La Duchesse d’Orléans et madame de Genlis/02

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La Duchesse d’Orléans et madame de Genlis
Revue des Deux Mondes6e période, tome 14 (p. 805-838).
LA DUCHESSE D’ORLÉANS
ET
MADAME DE GENLIS[1]

Le départ de sa femme, s’il met fin à des scènes pénibles, ne laisse cependant pas d’inquiéter Philippe sur ses conséquences possibles. Il lui fait signifier, par ministère d’huissier, qu’elle ait à réintégrer le domicile conjugal.

Une détermination inattendue de la Duchesse répond à la sommation et vient terminer ce duel au profit, mais non à l’honneur de Mme de Genlis. Jusqu’ici, Marie-Adélaïde n’a réclamé que ses droits naturels sur ses enfans ; maintenant qu’ils lui sont enlevés sans retour, elle entend défendre leurs intérêts matériels qui sont, à ce moment, plus que compromis.

Le Duc d’Orléans a donc la désagréable surprise de recevoir, des mains de la princesse de Lamballe, choisie à cet effet par le Duc de Penthièvre, une lettre de sa femme lui annonçant qu’elle introduit une demande en séparation.

Elle la fonde sur trois motifs : la différence essentielle de sentimens et d’opinions qui existe entre elle et son mari ; le mauvais état de sa fortune ; enfin, sa liaison avec Mme de Genlis.

A présent qu’il a réglé à sa satisfaction ce qui concerne cette dernière, Philippe, visiblement troublé par la nouvelle question qu’il prévoit grosse d’ennuis, essaie d’y parer, comme le laisse deviner la note suivante destinée à être mise sous les yeux de la Duchesse :


Paris, ce jour de Pâques 1791.

« Je suis fort étonné que Mme d’Orléans veuille notre séparation et je suis très éloigné de la désirer ; s’il falloit absolument en venir là, je pense comme M. de Penthièvre qu’une séparation à l’amiable est celle que l’on doit préférer. Mais, pour que je puisse entendre à quelque proposition de cette espèce, il faut avant tout qu’elle me vienne de Mme d’Orléans elle-même, que je sache d’elle ce qu’elle désire, quels sont ses moyens et ses raisons. Je suis très certain qu’elle n’en peut avoir de solides, mais pour suivre la marche de toute séparation à l’amiable, il faut que Mme d’Orléans commence par m’envoyer le détail que je désire.

« L. P. J. D. »


Philippe essaie d’abord de biaiser ; il allègue, pour fléchir la résolution de sa femme, qu’elle excite ainsi les inquiétudes de ses créanciers et peut les porter à des démarches qui compromettraient gravement ce qu’elle entend défendre : c’est-à-dire l’avenir de ses enfans.

La Duchesse ne se laisse pas prendre à cette spécieuse argumentation à laquelle, nettement, elle réplique :


« Ce ne sont point les inquiétudes que j’ai pu marquer sur l’état de vos affaires qui ont excité celles de vos créanciers, c’est votre bilan et d’autres circonstances qui ont déterminé leur opinion, vous prenés occasion des remboursemens qui vous sont demandés pour revenir sur le dernier sort auquel vous m’avés réduite, et pour me prescrire des lois auxquelles vous scavés bien que je ne dois pas souscrire, et je ne permettrai aucune réflexion là-dessus. Je me bornerai à vous demander que votre dernier arrangement subsiste jusqu’à ce que la séparation que je vous ai demandée, et à laquelle vous avés consenti, ait été effectuée, ce qui ne tardera pas, si vous y donnés les mains ainsi que vous l’avés promis.

« J’ai lieu d’espérer que jusque-là vous voudrez bien laisser subsister les choses entre nous, telles qu’en dernier lieu vous les avez établies.

« L. M. A. DE BOURBON. »


En dépit de son évidente déconvenue, Philippe y cherche d’abord le moyen d’en tirer profit pour aider au retour de la gouvernante, dont l’amour-propre froissé trouvait d’appréciables compensations dans les supplications du prince :


Le Duc d’Orléans à Mme de Genlis.


Paris, ce 10 may 1791.

« Voici, dear friend, la copie de la lettre que j’ai écrite ce matin à M. O. et sur laquelle je fonde l’espérance de la santé, de la vie et du bonheur de ma fille. Je la lui ai montrée, et à l’effet qu’elle lui a fait que je ne pourrois vous peindre, elle en moureroit si ses espérances étoient trompées. Sa mère, comme vous le voyez par la lettre qu’elle a écrite à Montpensier, annonce qu’elle n’a aucun droit sur elle, qu’elle ne veut y prendre aucune part et s’en remet absolument à moi pour toutes les précautions à prendre pour elle. Je vous le répète, dear friend, ma fille ne vivroit vraisemblablement pas, mais bien sûrement ne vivroit jamais heureuse si vous ne lui rendiez pas vos soins. Elle y compte, sa tendresse pour vous vous en fait un devoir, mes enfans et moi nous nous joignons à elle pour vous le demander. Vous ne nous refuserez pas, dear friend, et nous attendons votre réponse qui, à ce que nous espérons, ne précédera pas de beaucoup votre retour, avec bien de l’impatience mais sans inquiétude, puisque nous connoissons votre tendresse et qu’encore une fois vous ne pouvez refuser à la nôtre. »

Copie pour Mme de Genlis de la lettre écrite par le Duc d’Orléans à sa femme.


Paris, ce 10 (mai 1791).

« Mme de Lamballe m’a remis la lettre dont vous l’avez chargée pour moi. En voici la réponse.

« La séparation de biens dont vous me parlez est impossible, si vous la poursuivez devant les tribunaux. Mais comme je ne désire que le bien de mes enfans, je me prêterai à tout ce qui pourra les rendre heureux. Je vous invite à donner votre confiance à quelqu’un avec qui je puisse m’entendre sur les moyens.

« Vous avez dit à Montpensier que vous n’auriez pas d’inquiétude sur l’état de votre fille et vous vous exprimiez ainsi : Ce qui me rassure parfaitement pour la vie de cette malheureuse enfant, c’est que son père est auprès d’elle et prendra très certainement toutes les précautions pour assurer son existence.

« La précaution la plus sûre et la plus délicate, pour ne pas dire la seule que je connoisse, est d’engager Mme de Sillery à vouloir bien reprendre la place qu’elle occupoit auprès d’elle. Je vais faire tous mes efforts pour l’y déterminer. »


Il faut croire que la présence de Mme de Genlis n’eut pas sur la santé de son élève toute la vertu qu’on lui prêtait, car, au mois d’octobre, elle passe avec Mademoiselle en Angleterre pour lui faire prendre les eaux de Bath. On ne daigne même pas en informer sa mère qui s’en plaint amèrement au Duc d’Orléans :


« Je reçois à l’instant votre lettre sans datte avec celle de ma fille. Je scavois depuis plusieurs jours son départ, mais je le scavois par la voie publique, et je pouvois espérer et croire l’apprendre autrement.

« Vous devez me connoître assez pour savoir ce que j’éprouve et juger de l’impatience avec laquelle j’attends des nouvelles de ma fille. »


Ce départ est le prélude de la séparation définitive imposée cette fois par la marche des événemens révolutionnaires. Dans un juste retour, ils feront pour Mme de Genlis un embarrassant fardeau de son succès même. D’abord, et non sans raison, elle répond à Philippe, qui lui demande instamment de rentrer en France avec sa fille : « Il est inconcevable de nous faire revenir en ce moment. » Toutes les insistances de ce dernier sont vaines, son influence a perdu de sa force, et il appelle à la rescousse celle de son fils aîné, en garnison à Tirlemont. Il le charge de présenter à son ancienne gouvernante ce tableau optimiste de la situation :


« Sillery est nommé pour le département de la Somme, et depuis ce moment-là, tout va le mieux du monde : l’Assemblée sera excellente, sa femme ne doit pas hésiter à revenir. »


Cette Assemblée qui, pour le Duc d’Orléans, s’annonçait excellente, était la Convention !

Mme de Genlis ne veut rien entendre, elle restera loin de France, mais ce qu’elle va chercher désormais, c’est à se débarrasser de Mademoiselle. Dans cette intention, elle cherche à rompre. Philippe s’en explique ainsi avec son fils :


« Quant à ce qui vous inquiète pour Mme de Brûlart[2], je crois que vous avez tort. Je ne me brouillerai certainement pas avec elle, et si elle se brouille avec moi, comme je serai toujours prêt à me racomoder, parceque je connois sa tête et son cœur, cela ne sera pas long. Je n’en suis effrayé que pour ta pauvre petite seur qui en souffrira et qui en souffre déjà, je parie, de peur et d’inquiétude. C’est pour elle que j’aurois bien désiré avoir quelqu’un à lui envoyer, mais il est impossible d’envoier en Angleterre dans ce moment-ci, et je crois que Couade est peut-être un des hommes les plus propres à la calmer. Je t’envoie copie de la dernière lettre de Mme de Sillery à laquelle je ne comprends rien, sinon qu’elle veut gagner du temps. Je lui ai répondu que, quant à l’argent, il ne manqueroit pas ; je lui ai envoie l’ordre à mon portier de lui livrer la maison pour son passage à Londres, parceque je n’ai pu écrire, comme elle le désiroit, qu’elle passeroit l’hiver à Londres, puisqu’au contraire j’avois dit et je disois partout que je lui avois écrit de me ramener ma fille sur le champ, que j’avois envoie au-devant d’elle à Calais et que je l’attendois.

