La Défense de mon oncle/Édition Garnier/Chapitre 1

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CHAPITRE I.
de la providence.

Un cruel vient de troubler sa cendre par un prétendu Supplément à la Philosophie de l’Histoire. Il a intitulé ainsi sa scandaleuse satire, croyant que ce titre seul de Supplément aux Idées de mon Oncle lui attirerait des lecteurs. Mais, dès la page 33 de sa préface, on découvre ses intentions perverses. Il accuse le pieux abbé Bazin d’avoir dit que la Providence envoie la famine et la peste sur la terre[1]. Quoi ! mécréant, tu oses le nier ! Et de qui donc viennent les fléaux qui nous éprouvent, et les châtiments qui nous punissent ? Dis-moi qui est le maître de la vie et de la mort ? dis-moi donc qui donna le choix à David[2] de la peste, de la guerre, ou de la famine ? Dieu ne fit-il pas périr soixante et dix mille Juifs en un quart d’heure, et ne mit-il pas ce frein à la fausse politique du fils de Jessé, qui prétendait connaître à fond la population de son pays ? Ne punit-il pas d’une mort subite cinquante mille soixante et dix Bethsamites[3] qui avaient osé regarder l’arche ? La révolte de Coré, Dathan et Abiron, ne coûta-t-elle pas la vie à quatorze mille sept cents Israélites[4], sans compter deux cent cinquante engloutis dans la terre avec leurs chefs ? L’ange exterminateur ne descendit-il pas à la voix de l’Éternel, armé du glaive de la mort, tantôt pour frapper les premiers-nés de toute l’Égypte, tantôt pour exterminer l’armée de Sennachérib ?

Que dis-je ? il ne tombe pas un cheveu de nos têtes sans l’ordre du maître des choses et des temps. La Providence fait tout : Providence tantôt terrible et tantôt favorable, devant laquelle il faut également se prosterner dans la gloire ou dans l’opprobre, dans la jouissance délicieuse de la vie, et sur le bord du tombeau. Ainsi pensait mon oncle, ainsi pensent tous les sages. Malheur au mécréant qui contredit ces grandes vérités dans sa fatale préface !


  1. Voyez, tome XIX, la note 1 de la page 318.
  2. III. Rois, xxxiv, 13, 15.
  3. I. Rois, vi, 19.
  4. Nombres, xvi, 49.