La Chronique de France, 1904/Chapitre III

La bibliothèque libre.
Imprimerie A. Lanier (p. 50-68).

iii

LA PRATIQUE DU CONCORDAT

Le Concordat n’entra pourtant en vigueur que huit mois plus tard. Le Tribunat et le Corps législatif en ratifièrent la signature le 8 avril 1802 et il fut aussitôt promulgué avec les fameux Articles organiques qui lui servaient d’annexe. Ce travail complémentaire, entrepris dès le mois d’avril 1801, avait été confié à Portalis. On a voulu y voir la « revanche de Talleyrand » éconduit dans ses exorbitantes prétentions par la douce fermeté de Pie vii. Cette vue ne parait pas justifiée et, s’il est exact que la chose se fit à l’insu du Saint-Siège, ou n’aurait point dû en ressentir à Rome un étonnement extrême. L’article premier du Concordat était ainsi conçu : « La religion catholique, apostolique et romaine sera librement exercée en France. Son culte sera public en se conformant aux règlements de police que le gouvernement jugera nécessaire pour la tranquillité publique ». Il n’était pas difficile de prévoir que ces « règlements de police » s’étendraient à l’excès jusqu’à empiéter quelque peu sur le domaine de la religion pure ; et lorsque la bataille se livrait si acharnée autour du texte de cet article c’est apparemment que, de part et d’autre, on se rendait compte de son importance et des conséquences qui pourraient en découler.

Les Articles organiques.

Ils sont au nombre de 76 divisés en 4 titres traitant : du régime de l’église catholique dans ses rapports généraux avec les droits de la police de l’État — des ministres du culte, archevêques, évêques, vicaires-généraux et curés, des séminaires, des chapitres cathédraux, du gouvernement du diocèse pendant la vacance du siège, de la circonscription des archevêchés, des évêchés et des paroisses, des édifices destinés au culte, enfin du traitement des évêques et des curés.

Parmi ces 76 articles il en est assurément d’illégaux ou pour parler plus exactement d’anticoncordataires. L’article xx par exemple interdit aux évêques de sortir de leur diocèse, sans la permission du Premier consul ; ce n’est encore là qu’une inutile vexation ; mais l’article xxiv est autrement grave : il est ainsi conçu : « Ceux qui seront choisis pour l’enseignement dans les séminaires souscriront la Déclaration faite par le clergé de France en 1682 et publiée par un édit de la même année ; ils se soumettront à enseigner la doctrine qui y est contenue et les évêques adresseront une expédition en forme de cette soumission au conseiller d’État chargé de toutes les affaires concernant les cultes ». Rien, ni dans la lettre du Concordat ni dans le détail des négociations auxquelles il donna lieu, n’autorisait le gouvernement français à établir une pareille obligation. Rien non plus ne lui permettait d’interdire l’ouverture d’une « chapelle domestique » ou d’un « oratoire particulier » sans « une permission expresse du gouvernement » (article xliv). Encore moins pouvait-il s’immiscer dans la réglementation du culte en décidant (article l) que « les prières solennelles appelées sermons et celles connues sous le nom de stations de l’Avent et du Carême ne seront faites que par des prêtres qui en auront obtenu une autorisation spéciale de l’évêque ». La rédaction de cet article témoigne d’ailleurs de quelque ignorance liturgique. Qualifier un sermon de « prière solennelle » est pour le moins singulier ! On se demande enfin de quel droit l’État intervenait pour interdire (article xxvi) d’« ordonner aucun ecclésiastique s’il ne justifie d’une propriété produisant au moins un revenu annuel de trois cents francs ».

D’autres articles sont simplement puérils. Tel l’article xii laissant les archevêques et évêques libres « d’ajouter à leur nom le titre de citoyen ou de celui de monsieur » ; ou encore l’article xiii qui après leur avoir enjoint d’être « habillés en noir » autorise les évêques à porter en outre « la croix pastorale et les bas violets ». Encore faut-il se demander si ces prescriptions n’avaient point à l’époque où elles furent données une raison d’être et une importance qu’elles ont perdues depuis. Pour apprécier le Concordat et ses alentours il importe de se remémorer les troubles et les catastrophes au milieu desquels la France de 1800 avait vu disparaître le xviiie siècle. Après de semblables désordres, l’exagération de la réglementation ne choquait point ; l’opinion en éprouvait une sorte de sécurité et de repos.