« J’étois convenu avec elle, quand elle est partie, qu’elle ne dépenseroit que 150 louis par mois. Elle m’en a demandé, depuis qu’elle est là-bas, en total plus de 350 par mois que je lui ai envoie. J’ai cru d’après cela qu’elle pourroit fort bien se passer du quartier de ses rentes viagères qui étoit en arrière et suivre sur cela le sort de tous les rentiers viagers, d’autant que ce quartier, avec celui d’Henriette[3] et de Paméla[4] font tout au plus une somme de trois mille livres tournois. Ainsi il y a de l’humeur de sa part de s’en plaindre, mais sa tête n’y est plus. Dieu veuille que ma pauvre petite n’en souffre pas trop, momentanément. Le décret sur le divorce annulle absolument toute espèce de procédure commencée en séparation et me donnera sûrement, ou la certitude de n’être pas divorcé, ou si elle le veut absolument, le moyen d’achetter à ce prix le bien être et l’indépendance que je veux assurer à tous mes enfans. Ainsi je suis fort tranquille de ce côté là.

« Voici un extrait de la lettre de Mme de Sillery dont je n’ai ôté que les décomptes d’argent et les protestations de dévouement et de tendresses, parcequ’elles sont toutes détruites par l’ordre impérieux de ne point faire d’objections et la demande de n’y pas changer un mot, sans me donner aucune explication sur l’éloignement, mais l’éloignement est de même pour moi, et cela ne m’a pas empêché de lui donner toutes mes raisons. Cette clause m’a bien l’air de chercher une mauvaise excuse pour abandonner ta pauvre seur. Ecris-moi bien sincèrement et bien franchement tout ce que vous pensez tout les deux, c’est toujours ce que j’aime à vous voir faire et ce qui m’attache à vous. Vous voyez qu’il est nécessaire que vous lisiez tous les deux cette lettre avec attention. »


Pour Philippe commence l’ère des désillusions. Il doute maintenant du dévouement sur la foi duquel il a sacrifié la tendresse sûre de sa femme, la paix sacrée du foyer. A son tour, il souffrira de l’éloignement de ses enfans et, privée de sa seule source de force, cette faiblesse, exploitée par l’ambition, sombrera dans la tourmente proche.

Il est hors de doute que la clairvoyance de Mme de Genlis, aiguisée par la distance, apaisa son enthousiasme révolutionnaire et diminua les espérances qu’elle avait fondées sur la fortune politique du Duc d’Orléans. Il lui faut maintenant tirer son épingle d’un jeu qui devient trop dangereux : la Révolution agissante va lui en donner les moyens.

Le séjour de Londres n’étant plus possible pour celle qu’on y appelait « la jacobine, » au plus fort de la tourmente, au lendemain des massacres de Septembre, elle brave tous les périls dans sa hâte de venir au Palais-Royal jeter presque à la tête de Philippe la fille qu’elle avait conquise sur sa mère.

Encore une fois, Philippe implore pour qu’elle conduise Mademoiselle près de son frère à Tournay. De mauvaise grâce, elle accomplit cette mission et la considère comme la fin de sa tâche.

L’émigration du Duc de Chartres la force pourtant à emporter ce précieux dépôt en Suisse, où le prince passera lui-même peu de temps après.

Pendant son court passage au Palais-Royal, Mme de Genlis avait encore reçu de Louis-Philippe les plus tendres assurances de ses sentimens :


A la citoyenne Sillery
A Bellechasse, rue Saint-Dominique, à Paris.


Tirlemont, ce 24 novembre 1792,

l’an Ier de la République.

« Je viens de recevoir, ma chère maman, votre lettre de Paris qui m’a fait un sensible plaisir. Assurément je n’ai pas besoin d’explication avec vous et je n’en aurai jamais besoin, je ne me rappelle pas l’inculpation dont vous me parlés, je ne me rappelle que cette lettre sotte et déplacée que je me suis tant reproché et qui m’avoit été arrachée par le désir que j’éprouvois de vous voir rentrer en France. C’est une sottise que vous avés la bonté de me pardonner, que je vous conjure d’oublier et dont je vous prie instamment de ne jamais me parler. Je n’ai jamais eu la pensée de douter de l’invariabilité de vos principes et de la pureté de votre conduite, ce seroit me faire injure que de m’en croire capable, j’ai craint qu’abusée sur notre position, vous vous refusiés à revenir, cette crainte m’a fait écrire une lettre que je ne peux pas assés vous prier d’oublier, mais je n’ai jamais eu d’autre pensée et je ne conçois pas ce dont, ma chère maman, vous me parlés ; au reste, laissons cette vilaine occupation, ne nous occupons que du bonheur d’être réunis après une si longue absence. Vous me retrouverés tel que vous m’avez laissé, toujours ferme et inébranlable dans les principes que vous avés gravé dans mon cœur comme dans l’attachement sans bornes que je vous ai voué.

« Je n’aurai qu’un regret, c’est d’avoir été obligé de vous en parler ; je suis bien heureux d’avoir trouvé l’occasion de distinguer votre fils et je pensois avec délices que cela contribueroit à vous rendre heureuse.

« Adieu, ma chère maman, je vous remercie de votre bonne lettre, elle m’a bien soulagé, car j’étois bien tourmenté de la pensée que vous aviés à vous plaindre de votre fils.

« PHILIPPE ÉGALITÉ. »


VI

Voici la famille définitivement dispersée ; exils, prisons, échafaud ont le dernier mot dans ce drame de famille, mêlé, à partir de ce moment, à celui de l’Histoire.

Il ne peut être indifférent, à présent que toutes les phases de ce conflit intime ont été exposées dans leur enchaînement logique, de considérer de près ceux qui en furent l’objet ; c’est-à-dire les élèves de Mme de Genlis, les enfans de Philippe-Egalité.

De même que Marie-Adélaïde se fait connaître par ses lettres, celles que les jeunes princes échangent à cette époque nous feront connaître, plus sûrement que le fameux Journal de la gouvernante, leurs caractères, leurs sentimens, leurs opinions.

Car ces enfans, grandis dans des heures tragiques, ne se contentaient pas d’en être les témoins : sous l’influence de leur éducation, ils prennent parti et tournent ingénument les pages du redoutable livre de faits que leur éducatrice estimait pour eux « valoir mieux que tous les autres livres. »

Quel fruit retirent-ils de cette lecture ? Nous l’apprendrons d’eux-mêmes. Nous saurons également si c’est avec raison que la Duchesse accusait Mme de Genlis de lui ravir le cœur de ses enfans.

Ce qui éclate d’abord dans ces lettres, c’est la tendresse exquise qui unissait les enfans de Philippe. Lui-même avait d’ailleurs, pour atteindre ce but, mis tous ses soins, comme le démontre cette lettre qu’il écrit d’Angleterre à Mademoiselle :


A Londres, ce 20 novembre 1789.

« J’ai reçu, ma chère petite enfant, une petite lettre de vous bien gentille et qui m’a fait beaucoup de plaisir. Je ferai toutes vos commissions. Vous aurez bientôt, par la première occasion, maroquin bleu, maroquin jaune et longues chaînes d’acier pour le col. Je ne sais pas trop bien ce que vous voulez dire, mais je m’en informerai avant de faire l’acquisition. Embrassez de ma part et de bien bon cœur votre amie, je suis charmé qu’elle soit contente de vous. J’ai reçu hier une lettre d’elle à laquelle je répondrai incessamment. J’espère qu’un de vos frères vous a embrassée de ma part ; baisez les touts les trois. J’aime que mes enfans se baisent et je voudrois en faire autant, car je les aime bien de tout mon cœur et de toute mon âme.

« Adieu ma chère petite fille, écrivez moi de temps en temps, vous me ferez plaisir. »


De quelle manière s’exercera l’influence paternelle sur l’esprit d’enfans qui voient leur mère placée, par son mari même, après la gouvernante :


Au Duc de Chartres.


Londres, ce 21 may 1790.

