La Case de l’oncle Tom/Ch XXVIII

La bibliothèque libre.
Traduction par Louise Swanton Belloc.
Charpentier (p. 392-401).


CHAPITRE XXVIII.

Voici la fin de ce qui est terrestre.

John Quincy Adams


Dans la chambre d’Éva, les statuettes et les tableaux sont voilés de blanc : des pas assourdis, des souffles étouffés en troublent seuls le silence solennel ; un demi jour pâle pénètre à travers les jalousies fermées.

Le lit est drapé de blanc ; là, sous les ailes de l’ange en prières, repose une forme endormie, — endormie pour ne plus s’éveiller ! Elle gît — vêtue d’une des simples robes blanches qu’elle avait coutume de porter durant sa vie. Les reflets rosés des rideaux répandent sur la pâleur rigide de la mort une teinte chaude. Les longs cils s’abaissent sur ces joues si pures ! La tête est un peu tournée sur le côté, comme dans le sommeil ; mais chaque trait du visage est empreint de cette expression céleste, mélange de ravissement et de paix, qui annonce que ce n’est plus le sommeil passager et terrestre, mais le long et suave repos que le Seigneur accorde à ses bien-aimés.

« Il n’y a pas de mort pour toi et tes pareilles, chère Éva ! ni ses épouvantements, ni ses ténèbres ; rien qu’un brillant crépuscule, comme quand l’étoile du matin pâlit devant les feux de l’aube. Tu as remporté la victoire sans le combat, — la couronne, sans la lutte. »

Ainsi pensait Saint-Clair, tandis que debout, les bras croisés, il la contemplait en silence. Ah ! qui eût pu sonder l’abîme de sa douleur ! Depuis l’heure funeste où, dans la chambre mortuaire, une voix avait dit : « Elle a passé ! » un brouillard enveloppait tout ; nuit ténébreuse de l’âme en ses angoisses ! Il avait entendu parler autour de lui : on l’avait questionné, il avait répondu. On lui avait demandé quand il voulait que se fissent les funérailles, et où il souhaitait qu’elle fût déposée : il avait dit, avec impatience ; que peu lui importait !

Adolphe et Rosa avaient rangé la chambre. Malgré leur étourderie et leur légèreté, ni l’un ni l’autre ne manquait de cœur ; et pendant que miss Ophélia présidait à l’ordre général et à la propreté, ils mettaient les dernières touches de poésie et de sentiment, qui enlèvent à la mort et à son entourage l’aspect lugubre et terrible qu’elle revêt à la Nouvelle-Angleterre.

Il y avait sur toutes les étagères des fleurs blanches, délicates, parfumées, aux feuilles gracieuses et retombantes. Sur la petite table d’Éva, recouverte d’une blanche batiste, était son vase favori, contenant un seul bouton de rose blanche mousseuse. Les plis des rideaux, les draperies avaient été disposés avec un goût noble et sévère. Pendant que Saint-Clair était là, toujours immobile, Rosa se glissa dans la chambre, apportant une corbeille de fleurs. À la vue du maître, elle s’arrêta et fit quelques pas en arrière ; mais s’apercevant qu’il ne bougeait pas, elle se rapprocha du lit. Il la vit, comme en un rêve, placer entre les petites mains jointes une branche de jasmin, puis disposer les fleurs autour de la couche.

La porte se rouvrit, et Topsy, les yeux gros de pleurs, parut sur le seuil : elle cachait quelque chose sous son tablier. Rosa lui fit de la main un geste impérieux, mais elle avait déjà un pied dans la chambre.

« Veux-tu bien t’en aller ! dit Rosa, à voix basse, et d’un ton absolu. Tu n’as que faire ici, toi !

— Oh ! laissez ! laissez faire à moi ! j’ai porté une fleur, — une fleur si jolie ! dit l’enfant en montrant une rose-thé à peine éclose. Je vous en prie, laissez-moi la mett’ là !

— Va-t’en ! dit Rosa avec insistance.

