La Bible d’une grand’mère/23

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L. Hachette et Cie (p. 80-81).

XXIII

ÉSAÜ VEND SON DROIT D’AINESSE À JACOB

(1804 ans avant J.-C.)



Un jour, Jacob avait fait cuire des lentilles et il s’apprêtait à les manger, lorsqu’Ésaü rentra de la chasse très-fatigué et mourant de faim. Voyant le plat de lentilles que Jacob allait manger, il lui dit : « Donne-moi ce que tu as fait cuire, car je suis extrêmement fatigué et j’ai bien faim. »

Jacob lui répondit : « Cède-moi ton droit d’aînesse, et je te donnerai mon plat de lentilles.

— Je le veux bien, dit Ésaü ; je me meurs de besoin, ainsi à quoi me servira mon droit d’aînesse, si je meurs ?

— Jure-le-moi, reprit Jacob.

— Je le jure, répondit Ésaü ; je te vends mon droit d’aînesse pour le plat et le pain que tu as devant toi. »

Et saisissant les lentilles et le pain, Ésaü mangea et but ; puis il s’en alla sans s’inquiéter d’avoir vendu son droit d’aînesse.

Louis. C’est comme s’il n’avait rien vendu du tout ; il restait toujours l’aîné.

Grand’mère. Mais non ; les droits de l’aîné de la famille étaient très-considérables. Dans la famille d’Abraham, c’était l’aîné qui recevait la bénédiction particulière du père mourant : il devenait Patriarche, Grand Prêtre et chef de famille ; il héritait de la plus grande partie des biens de son père ; il commandait en maître à ses frères ; il restait dans la demeure de son père ; enfin, c’était de lui, de sa race, que devait naître le Messie, le Rédempteur des hommes. Ésaü savait tout cela ; il n’aurait pas dû abandonner ses droits.

Jacques. Grand’mère, je trouve que Jacob a très-mal fait ; il a profité de ce qu’Ésaü mourait de faim pour lui extorquer son droit d’aînesse.

Grand’mère. Cher enfant, il est certain que Jacob n’a agi comme il l’a fait que d’après une inspiration de Dieu ; ce qui le prouve, c’est la prédiction que le Seigneur avait faite à Rebecca avant la naissance de ses fils.

Paul. Qu’est-ce que le Seigneur avait prédit ? Je ne m’en souviens plus.

Grand’mère. Il lui avait dit que l’aîné serait assujetti au plus jeune. La suite de l’histoire de Jacob vous prouvera que le Seigneur avait approuvé sa conduite et celle de sa mère dans cette occasion. Quant à Ésaü, il n’était pas affamé au point d’en mourir ; quand même Jacob lui aurait absolument refusé toute nourriture, ce qu’il n’aurait pas fait très-certainement, s’il avait vu son frère en danger de mort, Ésaü n’était pas assez affaibli pour ne pas avoir la force d’aller à dix pas de là demander de quoi manger.