« J’ai reçu votre lettre, mon cher enfant, dont j’ai été très content, votre amie me mande qu’elle l’est parfaitement de vous, ainsi vous me rendez bien heureux. Ma lettre ne sera pas longue, mais vous fera bien plaisir ainsi qu’à votre frère, car c’est pour vous dire que, s’il y a quelqu’occasion de vous faire voir la guerre à touts les deux, je ne la laisserai pas échapper et vous y mènerai avec grand plaisir. Ainsi continuez à vous appliquer à tout ce que votre amie vous demande et soyez sûrs que je vous aime bien tendrement. Ne faites part à personne qu’à votre amie et à votre mère, qui les connoissent déjà, de mes intentions à cet égard. Adieu, je vous embrasse. Faites bien des caresses de ma part à votre seur, et baisez Beaujolois en le prenant par le nez. »

Veut-on savoir aussi comment un prince du sang et un futur souverain appelle le grand cordon bleu de l’Ordre du Roi qui vient d’être supprimé ?

« ...J’ai eu hier une preuve de plus que je suis né sous une heureuse étoile, car j’aurois dû être écrasé. Je vais tous les jours au manège depuis que je suis ici pour faire dresser nos recrues, j’en suis sorti à 6 heures, et à 7 heures une grande partie du toit s’est écroulée. Fort heureusement, il n’y avoit plus personne, car il seroit certainement arrivé quelque malheur, et c’est précisément l’endroit où je me tenois ordinairement...

« Je reçois avec plaisir ton compliment sur la suppression de la bandoulière aristocratique, quant à moi, j’en ai fait un saut de joie !

« Adieu, ma chère sœur, votre tendre frère vous embrasse de toute son âme et vous prie de dire bien des choses à Mme de Sercey et Paméla, Quand donc te reverrai-je ?

« CHARTRES. »

Ce 7 août 1791.


Quant à la profession de foi du fils aîné du Duc d’Orléans, elle est tout entière résumée dans le paragraphe final de l’espèce de chronique domestique que, pendant un court passage à Paris, il adresse à sa sœur alors en Angleterre :


Paris, ce 17 avril 1792.

« Il y a bien longtemps que je n’ai écrit à ma chère petite sœur. Je lui envoie le détail de la fête patriotique qui a eu lieu dimanche à l’occasion de l’arrivée des suisses de Châteauvieux. C’est une moitié de la chronique. Cette fête a eu lieu malgré la rage de tous les aristocrates, ministériels et autres, on faisoit applaudir les femmes qui, de leur fenêtre, la regardoit passer, et comme disoit fort bien Manuel, cette fois ci le parterre est trop imposant pour que les loges osent résister.

« Je suis arrivé d’Anet hier au soir, ma mère m’a paru beaucoup mieux et Mme Chatellux plus horrible que jamais, elle est d’ailleurs détestée de toute la maison. Nous vous attendons toujours, mon père voudroit bien que vous soyés ici ; il sera bien douloureux pour nous de partir quand vous arriverés, ce sera pour moi un chagrin mortel que de ne pas vous voir avant la campagne, car je crois qu’il y aura guerre, et très promptement, il faudra bien que vous reveniés et moi qui vous ai à peine apperçu depuis 10 mois, me voilà encore condamné à être 7 ou 8 mois sans vous voir, cela est bien pénible...

« Adieu, ma chère sœur, que je chéris et que j’embrasse de toute mon âme.

L. P.

« M. de Sillery a pris ce matin du jus d’herbes.

« Le petit Pétion a mal à l’œil.

« Mme Voidel[5] se porte à merveille, comme un petit ange qu’elle est.

« LOUIS-PHILIPPE, prince françois en expiation de ses péchés, colonel du 14ème régiment de dragons, et 4ème colonel de l’armée françoise, ton frère et ton aîné de 4 ans moins deux mois plus treize jouis, et jacobin jusqu’au bout des ongles. »


En ce qui concerne Mademoiselle, l’idée qu’elle pouvait se faire des événemens de France était singulièrement formée par les jugemens de son père :


Paris, mercredi 15 aoust 1792

L’an 4.

« Il y a peut-être un peu de retard dans mes lettres, ma chère petite, parceque, personne ne pouvant sortir de Paris, j’ai été obligé d’envoier mes lettres à la poste de Livry, ce qui leur aura fait manquer le jour du départ de Paris pour l’Angleterre, ainsi vous en recevrez peut être deux à la fois. Vous les aurez plus exactement à présent que je vous écris de Paris où j’ai été obligé de revenir pour mes affaires, quoique j’eusse formé ce projet, puisque j’en étois dehors par hazard, de n’y rentrer que quand on pourroit en sortir librement.

« Quoique je n’aime pas que ma liberté soit contrariée, je ne puis cependant pas m’empêcher de convenir que cette précaution est nécessaire dans ce moment-ci pour pouvoir arrêter toutes les personnes qui donneroient des éclaircissemens sur un complot abominable formé contre notre liberté, et d’ailleurs, cela ne peut pas être long à présent, car il y en a déjà un grand nombre d’arrêtés et l’on croit être sûr de tenir le fil et d’avoir bientôt avec certitude tous les détails qui seront rendus publics, chose bien nécessaire pour ôter l’envie de recommencer quelque chose de ce genre. Je crois qu’on en est dégoûté et que pour cette fois-ci, on ne doutera plus de la volonté bien décidée de la Nation d’être libre et de n’être plus trompée.

« Adieu, chère petite enfant que je chéris. Embrassez votre amie de ma part bien tendrement. Comme voilà la belle saison qui se passe, je vous manderai bientôt de revenir me trouver et j’en aurai bien du plaisir. Montrez cette lettre à votre amie. Adieu bonne, bonne petite. »


Il n’y a pas jusqu’à Mme de Buffon qui ne se mêle d’écrire ainsi l’Histoire pour Beaujolais, son favori :


Ce lundy 13 aoust 1792.

« Je suis bien reconnaissante de l’aimable attention de M. de Beaujolois. Je puis bien l’assurer qu’au milieu des effrayantes horreurs arrivées depuis quatre jours, je formois continuellement le désir de le posséder icy. Voilà donc encore les patriottes sauvés des pièges désastreux qu’on leur tendoient, et les noirs projets sont renversés. J’attend l’instant de vous aller rejoindre avec impatience. J’imagine que ce sera sous très peu de temps. Adieu, mon favori, conservés moi toujours de l’amitié, une marque de votre souvenir m’enchante ! Comptés pour la vie sur mon très tendre intérêt. Je vous embrasse de tout mon cœur. « C. B. »


Dans cet état d’esprit, Beaujolais, qui s’appelle maintenant Alphonse Léodgard, — la Convention lui ayant enlevé son nom par le décret qui défendait le port des qualifications féodales, — va tirer pour sa sœur cette conclusion inattendue des massacres de Septembre :


To Mrs Adèle
S’Edmund’s Bury, Suffolk shire, England.


Ce 5 septembre L. 4 et 1 (1792).

« ... Vous savez sûrement toutes les horreurs qui se sont commises aux prisons, cela fait frémir, ainsi je ne vous en parlerai pas.

« On dit qu’il y a 4 ou 5 milles personnes de tuées. Il part pour les armées plus de monde qu’il n’en faut. Il y a plus d’armes qu’il n’en faut, et il y a dans les sections des liasses d’assignats de 50 l., 100 l., 200 l., etc., comme si c’étoit du papier commun, tout cela est des dons patriotiques.


Oh ! ça ira, va, ça ira !


« Les députés envoyés dans les départemens pour faire des recrues, écrivent qu’ils ont les plus grands succès.

« Adieu ma petite bibi que je baise sur les deux joues...


« ALPHONSE LEODGARD. »


VII

Le Duc de Montpensier, sorti à cette heure des mains de son éducatrice, faisait, à l’armée du Nord, avec le Duc de Chartres, son apprentissage d’homme et de prince. La simplicité avec laquelle il raconte à Beaujolais son baptême du feu et la bataille de Valmy donne à ces récits une grandeur singulière :


Valenciennes, ce 2 mai 1792.

« J’ai entendu pour la première fois siffler les balles à mes oreilles, et je n’en suis pas fâché.

« J’ai passé trois jours et deux nuits sans me déshabiller et presque toujours à cheval, aussi quand je suis revenu, j’étois excédé de fatigue, mais ta lettre m’a fait un singulier effet, car tu ne me parlois que de plaisirs, de chasse, de pêche, etc., et je l’ai reçue un moment après avoir essuyé la grêle de balles, tu peux juger si le contraste étoit grand. On dit que le maréchal de camp qui étoit chargé d’entrer du côté de Dunkerque a pris Furnes, c’est toujours quelque chose ; le fait est que, dans notre campagne, quoique nous nous soyons retirés, l’ennemi a perdu plus d’hommes que nous, mais il est encouragé.

« Enfin ne désespérons de rien, réunissons-nous, punissons les lâches et tout ira bien. Tu trouveras mon style un peu décousu, mais c’est que je me suis encore levé aujourd’hui à quatre heures du matin, et je suis tout endormi ; nous faisons vraiment là un métier de chien, mais quand la patrie est en danger, il n’y a rien qu’on ne fasse.