Pour le reste, les Articles organiques, on doit le reconnaître, n’ont rien d’exorbitant, étant donné la façon dont se trouvait désormais constituée l’église de France.

Une église administrative.

Jamais encore une église n’avait été placée vis-à-vis de L’État dans cette situation de dépendance réglementée. Ce n’était point là le traitement d’égal à égal que, maintes fois dans l’histoire, les deux pouvoirs après avoir longuement essayé de se diminuer l’un l’autre étaient convenus de s’accorder. C’était une introduction de la hiérarchie ecclésiastique dans l’administration civile et à un rang demi-subalterne. Assimilés aux autres fonctionnaires les ministres du culte devaient prêter serment de fidélité au gouvernement[1] et en recevoir leur nomination et leur avancement. Quoi de plus symptomatique à cet égard que la disposition des Articles organiques assurant « dans les cathédrales et paroisses, une place distinguée aux individus catholiques qui remplissent les autorités civiles ou militaires » (article xlvii) ? L’esprit évangélique n’en était peut-être pas très satisfait mais l’esprit administratif y trouvait son compte. Dès lors comment protester contre l’interdiction de tenir aucun concile national ou de réunir aucun synode diocésain sans autorisation ? Comment protester contre la prétention d’« examiner la forme » des bulles, rescrits, décrets du Saint-Siège et des conciles généraux et d’apprécier « leur conformité avec les lois, droits et franchises de la République française ». Tyrannie sans doute, mais tyrannie découlant logiquement de l’institution d’une église administrative. Il ne s’ensuivait pas du reste que les matières dogmatiques fussent soumises à cet examen. Si on eut, en 1855, le réjouissant spectacle d’une section du Conseil d’État délibérant gravement sur la recevabilité du dogme de l’Immaculée Conception, c’est tant pis pour le gouvernement impérial qui avait encouru le ridicule de saisir cette assemblée d’une pareille question. Rien ne l’y obligeait et sans doute les catholiques français n’avaient pas attendu la permission du Conseil d’État pour ajouter le nouveau dogme à leur credo.

Quatre-vingt ans de paix.

Le Concordat de Bonaparte devait donner une longue paix à la France. Tous les régimes qui se succédèrent s’en arrangèrent. Bonaparte seul, chose curieuse à noter, n’y put parvenir. Violent et emporté, la façon déloyale et absurde dont il traita par la suite le pape Pie vii suffit à rappeler combien il observa mal la lettre et surtout l’esprit du traité qu’il avait signé. À sa chute on put croire que son œuvre allait disparaître. Nous avons déjà indiqué combien, de sa retraite de Mittau, le comte de Provence qui avait pris le titre de roi de France à la mort de son neveu Louis xvii, avait suivi avec inquiétude et mécontentement les négociations concordataires. Il supportait plus facilement l’idée qu’un usurpateur occupât son trône ou lui en barrât le chemin que l’idée de voir cet usurpateur se servir d’une des prérogatives les plus essentielles de l’ancienne royauté. Le temps en passant sur ces événements n’en avait pas atténué l’amertume dans la mémoire du prince. Devenu roi de fait, Louis xviii entama avec plaisir des pourparlers en vue de la conclusion d’un Concordat nouveau qui devait se rapprocher de celui de François ier plus que de celui de Bonaparte et tenir en tous cas un juste milieu entre ces deux actes. L’accord pourtant ne put se faire. Louis xviii qui n’était pas dévot plus que de raison balançait entre la joie de satisfaire une vieille rancune et la crainte de renoncer à un ensemble de clauses très avantageuses pour l’État. Finalement les choses demeurèrent telles quelles. Un article de la Charte de 1814 qui fut amendé en 1830 déclarait au reste la religion catholique « religion de l’État » et donnait au pape une satisfaction que le cardinal Consalvi avait vainement cherché à obtenir. Sous la Restauration, le pouvoir était officiellement religieux mais l’esprit gallican s’était quelque peu réveillé et les ordonnances de 1828 contre les jésuites que Charles x s’était senti obligé de signer en sont une preuve indéniable. Sous la Monarchie de Juillet, le pouvoir marquait une tendance non équivoque à la neutralité ; le gallicanime par contre était mort et les catholiques manifestaient des sentiments ultramontains propres à réjouir le Saint-Siège. Quand vint la seconde République, le clergé qui tenait rigueur à Louis-Philippe pour ne l’avoir pas suffisamment favorisé épousa la cause républicaine. Aussi jamais la religion ne fut-elle plus populaire en France. Les prêtres bénissaient partout les « arbres de la liberté ». Une messe solennelle fut célébrée sur la place de la Concorde le jour de la promulgation de la constitution de 1848 et, l’année suivante, un corps expéditionnaire français envoyé au secours du pape s’empara de Rome révoltée et y restaura le régime pontifical. Conquis par les flatteries du gouvernement de Napoléon iii, le clergé par la suite se donna imprudemment à ce néo-impérialisme ; il en résulta, après la guerre de 1870, certains froissements entre les évêques et la République. Le bonapartisme de ceux-ci se manifestait de façon trop visible. Peu à peu ils désarmèrent ; l’action énergique de Léon xiii y contribua efficacement. Nous ne pouvons relater ici le détail des rapports entre l’église et l’État de 1815 à 1900 ; mais il suffit de constater qu’aucun conflit intérieur n’en troubla l’harmonie. De part et d’autre on était animé par un sincère désir d’aplanir toutes les difficultés et, dans ces conditions, il n’était nullement impossible d’y réussir.

