La Chasse (Gaston Phœbus)/Chapitre XX

La bibliothèque libre.
, Joseph Lavallée
La Chasse (1854)
Texte établi par Léon Bertrand, Maison Lefaucheux (p. 113-114).
XX. Du chien d’oysel et de toute sa nature

Chapitre vingtième.
Du chien d’oysel et de toute sa nature.


Autre maniere y a de chiens qu’on apelle chien d’oysel et espainholz, pource que celle nature vient d’Espainhe, combien qu’il en y ait en autre pays. Cieulz chiens ont moult de bonnes coutumes et de mauveises aussi. Beau chien d’oysel doit avoir grosse teste et grant corps et bel de poill blanc ou tavelé ; quar ce sont les plus biaux ; et de cieu poill en y a plus voulentiers de bons. Et il ne doit mie estre trop velu et doibt avoir cueue espesse. Les bonnes coutumes que cieux chiens ont, sont qu’ilz ayment bien leurs mestres et le suyvent sans perdre parmi toute gent ; aussi vont ilz voulentiers touzjours devant quérant et jouant de la cueue et encontrant de tous oysiels et de toutes bestes. Mes leur droit mestier si est de la perdrix et de la caille.

C’est moult bonne chose à un home qui a bon austour ou faulcon lanier ou sacre pour la perdrix que de cieu chien ; et aussi qui a bon espervier sont ils bons pour le gibier ; et aussi, quant on les enseinhe à estre couchans, sont bons pour prendre les perdriz et caille au filé. Et aussi sont ilz bons quant on les aprent pour la rivière à un oisel qui est au plongé. Mes après ilz ont tant de malveses taches ainsi comme le pays dont ilz viennent le droit ; quar le pays tire à troys natures : à hommes, à bestes et à oyseauls : et einsi comme on dit levrier de Bretainhe, les alans et les chiens d’oysel viennent d’Espainhe ; et leur tire la nature de la malvèse génération d’où ilz viennent. Chiens d’oyseaulz sont rioteurs et grans abayeurs ; et se vous chassiez avecques chiens courans quelle beste que vous chassiez, et ilz y sont, ilz la vous feront faillir ; car ilz se vuelent metre devant et vont don dessà, don delà, aussi bien à faute comme à droit, et enmainent touz les chiens et les font faillir. Aussi se un limier fait sa suyte et il y a un chien d’oysel, il se voudra tantost metre devant et fera le limier balancer et issir de ses routes. Aussi se vous menez levrier avec vous et il y ait un chien d’oysel et il voit chièvres, ou oyes, ou gélines, ou buef, tantost là il commencera à abayer et à chassier ; et fera tant que tous les chiens et levriers vendront là prendre la beste à sa requeste ; quar il fera toute la riote, noise et tout le mal. Tant d’autres malvèses taches ont chiens d’oisel, se je n’avoye l’austour ou point[1], ou le faucon ou l’espervier, ou le filé, je n’en quier[2] jà avoir.

Séparateur

  1. L’austour ou point, l’autour au poing.
  2. Quier, veuille, du verbe quérir, vouloir.