Poèmes mobiles/La Corvée de quartier

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Poèmes mobiles ; MonologuesLéon Vanier, éditeur des Modernes (p. 29-30).



LA CORVÉE DE QUARTIER
FRAGMENT D’UN POÈME MILITAIRE

À Georges Mac-Nab.


Au lever de l’aurore, un jeune brigadier
Conduisait des soldats dans un coin du quartier.
Ils n’étaient point armés pour de vastes conquêtes :
Ce n’étaient que balais, que pelles, que brouettes.
On allait attaquer cet ennemi mutin,
Que sur la dalle humide on voit chaque matin !

Un tout jeune conscrit qui pensait à sa mère
S’avançait en tremblant dans le sombre repaire.
Mais, soudain, le danger rend son cœur affermi :
Il a, devant ses pieds, reconnu… l’ennemi…

Tout frais, à peine éclos, fumant encor…, le traître,
Ses pareils à deux fois ne se font point connaître :

« Va, maudit, va, rejoins tes compagnons épars !
À la saison prochaine,
Ensemble vous irez féconder notre plaine
Et jaunir les épis de Mars ! »

Ainsi dit le héros, et, poussant sa victime,
Il la précipita jusqu’au fond de l’abîme,
Et le gouffre béant l’engloutit tout entier !…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


C’est ainsi que, noyant cette maudite engeance
Un bon soldat sauve la France,
Sans sortir du quartier !