La Chute des vierges/VI

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Il ne se produisit pas tout d’abord de désordres pour porter à regretter le changement de programme de l’Institution. La première correction, qui rappela les esprits à une saine observation des convenances fut provoquée par une inscription placée la nuit à la porte de Reine. Cette inscription, par elle-même, témoignait du degré d’émancipation atteint par les élèves aussi bien que par les maîtresses. Sur l’écriteau on lisait : Bordel de l’Institution Sticker — en français et en anglais, avec cette mention au-dessous : « Ici on lèche le cul, on suce le con, et même davantage, à l’œil ou moyennant un petit cadeau. » Qui avait écrit, qui avait posé l’écriteau, on ne put qu’accuser la main d’une amie négligée, et la rumeur publique désigna miss Aline. Une brouille séparait les deux amies : on savait qu’Aline s’était jetée aux pieds de Reine pour qu’elle ne lui battît pas froid de ce que peu après ses époques, enragée de désirs sexuels, aspirant à la reprise de leurs rapports, elle avait fait offrir à celle-ci un joli collier qu’elle possédait et dont Reine aimait à se parer souvent en le lui empruntant. Froissée, Reine avait justement répondu : « Un petit cadeau, passe, mais un bijou, ce serait me vendre. » Aline eut beau protester, miss Sticker, tenant à faire savoir que son autorité demeurait tout aussi dure à l’occasion, condamna la jeune fille ayant déjà franchi ses seize ans, à être exposée dans la salle de punition, les jupes attachées aux épaules avec la chemise, sans pantalon, les fesses et les cuisses nues, le corps lié au poteau d’exécution, pour que toutes les divisions défilassent devant son derrière, en lui décochant une fouettée à pleines mains. On avait perdu l’habitude de ce genre de châtiment public. Aussi lorsque Aline se vit arranger les jupes à ses épaules de façon à la découvrir de la ceinture aux genoux, elle ne retint pas ses pleurs. La honte rougissait son visage et elle tremblotait des jambes, ses bas noirs s’entrechoquant parfois et faisant ressortir la blancheur de ses cuisses, les rondeurs de son postérieur, assez remarquable d’ampleur et de forme. Les petites s’avancèrent les premières et, méchantes gamines malgré leurs mignonnes mains, s’appliquèrent à fouetter ferme, de façon à ce que la claque s’entendît bien loin et même se marquât sur la chair. En cet instant l’érotisme ne préoccupait pas leur cerveau : elles contemplaient la belle surface satinée, pour la châtier avec la plus rude des vigueurs. Puis les moyennes survinrent et la fessée se donna avec autant de force mais avec une nuance de curiosité lascive. Enfin les grandes frappèrent à leur tour et quelques-unes murmurèrent à voix basse, avec assez d’adresse, un gentil compliment à leur pauvre compagne. Répétée par tant de mains, la flagellation ne pouvait manquer de teinter d’une forte couleur rouge le joli derrière d’Aline. Les fouettées distribuées, les élèves se rangèrent en demi-cercle autour du poteau, les maîtresses séparant les divisions les unes des autres. Miss Sticker, froide et impassible, se tenait près de la coupable supposée. Reine et Hilda avaient été désignées pour fouetter les derrières. Quand Reine s’approcha de celle qu’elle pouvait à juste titre considérer comme une de ses meilleures amies, elle lui demanda si vraiment c’était elle l’auteur de l’indignité placardée sur sa porte, et Aline ayant répondu négativement, elle supplia miss Sticker de la dispenser de frapper.

― Nous possédons plus de sagesse et de discernement que vous, miss Reine, et nous vous refusons le droit d’intervenir dans une des rares punitions infligées depuis ces derniers temps ; je trouve donc excessive votre prière et je vous condamne à remplacer miss Aline au poteau, pour y recevoir la flagellation du martinet par la main des enfants.

― Mais…

― Fouettez miss Aline, et obéissez.