Querelles éventuelles.

Non pas que ne se trouvassent en germe dans certaines expressions et, plus encore, dans certaines lacunes du Concordat de véritables querelles qui, sans tous ces soins, auraient pu éclater bien plus tôt. Le mode de nomination des évêques par exemple repose sur une équivoque qui s’est perpétuée jusqu’ici par la crainte tacite qu’on avait de la rompre, à Rome aussi bien qu’à Paris. « Le Premier consul, dit l’article iv, nommera aux archevêchés et évêchés. Sa Sainteté conférera l’institution canonique suivant les formes établies ». Que veulent dire ces termes ? que le Premier consul et ses successeurs auront droit de choisir qui bon leur semblera et d’en faire un évêque ou un archevêque ?… C’est bien là le sens exact de la phrase mais il y manquerait alors le sens commun. Évidemment le pape ne peut être obligé de donner l’investiture à un prêtre qu’il jugerait indigne au point de vue ecclésiastique d’occuper ces hautes fonctions. Mais alors si l’investiture est refusée, l’évêque nommé ne peut prendre possession de son siège ; force sera donc au gouvernement d’en désigner un autre. Dans les Bulles d’investiture la même obscurité n’a cessé de régner ; les mots nobis nominavit qui y figurent ne sont pas seulement du mauvais latin ; ils ne signifient rien. Le Saint Siège n’était nullement autorisé à les considérer comme impliquant un simple droit de présentation et on conçoit que le gouvernement de la République ait refusé, peu après 1870, une bulle dont le texte portait : Nobis presentavit. La Curie s’en excusa comme d’une erreur de plume et la formule habituelle reparut dans les Bulles suivantes. On prit donc le seul parti raisonnable, celui d’une entente tacite préalable entre la direction des cultes et le Vatican. Le président de la République ne nomma que des évêques pour lesquels on s’était d’avance assuré de l’institution canonique. Et comme, par ce moyen, un grand nombre de prélats connus pour leur libéralisme et leurs opinions républicaines eurent accès aux sièges épiscopaux les plus importants il faut bien reconnaître que le système avait du bon. Il n’y aurait eu qu’a continuer.

