La Couronne séchée (Louise Guinard)

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Femmes-Poëtes de la France, Texte établi par H. BlanvaletLibrairie allemande de J. Kessmann (p. 144-146).



LA COURONNE SÉCHÉE.


Il est une couronne au vieux mur suspendue,
Stérile souvenir d’espérance perdue,
Frêle ornement d’un front que la mort a pâli ;
Un reste de parfum vit dans ses fleurs fanées :
Mais celui qui tomba dans ses belles années
Dort dans l’abîme de l’oubli.

L’oubli ! Combien de fois il a rêvé la gloire !
Et son nom ne vit plus, hélas ! qu’en ma mémoire ;
Et sa tombe ignorée est inculte et sans fleurs.
Seule encor cependant je murmure : Évariste !
Et comme une harmonie à la fois douce et triste,
Ce nom mouille mes yeux de pleurs.

Évariste ! oh ! combien je fus heureuse et fière,
Quels pleurs délicieux mouillèrent ma paupière,

Quels rapides élans firent battre mon cœur,
Lorsqu’au milieu des cris de la foule nombreuse
Et des mères disant : que sa mère est heureuse !
Ce nom fut proclamé vainqueur !

Oh ! je l’entends encor, la fanfare résonne :
Tu cours, et, triomphant, tu reçois ta couronne ;
Et moi debout, tremblant et le bras étendu,
Je pleure, je m’écrie et je ne puis qu’à peine
Contenir le bonheur dont mon âme est trop pleine :
Je te revois ! tu m’es rendu !

Douce image ! pourquoi ne te vois-je qu’en rêve ?
Ta couronne est séchée et la tombe s’élève ;
Nul ne prononce plus ce nom que j’aimais tant,
Ou si parfois encor quelque bouche le nomme
Et murmure tout bas : infortuné jeune homme !
Nul ne se trouble en l’écoutant.

Pour moi, je t’aimais trop pour t’oublier si vite ;
Dans le fond de mon cœur ton souvenir habite ;
Tu m’apparais souvent gracieux et vermeil
Avec ton doux sourire et tes longs cils de soie ;
Et je revois encore étinceler de joie
Ces yeux qu’éteint le lourd sommeil.


Dans la demeure vide où tu jouais naguère
Sous les hauts peupliers qu’avait plantés ton père,
D’un pas lent et rêveur parfois je vais errer ;
L’araignée a filé dans les chambres désertes,
Les parterres sans fleurs se couvrent d’herbes vertes ;
C’est là que j’aime à te pleurer.

Je t’y revois enfant… alors mon cœur se serre,
Je regarde mes fils et je songe à ta mère ;
Je me dis qu’ici-bas tout espoir est menteur,
Que l’arbre qui de fleurs en avril se couronne
Est trop souvent stérile et sec avant l’automne,
Et je ne crois plus au bonheur.