La Douceur mosane/Le Château

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Georges Thone (p. 13-14).


Le château


Aux deux tours du donjon, tout contre les rideaux,
Saignent des géraniums à des fenêtres rondes.
Sur les chapeaux chinois qui cachent les créneaux
Le soleil a couché l’or de ses gerbes blondes.

Sur le sol de Saint-Pierre, où l’on allait prier
Jadis, entre les coups, quand tonnait la bombarde,
Tel un jouet, la tour du guet se dresse au pied
d’une guinguette et c’était là le corps de garde.

Dans César, dans Joyeuse, aux chefs à coins cassés,
au lieu d’hommes, bardés de fer, scrutant la rive,
Des enfants tapageurs vous regardent passer
Qu’une maman surveille en faisant sa lessive.

Au long de la muraille où hissant leurs couleurs
Tombèrent les soudards dans de rouges mêlées,
de pierre en pierre, en assaillants, montent les fleurs
Valérianes de rose, or brun des giroflées.

Par les soirs de printemps, les acacias soyeux
tapissent les sentiers de neige parfumée,
Sur les bancs on entend jaser de petits vieux.
Un amoureux serre en ses bras la bien-aimée.

Moquant à coups de bec les branlants pont-levis,
dans le lierre, a sifflé quelque merle ironique.
— Sur le dos d’un canon de bronze anachronique
des moineaux pépiants confirment ses avis.