« Adieu, je t’embrasse de tout mon cœur, montre tout de suite cette lettre à mon père afin qu’il ait tous les jours de mes nouvelles.

« A. PHILIPPE. »


Valenciennes, ce 12 mai 1792.

«... Je vais assez souvent à la comédie ici, c’est-à-dire j’y vas depuis huit jours, car je t’avoue que l’affaire de Mons m’avoit pénétré de douleur et j’ai eu assez de peine à secouer ce chagrin pour reprendre ma gaité ordinaire. Le spectacle est rempli de gardes nationales qui, à tout instant, demandent l’air ça ira. Je me représente toujours ces gardes nationales fuyant devant une poignée de houlands, et cette idée m’afflige.

« Alors le ça ira ne me fait plus le même effet qu’autrefois, au contraire, il m’afflige, surtout quand je vois les mocqueries presque justes des aristocrates. Enfin j’espère qu’avec Lukner nous nous dédomagerons de tout cela et que nous pourrons alors jouer ça ira.

« Mais pour en revenir à la comédie, elle n’est vraiment pas assez mauvaise pour ne pas faire plaisir. Moi, elle m’en fait assez. Il y a une actrice nommée Mlle Pinsard qui, quoiqu’elle n’ait pas de sourcils, n’est, sans plaisanterie, pas mal du tout. Elle est même très agréable ; elle est seulement un peu trop grosse ; elle a une taille énorme, mais elle a des dents charmantes qu’elle montre toujours.

« Je crois que voilà une assez longue description de Mlle Pinsard. Nous avons en outre une très bonne basse-taille qui chante très bien, dans Rose et Colas, l’air :


Sans chien et sans houlette,
J’aimerois mieux garder
Cent moutons près d’un bled.
Qu’une fillette, etc.


« Adieu, mon cher Beaujolois, je te prie de bien remercier Mme de Buffon de son souvenir...

« A. Philippe. »


De Bonssange, ce 15 août (1792).

« J’ai reçu hier la lettre de mon cher Beaujolois qui m’a fait part de tous les grands événemens qui se sont passés le 10 à Paris. Tous les papiers m’en ont d’ailleurs donné plus de détails, mais je m’en vais te donner quelques petites nouvelles d’ici.

« J’ai été hier au soir chez le maréchal[6] que j’ai trouvé très gai. Il nous a dit à tous et devant plusieurs officiers aristocrates qui étoient là : Moi ché suis chacopin, ché feu tout ce que la Nation feu, et elle est maîtresse de chancher ses loix, che téclare que chobeirai toujours à la Nation.

« Ainsi tu vois que ce n’est pas mal parler. Nos commissaires de l’Assemblée ne sont cependant pas encore arrivés.

« Adieu, mon cher Beaujolois, je t’embrasse de tout mon cœur.

« A. PHILIPPE. »


De Dampierre-sur-Aube, le 21 septembre

à 9 heures et demie du matin (1792).

« Nous avons eu hier, mon cher Beaujolois, une bien vive canonade[7]. Elle a duré quatorze heures, depuis deux heures du matin jusqu’à six heures du soir. Tous les vieux militaires ont dit ne s’être jamais trouvés à une affaire si chaude ; nous étions aussi exposés que de simples soldats, les aubus ëclatoient autour de nous. Le général Kellerman a reçu un boulet qui a emporté un pan de son habit et qui a grièvement blessé son cheval, mais lui, Dieu merci, n’a rien ; nous étions environnés de cadavres, de blessés expirans, de mares de sang, jamais je n’ai vu de spectacle si horrible ; je crois que nous avons, tant morts que grièvement blessés, environ 4 ou 500 hommes ; ce compte n’est nullement exagéré ; mais ce qui m’a touché jusqu’à l’âme, c’est de voir cette infanterie immobile voyant leurs camarades tomber à tout instant au milieu d’eux et criant : Vive la Nation, ça ira !

« L’ennemi est toujours rangé en bataille sur les hauteurs d’où il nous a canoné, il est très en force ; nous avons changé de position et nous en avons pris une beaucoup meilleure ; j’espère que nous ne laisserons pas ces Messieurs longtemps tranquilles. Je suis assez fatigué, mais je me porte très bien ainsi que mon frère.

« A. PHILIPPE. »


Si, devant les canons ennemis, le Duc de Montpensier se révèle le vrai petit-fils d’Henri IV, le jacobin adolescent, qui croit entrevoir l’aube de l’âge d’or, reparait dans les lignes que, de Varennes, il écrit à son frère. Voici, du lieu sinistre où la fortune cruelle ressaisit Louis XVI et les siens au seuil du salut, l’impression que va recueillir Beaujolais, ce Beaujolais qu’on embrassait encore en « le prenant par le nez : »


De Varennes, ce 23 juillet (1792).

« Eh bien mon cher Beaujolois, te voilà à Paris, et nous nous sommes dans la fameuse ville de Varennes, nous avons été à l’endroit où le Roi a été arrêté et dans la maison où il a passé la nuit ; en voyant le local on ne conçoit pas comment il a été arrêté, c’est un miracle. Tu imagines bien qu’on nous a conté jusqu’aux plus petits détails de son arrestation. Cette ville ci est très petite et la plupart des riches habitans ont fait déménager leurs meubles et effets par la frayeur qu’ils ont de l’arrivée de Bouille et des Prussiens.

« M. Mierys[8] te présente ses respects, à la manière de l’ancien régime. »

Montpensier ne peut se dispenser, non plus, de décrire en termes assez vifs la surprise un peu scandalisée qu’il a éprouvée en pénétrant pour la première fois dans une synagogue :


De Metz, ce 29 juillet.

« J’ai reçu aujourd’hui une lettre de toi qui n’est pas datée, qui a l’air d’être écrite par un habitant des petites maisons ou par un ivrogne, si bien que si je n’avois pas reconnu ton écriture, elle auroit été tout droit où tu scais bien.

« Tu scais maintenant que le Roi a défendu expressément à Luckner de recevoir mon père à son armée, à moins qu’il ne lui donne un ordre signé de sa main, ce qui annonce vraisemblablement qu’il ne veut pas le donner.

« J’ai été ce matin à la sinagogue ; j’avois mis mon chapeau à la main, et aussitôt un juif m’a dit de le mettre sur ma tête : c’est la loi. Ils font des beuglemens en se dandinant et chacun à leur (sic) manière, de sorte qu’on croit être au milieu d’une basse cour. Ils sont extrêmement sales, ils ont de longues barbes, des manteaux noirs tout déguenillés et des petits chapeaux plats recouverts d’une serge noire...

« A. PHILIPPE. »

Le décret qui ferme la France à tous les Bourbons a paru. Où le destin jettera-t-il chacun des membres de la famille dispersée ? Henriette de Sercey, compagne d’exil de Mademoiselle, donne à Beaujolais l’exemple d’une soumission vraiment un peu trop républicaine ; mais quelle douloureuse anxiété recèle le post-scriptum ajouté par l’ainé des fils de Philippe Égalité :


A Alphonse Léodgard, Maison de l’Égalité.


Tournay, ce mercredi au soir 19 (oct. 92).

« Eh bien, mon aimable ami, il est donc porté, ce terrible décret. Vous voilà donc tous proscrits... mais de bons républicains comme nous doivent se soumettre sans murmurer. Où allés-vous ? Qu’allés-vous faire ? Quand nous reverrons-nous ? Où ? Mon Dieu, que c’est affligeant ! Votre frère aîné est avec nous, il me charge de vous dire qu’il lui est impossible de vous écrire ce soir ; il est dans ce moment à écrire sa treizième lettre et il est trois heures du matin. Je n’ai pas voulu laisser partir Gardanne sans vous écrire un mot. Vous imaginés bien que nous sommes cruellement tristes. Il n’y a que votre frère qui ne le soit pas. Bonsoir mon cher enfant, peut-être ne nous verrons nous de longtems ! Mais malgré l’éloignement nous porterons notre Léodgard dans notre cœur. Votre amie, votre pauvre petite sœur, votre frère, Paméla et moi vous embrassons aussi tendrement que nous vous aimons. Dans quelque endroit que nous soyons, promettés-moi de m’écrire quelquefois. Encore une fois adieu...

« Je veux mettre un petit mot à mon Léodgard pour lui faire voir de l’écriture de l’aîné des proscrits, je ne sais pas quand je te reverrai, cela est triste, adieu, je t’embrasse de toute mon âme, mon pauvre petit Léodgard. »


Cet accablement ne dure pas ; il n’est pas digne, pense le ci-devant Duc de Chartres, d’un citoyen qui doit se modeler sur les héros antiques que Mme de Genlis n’a cessé d’offrir en exemple à ses élèves. Il saura se sacrifier sans murmurer aux décisions de ceux qui veillent au salut de la patrie. Il l’affirme en timbrant ses lettres d’une pierre dure représentant une tête de Brutus entre deux poignards, et en manifestant ainsi sa tendresse à son frère :


Quévrechin, ce 29.

