La Cathédrale de Lyon/I/3
pendant les invasions et en fit la plus grande église de la ville : maxima ecclesia quae est in honorem sancti Johannis Baptistae, comme il l’appelle explicitement. Mais nous ignorons presque tout de la forme et des proportions du vaisseau, ainsi que de son ornementation. Cependant, une poésie du diacre Florus, contemporain de l’archevêque Agobard, successeur de Leydrade, nous apprend que la voûte du chœur, où l’on conservait les reliques des saints martyrs Spérat, Cyprien et Pantaléon, était décorée d’une mosaïque représentant le Christ entouré des quatre animaux symboliques, les Apôtres disposés à ses côtés, l’Agneau divin, les quatre fleuves du paradis et saint Jean administrant le baptême. Cette mosaïque, probablement carolingienne, imitait celles des basiliques romaines.
On sait en outre, d’après une ancienne tradition confirmée par l’archevêque Renaud de Forez, en 1208, qui accordait certains privilèges à la corporation des pelletiers, que le terrain sur lequel s’élevait l’église avait été libéralement concédé par un membre de cette corporation.
Dès le milieu du xie siècle, l’église Saint-Jean menaçait ruine et, malgré d’importants travaux de restauration, tels que ceux entrepris par le doyen Richon, qui fit refaire la toiture et soutenir par un mur haut et épais l’abside qui s’effondrait[1], on dut songer à sa reconstruction.
Les travaux du nouvel édifice étaient assez avancés entre 1084 et 1100 pour que l’archevêque Hugues Ier pût faire exécuter à ses frais le clocher, la toiture, le maître-autel et même cinq verrières. De 1107 à 1117 son successeur Gaucerand termine l’édifice par l’abside qu’il fit reconstruire en matériaux de choix travaillés avec le plus grand soin preciosissimis et politis lapidibus, nous dit l’Obituaire, et provenant des monuments antiques du forum bâti par Trajan. Les travaux durèrent une quarantaine d’années. L’édifice, d’une grande richesse, était éclairé par de nombreuses verrières peintes. Il était précédé d’un portique soutenu par des colonnes de marbre et décoré de peintures, comme le sanctuaire, dont les noms des donateurs nous ont été conservés. En même temps que l’église, à la fin du xie siècle, on élevait le cloître au sud de la cathédrale. On en voit le mur occidental qui forme la façade de l’édifice connu sous le nom de « Manécanterie » et que l’on a souvent attribué à une date beaucoup plus reculée. Ce cloître était contemporain de l’église d’Ainay, dont il rappelle le style et aussi le parti ornemental de briques incrustées.
Au milieu du xiie siècle, l’église cathédrale était entièrement achevée. C’est à cette époque qu’éclatent les sanglantes querelles entre l’archevêque de Lyon et le comte de Forez qui prétendaient exercer le droit de souveraineté temporelle sur le comté de Lyon. En 1162, Guy II de Forez envahit la ville, saccage le cloître, le palais archiépiscopal et l’église Saint-Jean. C’est une des raisons qui entraînèrent la reconstruction complète de cette deuxième église. À cette époque de transition où l’architecture subissait une véritable transformation, les exemples de reconstruction de cathédrales récemment terminées, comme celles de Chartres, de Laon, etc., n’étaient pas un fait extraordinaire.
- ↑ En 1889, à l’occasion des fouilles faites dans le chœur de Saint-Jean, on découvrit les substructions de l’abside en hémicycle de l’église primitive et du mur de soutènement postérieur. Cette abside se trouvait derrière le maître-autel actuel, sous la première travée du chœur. Parmi les nombreux fragments de sculpture carlovingienne, on mit au jour les débris du chancel de cette église. (Note communiquée par M. l’abbé Longin, qui suivit ces fouilles avec la plus grande attention.)