La Bible d’une grand’mère/39

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L. Hachette et Cie (p. 116-117).

XXXIX

SONGES DU GRAND ÉCHANSON ET DU GRAND PANETIER

(1707 ans avant J.-C.)



Il arriva, un jour, que le roi Pharaon se fâcha, on ne sait pour quel motif, contre deux de ses grands officiers qui lui avaient manqué de respect, le grand échanson, celui qui versait à boire au roi, et le grand panetier, celui qui était chargé de fournir le pain de la table du roi. Ils furent tous deux condamnés à la prison, et on les amena dans celle où était Joseph, qui les servait de son mieux et qui avait soin d’eux.

Un jour Joseph les trouva tristes. « Qu’avez-vous ? leur demanda-t-il ; pourquoi avez-vous le visage tout abattu ? »

Ils lui répondirent : « C’est parce que nous avons eu tous les deux un songe qui nous fait peur, et nous n’avons personne pour nous l’expliquer.

— Dites-moi ce que vous avez rêvé, le Seigneur m’aidera à le comprendre. »

Le grand échanson parla le premier. « J’ai rêvé, dit-il, que je voyais devant moi un cep de vigne qui avait trois petites branches ; elles poussèrent peu à peu ; il y eut d’abord des boutons, puis des fleurs, et à la fin des raisins. J’avais dans la main la coupe du roi Pharaon ; j’ai pris ces grappes, j’en ai pressé le jus dans la coupe du roi, et je la lui ai présentée à boire. »

Joseph lui répondit : « Voici ce que veut dire votre songe : les trois branches signifient trois jours, après lesquels Pharaon se souviendra des services que vous lui avez rendus ; il vous rendra votre charge, et vous lui servirez à boire comme vous le faisiez auparavant. Seulement je vous demande une chose. Quand ce bonheur vous arrivera, souvenez-vous de moi, et obtenez du roi qu’il me retire de cette prison où j’ai été mis sans l’avoir mérité, car je suis innocent du crime dont on m’a accusé. »

Le grand panetier, charmé de L’explication de ce songe, lui dit : « Moi aussi j’ai rêvé quelque chose de semblable. Il me semblait que j’avais sur la tête trois corbeilles de farine ; celle de dessus contenait tout ce qu’il fallait pour faire du pain avec la pâte toute prête à cuire et les oiseaux du ciel venaient en manger. »

Joseph lui répondit : « Cela veut dire que vous avez encore trois jours à vivre, après lesquels Pharaon vous fera couper la tête, et vous fera ensuite attacher à une croix où les oiseaux viendront déchirer votre chair. »

Marie-Thérèse. Ce pauvre panetier ! il avait raison d’être triste.

Grand’mère. Oui, et d’autant plus que tout arriva comme l’avait prédit Joseph.

Gaston. Et le grand échanson fit sortir de prison le pauvre Joseph ?

Grand’mère. Hélas ! non. Il fit comme tant d’autres gens heureux. Il fut ingrat, il oublia le pauvre Joseph, qui resta en prison.

Paul. C’est bien méchant à ce grand échanson. J’espère que le gouverneur au moins demandera grâce pour Joseph.

Grand’mère. Non ; Joseph lui était trop nécessaire pour qu’il voulût s’en séparer. Mais tu vas voir que Dieu, qui protège les bons, récompensa généreusement Joseph de ses vertus.