Poèmes mobiles/La Corvée de quartier
LA CORVÉE DE QUARTIER
FRAGMENT D’UN POÈME MILITAIRE
Au lever de l’aurore, un jeune brigadier
Conduisait des soldats dans un coin du quartier.
Ils n’étaient point armés pour de vastes conquêtes :
Ce n’étaient que balais, que pelles, que brouettes.
On allait attaquer cet ennemi mutin,
Que sur la dalle humide on voit chaque matin !
Un tout jeune conscrit qui pensait à sa mère
S’avançait en tremblant dans le sombre repaire.
Mais, soudain, le danger rend son cœur affermi :
Il a, devant ses pieds, reconnu… l’ennemi…
Tout frais, à peine éclos, fumant encor…, le traître,
Ses pareils à deux fois ne se font point connaître :
« Va, maudit, va, rejoins tes compagnons épars !
À la saison prochaine,
Ensemble vous irez féconder notre plaine
Et jaunir les épis de Mars ! »
Ainsi dit le héros, et, poussant sa victime,
Il la précipita jusqu’au fond de l’abîme,
Et le gouffre béant l’engloutit tout entier !…
C’est ainsi que, noyant cette maudite engeance
Un bon soldat sauve la France,
Sans sortir du quartier !