« Le républicain Philippe Egalité embrasse son frère le républicain Léodgard et le prie de faire passer cette lettre à son adresse. Il n’y a rien de nouveau à l’armée du Nord et je t’aime de toute mon âme. César[9] te dit mille choses. »


A Léodgard Égalité, au Jardin de la Révolution, à Paris.


Mons, ce 10 novembre 1792, l’an Ier de la République.

« Je te prie, mon cher frère, de faire passer cette lettre, ou plutôt ce mot à Mme de Sillery ; je me réjouis avec toi du gain de la mémorable bataille de Jemappes, j’ai quelques bêtises prises aux Autrichiens, j’envoye tout cela chés moi, j’ai déjà distribué quelque chose ici, je t’en donnerai aussi ta part et à mon père. Il n’y a pas beaucoup de choses, mais enfin cela vient des Autrichiens, cela fait plaisir. J’ai défendu à Bernières de laisser toucher à rien avant mon arrivée.

« Mille choses à tous ces Messieurs. Je t’embrasse.

« P. EGALITE. »

L’année sombre vient de se lever. En dépit de tant de tristes avertissemens, les princes la saluent gaiement. Ils sont trop jeunes pour que leur âme ne reste pas obstinément ouverte à l’espérance.

Le petit Léodgard, « en sa maison de la rue Saint-Honoré, » reçoit de ses frères des lettres dont le ton de bonne humeur fait frissonner : ils devaient, cette année-là, voir leur aïeul mourir de douleur et leur père monter à l’échafaud !


A Léodgard Égalité

(en sa maison de la rue Saint-Honoré,
Section de la Butte des Moulins).
A Paris, France.

Au Palais-Royal[10]


Tournay, ce 2 janvier 1793, l’an 2 de la République.

« Je te fais cette lettre, frère et ami, pour à cette fin que tu sois instruit et suffisamment informé que, ce jourd’hui, il est parti de la ville et faubourgs de Tournay sur Escaut, vers les trois heures de relevée, un paquet duement plié, fisselé et préalablement remis à la voiture dite diligence qui est dans l’usage de se mettre en mouvement pour transporter en la ville et faubourgs de Paris-sur-Seine tous les hommes, femmes, chiens, doguins, chats angola, etc., qui sont dans l’intention de voir et admirer cet immense amas de pierres et de chair humaine, contenant deux gilets de coton rayé destinés, après avoir été taillés, coupés, cousus, rassemblés et doublés selon les us de cette vaste capitale de la République françoise, à couvrir, cacher et préserver du froid et de l’humidité le ventre de ton corps ; je te souhaite, frère et ami, une bonne, heureuse et joyeuse année accompagnée d’autant d’autres qu’il te sera utile, agréable, commode, confortable, consolant et délicieux.

« Je t’embrasse sur toutes les oreilles.

« PHILIPPE ÉGALITÉ. »

Les deux lettres suivantes sont de Montpensier ; la première fait honneur à son cœur :


De Tournay, le 7 janvier l’an 2 (1793).

« Je reçois à l’instant une lettre de toi, petit gueux ; elle est d’une demi page encore bien tiraillée, elle ne vaut, non seulement pas le port qu’elle coûte, mais la peine d’y répondre, et tu te plains encore de ce que je ne t’écris pas. Tandis que je ne te dois pas une lettre, que plongé dans Tournay jusqu’au col, je n’ai pas la moindre nouvelle à te mander, tu es à Paris à la source de tout ce qu’il y a de plus intéressant, et tu m’écris quatre mots. Conclusion : tu es un petit vaurien. Maintenant, parlons d’autre chose. Je savois déjà la réforme de ce pauvre Buissard et cela me fait une peine abominable. Ma sœur écrit aujourd’hui à mon père pour tâcher qu’on le place auprès d’elle. Si cela ne se peut pas, nous verrons à lui faire une pension à nous deux, cela vaudroit mieux que de le prendre pour frotteur, place à laquelle je ne le crois nullement propre. Au reste, de toute manière nous ne laisserons pas ce pauvre homme sans pain, s’il avoit besoin de secours momentanés, je te prierois de lui avancer pour moi, je te les rembourserai sur le champ.

« Ant. ÉGALITÉ. »

Ce 30 janvier, l’an 3 de la Liberté.

(De Valenciennes).

« Comment, M. l’Ondoyé[11], vous osez me reprocher de ne pas vous avoir envoyé de cravates, tandis que le lendemain de mon arrivée, je vous en ai envoyé deux, toutes deux charmantes, l’une de soie, l’autre de mousseline, l’une m’a coûté 7 l. et l’autre 4, selon que nous en étions convenus ; elles étoient empaquetées avec le galoubet.

« A. PHILIPPE. »


VIII

Simples, francs, directs, tels, par leur correspondance, nous apparaissent les fils de Philippe Egalité. La foi robuste de la jeunesse, leur sensibilité, leur tendresse naturelles n’ont point été étouffées par l’éducation dogmatique qu’ils avaient reçue. Mais celle à qui il appartenait de jouir de ces dons en a été frustrée ; loin d’elle, ils s’épanouissaient dans des régions où la fille du Duc de Penthièvre ne prévoyait que des malheurs et des hontes.

Pour retenir, reprendre ces charmans enfans, qui donnent à une autre le nom de mère, elle heurte, déchire son cœur à une volonté implacable. En vain a-t-elle dit à son mari : « .J’espérais que nous apprendrions ensemble à connaître nos enfans, à nous en faire aimer. » Ses enfans ne la connaissent pas, ils ne l’aiment pas... Il ne lui reste plus qu’à se tourner vers eux qui se détournent d’elle, il faut les conquérir. Conquérir ses enfans ! Suprême et navrante entreprise dans laquelle Marie-Adélaïde, épouse modèle, va se montrer mère incomparable.

Quelle femme, au plus profond d’elle-même, ne sentira passer un frisson devant ces cris de douleur, ces appels, ce désespéré manège de séduction féminine qui, en ces circonstances, prend une grandeur sublime. Pour faire le siège de ces cœurs ravis, elle pleure comme une mère, sourit comme une amante, badine comme un enfant. Prodigieuse et touchante stratégie ! Elle n’omet que les reproches, car elle ne fera pas les enfans juges de leur père.

Avec l’ainé, le Duc de Chartres, presque un homme lorsqu’il quitte le Palais-Royal pour l’armée, elle se fait l’amie compréhensive et indulgente. Qu’il lui confie sans crainte ses premières émotions, les troubles qui l’assaillent dans cet âge indécis ; sa délicatesse de femme, sa tendresse de mère trouveront les conseils, les encouragemens pour maintenir l’adolescent pur, scrupuleux et religieux, mais de sang ardent, dans la voie que sa volonté lui a déjà tracée.

La vie sentimentale de Louis-Philippe a dix-huit ans, la chasteté qu’il observe et que nous révèlent ses lettres, feraient sans doute sourire bien des jeunes gens de cet âge. Mais c’est peut-être là le seul point où l’éducation de Mme de Genlis soit invulnérable. Au milieu du relâchement général des principes et des mœurs, elle sut garder ses élèves dans un parfait état de pureté.

Il est intéressant de constater dans les lettres de Marie-Adélaïde le terrain gagné depuis le jour de la séparation dont son fils la rend responsable, jusqu’à celui où elle arrive bien près du but.


« Il n’y a pas de réponse à faire à votre lettre, mon enfant, aussi ai-je laissé partir votre courrier sans lui en donner une. Que vous dirai-je d’ailleurs ? Que je suis malheureuse, que je suis très souffrante, vous ne l’ignorés pas, mais vous vous y êtes montré bien indifférent, car mes enfans sont les seuls qui n’ont pas seulement envoyé scavoir de mes nouvelles, les personnes que je connaissois le moins m’ont donné cette marque d’intérêt ; cette différence m’a été au cœur. Je vous ai mandé à tous que j’étois dans un état affreux, pas un de vous ne m’a témoigné la moindre sensibilité à cet égard. Tous vos sentimens, toutes vos pensées avoient un autre objet que moi. Ah ! mes enfans, que j’ai besoin de me flatter que les heureux germes que vous aviés annoncé dans votre première enfance ne sont qu’étouffés et qu’un jour l’amour et le devoir vous porteront à rendre à la meilleure des mères ce qu’elle auroit droit d’attendre de vous. »


Voici ce que le Duc de Chartres, alors colonel de dragons, écrivait à sa mère et quelles étaient les réponses qu’il en recevait :


Paris, ce 3 avril 1792.