Les articles xiii et xiv du Concordat sont ainsi conçus : « Sa Sainteté pour le bien de la paix et l’heureux rétablissement de la religion catholique déclare que ni Elle ni ses successeurs ne troubleront en aucune manière les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés et qu’en conséquence la propriété de ces mêmes biens, les droits et revenus y attachés demeureront incommutables entre leurs mains ou celles de leurs ayants cause. Le gouvernement assurera un traitement convenable aux évêques et aux curés dont les diocèses et les paroisses sont compris dans la circonscription nouvelle ». À rapprocher de ce double texte celui de l’article xii. « Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres, non aliénées, nécessaires au culte, seront mises à la disposition des évêques ». Les questions soulevées par ces articles sont très graves. Les traitements assurés au clergé revêtaient-ils dans la pensée des signataires le caractère d’une indemnité ou d’un salaire ? La « mise à la disposition » des évêques par l’État de tous les édifices du culte impliquait-il que ce dernier renonçât à la propriété de ces édifices, propriété proclamée en 1791 par l’Assemblée Législative ? Le fait que les articles xiii et xiv se suivent semble impliquer un lien entre eux ; et comment croire qu’en consentant une renonciation aussi complète et aussi insolite que celle contenue dans l’article xiii le Saint Siège n’ait pas réclamé une juste compensation ? Mais alors pourquoi ne pas avoir dit clairement que les traitements auraient ce caractère ? Pourquoi surtout n’avoir pas fait entrer dans ce compte compensateur l’usufruit des édifices du culte ? C’eut été s’en tirer à bon marché et Bonaparte n’avait certainement pas l’idée que ces édifices pussent servir à autre chose qu’au culte. Si la « mise à la disposition » n’est qu’un prêt bénévolement consenti par l’État et si les traitements ne répondent à aucune idée de compensation pour la confiscation des anciens biens de l’Église, alors il est certain que du jour où le Concordat serait dénoncé, l’État pourrait supprimer d’un trait de plume le budget des cultes et fermer aux catholiques la plupart de leurs églises.

Ces deux exemples — on pourrait en citer d’autres[2] — mettent en lumière le genre de difficultés dont le Concordat contenait le germe et dont ses négociateurs ne semblent pas avoir aperçu la gravité car ils n’avaient ni les uns ni les autres d’intérêt à les laisser en suspens.

Les armes de l’État.

Représenter l’État comme « désarmé » par le Concordat en face des « empiètements » du clergé a toujours été la grande tactique des anticléricaux. En fait rien de pareil ne s’est jamais produit et on peut dire que sous ce rapport les Articles Organiques ont pourvu abondamment à la défense de l’État. Pourtant comme certaines des mesures usitées telles que « l’appel comme d’abus » ne comportent que des condamnations verbales sans sanctions matérielles, le gouvernement s’est forgé à lui-même une arme singulière dont l’illégalité est flagrante : c’est la suspension de traitement. Il se base pour la légitimer sur le caractère inamovible des fonctions sacerdotales. Il est curieux de remarquer en passant que cette inamovibilité n’a fait l’objet d’aucune discussion lors de la conclusion du Concordat et qu’elle n’est indiquée nulle part. Elle n’en est pas moins admise par l’État qui, ne se reconnaissant pas le droit de révocation à l’égard d’un ministre du culte s’adjuge en compensation celui de suspendre son traitement ; et cela en vertu de dix articles du code pénal et de deux décrets de Napoléon ier. Le code pénal en effet stipule (articles 199 à 208) que les critiques, censures, provocations par discours ou écrit pastoral contre l’autorité publique seront punissables d’emprisonnement, de bannissement ou d’amende. Mais outre que cette énumération de délits est limitative et qu’il est impossible d’y comprendre, par exemple, le cas des curés bretons coupables d’avoir fait le catéchisme en langue celte et dont pour ce fait M. Combes supprima aussitôt le traitement, le code pénal défère en tous les cas le délinquant aux tribunaux. De quel droit substituer un simple arrêté ministériel à un jugement régulier et quelle est, pour un pays civilisé, cette étrange façon de rendre la justice ? Les décrets signés en 1811 et 1813 par Napoléon ier peuvent encore moins être invoqués comme précédents car ils visent exclusivement le cas où le titulaire du traitement serait absent de son poste sans motif et sans permission.

Le dernier budget.