Reine allongea une forte claque sur le cul de son amie, et Hilda lui ayant succédé, une servante vint lui épingler les jupes et la chemise sur les épaules, après avoir retiré son pantalon. Comme Aline, elle montra ses cuisses et son postérieur, et on l’attacha au poteau. Miss Sticker ordonna qu’on conduisît la flagellée aux cabinets des arrêts, où elle coucherait cette nuit et où elle attendrait la remontrance qu’elle se proposait de lui adresser, avant qu’on recouvrît ses parties sexuelles. Pleurant et chancelant, défaillant devant le spectacle qu’elle présentait, Aline, emmenée par une maîtresse, dut passer dans cet état de demi-nudité, devant toute l’Institution rassemblée dans la salle de punition. À chaque pas ses fesses se convulsaient, se resserraient, et les vilaines petites, placées au premier rang, ne retenaient pas des rires moqueurs. Reine, attachée au poteau, supportait avec calme tous les regards qui convergeaient vers ses fesses. Les enfants de huit à dix ans s’alignèrent à la file les unes des autres et on remit à la première un martinet. La fillette, la plus petite de la maison, arrivait à peine au-dessus de la ceinture de Reine. Elle leva le bras et le martinet clapota sur les fesses : la sensation n’en parut pas pénible ; elles frissonnèrent tout juste ; le martinet passa de mains en mains, et, comme il arrivait ainsi chez les plus grandes de ces gamines, les coups s’accentuaient et se marquaient. Aux dernières, Reine, agitée de soubresauts, donnait des coups de ventre au poteau et tendait de suite son derrière, éprouvant sans doute le chatouillement voluptueux qu’elle ressentait à la flagellation. La petite division ayant appliqué la correction, miss Sticker fit remettre le martinet à Hilda pour qu’elle clôturât le châtiment infligé à la Française. Hilda, au lieu de se servir du martinet, détacha une rose qu’elle avait au corsage, s’avança du postérieur de Reine, et lui donna deux coups légers, après quoi, effeuillant la fleur sur les fesses, elle murmura :

― Pardonnez-moi, miss Sticker, mais je ne puis frapper autrement une amie qui m’est chère et dont vous approuverez l’amitié.

La stupéfaction se répandit aussi bien chez les élèves que chez les maîtresses : on n’ignorait certes pas qu’Hilda, vivant sous la seule autorité de la directrice, exerçait sur elle une influence incontestable et dont chaque jour on ressentait les effets agréables ; on se doutait bien que miss Sticker se livrait à des passions plus ou moins avouables sur certaines élèves, après avoir été la rigide et implacable maîtresse de l’Institution ; on ne pouvait supposer qu’elle approuverait, en présence de tout le monde, cette désobéissance. Cependant, il fallut s’incliner devant le pouvoir surprenant de cette fillette, à peine adolescente : miss Sticker dit d’une voix très douce :

― Vous êtes la bonté même, ma chère petite et j’applaudis votre acte.

Se tournant vers les maîtresses et les élèves, elle ordonna d’évacuer la salle de punitions, et qu’on prît une heure de récréation libre. Peu à peu la salle se vida, et Reine, détachée du poteau, les jupes rabaissées, se retira vers Hilda. Miss Sticker les avait prévenues qu’elle allait interroger miss Aline pour savoir si elle obtiendrait un aveu qui permettrait de découvrir l’intrigue polissonne coupable de l’outrage fait à la maison, en la personne de sa plus studieuse élève.

Dans le cabinet des arrêts, une pièce carrée, munie d’une demi-croisée à tabatière, au deuxième étage, miss Aline, tout apeurée de la remontrance annoncée par la directrice, se désolait, assise sur une chaise de genre tout spécial : cette chaise de bois et de caoutchouc présentait une lunette au siège, dans laquelle s’enfonçait le postérieur ; une barre verticale, au milieu, s’ajustait entre les cuisses pour les maintenir écartées ; au bout de la barre une forte ficelle traversait, grâce à laquelle on pouvait assujettir la patiente au dossier ; dans le dessous, à travers les barreaux, une planchette mobile, pareille à un soufflet d’orgue, mise en mouvement par un pied posé en avant, se remontait et servait à appliquer une flagellation toute particulière au derrière qui la dominait. Aline n’avait que ce meuble pour s’asseoir : le reste de l’ameublement se composait d’un lit en fer, d’une table supportant une cruche remplie d’eau et une cuvette, et d’une courte descente de lit. Elle savait, d’après les règlements, qu’elle devait s’asseoir sur la chaise, malgré la gêne que lui procurait la barre intercalée entre ses cuisses. Les minutes s’écoulaient, elle commençait à attendre avec impatience la venue de la directrice, lorsque la porte s’ouvrit et que miss Sticker parut :

― Miss Aline, dit celle-ci, vous avez subi le châtiment de la flagellation : pour cette fois, je me bornerai à cette correction. Je vais retirer la barre de cette chaise, afin que vous soyez plus à l’aise et me répondiez en conscience : je pense que vous serez franche et reconnaîtrez ma bienveillance.

Elle enleva la barre et rendit ainsi la liberté à la jeune fille qui s’empressa de serrer les cuisses pour cacher la vue de son con qui se montrait, et la directrice s’étant installée sur le bord du lit, elle répondit :

― Miss Sticker, je vous atteste que je ne suis pour rien dans cette affaire : l’affection que je porte à miss Reine m’eût interdit une telle abomination.

― Avez-vous un soupçon sur la coupable ?

― Qui accuser ? Une seule peut-être, et encore !

