La Chasse (Gaston Phœbus)/Chapitre XXXIV

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, Joseph Lavallée
La Chasse (1854)
Texte établi par Léon Bertrand, Maison Lefaucheux (p. 143-144).

Chapitre trente-quatrième.
Ci devise comment on doit aler en queste parmi les fours.


Encore puet-il quester et se bouter à tout son limier parmi les fours à haute heure comme dit est ; quar il avient souvent que les cerfs sont si malicieus de leur nature, qu’ils viandent sur eulz meismes en mi les fours, sans aler hors, ne à champs ne à tailles, espicialement quant ilz ont une foys ou plus oy chassier les chiens en la forest. Mes il doit avoir afetié[1] son limier einsi qu’il ne crie point à matin ; quar il l’en feroit aller ; et si soit de haute heure comme dit est, que toutes bestes soient aux gistes ; et se son limier en encontre si le tienhe court et le met derrière luy, et regarde de quieu beste ce est ; et si est chose qui li plaise, si poursuyve de son limier sans crier, jusques tant qu’il l’ait bouté au fourt et face ylec brisées et se retraye.

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  1. AfetiéDressé. Le mot afetier, afeyter, affaiter, vient du verbe espagnol afeytar, qui signifie : accommoder, arranger, parer et raser. En français, il présente également plusieurs sens. Déjà, page 100, nous avons vu que l’on afeyte les oreilles de l’alan. En son livre de Fauconnerie, Arthelouche de Alagona donne le moyen de raccommoder les pennes d’un oiseau qui ont été rompues. « Il y a, dit-il, pour affayter et adoucir le pennage, deux manières de faire les pennes… » Mais le plus souvent dans les auteurs de fauconnerie ou de vénerie le mot affaiter signifie dresser. Le chapitre XII de la Fauconnerie de Tardif est consacré à expliquer : « comme on doibt affaiter un espervier. » Gaston Phœbus, au chapitre XLIV, dit : « Et qui veult bien afetier son limier, il le doit prendre et tenir avec soi. » Affaiter présente donc ici le même sens que le mot entechier employé pages 100–101.

    « Alans sont mal gracieux et mal entechiez et plus foulz et estourdiz que autre manière de chiens. Et oncques je n’en vis trois bien entechiez et bien bons. »

    C’est ausi dans le même sens que Gace de la Bigne dit, au début de son poème :

    Entens cy toi qui veulx savoir
    Des faulcons, et les veulx avoir
    Bons, haultains et bien entechez,
    Saiche qu’il est plusieurs pechez,
    Si tu t’en laisses entaicher,
    Tu n’aura jà tes oyseaux chier ;
    Et se tu bien chier ne le as
    Certes peu savoir en pourras.

    Manuscrit 7097, provenant de la Bibliothèque de Neuilly.