— Qu’elle reste ! s’écria Saint-Clair en frappant du pied. Qu’elle approche, je le veux ! »

Rosa sortit en hâte ; Topsy s’avança et déposa son offrande au pied du corps : puis, tout à coup, poussant un cri lugubre, sauvage, elle se roula par terre auprès du lit, et pleura et gémit à haute voix. Miss Ophélia accourut ; elle essaya de relever l’enfant, de la faire taire ; mais en vain.

« Ô miss Éva !… miss Éva ! moi voudrais être morte, aussi ! — moi le voudrais ! »

Il y avait dans ce cri un accent si déchirant, que le visage de marbre de Saint-Clair en rougit ; le sang y afflua, et les premières larmes qu’il eût répandues depuis la mort d’Éva jaillirent de ses yeux.

«  Levez-vous, enfant, dit miss Ophélia d’une voix adoucie. Ne pleurez pas si fort ! miss Éva est partie pour le ciel ! C’est un ange, à présent.

— Mais je peux pas la voir ! — je la verrai plus jamais ! et Topsy sanglota de nouveau. Il y eut un moment de silence.

— Elle a dit qu’elle m’aimait, reprit Topsy, — oui, elle l’a dit ! — Oh là ! mon Dieu ! il ne reste plus personne à présent, plus personne !

— Ce n’est que trop vrai, murmura Saint-Clair se tournant vers miss Ophélia. Voyez, tâchez de consoler la pauvre créature.

— Je voudrais avoir jamais été née, dit Topsy ; j’avais pas besoin d’être née !… — À quoi ça sert ? »

Miss Ophélia la releva avec douceur et fermeté, et l’emmena hors de la chambre.

« Topsy, pauvre enfant ! dit-elle, et des larmes tombaient de ses yeux. Ne vous désolez-pas ! je puis vous aimer aussi ! — Quoique je ne vaille pas à beaucoup près notre chère Éva, j’espère avoir appris d’elle un peu de l’amour de Jésus pour les affligés. Je puis vous aimer ; je vous aime, Topsy ; et je m’efforcerai de vous aider à devenir une brave fille, une bonne chrétienne. »

La voix de miss Ophélia en disait plus que ses paroles, et plus expressives encore que les mots, étaient les pleurs qui coulaient sur ses joues. À dater de ce moment elle acquit sur l’esprit de la pauvre petite délaissée une influence qu’elle ne perdit plus.

« Ô mon Éva, si ton heure si courte passée sur la terre a fait tant de bien, pensa Saint-Clair, quel compte aurai-je à rendre, moi, de mes longues années ! »

Des murmures étouffés, des pas furtifs se succédèrent dans la chambre, comme tous venaient, l’un après l’autre, contempler la morte une dernière fois. Puis on apporta le petit cercueil ; puis vint le jour des funérailles, les voitures se rangèrent devant la porte ; des étrangers entrèrent et s’assirent : on déploya des voiles blancs, des rubans blancs, des crêpes noirs ; des gens en deuil défilèrent lentement : on lut des paroles de la Bible ; on fit des prières ; et Saint-Clair vécut, marcha, agit, comme un homme qui n’a plus de larmes à répandre. Jusqu’au dernier moment, il ne vit qu’une chose, la petite tête blonde dans le cercueil ; puis il vit le suaire la recouvrir et le cercueil se refermer ; et quand on le mit à son rang, près des autres, il marcha jusqu’au bas du jardin. Là, près du banc de mousse où elle et Tom avaient si souvent causé et chanté, la petite fosse était béante. Saint-Clair s’arrêta sur le bord et y plongea un vague regard. Il y vit descendre le cercueil ; il entendit confusément les mots sacrés : « Je suis la Résurrection et la Vie ; celui qui croit en moi, encore qu’il soit mort, vivra ! » Et quand la terre retomba sur la bière et que la fosse fut comblée, il ne pouvait se persuader que ce fut son Éva qu’on enfouissait ainsi loin de ses yeux.