« Je n’ai pas répondu hier sur le champ à la lettre de ma chère maman dont j’ai été vivement touché, je partois dans ce moment pour le Raincy avec mon père ; ce qui a fait que j’attendois la réponse de maman, c’est que je connaissois la bonté qu’elle a ordinairement de nous répondre exactement, cependant je comptois toujours lui écrire aujourd’hui dans tous les cas ; ce dont je désirois parler à ma chère maman ne concerne que moi, et je puis par conséquent le confier à la poste ; ce qui faisoit que j’éprouvois de l’embarras à en parler, c’est que c’est une de ces choses sur lesquelles on ne peut s’expliquer nettement et clairement, mais puisque maman m’a permis de lui tout dire, je vais le faire. Depuis longtemps je désirois vous entretenir de mes mœurs, je souhaitois vivement que vous connaissiés entièrement ma conduite, elles sont, j’ose le dire, aussi pures sous tous les rapports qu’il est possible qu’elles le soient, elles sont intactes. On m’a d’ailleurs trop inspiré trop de principes de religion, ils sont trop bien gravés dans mon cœur, pour que je m’en écarte jamais. Je ne vous cacherai pas non plus que je n’ai pas pu réussir à me conserver pur sans combat, sans souffrance, ma santé même en est quelquefois altérée, mais n’importe. Je souffrirai patiemment toutes les peines que Dieu m’enverra jusqu’à ce qu’il me soit permis d’être heureux légitimement, et quelque grandes que soient les tentations qui m’entourent, maman peut être sûre que j’en triompherai, car j’aimerois mieux mourir que de manquer de mœurs et à ce que je dois à la religion.

« Je vous ai ouvert mon cœur, je ne vous ai rien caché, j’espère que ma chère maman gardera tout ceci pour elle, cependant si mon grand-père avoit quelques doutes sur la pureté de mes mœurs, je serois trop fâché qu’il les conservât pour ne pas prier maman de vouloir bien les dissiper. Je vous demande pardon de tous ces détails, je n’y suis entré que parce que j’ai cru que vous seriès bien aise de les connoître.

« L. P. »

La réponse ne se fait pas attendre :


Ce 7 avril (1792).

« Non seulement, mon cher enfant, je vous ai permis de me tout dire, mais ainsi que je vous l’ai répété souvent, j’ai désiré et désire bien vivement votre entière confiance sur tous les points ; ah ! croyés en le cœur de votre mère, partager vos peines, votre bonheur, est pour elle le premier des besoins !

« Je sens comme je le dois le prix de la confidence que vous me faites, et vous aviés bien raison de croire qu’elle seroit pour moi le principe de réflexions bien satisfaisantes, car de vous voir attaché à vos principes de religion, à la pureté de vos mœurs, est une consolation bien grande pour moi ; mais, cher enfant, je suis bien tourmentée de ce que vous souffrés, et tout ce que je puis vous dire à cet égard, votre propre cœur vous l’a dit déjà : vous avés éprouvé combien la pratique de la vertu a de la douceur, car les sacrifices les plus pénibles dans le moment, deviennent pour une âme honnête une source de bonheur bien véritable ; que le suffrage de votre mère, joint à tous ces motifs, vous affermissent dans vos résolutions, et évités autant que possible toutes les occasions qui pourroient vous exposer à des combats dont votre santé souffriroit ; cette idée est bien cruelle pour moi, et je vous prie, cher enfant, de parler à M. Couad en qui je scai que vous avés confiance ; on ne peut rien ajouter à la sobriété de votre régime, mais il me semble que beaucoup d’exercice vous seroit bon, enfin il pourra vous donner des conseils que je vous demande instamment de suivre ? je ne pourrois supporter des inquiétudes qui porteroient sur votre conservation.

« Nous soumettre aux peines que Dieu nous envoyé, mon cher enfant, est un devoir qui porte avec lui sa récompense, j’ai tasché toute ma vie de le mettre en pratique, j’en ai eu souvent bien besoin, et je m’en suis toujours bien trouvé. Je vois avec joie que vous possédés cette vertu qui est bien nécessaire dans le courant de la vie.

« Puissiés-vous, mon cher enfant, n’estre dans le cas d’en faire usage que le moins possible ! Voilà le vœu de votre tendre mère, de votre meilleure amie, qui pense à vous sans cesse et dont la vie entière sera consacrée à vous prouver toute sa tendresse, vous ne pourrés juger de toute son étendue, cher enfant, que lorsque vous connaitrés parfaitement le cœur et le caractère de celle qui vous a donné le jour ; cette époque sera celle qui nous assurera à l’un et à l’autre les satisfactions les plus douces et les plus propres à faire notre bonheur mutuel. »


Dans ces épanchemens d’une douceur si nouvelle, Marie-Adélaïde ne se borne point à dire à son fils : « Voilà mes sentimens, voilà mon cœur ; » dans un héroïque sacrifice de ses opinions, elle va jusqu’à lui laisser entendre que ces opinions ne sont pas telles qu’il les suppose, qu’elles ne sont pas intransigeantes au point de ne pas s’accorder par quelque côté avec celles de son fils :


« Je t’ai demandé ta confiance, cher enfant, tu me l’as promise, et de ton exactitude à remplir cet engagement dépendra mon bonheur. Tu peux à ton tour compter sur la mienne, elle sera entière, et j’espère trouver dans mon fils l’ami le plus sûr, le plus vrai, comme tu trouveras toujours dans ta mère l’amie la plus tendre et la plus occupée de tout ce qui pourra te rendre heureux... Jusqu’ici, tu ne m’as connue que par ma tendresse, je veux que tu me connaisse par mon caractère, par mes opinions. J’aime avec vivacité et abandon. Je suis affligée et malheureuse quand je ne suis pas aimée de même, et la moindre réserve de la part des personnes que je chéris me blesse profondément. Une marque de confiance, au contraire, porte la joie dans mon cœur. Tu es jeune, mon cher ami, tu feras des étourderies, cela ne peut pas ne pas être, ce que je te demande, c’est d’en faire toujours l’aveu à ta mère, qui sera ton meilleur avocat auprès de toi-même... Ce que je viens de te dire te prouvera que je tiens infiniment à mes amis et aux personnes qui m’ont toujours témoigné de l’attachement.

» Je suis charmée que tu aimes la Constitution qui s’établit, puisque c’est celle sous laquelle tu es destiné à vivre, les bases sur lesquelles elle s’établit sont bonnes et solides, et j’espère qu’elles feront le bonheur de la France. Tu vois qu’il n’y a de différence entre nous que celles que l’âge et des positions différentes doivent nécessairement aporter. Mes opinions sont moins vives, plus réfléchies. D’ailleurs, mon cher père est rendu malheureux par cette révolution ; il est privé du seul bonheur qu’il connût, de celui de faire du bien. Il se soumet à tout et donne l’exemple de l’obéissance aux nouvelles lois, mais je sais qu’il est tourmenté à l’excès et je t’avoue que cela me donne souvent de l’humeur contre la révolution... Ce que je te prêcherai toujours, c’est la modération ; crois, comme je te le disais, il y a quelque temps, que c’est le cachet d’un bon esprit... »


IX

Chacune des lettres de la Duchesse d’Orléans à Beaujolais, son dernier-né, est un battement de son cœur. De cette source sacrée, il faut laisser couler l’eau pure sans qu’une parole étrangère ne la vienne altérer.

Marie-Adélaïde, chargeant un jour Chartres et Montpensier d’embrasser pour elle leur frère, doutait qu’ils le pussent faire assez tendrement : « Il faudrait pour cela donner son cœur, » disait-elle.

De même, pensera-t-on que, pour oser un commentaire de telles lettres, il faudrait aller le prendre, ce cœur, à la hauteur inaccessible où l’ont placé son amour et sa douleur...

Beaujolais n’avait que deux ans quand il quitta le Palais-Royal pour être mis entre les mains de Mme de Genlis. Un matin de juin 1781, joli, de bonne humeur, volontaire et capricieux, l’enfant, à peine détaché de sa mère, entre à Bellechasse où va commencer son éducation. Il grandit sans que l’atmosphère d’école qui règne en ce lieu lui enlève sa fleur de spontanéité et de sensibilité ; l’instinct qui le porte vers sa mère est rebelle à toute influence. Beaujolais sera l’unique consolation de la Duchesse. Elle répandra sur lui les trésors de son âme qu’elle met à l’unisson de celle de l’enfant. « Ah ! ma tendresse pour toi est dans mon cœur à côté de ma douleur, — lui écrit-elle un jour, — et ces deux sentimens si profonds ne finiront qu’avec ma vie... »

Pour lui plaire, pour l’amuser, elle invente les plus touchantes puérilités.

Celui-là, du. moins, les soins et les leçons de sa gouvernante peuvent orner son esprit, mais ils ne peuvent rien sur son cœur. Il restera toujours pour sa mère l’enfant aimant et bien-aimé.

