La Cithare (Gille)/Le Présent

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La Cithare, Texte établi par Georges Barral Voir et modifier les données sur WikidataLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 179-180).

LE PRÉSENT


 
Heureux Dioscoride, accepte ce présent,
Ce vase, façonné de mes mains, en creusant
Avec le dur airain l’agate transparente.
Bientôt le remplira la liqueur odorante,
Mais vois, auparavant, comme il est ciselé :
Sur les bords délicats, le lierre entremêlé,
Encadrant un pays adorable et paisible,
Serpente et se déploie en guirlande flexible.
L’anse est harmonieuse et du plus fin travail.
Plus bas, sous un bosquet plein de fruits de corail,

Près d’une source vive, une vierge divine
Est assise parmi les joncs, et l’on devine
Qu’elle rit au reflet qui frissonne sur l’eau.
Elle ajuste une rose à son léger bandeau,
Sans savoir que, souffrant de cuisantes brûlures,
Pour elle deux guerriers aux belles chevelures
Se querellent. Non loin, est une vigne encor,
Aux pampres verdoyants chargés de grappes d’or ;
Un jeune enfant la garde, assis dans une haie.
Il chante les chansons dont son âme s’égaie,
Et rit, tandis qu’à ses côtés, en tapinois,
Dans le buisson touffu, cauteleux et sournois,
Se sont déjà glissés deux renards en maraude.
L’un mange le raisin pesant, mais l’autre rôde
Dans les herbes, autour du déjeuner gonflant
La besace laissée à terre par l’enfant.
Mais le pâtre frivole et joyeux continue
À moduler ses chants sur la flûte ténue.