Non, ce n’était pas elle, — ce n’était pas Éva ! ce n’était que la frêle semence de la forme immortelle et radieuse, sous laquelle elle apparaîtra au jour du Seigneur Jésus.

Tous se dispersèrent ; les affligés regagnèrent la maison où elle ne devait plus rentrer. Marie ne voulait pas voir le jour ; elle avait fait fermer les volets, s’était jetée sur son lit, et s’abandonnait sans frein aux pleurs et aux gémissements : à chaque minute elle réclamait les soins de tous ses domestiques. Ils n’avaient pas le temps de pleurer, eux. — Pourquoi pleureraient-ils ? Cette douleur était sa douleur à elle, et elle était bien convaincue que personne au monde ne sentait, — ne pouvait sentir comme elle.

« Saint-Clair n’a pas versé une larme ! disait-elle. Il n’a pas l’ombre de sympathie ! C’est de sa part une dureté de cœur incroyable, une insensibilité inouïe, sachant ce que je souffre ! »

La foule est tellement dupe de ce qu’elle voit, de ce qu’elle entend, que la plupart des domestiques se persuadèrent que « maîtresse » était en effet la plus à plaindre ; surtout quand Marie eut des attaques de nerfs, envoya chercher le médecin, et déclara qu’elle se mourait. Les allées et venues, les applications de bouteilles d’eau bouillantes, de flanelles chaudes, les frictions, le bruit, l’embarras étaient autant de diversions salutaires.

Cependant, Tom se sentait au fond du cœur attiré vers son maître. Il le suivait partout avec inquiétude et tristesse ; et lorsqu’il le voyait si pâle et si calme, assis dans la chambre d’Éva, tenant la petite Bible devant lui, mais n’y pouvant distinguer ni un mot, ni une lettre, il comprenait qu’il y avait dans cet œil sec et fixe plus de douleur que dans tous les gémissements et toutes les lamentations de Marie.

Au bout de peu de jours la famille Saint-Clair rentra en ville, Augustin espérant échapper à ses pensées en changeant de lieu. La maison, le jardin, la petite tombe furent délaissés, et Saint-Clair parcourut de nouveau les rues de la Nouvelle-Orléans, s’efforçant de combler le vide de son cœur par le tourbillon du monde et des affaires. Ceux qui le rencontraient, sur la place publique ou au café, ne voyaient de son deuil que le crêpe noir de son chapeau ; car il souriait, causait, lisait les journaux, parlait politique, et s’informait du cours de la bourse. Qui eût pu deviner que tous ces semblants de vie n’étaient que le masque creux d’un cœur désolé, et muet comme le sépulcre ?

« M. Saint-Clair est un homme étrange ! dit un jour Marie à miss Ophélia d’un ton lamentable ; je m’étais imaginée que notre chère petite Éva était tout ce qu’il aimait au monde ; eh bien ! il semble déjà l’avoir oubliée ! Je ne puis l’amener à m’en parler. J’aurais vraiment cru qu’il montrerait plus de cœur.

— Les eaux dormantes sont les plus profondes, dit-on, reprit miss Ophélia d’un ton sentencieux.

— Oh ! je n’en crois pas un mot ; c’est bon pour parler. Les gens qui ont de la sensibilité la montrent ; ils ne sauraient faire autrement. C’est un grand malheur d’être sensible. J’aimerais bien mieux être faite comme Saint-Clair. Ma sensibilité me consume !

— C’est mait’ Saint-Clair qui maigrit, maîtresse ! ce n’est quasiment qu’une ombre ! dit Mamie ; il ne mange plus du tout : il n’oublie pas miss Éva, bien sûr ; et qui pourrait l’oublier, la chère petite âme bénie ! ajouta-t-elle en s’essuyant les yeux.

— En tous cas il n’a guère d’égards pour moi, reprit Marie : il ne m’a pas adressé une parole de consolation, et il doit savoir qu’une mère sent autrement qu’un homme.

— Le cœur connaît seul sa propre amertume, dit gravement miss Ophélia.