La Duchesse ne doute pas que la force de ces sentimens ne désarme le sort qui lui rendra un jour, en toute propriété, ce bien précieux. « Ah ! mon Beaujolois, lorsque le Ciel aura permis notre réunion, comme je te serrerai dans mes bras ! »

Le Ciel ne la permit pas, cette réunion. Prisonnier à treize ans, ensuite proscrit, séparé de sa patrie par l’océan, le dernier fils de Philippe-Egalité ne rentra en Europe, en 1808, que pour mourir à Malte.

Marie-Adélaïde, lorsqu’elle écrivit les lettres qui suivent, ne devait jamais revoir son Beaujolais…


… « Tu sçais bien, cher enfant, que tu ne peux pas me faire plus de plaisir qu’en me disant toujours tout ce que tu penses, ta confiance m’est nécessaire, et tout ce qui annonceroit la plus légère réserve blesseroit ma vive tendresse pour toi ; de ma part, tu peux être sûr de la plus exacte vérité, et si malheureusement je ne peux pas t’ouvrir mon âme entière, comme mon Beaujolois le peut et le doit dans tous les momens de sa vie à sa tendre mère, tu peux du moins, mon cher enfant, être bien sûr que je ne te dirai jamais que ce qui sera bien vrai.

« Ce n’est point Mme de Châtellux qui me retient loin de toi, c’est, hélas ! la nécessité la plus impérative.

« À vingt ans, cher enfant, la connaissance que tu as même dès à présent de ta mère ne t’auroit laissé aucun doute à cet égard, mais à ton âge on ne réfléchit guères, et si je te faisois un reproche, ce seroit d’avoir pu croire un moment que qui que ce fût l’emporta sur mon Beaujolois dans mon cœur. Ah ! sois sûr, cher enfant, que ce n’est pas ma foiblesse coupable qui m’empêche de voler dans tes bras, c’est je te le répète, une bien cruelle nécessité , il le faut bien, puisque depuis un an je suis séparée de toi, ce qui est (tu le sens toi-même, cher enfant) la plus dure et la plus forte épreuve à laquelle je pouvois être condamnée, c’est celle qui pèse le plus sur mon cœur qui est rempli de mes enfans, mais telle est ma destinée, et je suis réduite, pour ne pas mourir de désespoir, à chercher au moins à vivre d’espérances.

« Voilà cher enfant, comme je t’ai promis, l’exacte vérité, et sois sûr que je tiendrai dans toutes les occasions l’engagement que j’ai pris avec toi. Continue donc à m’écrire bien souvent et avec cette franchise si aimable qui m’est si chère et si précieuse.

« J’embrasse mon Beaujolois plus tendrement que je ne puis l’exprimer, et je donnerois bien des années de ma vie pour que ce ne fût plus de loin.

« Je le répète, c’est une nécessité absolue qui m’a forcée de quitter pour un tems le lieu qu’il habite, je serois morte si je n’avois pas eu recours à la tendresse de mon père.


« Ta petite lettre n’a pas le sens commun, mon cher petit Beaujolois, mais tu es excusable en quelque sorte parce que tu ne juges pas d’après ta propre expérience. Il m’a été sensible cependant de voir que tu ne me croyois pas, sois sûr que l’amour d’une mère pour ses enfans devance bien le moment où ils ont l’âge de raison, et la tienne t’a chéri avec la plus vive tendresse dès l’instant où tu as vu le jour ; ainsi, elle pouroit avec raison te dire qu’elle avoit aimé la première. Si tu avois eu la prétention de m’aimer plus que je t’aime, elle n’auroit pas été fondée, mais mon cœur en eut été attendri, soit sûr qu’il est bien à toi... »


Ce 9 avril matin.

« Tu es un petit coquin, mon Beaujolois, tu fais tout ce que tu peux pour me tourner la tête et tu y réussis complettement. Tes lettres sont charmantes, et j’ai toujours le besoin d’y répondre sur le champ.

« La personne que tu aimes de tout ton cœur (qui t’aime bien de même) et qui demeure à Anet chès son père , attend avec impatience la boëte que tu lui destines, et son plaisir sera bien augmenté s’il y a dessus un petit portrait, enfin elle désire dans cette occasion à être traitée comme ta vache , tu as bien fait de lui parler de moi, mon cher enfant, et en tout je te donne carte blanche, car tu ne te tromperas pas sur les personnes qui méritent des témoignages d’intérêt de ma part, et tu scai que le premier des droits qu’elles peuvent y avoir acquis est d’aimer mon Beaujolois... Quel beau tems, mon cher enfant, que je voudrois te tenir à Anet ! Tu me manques toujours, à tous les instans, dans toutes les occasions ; mes peines, tu les adoucierois, mes satisfactions (si j’en avois) seraient doublées par ta présence  ; mais il faut attendre ce bonheur du tems.

« Adieu, cher enfant, je t’embrasse plus tendrement que je ne puis l’exprimer et je dirai comme toi si j’en avoîs la prétention : j’y perdrais bien mon tems, assurément . »


Ce 16.

« J’imagine, cher enfant, que tu recevras deux lettres à la fois, Montpensier et Chartres te l’auront dit, et ils se seront acquittés de toutes mes comissions pour mon Beaujolois, je leur ai bien recommandé de l’embrasser pour moi le plus tendrement possible, mais ce ne pourra jamais être aussi tendrement que si c’étoit moi-même, car il faudroit pour cela donner mon cœur, celui d’une mère, et d’une mère aussi aimante que la tienne, ne ressemble à nul autre, quelque sensible qu’il soit, mais celui de mon Beaujolois y répond bien parfaitement et ils s’entendent toujours de même, car le tien si jeune encore a déjà été éprouvé, et ma consolation la plus chère est de voir que l’absence, et une absence bien longue, n’a pu affoiblir les sentimens de mon Beaujolois pour moi.

« J’ai eu besoin de te remercier sur le champ de ta charmante lettre du 10 et 11, je vais nettement y répondre, mes journées ne sont pas arrangées comme les tiennes, mais quoique l’heure de la promenade soit difficile à mettre d’accord avec la vie que nous menons, je tascherai de la prendre le plus souvent possible ; quand je déjeune c’est sur les dix heures, dix heures et demie, mais nous ne dinons guères que vers deux heures, et nous soupons à dix. C’est l’après midi que nous sortons, soit en voiture, soit à pied, et quand j’en ai la possibilité et la force, je tasche encore de faire une petite promenade, et ce qui m’y décide souvent, c’est la pensée que je remplis le désir de mon Beaujolois en faisant un exercice qui m’est recomandé par mon médecin, mais je ne cacherai pas que, quoique j’ai beaucoup de confiance en lui, il a infiniment moins de crédit sur mon esprit que mon Beaujolois, dont j’aimerois toujours avant tout à suivre les ordonnances.

« Mendes moi à quelle heure tu peux faire les petits ouvrages que tu fais pour moi, et je la prendrai pour travailler pour mon Beaujolois. Tu me diras ce que tu veux que je te fasse.

« Je pourrai te broder un gilet moucheté dans le genre de celui que j’ai vu à Montpensier, ou telles autres choses qui te feroient plaisir...

« Je me suis réjouie du plaisir que tu avois eu au Rainsi ; je ne me fesois pas une idée qu’on put y faire une pêche aussi considérable, à la manière dont vous vous y êtes conduits tous les trois, vous auriés bien pu vous trouver dans les filets avec ces Messieurs.

« Quand je pense qu’un trajet de quelques heures me réuniroit à mon Beaujolois, j’avoue que notre séparation m’est encore plus pénible, mais quand je me dis que si l’espace qui est entre nous étoit plus considérable, je ne recevrois pas de lettres écrites de la veille, je sens que mes maux seroient encore aggravés si Paris étoit plus loin d’Anet…

« Comment t’exprimerai-je, mon Beaujolois, ce que j’ai éprouvé à la lecture de ta petite lettre si touchante, si aimable ! J’ai fondu en larmes, et j’ai senti tout à la fois le bonheur d’avoir un enfant qui me chérit aussi tendrement, et le malheur affreux d’en être séparée depuis si longtemps. Ah mon Beaujolois, lorsque le Ciel aura permis notre réunion, comme je te serrerai dans mes bras, contre mon cœur ! Sois bien sûr, cher enfant, qu’il n’y a pas de jour, d’instant, où je ne pense à toi, et où je ne sois cruellement affectée de notre séparation. Hélas, je les avois partagées avec mon Beaujolois, ces espérances que nous avons eues de nous revoir, de nous embrasser, elles ont été bien cruellement déçues, et je crois, cher enfant, que tu en as été bien affligé, mais j’en étois sûre et, quoique je donnasse tout au monde pour éviter à mon Beaujolois la plus légère peine, je ne pouvois pas, dans ces occasions, ne pas désirer que tu partageasses ma douleur.

