La Circulation du sang/Traité anatomique sur les mouvements du cœur et du sang chez les animaux/Chapitre III

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Traduction par Charles Richet.
Georges Masson (p. 73-76).

CHAPITRE TROISIÈME

DES MOUVEMENTS DES ARTÈRES D’APRÈS LES VIVISECTIONS.

Après l’étude des mouvements du cœur, vient l’étude des mouvements des artères et de leurs pulsations.

1. Au moment où le cœur se tend, se contracte et choque la poitrine, en un mot au moment de la systole, répond le moment de dilatation, de pulsation, de diastole des artères. De même, à l’instant où le ventricule droit se contracte et chasse le sang qu’il contenait, a lieu la pulsation de la veine artérieuse qui se dilate en même temps que les autres artères du corps.

2. Lorsque le ventricule gauche cesse d’agir et qu’il ne se contracte plus, le pouls artériel cesse ; quand il se contracte faiblement, le pouls artériel est à peine perceptible. Il en est de même pour le ventricule droit et la veine artérieuse.

3. Quand une artère quelconque est coupée ou perforée, le sang, au moment de la contraction du ventricule gauche, est chassé avec force au dehors par la blessure. De même, au moment de la contraction du ventricule droit, on voit le sang jaillir avec violence de la veine artérieuse, si on a coupé ce vaisseau.

Si l’on coupe sur un poisson le canal qui mène le sang du cœur aux bronches, au moment où l’on voit le cœur se contracter, on voit le sang jaillir avec force de la blessure.

Enfin en coupant une artère, quelle qu’elle soit, on voit que le sang jaillit tantôt plus loin, tantôt plus près de la blessure, et que le jet plus fort répond à la diastole des artères, au moment même où le cœur choque la paroi thoracique ; de sorte qu’au moment où se font la contraction et la systole du cœur, le sang est chassé dans les artères.

Ces faits démontrent donc que, contrairement à l’opinion reçue, la diastole des artères répond à la systole du cœur, que les artères se dilatent et sont remplies par le sang qu’y chasse la constriction des ventricules du cœur. Elles sont distendues, parce qu’elles se remplissent, comme une outre ou une vessie ; et il ne faut pas croire qu’elles se remplissent, parce qu’elles se distendent, ainsi qu’un soufflet. En résumé, le pouls artériel de toutes les artères du corps reconnaît la même cause, à savoir la contraction du ventricule gauche, comme le pouls de l’artère pulmonaire résulte de la contraction du ventricule droit.

En un mot, le pouls des artères résulte de l’impulsion donnée au sang par la contraction du ventricule gauche, de même que dans le jeu d’une cornemuse il y aura en même temps mouvement des doigts, distension de la cornemuse et souffle de celui qui joue, de même, sous l’influence de la contraction cardiaque, le pouls devient plus fort, plus plein, plus fréquent, plus accéléré, image fidèle du rythme, du nombre et de la force des contractions du cœur ; et il ne faut pas croire que, par suite du mouvement du sang, il y ait un instant d’interruption entre la constriction du cœur et la dilatation des artères, même les plus éloignées. Toutes les artères se dilatent en même temps, comme s’enfle en même temps une cornemuse tout entière, et le choc se transmet à toutes les extrémités au même moment, comme dans un tambour ou une longue poutre. C’est du reste ce que dit Aristote[1]. Le sang de tous les animaux palpite dans les veines (il veut dire les artères) et communique à ces vaisseaux une pulsation sur tous les points du corps à la fois. Le pouls de toutes les veines a lieu au même moment, parce qu’elles dépendent toutes du cœur, et le cœur se meut toujours, parce que les veines se meuvent toujours, en sorte que les mouvements du cœur et les mouvements des veines sont simultanés. Notons avec Galien que les anciens philosophes donnaient aux artères le nom de veines.

J’ai vu un fait qui me confirmait complètement cette vérité. Un individu avait une de ces énormes tumeurs pulsatiles appelées anévrysmes située à la partie droite du cou, sur le passage de l’artère. Cette tumeur, qui prenait de jour en jour un développement plus considérable, se distendait à chaque pulsation de l’artère ; et la quantité considérable de sang qui était envoyée dans la tumeur par l’artère, comme l’autopsie, du reste, le confirma, faisait que le pouls radial était à peine perceptible ; en effet, la plus grande partie du sang avait son passage intercepté et se déversait dans la tumeur.

C’est pourquoi, partout où le cours du sang dans les artères est interrompu par la compression, ou par un caillot, ou par un obstacle quelconque, les artères placées au-dessous de cet obstacle ont des pulsations moins fortes, car le pouls artériel n’est autre chose que l’impulsion du sang dans les artères.


  1. Animal., III, cap. 9. De respir., cap. 15.