La Chanson des gueux/ Dos

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Maurice Dreyfous (p. 175-177).
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XIV

DOS


Alors, vrai, vous trouvez qu’ je m’ goure ?
Et puis après ? J’ai un chouett’ moure,
La bouch’ plus p’tit’ que les calots,
L’esgourd’ girond’ comme un’ Ostende.
Aussi j’ m’ai dit : Vivons d’ not’ viande !
       J’aim’ mieux êt’ dos.

D’ailleurs, c’est pas rien que d’ma faute.
J’ai voulu masser comme un aut’e ;
J’ai eu des jours pas rigolos ;
Mais ça m’ rend malad’ quand que j’ chine.
J’ai une arête en plac’ d’échine.
       J’aim’ mieux êt’ dos.

Franch’ment, quoi fout’ ? de l’épic’rie ?
Débiter d’ la moru’ pourrie,
Aussi pourri’ qu’ les aristos ?

Là, sans blagu’, c’est y dans l’ commerce
De l’hareng saur qu’un maqu’reau perce ?
       J’aim’ mieux êt’ dos.

P’t-êt’ qu’en maquillant dans la banque… ?
Avec d’ la galette à la manque
On fait suer l’pognon des gogos.
Bon p’tit truc ! J’y dirais bien tope !
Mais bah ! L’mien est encore plus prop’e.
       J’aim’ mieux êt’ dos.

J’ai pensé, pour me tirer d’ peines,
À m’ fair’ frèr’ des écoles chrétiennes.
Ah ! ouiche ! Et l’ taf des tribunaux ?
Puis, j’ suis pas pour les pant’ en robe.
Avoir l’air d’un mâl’, v’là c’ que j’ gobe.
       J’aim’ mieux êt’ dos.

J’ai bien quéqu’part un camerluche
Qu’est dab dans la magiatrat’muche.
Son jaspin esbloqu’ les badauds.
Il veut m’insinuer dans la rousse.
Pourquoi pas m’ fair’ bouffer d’la mousse ?
       J’aim’ mieux êt’ dos.

Final’ment, sur tout ça j’ me mouche.
L’turbin, c’est bon pour qui qu’est mouche.
À moi, il fait nib’ dans mes blots.

Avec un’ frim’ comm’ j’en ai une,
Un mariol sait trouver d’ la thune.
       J’aim’ mieux êt’ dos.

C’est la raison pourquoi qu’ je m’goure.
Mon gniasse est bath : j’ai un chouett’ moure,
La bouch’ plus p’tit’ que les calots,
L’esgourd’ girond’ comme un’ Ostende.
Aussi, j’ m’ai dit : Vivons d’ not’ viande !
       J’aim’ mieux êt’ dos.