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La Bible d’une grand’mère/138

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CXXXVIII

SALOMON ACCOMPLIT LES VOLONTÉS DE DAVID
ET LE VENGE DE SES ENNEMIS

(Même année, 914 ans avant J.-C.)



Après la mort de David, Salomon fut reconnu roi par tout le royaume. Adonias alla un jour chez Bethsabée, mère de Salomon, et lui dit :

« Vous savez que la couronne m’appartenait, car je suis le fils aîné de David, et tout Israël m’avait reconnu. »

Louis. Comment tout Israël avait-il pu reconnaître Adonias pour son roi, puisqu’il ne s’était reconnu roi lui-même que pendant une demi-journée ?

Grand’mère. C’est vrai ; aussi Bethsabée vit bien qu’il mentait, mais elle ne le lui dit pas pour ne pas le mettre en colère.

Il ajouta : « Le royaume a été donné à votre fils ; comme il vous aime et qu’il ne vous refusera pas ce que vous lui demanderez, je viens vous adresser une prière : dites-lui qu’il me donne pour épouse Abisag, la dernière femme de mon père, — Je le veux bien, » répondit Bethsabée.

Elle alla chez Salomon, qui se leva, la salua profondément, la fit asseoir sur son trône, à sa droite, et lui demanda ce qu’elle désirait.

« Mon fils, je viens vous demander d’accorder à Adonias pour épouse, Abisag, la dernière femme de votre père David. C’est lui qui m’en a priée.

— Ma mère, dit Salomon, pourquoi me demandez-vous ce que je ne puis vous accorder ? Adonias est mon frère aîné ; il a déjà pour lui Abiathar, grand prêtre, et Joab, général des armées de mon père. S’il épouse Abisag, il se croira encore plus de droits à ma couronne. Il vaudrait autant la lui abandonner tout de suite. Adonias, en faisant cette demande, a parlé contre sa propre vie. Je jure par le Seigneur, qui m’a fait asseoir sur le trône de David, qu’Adonias ne l’aura pas, et qu’il sera mis à mort dès aujourd’hui. »

Le roi Salomon appela Banaïas, un de ses principaux conseillers, et lui ordonna d’aller tuer Adonias. Banaïas exécuta cet ordre sur-le-champ, et perça Adonias de son épée.

Jeanne. Je trouve que c’est très-méchant à Salomon d’avoir fait tuer son frère.

Grand’mère. Salomon voyait que son frère voulait régner à sa place, qu’il se ferait des partisans, et qu’il lui ferait la guerre, ce qui mettrait le royaume dans le trouble et le désordre. Il voulut empêcher ces malheurs en faisant périr celui qui les ferait naître. C’était d’ailleurs dans les mœurs du temps.

Salomon fit venir ensuite Abiathar, et lui dit : « Vous méritez la mort ; mais parce que vous êtes grand prêtre, parce que vous avez porté l’Arche du Seigneur devant mon père, et que vous l’avez accompagné pendant les travaux qu’il a endurés, je vous fais grâce de la vie. Allez à Anathoth, dans la terre qui vous appartient. »

Salomon envoya donc Abiathar en exil dans la terre d’Anathoth, afin qu’il ne remplît plus les fonctions de grand prêtre.

Ces nouvelles étant parvenues à Joab, il s’enfuit dans le tabernacle, et prit la corne de l’autel. On vint en prévenir le roi, qui appela Banaïas, et lui dit : « Va, et tue Joab. »

Banaïas entra dans le tabernacle, et voyant Joab qui tenait la corne de l’autel, il n’osa pas l’en tirer de force, et lui dit : « Le roi vous commande de sortir de là. — Je ne sortirai pas, dit Joab, mais je mourrai en ce lieu. » — Banaïas alla faire part au roi du refus de Joab. Salomon répondit : « Fais comme il t’a dit. Tue-le au pied de l’autel, et fais-le ensevelir. Ni mon père ni moi nous ne serons plus chargés du sang innocent répandu par Joab. Il a assassiné deux hommes justes, qui valaient mieux que lui, Abner, général du roi Saül, et Amasa, général de l’armée de Juda, Que leur sang retombe à jamais sur Joab et sa postérité, et que son propre sang, qu’il me force à répandre, retombe aussi sur sa tête ! »

Banaïas, étant donc allé trouver Joab, le frappa et le tua. On l’ensevelit dans le désert. Le roi nomma Banaïas général de l’armée à la place de Joab, et Sadoc fut nommé grand prêtre à la place d’Abiathar.

Le roi fit encore appeler Séméï, et lui dit : « Bâtis une maison dans Jérusalem, et demeures-y. N’en sors pas pour aller de côté et d’autre. Car si tu sors de la ville, si tu passes le Cédron, tu seras tué le jour même, et ton sang retombera sur ta tête. »

Séméï dit au roi : « Cet ordre est très-juste. Ce que le roi, mon seigneur, a dit sera exécuté. » Séméï demeura donc longtemps à Jérusalem. Mais, trois ans après, les esclaves de Séméï s’enfuirent et se réfugièrent chez le roi de Geth. Séméï fit seller son âne, et les poursuivit jusqu’au pays de Geth ; il les redemanda au roi, et les ramena à Jérusalem.

Salomon, l’ayant su, envoya chercher Séméï, et lui dit : « Ne t’avais-je pas averti ? N’avais-je pas juré devant le Seigneur que si jamais tu sortais de la ville, tu serais mis à mort le jour même ? Et ne m’as-tu pas répondu : « Rien n’est plus juste que ce que je viens d’entendre ? » Pourquoi n’as-tu pas gardé le serment que tu as fait alors, et l’ordre que je t’avais donné ? Tu sais tout le mal que ta conscience te reproche à l’égard de David, mon père. Le Seigneur a fait retomber ta méchanceté sur ta tête. »

Le roi donna donc ses ordres à Banaïas, qui frappa Séméï de son épée et le tua.

Jacques. Ce Banaïas est plutôt un bourreau qu’un général. Il ne fait pas autre chose que tuer des gens sans défense.

Grand’mère. Il exécute les ordres de son roi. Il fallait bien qu’il obéît. Il n’y avait pas dans ce temps des lois et des juges, comme nous en avons à présent. La volonté du roi ou du chef était la loi ; il fallait obéir ou périr.