― Cependant cet écriteau a été écrit et posé par quelqu’un ! On n’a pas craint de vous désigner. Dites, nommez la personne que vous supposez. Quelle est celle qui, dans votre idée, serait capable de cette monstruosité ?

― Miss Jane Tirressy.

― Ah, vraiment !

― Je n’affirme rien, Miss.

― Bon, bon, j’éclaircirai la chose. Levez-vous et approchez par ici.

― Sans rabaisser mes jupes ?

― Je le veux ainsi.

De nouveau confuse, Aline se redressa debout et vint se placer devant miss Sticker, sur son indication ; celle-ci la contempla quelques secondes en silence et dit :

― Vous devenez une jolie jeune fille, miss Aline, et vous êtes femme par le corps. Il me plaît de vous confesser, et, suivant votre franchise, j’oublierai momentanément les noms que vous venez de me donner et je lèverai votre punition. Êtes-vous décidée à me répondre sans faux-fuyants ?

― Oui, Miss.

― Vous avez un postérieur très bien formé et la rougeur des fouettées a déjà disparu. Asseyez-vous sur mes genoux, nous causerons plus tard et de façon plus intime.

― Oui, Miss.

Aline tremblait bien un petit peu de la tournure que semblait prendre l’entretien ; mais, viciée par Reine et d’autres, elle n’appréhendait pas les intentions lesbiennes qui pouvaient germer chez sa directrice. Elle savait bien néanmoins qu’un mystère sexuel se cachait en elle, son esprit n’évoquait pas la masculinité. Elle ne s’effarouchait donc pas que miss Sticker posât un doigt sur son con et lui murmurât avec une évidente émotion :

― Une gentille vierge, mon enfant, avec un chat bien brun, bien frisé, bien fourni, un chat révélant que vous êtes une fille chaude et ardente ! Est-ce vrai, ne mentez pas, je suis au courant de beaucoup de choses.

De plus en plus émue, Aline répliqua :

― Oh ! Miss ! je sens que vous êtes bonne pour ma petite personne, et je n’oserai vous mentir si vous me câlinez ainsi, si amoureusement ! Oui… je suis chaude, quoi que ce ne soit pas trop convenable pour les jeunes filles de notre pays, mais Reine…

― Ne nommez pas vos amies dans ces circonstances délicates ! vous êtes chaude, je le vois à votre petit bouton qui frétille sous mon doigt.

― Ah ! Miss, Miss, de me sentir dans vos bras, contre votre poitrine, avec votre main qui… me branle, il me serait bien difficile de rester froide.

― Vraiment chérie ! voyons, placez-vous à cheval sur mes genoux, que je lise dans vos beaux yeux vos pensées secrètes.

― À cheval ! Avec mes jupes formant bouclier sur ma poitrine !

― Elles ne cachent pas ce qui vibre sur votre corps ! Ma jolie Aline, vous jouissez !

― Oui, oui, oui, oh ! Miss !

Elle se renversa contre l’épaule de la directrice, les yeux fermés. Sa sexualité déjà excitée par les fouettées reçues, son clitoris gonflé sous le branlage très prononcé de miss Sticker, elle jouissait, se mouillait de cyprine. Miss Sticker sortit un mouchoir de dentelle de sa poche, le lui tendit pour qu’elle s’essuyât, et la chose faite, elle embrassa le mouchoir à la grande surprise de la jeune fille qui n’hésita pas à se placer à cheval, comme elle le demandait. Alors, la directrice l’attirant de plus en plus près contre sa poitrine, l’embrassa sur la bouche, la becqueta et l’excita avec toute sa science. Malgré le feu qui se communiquait à tout son sang, Aline ressentait cependant une certaine frayeur inconsciente. Il lui semblait que sous les jupes de miss Sticker, un objet assez dur grossissait et essayait de la soulever : mais elle ne résistait à rien. Miss défaisait les épingles qui retenaient ses jupes et sa chemise aux épaules, et ces épingles retirées, elle la déshabillait, la mettait toute nue : Aline ne s’offusquait pas, ne se défendait pas.

― Eh, mais ! s’écria la directrice, vous avez de jolis nénés très apparents, ma belle enfant, et je vais les téter.

― Miss, Miss, vous me rendez folle de plaisir ! Dites-moi, qu’avez-vous sous les jupes qui bouge tout le temps et me pousse ?

― Relève-toi, je te le montrerai, mais il faut rester droite par-dessus.