— C’est précisément ce que je pense. Il n’y a que moi qui sache ce que je sens. — Personne ne paraît s’en douter. — Éva le devinait, elle ; mais elle n’est plus là ! » Et Marie se rejeta sur son sofa en sanglotant.

Elle était de ces gens, malheureusement organisés, qui, indifférents aux biens qu’ils possèdent, leur prêtent une valeur centuple dès qu’ils les ont perdus. Tant qu’une chose lui appartenait, elle n’en cherchait que les défauts : venait-elle à lui manquer, les éloges ne tarissaient plus.

Tandis que cette conversation se passait au salon, une autre avait lieu dans la bibliothèque.

Tom, qui suivait partout son maître avec inquiétude, l’avait vu entrer, quelques heures auparavant, dans la « chambre aux livres » ; après l’avoir vainement attendu à la sortie, il se résolut à pénétrer dans la bibliothèque sous un prétexte quelconque, et ouvrit doucement la porte. Saint-Clair, étendu sur un lit de repos à l’autre bout de la pièce, était couché sur la figure ; à peu de distance devant lui, la Bible d’Éva était ouverte. Tom s’approcha, et se tint debout près du lit. Il hésitait, et, pendant son hésitation, Saint-Clair se souleva tout à coup. L’honnête visage, plein de tristesse, exprimait tant de suppliante affection, tant de sympathie, que le maître en fut frappé. Il posa sa main sur celle de Tom, et y appuya son front.

« Oh ! Tom, mon garçon, le monde entier est vide, aussi vide qu’une coquille d’œuf !

— Je le sais, maître, — je le sais. Mais si maître pouvait seulement regarder là-haut, — là-haut où est notre chère miss Éva, — là-haut où est le cher seigneur Jésus !

— Ah ! Tom, je regarde ; mais, hélas ! je ne vois rien. Plût au ciel que je visse quelque chose ! »

Tom soupira profondément.

« Il semble qu’il soit donné aux enfants et aux humbles, innocents comme toi, Tom, de voir ce que nous ne pouvons voir, dit Saint-Clair. D’où cela vient-il ?

— « Tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et tu les as révélées aux petits enfants, murmura Tom ; il est ainsi, ô mon père ! parce que telle a été ta volonté[1]. »

— Tom, je ne crois pas — je ne peux pas croire ; j’ai pris l’habitude du doute, dit Saint-Clair. Je voudrais croire à la Bible, et je ne peux pas.

— Cher maître, priez le seigneur Jésus. — Dites : « Je crois, Seigneur ! Aidez-moi dans mon incrédulité[2] ! »

— Qui sait rien sur rien ? dit Saint-Clair, le regard vague, et se parlant à lui-même. Tout ce pur amour, toute cette admirable foi, ne seraient-ils qu’une des phases changeantes des sensations humaines, ne s’appuyant sur rien de réel, passant avec ce petit souffle d’un jour ? N’y a-t-il donc plus d’Éva ? — point de ciel ? — point de Christ ? — rien ?

— Ô cher maître ! il y a tout cela ; je le sais ; j’en suis sûr, s’écria Tom, tombant à genoux. Croyez-le, cher maître ! croyez-le !

— Comment sais-tu qu’il y a un Christ, Tom ? tu ne l’as jamais vu.

— Je l’ai senti, maître ! — je l’ai senti dans mon âme ! je l’y sens à présent ! Ô maître ! quand j’ai été vendu, séparé de ma chère femme, de mes petits enfants, j’étais quasi brisé aussi. Je croyais qu’il ne me restait plus rien au monde ; mais le bon Seigneur était là, près de moi ; il a dit : « Ne crains pas, Tom. » Il illumine et réjouit l’âme du dernier des derniers. — II y met la paix. Je suis si heureux ! J’aime tout le monde ! Je ne demande qu’à être au Seigneur, et que sa volonté soit faite en moi, et partout, où, et comme il lui plaira. Je sais bien que cela ne peut venir de moi, qui ne suis qu’une pauvre créature sujette à la plainte : c’est un don du Seigneur, et je sais qu’il le tient tout prêt pour maître. »

Tom parlait en pleurant et d’une voix étouffée. Saint-Clair appuya sa tète sur l’épaule de Tom, et étreignit convulsivement sa main rude et fidèle.