Le budget des cultes pour l’année 1904 se montait dans l’ensemble à près de 42 millions et demi. Comme le remarque M. G. Noblemaire dans une étude fort documentée intitulée Concordat ou Séparation, ce n’est là qu’un quatre-vingtième du total d’ensemble demandé pour le budget général de l’année. Voici comment ces 42 millions se décomposent. Les bureaux de la direction des cultes figurent pour 265.000 francs ; les archevêques et évêques (17 archevêques et 67 évêques) émargent pour 900.000 francs ; les curés (au nombre de 3.451 ; le plus fortuné reçoit 1.600 francs) pour 4.321.000 francs. Les 185 vicaires généraux reçoivent 470.000 francs. 160.000 francs sont alloués aux chanoines. L’article xi du Concordat autorisait les évêques à créer dans leurs cathédrales un « chapitre », vieille institution qui assurément n’était pas bien nécessaire à faire revivre alors que tant d’autres, plus utiles, demeuraient supprimées. On conçoit que la république actuelle ait jugé bon de la laisser s’éteindre de nouveau. Depuis 1885 il n’est point accordé de nouveaux traitements de chanoines ; les vides causés par la mort dans leurs rangs ne sont plus comblés et, de ce chef, le budget a économisé en 18 ans 932.000 francs. La grosse dépense cultuelle ressort au paragraphe des « Desservants et vicaires. » La plupart sont, en fait, des curés étant seuls chargés du soin d’une paroisse. On fait pourtant une distinction entre eux et les curés proprement dits. Leurs traitements vont de 1.300 à 900 francs. Leur nombre est de 31.000 (avec 3.451 curés, cela ne fait pas même un prêtre par commune puisqu’il y a en France 36.000 communes sans compter les colonies). Ils émargent au budget de 1904 pour 30.500.000 francs seulement, en raison de certaines vacances. Un crédit de 675.000 francs est destiné à assurer le service des pensions et des secours aux prêtres âgés et infirmes. 1.408.000 francs sont affectés à l’entretien des immeubles diocésains et 295.000 francs à la restauration des cathédrales. 86.000 francs sont nécessaires pour l’inspection et la direction des travaux (remarquons en passant la disproportion entre ces 86.000 francs nécessaires pour conduire travaux qui se montent à 1.703.000 francs !) Enfin 1.742.000 francs sont accordés par l’État aux communes trop pauvres pour entretenir elles-mêmes leurs églises ou presbytères.

En somme le culte catholique reçoit 40.581.703 francs dont 37.026.600 francs afférent à l’entretien des ministres. Restent 1.574.500 francs pour les cultes protestants et 162.530 francs pour le culte israélite. En même temps que les Articles organiques annexés au Concordat, Bonaparte en avait fait rédiger d’autres pour l’église calviniste réformée et l’église luthérienne de la confession d’Augsbourg. La première reçoit pour l’entretien de 639 pasteurs, la somme de 1.224.200 francs ; la seconde pour l’entretien de 62 pasteurs, la somme de 126.600 francs (les pasteurs sont mieux traités que les curés ; leurs traitements variant de 3.000 a 1.800 francs ; mais on a tenu compte justement de ce qu’ils avaient leurs familles a entretenir). Les séminaires de Paris et de Montauban bénéficient d’un crédit de 26.500 francs. En outre 43.000 francs sont alloués pour l’entretien des temples et 188.000 francs pour les secours, indemnités et frais d’administration.

Depuis l’édit donné par Louis xvi en 1784, la condition civile des israélites en France n’a jamais cessé de s’améliorer. Ils furent reconnus citoyens français en 1791 mais Napoléon leur imposa en 1807 une déclaration permettant au pouvoir civil d’exercer sur leur culte un droit d’organisation et de contrôle. En 1808 fut promulgué le décret établissant à Paris un consistoire central assisté de consistoires départementaux et fixant les fonctions des rabbins. Toutefois leurs traitements ne figurèrent au budget qu’à partir de 1831. En 1844 le régime de 1807 fut remanié. Actuellement le grand rabbin reçoit plus qu’un évêque et moins qu’un archevêque, 12.000 francs : les 56 autres rabbins se partagent une somme de 107.000 francs. L’entretien des synagogues coûte 8.000 francs et le séminaire israélite 22.000 francs.

Il est curieux que les dépenses, minimes d’ailleurs, faites par l’État pour le culte musulman n’aient pas été groupées au budget des cultes. C’eut été probablement un état puissant pour le maintien du Concordat. De plus en plus la France voyant s’augmenter le nombre de ses sujets musulmans est obligée de se préoccuper de ce qui concerne leur religion. Comment « séparer » les catholiques de la métropole en gardant unis les infidèles des colonies ?

  1. Le serment politique ayant été aboli en 1848, l’article vi du Concordat qui le stipulait formellement et contenait même le texte des paroles fixées devint caduc par là même.
  2. Notamment ce qui a trait à la nomination des curés par les évêques : « leur choix, dit le texte, ne pourra tomber que sur des personnes agréées par le gouvernement ». Il y a amphibologie et même contradiction. Pour faire agréer les candidats par le gouvernement il faut d’abord les choisir.