La Chute de Miss Topsy/Préface
vez-vous jamais vu, vers la
fin d’une lourde journée
d’été, un orage se préparer
sur les rives d’un lac ? Des nuages
courent dans le ciel, que des éclairs
sillonnent de flèches aiguës ou illuminent
de nappes éclatantes ; le
vent tord les arbres, dont les branches
gémissent en s’entrechoquant,
soulève l’eau en hautes vagues, et
des mouettes volent en faisant resplendir
leurs ailes blanches parmi
des rayons très pâles qui filtrent
d’entre les nuages… Mais un coup
de vent vient du nord : sans
qu’une goutte d’eau soit tombée,
sans que le tonnerre ait grondé, le ciel s’éclaircit, l’eau redevient tranquille,
et, comme les autres jours, le
soleil se couche à l’horizon dans ses
vapeurs sanglantes et dorées.
Des phénomènes semblables se passent souvent dans l’homme, — rapetissés par la petitesse du cadre : soudain, des symptômes de passion le secouent, ses sensations se multiplient ou se renforcent, une pensée dominante l’absorbe, — et puis, la moindre des circonstances le rappelle à lui-même, et, le cœur vidé, il reprend ses occupations ordinaires. Un drame sans violence s’est joué en lui, qui l’a peut-être remué jusque dans les profondeurs les plus intimes de son être, et dont pourtant il ne reste d’autre trace qu’une résignation plus passive à la monotonie de l’existence moyenne…