La Bible d’une grand’mère/107
CVII
JONATHAS AVERTIT DAVID DE LA HAINE DE SAÜL
Jonathas, au contraire, s’attachait chaque jour davantage à David. Un jour que Saül avait exhorté ses officiers et Jonathas lui-même à tuer David, Jonathas courut en prévenir son ami, lui promettant qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour le préserver de la mort, et pour changer les mauvais sentiments de son père.
En effet, Jonathas parla au roi avec tant de chaleur et de sagesse des services que lui avait rendus David, de l’amour et du respect que lui témoignaient le peuple et les grands, des vertus de David, de la fureur et de l’indignation que sa mort exciterait partout, que Saül permit à David de revenir auprès de lui et qu’il promit de le traiter favorablement.
David revint donc demeurer avec Saül comme avant.
Louis. Je trouve qu’il a fait une grande imprudence ; il savait que le Seigneur avait abandonné ce méchant Roi, et que lui-même était le roi véritable, protégé par Dieu.
Grand’mère. C’est précisément pour cela que David ne craignait rien. Il savait, comme tu le dis, que Dieu était avec lui et qu’avec cette protection il ne courait aucun danger. Dieu récompensa cette confiance comme tu vas voir.
Deux ans après cette promesse faite à Jonathas, Saül, ne pouvant plus contenir sa haine, se jeta sur David pour le tuer ; David parvint à s’enfuir.
Saül, ayant su qu’il s’était retiré dans sa maison, ordonna à ses gardes d’aller la nuit se saisir de David et de le tuer. Michol entendit son père donner cet ordre cruel ; elle avertit son mari et le supplia de se sauver. « Si tu ne t’enfuis pas cette nuit, lui dit-elle, tu seras mort demain matin. »
David y consentit ; elle l’aida alors à descendre par une fenêtre ; David s’échappa et se réfugia chez Samuel à Ramatha ; il lui raconta la manière odieuse dont l’avait traité le roi Saül, et Samuel l’emmena à une ville nommée Naïoth, où ils demeurèrent.
Aussitôt après le départ de David, Michol prit une statue qu’elle coucha sur le lit de son mari. Elle lui enveloppa la tête avec une peau de chèvre et le corps avec la couverture du lit.
Valentine. Pourquoi fait-elle cela, puisqu’il était sauvé ?
Grand’mère. Parce qu’elle avait peur que Saül ne fît courir après lui des hommes à cheval, qui auraient pu le rattraper et le tuer.
Quand les soldats de Saül entrèrent, Michol leur dit de ne pas toucher à son mari, parce qu’il était malade.
Le lendemain, lorsque Saül apprit que David vivait encore, il entra dans une grande colère et ordonna aux gardes d’y retourner et de l’apporter dans son lit, s’il ne pouvait marcher, afin qu’on le fît périr en sa présence.
Les gardes revinrent, disant au roi que Michol avait fait évader David, et avait mis une statue à sa place. Saül fit venir Michol, et lui demanda pourquoi elle avait agi ainsi. Michol, effrayée de la colère du roi, répondit : « Parce qu’il m’a dit : « Laisse-moi aller, ou je le tuerai. »
Paul. C’est vilain à Michol de mentir comme cela ; elle a fait croire que le pauvre David était méchant.
Grand’mère. Il faut l’excuser, à cause de la peur que lui inspirait son père.
Saül ne répondit pas, mais il envoya savoir où était David ; on lui rapporta qu’il était chez Samuel. Le roi envoya des gardes pour le saisir et le lui ramener. Les gardes rencontrèrent Samuel avec une troupe de prophètes qui prophétisaient. Eux-mêmes furent saisis de l’esprit de Dieu ; ils se mirent à prophétiser avec les prophètes, et ils ne pensèrent plus à l’ordre donné par Saül.
Henriette. Comment ! des soldats qui deviennent prophètes ? Et quels soldats encore !
Grand’mère. Ils ne devenaient pas prophètes comme Samuel et Moïse, c’était plutôt une espèce de folie momentanée ; ils étaient sous la puissance de l’esprit de Dieu ; ils n’étaient plus maîtres de leurs paroles et de leurs actions. Dieu les forçait à parler comme il le voulait.
Le roi, ayant été averti de ce singulier événement, envoya une seconde troupe de gardes, qui se mirent à prophétiser avec les premiers. Une troisième troupe en fit autant. Saül, ne se possédant plus de colère, partit lui-même pour Ramatha, mais il fut saisi comme ses gardes de l’esprit du Seigneur, et il ne put pas suivre son détestable projet. Il arriva ainsi devant Samuel, il ôta tous ses vêtements, et resta ainsi tout nu par terre, tout le jour et toute la nuit.
Armand. C’est drôle, cela ! Il était donc fou ?
Grand’mère. C’était, en effet, une espèce de folie que Dieu lui envoyait, comme à ses gardes, pour lui faire sentir son impuissance. Il voulait uniquement donner à David le temps de se sauver.