La Corée ou Tchösen/Chapitre X

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Ernest Leroux (Tome 26ep. 72-73).


X. — FIN


Je m’embarquai à Tchemulpo, à bord d’un steamer japonais, allant à Shanghaï, d’où je pris passage sur le Yang-tse, de la Compagnie des Messageries maritimes, en partance pour Marseille, commandé par le capitaine de vaisseau de la marine militaire M. Flandin. La veille de mon départ de Tchemulpo, le commandant de la corvette française Le Chasseur, M. le capitaine Bugard, est venu m’inviter à dîner à son bord. À Shanghaï, j’ai été accueilli très amicalement par M. le docteur Louis Pichon, citoyen français, longtemps résidant dans cette ville, où, en dehors de sa réputation de médecin distingué, il s’est fait un nom de voyageur estimé qu’atteste son livre : Un voyage au Yunnan, que vient de publier Plon (1893).

À Hong-Kong, nous nous sommes arrêtés deux jours : je profitai de ce délai pour remonter la rivière Chi-Kiang en petit bateau à vapeur. Je visitai Canton, située sur la rive gauche de la rivière, la plus industrielle et assurément la plus intéressante de toutes les villes chinoises. Parmi maintes choses remarquables vues dans cette ville, j’ai visité le temple des Cinq cents Génies, lequel renferme un nombre égal de statues et, parmi celles-ci, la statue du Vénitien Marco Polo, qui, à l’époque du grand khân Koublai, fut chargé, par celui-ci, d’une mission auprès de l’État de Venise. J’y ai trouvé aussi une mosquée bâtie, selon mon guide, au viiie siècle, et, à côté, un minaret, dont la construction remonte à un siècle plus tard.

De retour à Hong-Kong, nous partîmes le 16, faisant escale à Saïgon, Singapore et Colombo. Dans ce dernier port, pour faire plaisir à un officier du bord, nous sommes allés voir Arabi-Pacha, triste héros des mascarades britanniques en Égypte. L’Angleterre lui laisse toute sa liberté, cela se comprend ; elle ne serait que trop heureuse s’il voulait se sauver et rentrer en Égypte pour y jeter le trouble. Mais Arabi, dont la nature timide convient peu au rôle de rebelle, ne se laisse point tenter. Il est tranquille là, il y reste.

De Colombo, nous touchâmes à Aden, Suez, et, passant, par le canal, à Port-Saïd et ensuite à Alexandrie où, dans une audience privée qu’il m’accorda, le feu Khédive Tewfik m’exprima l’horreur et la haine qu’il ressentait pour la domination anglaise, laquelle lui pesait horriblement. Reprenant ma route par la Gironde, j’arrivai à Marseille le 18 septembre, et le 19 j’étais à Paris, où j’ai pu visiter l’Exposition pendant un séjour prolongé jusqu’au 4 octobre. Le 5, je m’embarquai au Havre sur la Bourgogne, de la ligne transatlantique, et, huit jours après, j’étais à New-York d’où je m’étais embarqué, en 1887, par la voie de l’océan Pacifique, terminant ainsi le tour du monde tout en restant deux années en Tchösen, la terre du Calme matinal.