La Bulle d’Or/Notice

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Traduction par Jean de Heiss.
La Bulle d’Orchez André Chevalier & Marchand Librairie (p. 3-5).


DE LA BULLE D’OR



L’EDIT ou Conſtitution Impériale qui fut faite au mois de Janvier 1356. par l’Empereur Charles IV. dans la Diette génerale qu’on aſſembla à Nuremberg, étant les véritables colomnes du Gouvernement de l’Empire, & la baſe & le fondement des Droits, Privileges & Prérogatives des Electeurs, Princes, Villes, & géneralement de tous les Membres de l’Empire, & par conſequent une Piéce ſur laquelle un chacun aimera de jetter les yeux dans les circonſtances préſentes que l’Empire ſe trouve ſans Chef par la mort de l’Empereur Charles VI., de glorieuſe mémoire, le dernier des Mâles qui nous reſtoient de l’Auguſte Maiſon d’Autriche : Cet Edit, dis-je, ſi conſidérable &c ſi néceſſaire pour l’intelligence de l’Hiſtoire d’Allemagne, eſt appellé Bulle d’Or, à cauſe d’un Sceau d’or attaché avec des cordons de ſoye jaune & rouge, où l’on voit d’un côté l’Empereur aſſis ſur ſon Trône, & de l’autre le Capitole de Rome.

Cette Bulle qui contient trente Chapitres, dont vingt-trois furent arrêtés à la Diette de Nuremberg, & les ſept derniers à une autre Diette qu’on tint peu après à Metz, comprend auſſi un Reglement touchant la forme & les céremonies de l’Election & du Couronnement des Empereurs, & les fonctions de chaque Electeur dans toutes les cerémonies publiques.

Après que cet Edit eut été publié à Metz en préſence & du conſentement des Electeurs, Princes & États de l’Empire, & que toutes les formalités néceſſaires pour en faire une Loi fondamentale eurent été obſervées, l’Empereur voulut qu’on commençât à la faire exécuter en ce qui concerne le ſervice que les Princes Electeurs ſeroient tenus de lui rendre lorſqu’il mangeroit en public. Pour cet effet l’on prépara un grand Repas ; l’Empereur & l’Impératrice vêtus des ornemens Impériaux, ſe rendirent, après la Meſſe, à la grande Place publique où l’on avoit élevé une eſtrade ſur laquelle étoit la Table de Leurs Majeſtés.

Dès qu’Elles furent placées les trois Electeurs Eccléſiaſtiques vinrent à cheval, ayans un Sceau attaché au col, & une Lettre à la main droite, marque de leur Dignité d’Archichancelliers de l’Empire. Après eux venoit le Duc de Saxe auſſi à cheval, portant à la main un picotin d’argent plein d’avoine, en qualité d’Archimaréchal ; le Marquis de Brandebourg deſcendit de cheval pour donner à l’Empereur & à l’Impératrice à ſe laver les mains avec une éguiere d’or dans un baſſin d’or. Le Comte Palatin du Rhin ſervit les viandes ſur la Table Impériale dans les plats d’or. Et comme l’Empereur ſe trouva revêtu de la Dignité de Roi de Boheme, qui eſt un des Electeurs ſéculiers, alors au nombre de quatre, le Duc de Luxembourg fut ſubſtitué en ſa place pour faire la fonction de Grand Echanſon ; & en cette qualité il mit un flacon plein de vin ſur la Table, & en préſenta à l’Empereur & à l’Imperatrice dans un gobelet d’or. A la fin du Repas l’Empereur fit de riches préſens aux Electeurs, aux Princes, & aux Seigneurs qui s’étoient rendus à la Diette, & les renvoya chez eux.

On fit trois Originaux de cette Conſtitution Impériale, qui furent ſcellés d’un Sceau d’or : L’on en conſerve un dans le Royaume de Boheme, à cauſe de ſa Dignité de premier Electorat ; un autre au Palatinat, & le troiſiéme à Francfort ſur le Mein, comme le Lieu deſtiné à l’Election de l’Empereur, ou Roi des Romains.