Aline, debout au-dessus de ses jambes, miss Sticker n’hésita pas à soulever ses jupes et à exhiber aux regards étonnés de l’élève, sa queue, loin d’égaler celle d’un homme constitué normalement, mais très raide et altière. Aline comprit qu’elle se trouvait alors en présence d’un être du sexe masculin. Un frisson la parcourut : elle n’aurait pas pu dire si elle éprouvait de la frayeur ou si elle ressentait le désir de quelque chose d’inconnu qui la métamorphosait dans son moral et dans son physique. Miss Sticker la réinstallait sur ses cuisses découvertes, et elle sentait vers son con, vers son minet, cette machine d’homme qui la picotait.

― Touche là avec ta main, murmura miss Sticker.

Elle la toucha, et cela lui produisit un drôle d’effet : on aurait dit que ses nerfs en recevaient comme un choc électrique. Miss la remit debout et se releva : d’une main fiévreuse, elle se dépouilla de ses vêtements et elle apparut dans toute sa virilité, si bien voilée par les atours féminins. Il n’y avait plus rien de miss Sticker : devant ses yeux, Aline apercevait un galant très épris qui l’entraînait sur le lit. Résister, la pauvrette le pouvait-elle ? Elle appartenait à la directrice, quoique cette directrice fût un homme. Elle en dépendait de façon absolue. Est-ce que Reine, est-ce que Hilda pensèrent à la révolte ? Elles goûtèrent du plaisir dans ce qui allait se passer, pourquoi Aline aurait-elle refusé d’en goûter pour sa part ? Aussi suivait-elle l’impulsion indiquée : elle s’étendait sur le lit, elle ouvrait ses bras, elle écartait ses cuisses pour que miss Sticker s’y intercalât au milieu, elle tremblait vraiment sous une très vive émotion voluptueuse. Oh ! elle était une fille prête pour l’œuvre d’amour, avec son chat brun, que Reine proclamait le plus beau et le plus tentant de l’Institution. Et Reine devait s’y connaître en fait de chats. Oui, oui, elle pouvait être autel d’amour, avec ses gentils nénés, pointant déjà, son ventre satiné, ses cuisses potelées, ses fesses dodues et fermes. Pourquoi eût-elle repoussé la sensation de l’amour vrai, elle qui depuis des mois pratiquait le lesbien avec Reine, très portée à la gamahucher ! Miss Sticker applaudissait les excellentes dispositions dont elle témoignait. Rien ne l’arrêtait comme la première fois avec Hilda : Aline courait au-devant de l’attaque, s’y prêtait, s’y précipitait. Elle se collait contre le ventre mâle, elle écartait les cuisses, donnait du con sur le gland et la déchirure s’opérait presque sans souffrance, dans de simples secousses successives, augmentant plutôt le désir érotique. Jean Sticker poussait, poussait, il était le maître, sa queue pénétrait dans ce vagin virginal qui se rendait sans combat. Ah ! cette chère Aline, quel tempérament fougueux elle annonçait ! Elle s’agitait comme une torpille, elle se calait sur les fesses, elle sautait avec ivresse sur son dépucelage qui s’accomplissait, elle dévorait de tendres baisers son ravisseur, elle le pressait sur son cœur, le serrait dans ses bras, elle était bien prise, elle jouissait sous la décharge rapide de Jean, lançant son sperme, la fièvre la gagnait encore plus, elle espérait que cela allait se poursuivre toute la nuit. Déjà Jean Sticker, ayant éjaculé sa jouissance, se reprenait ; déjà il retirait sa queue de ce nouveau con ouvert à l’œuvre de l’amour, déjà le changement de physionomie s’affirmait. À la douce tendresse du mâle rentrant ses griffes pour s’assurer la possession de la femelle, succédait la parole sèche du despote honteux de s’être abaissé dans le contact des épidermes. L’acte de ce dépucelage enlevé si inopinément troublait la directrice ! Oh ! elle n’était pas venue pour s’oublier ainsi, elle voulait réellement gronder, effrayer Aline. La tentation de la chair l’avait emporté, et, se détachant des bras de la jeune fille qui cherchait à la retenir, sa pensée retournait à la petite Hilda, de qui elle gardait le plus vif souvenir. Étrange aberration des sens ! Aline, douée de toutes les grâces nécessaires pour séduire et contenter un amant, ne le disputait pas encore à la fillette mièvre qui, si elle se soumettait à l’enconnage, dissimulait mal la légère terreur l’assaillant à l’approche de sa queue.

― Aline, dit miss Sticker, lorsqu’elle fut rajustée et sur le point de partir, le silence s’impose sur ce que nous venons de faire et sur ce que je suis. Je n’ai pas besoin d’insister, votre intérêt l’exige autant que le mien.

― Soyez tranquille, Miss ! Me condamnerait-on au pire des châtiments que je n’en parlerais pas, même à mon ombre.

― Merci pour vous et pour moi, ma chère enfant ; à l’occasion mes yeux s’inquiéteront de vos gentillesses.

― Je guetterai leur bienveillance, Miss.