignaient en files pressées, et trente nègres étaient sans cesse occupés autour d’eux ; les uns, les graissant avec la moelle de l’arbre à beurre ; les autres, les empaquetant dans de grandes nattes pour les expéditions prochaines.

Dans une autre partie de la forteresse étaient empilées les caisses de cartouches qui allaient suivre les fusils.

Et comme le sultan arrivait devant une rangée d’armes qu’il voyait pour la première fois dans son arsenal :

— Quels sont ceux-ci, Mounza ? dit-il.

— Ce sont les derniers arrivés, fit le roi.

— Ceux de Cameroun ?

— Oui.

— Achetés aux Allemands ?

— Oui.

— Et quel nom leur donnes-tu donc ?

— Ce sont des fusils Lœwe, paraît-il.

— Lœwe… dit le sultan, qui fit une grimace involontaire, et combien avons-nous payé cela ?

— Deux douros pièce (10 francs).

— Eh bien ! mon pauvre Mounza, reprit le sultan, nous sommes volés ! ils ne valent pas deux cauris[7].

  1. Employé de mosquée dont la l’onction consiste à appeler du haut des minarets les fidèles à la prière.
  2. Schweinfurth.
  3. Hadj est le titre que prend tout Arabe ayant fait le pèlerinage de la Mecque.
  4. Décret signé du sultan.
  5. Gouverneur de province.
  6. Conseils électifs placés auprès des gouverneurs pour contrôler leur administration.
  7. Coquillage servant de monnaie dans une grande partie du Soudan.