— Tu m’aimes, Tom ? dit-il.

— Je donnerais ma vie de bon cœur, ce même jour béni pour voir maître chrétien.

— Pauvre bon fou ! dit Saint-Clair, se soulevant à demi ; je ne suis pas digne de l’amour d’un brave et honnête cœur comme le tien.

— Ô maître ! il n’y a pas que moi qui vous aime, — le bienheureux seigneur Jésus vous aime aussi.

— Comment le sais-tu, Tom ?

— Je ne le sais pas, je le sens. Ô maître ! « l’amour du Christ passe l’intelligence. »

— N’est-il pas étrange, dit Saint-Clair, en se détournant, que l’histoire d’un homme, qui a vécu et qui est mort depuis dix-huit cents ans, émeuve ainsi les cœurs ? Mais ce n’était pas un homme, ajouta-t-il tout à coup. Nul homme n’a exercé ce long et vivant pouvoir ! Oh ! que je pusse croire ce que m’enseignait ma mère ! que je pusse prier, comme je priais enfant !

— S’il vous plaît, maître, dit Tom, miss Éva avait coutume de lire si bien cette page ! Peut-être maître aurait la bonté de la lire pour moi ? Je n’entends presque plus jamais le saint livre depuis que miss Éva n’est plus là. »

C’était le onzième chapitre de l’Évangile de saint Jean, le touchant récit de la résurrection de Lazare. Saint-Clair le lut haut ; de temps à autre il s’arrêtait pour dominer son émotion. À genoux devant lui, Tom écoutait les mains jointes, son calme visage rayonnant d’amour, d’espérance et de foi.

« Tom, dit son maître, tu crois tout cela vrai, réel ?

— Je le vois, maître, répondit Tom.

— Que n’ai-je tes yeux, Tom !

— Maître les aura s’il plaît au cher Seigneur !

— Mais, Tom, tu sais que je suis beaucoup plus éclairé que toi. Si je te disais que je ne crois pas à la Bible ?

— Oh, maître ! dit Tom élevant les mains avec un geste suppliant.

— Ta foi n’en serait-elle pas ébranlée, Tom ?

— Pas un brin, maître !

— Et pourtant, Tom, tu ne doutes pas que je n’en sache plus long que toi ?

— N’avez-vous pas lu, maître, qu’il révèle aux petits enfants et aux humbles ce qu’il cache aux sages et aux savants ? Mais, maître n’était pas sérieux tout à l’heure ; maître ne disait pas ça tout de bon, bien sûr ? Et Tom regarda Saint-Clair avec anxiété.

— Non, Tom, je ne suis pas tout à fait incrédule ; je crois qu’il y a de fortes raisons de croire, et cependant je ne crois pas. C’est une mauvaise habitude que j’ai contractée, Tom.

— Si maître voulait seulement prier !

— Qui te dit que je ne prie pas ?

— Maître prie !

— Je prierais si je voyais là quelqu’un à qui adresser mes prières ; mais il n’y a personne, et c’est comme si je parlais dans le vide. Tu sais prier, toi ! montre-moi comment on prie. »

Le cœur de Tom était plein, il l’épancha en prières ; elles coulaient de ses lèvres comme des eaux vives longtemps contenues. Ce qui était évident, c’est que Tom croyait être entendu, bien qu’il ne vit personne. Entraîné par le rapide courant de cette foi ardente, transporté presque aux portes de ce ciel que le pauvre esclave pressentait si vivement, Saint-Clair se retrouvait plus près de son Éva.

« Merci, mon brave garçon, dit-il quand Tom eut fini. J’aime à l’entendre prier. Mais laisse-moi seul maintenant. J’y reviendrai quelque autre jour. »

Tom sortit en silence.


  1. Évangile de saint Mathieu, ch. 21, verset 25.
  2. Évangile de saint Marc, ch. 18, verset 26.