La Chanson des gueux/ La Marseillaise des Benoits

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Maurice Dreyfous (p. 180-182).


XVI

LA MARSEILLAISE DES BENOÎTS


V’là les fanand’s qui radinent,
    Ohé ! tas d’poch’tés,
Les gonciers qui nous jardinent
    I’ s’ront vraiment j’tés.
Nous la r’levons rien qu’ dans l’ riche,
    Malgré nos rideaux.
Gare au bataillon d’ la guiche !
    C’est nous qu’est les dos.

Quand on paie en monnai’ d’ singe
    Nous aut’ marloupins,
Les sal’s mich’tons qu’a pas d’ linge,
    On les pass’ chez paings.
Et si la p’tit’ ponif’ triche
    Su’ l’ compt’ des rouleaux,
Gare au bataillon d’ la guiche !
    C’est nous qu’est les dos.


Pour les vieux tendeurs qu’assomme
    Une ronfle à grippart,
On s’ camoufle en p’tit jeune homme,
    En tant’ figne-à-part.
Quand l’ pant’ a l’ doigt dans la miche,
    S’i’ n’ casque pas gros,
Gare au bataillon d’ la guiche !
    C’est nous qu’est les dos.

Si nos doch’ étaient moins vieilles,
    On les f’rait plaiser.
Mais les pauv’ loufoqu’s balaient
    Les gras d’ nos laisées.
Quand qu’all’ rappliqu’ à la niche,
    Et qu’ nous somm’s poivrots,
Gare au bataillon d’ la guiche !
    C’est nous qu’est les dos.

Bref, tout ça s’rait d’ la choquotte.
    Mais c’ qu’est triste, hélas !
C’est qu’ pour crever à coups d’ botte
    Des gens pas palas,
On vous envoie en péniche
    À Cayenn’-les-eaux.
V’là dans l’ bataillon d’ la guiche !
    Comment craps’nt les dos.

Vous savez, la p’tit’ coterie,
    L’ couplet d’à côté,

C’est d’ la colle et d’ la chierie ;
    La vrai’ vérité,
C’est qu’ les Benoits toujours lichent,
    Et s’ graiss’nt les balots.
Vive eul’ bataillon d’ la guiche !
    C’est nous qu’est les dos.