« Tes frères sont allés se coucher, et je profite de ce moment pour écrire à mon Beaujolois, mais ce n’est point une réponse à cette lettre que j’ai déjà relue tant de fois et que je relirai tant de fois encore, j’ai mille choses à te dire, et il me faut plus de tems pour cela que je n’en ai ce soir, le plus pressé est de remercier mon Beaujolois, mon enfant si tendrement chéri, et de lui répéter que je l’aime bien plus que ma vie. »


Ce 10 au matin (1792).

… « Je ne veux pas, cher enfant, que tu me dises ton secret, quoique j’ai bien envie de le scavoir, mais il doit me suffire de penser que mon Beaujolois s’occupe pour moi, et j’attendrai la surprise charmante qu’il me prépare. Il faut convenir, cependant, qu’il fait bien tout ce qu’il faut pour exciter ma curiosité, car il m’écrit sans cesse que cet ouvrage est très lassant à faire, mais qu’une fois fait, ce sera on ne peut plus solide, enfin tout ce qui peut retenir le plus mon extrême curiosité.

« De tout cela on peut conclure que mon petit Beaujolois est un petit espiègle bien aimable, mais il y a longtemps que je m’en suis aperçu.

« Ton petit dessin est vraiment fort joli et m’a paru bien fait.

« Je rechercherai ta lettre où tu me parles de l’arrangement de tes journées, tu scai que je n’en égare aucune, et que j’ai une bien jolie petite cassette pour les serrer.

« Je t’envoie un billet pour une lotterie, dont peut-être Montpensier t’aura parlé, il est très à même de te faire toutes les explications que tu pourrois désirer, elles te prouveront que cette maison offre tous les genres de ressources réunies, et que nous pourrons même, si nous gagnons, établir une petite manufacture... »


Ce 26 (1792).

« J’ai aujourd’huy une grosse voix qui te feroit rire, mon Beaujolois, mais quoique l’extinction soit diminuée, je suis toujours fort oppressée, et j’ai de la peine à parler, en tout je suis bien misérable...

« Adieu, cher enfant, que j’aime si tant , je t’embrasse de toute mon âme. »


Ce 14 (1792).

... « Je n’oublie pas tu aimes le tabac, et les querelles que je te faisois à ce sujet. Je consens, cependant, que tu en prennes, pourvu que ce ne soit que dans la boëte que je t’envoie et qu’elle contienne ta provision du mois... »


Ce 19 matin (1792).

« J’avais vu dans les papiers publics ce que tu me mandes[12]. Dis-moi, comme tu n’as point de nom de baptême[13], comment il faut que je t’adresse.

« Je suis comme toi, cher enfant, je ne puis expliquer rien de ce qui a rapport à la correspondance de ta sœur avec nous ; mais je répète toujours la même chose : c’est que nous devons l’un et l’autre être sûrs de son cœur. Hélas ! ma ressource depuis longtemps est de le redire sans cesse.

«... Je voudrois t’envoyer un joli anneau des miens (cheveux) envoie-moi la mesure de ton troisième doigt afin que, successivement, il puisse passer aux autres, car je me flatte que mon Beaujolois ne le quittera pas. Si tu aimes mieux mes cheveux sur autre chose, mande-le-moi. »


Ce 11 matin (août 1792).

« Les nouvelles de Paris sont affreuses, mon cher enfant, je n’ai plus une goutte de sang dans les veines. Ma seule espérance est que tu auras couché au Rainsi. Quand cela ne seroit pas, tu ne courerois, j’ai bien besoin de me le dire, aucun danger, ton âge est ta sauvegarde, mais c’en seroit un véritable pour mon Beaujolois d’estre témoin de touttes les horreurs dont on parle.

« Donne-moi de tes nouvelles. Je ne vis pas. Comme le courrier de la malle a eu toutes les peines possibles à sortir de Paris, et qu’on n’y laisse entrer qui que ce soit, je n’envoie personne, mais suis dans des transses qu’il est impossible de rendre.

« Écris-moi bien vite, ne fût-ce qu’une ligne. »


Ce 12 matin (août 1792).

« Je te remercie, cher enfant, de ta longue lettre, je ne suis guères en état d’y répondre, mais je crois que je ne l’aurois pas pu du tout, si j’avois eu certitude que mon Beaujolois fût à Paris.

« Je frémis à la seule pensée de la rencontre que tu as été au moment de faire ! C’est le Ciel qui a inspiré ces deux hommes auxquels j’ai de si grandes obligations. Je voudrois les connoitre, hélas ! sans eux tu serois tombé, sans t’en douter, sur ce rassemblement de piques. Que ton cœur doit avoir été déchiré, cher enfant, du triste spectacle que tu as eu sous les yeux ! Le souvenir de ces testes, de tout ce que tu as vu dans cette horrible journée, ne s’effacera pas de ton esprit, mais je ne veux pas m’apesantir sur ce triste sujet, et rendre les impressions que tu as reçu encore plus profondes. Tu juges comment j’ai passé les heures, qui se sont écoulées depuis les premières nouvelles jusqu’à celles qui m’ont appris que le calme commençoit un peu à se rétablir. Puisse-t-il durer !

« Adieu mon Beaujolois, mon cher enfant, je t’aime, je te chéris et je t’embrasse de toute mon âme. »


Ce 6 matin (1792).

» Mon Dieu, mon Beaujolois, que l’article de ta lettre qui a rapport à ce décret de bannissement me fait de mal ! Quelles cruelles supositions ! Je scai bien où mon Beaujolois seroit toujours bien, c’est dans les bras de sa tendre mère, mais, hélas ! cher enfant, ce bonheur qu’elle achèteroit au prix de son sang, lui est refusé, le sort ne lui sera pas toujours aussi contraire, il faut l’espérer, sa tendresse obtiendra enfin la récompense qu’elle mérite, elle se verra entourée de ses enfans qui lui sont si chers, le bonheur adoucira bien des peines et ils en seront heureux eux-mêmes. Voilà, cher enfant, ce que j’ai besoin de me répéter sans cesse pour ne pas succomber aux tourmens que j’éprouve ; une bonne conscience et l’espérance sont des appuis bien nécessaires, surtout dans le malheur.

« Adieu, cher enfant, je t’embrasse mille et mille fois, l’ami que j’ai auprès de mon Beaujolois (son cœur) lui dira combien c’est tendrement. »


« Voici une lettre pour ta sœur, cher enfant, tu la lui remettras toi même si tu veux... quoique je ne reçoive pas le plus foible témoignage du souvenir de cette pauvre petite, je n’ai pu résister au besoin de lui écrire, surtout depuis l’arrivée de ta lettre d’hier qui me donne une véritable inquiétude.

« Mon Dieu, il seroit bien affreux que la sévérité d’une loi portât sur notre pauvre petite qui est dans l’âge où on ne peut avoir de volonté ; j’espère, mon Beaujolois, que la décision nous sera favorable ; hélas ! si cela pouvoit ne pas estre, mon cœur en seroit déchiré, pour toi, pour elle, pour moi, car enfin un temps viendra (et j’ai besoin de me flatter qu’il n’est pas si éloigné) où je pourrai serrer dans mes bras mes chers enfans. »


Ce mardi (5 mars 1793).

« Ah ! quel malheur[14], mon Beaujolois, jamais, jamais je ne pourrai m’en consoler ni pour mes enfans, ni pour moi, mais on partage ma douleur et ta lettre a porté quelque adoucissement dans mon cœur déchiré. Ecris-moi sans cesse, mon Beaujolois, ah ! si j’existe encore, c’est toi, c’est mes enfans qui me retiennent à la vie. Je t’embrasse, cher, cher enfant. Aime et plains ta malheureuse mère.

» Tu auras de mes nouvelles souvent, bien souvent, »


A Monsieur Alphonse Léodgard Égalité.


Ce 5 matin.

« Tu entendras dire, si cher enfant, que je suis en arrestation.

« N’aies aucune inquiétude et sois bien tranquille. Je t’embrasse de toute mon âme. »


Ce 8, à une heure après midi.

« Ne sois pas inquiet, mon cher enfant, et tâche de me donner des nouvelles de toi et de tout ce qui nous est cher.

« Je t’embrasse, mon si bien aimé et si chéri enfant. »


X

« Madame la Duchesse d’Orléans, — a dit Mme de Genlis, — était froide et ne savait pas l’orthographe. J’écrivais moi-même toutes ses lettres qu’elle copiait ensuite de son écriture. » On sait maintenant ce que cachait la « froideur » de Madame d’Orléans. Quant à la seconde imputation, on ne met pas en doute que l’indiscret secrétaire n’ait été, par occasion, employé à tourner quelque banale lettre, quelque indifférent billet dans un style dont la correction n’était pas, d’ailleurs, toujours irréprochable.

La gouvernante écrivait avec une science acquise et sans cesse surveillée ; la fille du Duc de Penthièvre laissait entendre sa pensée dans un insouci complet de la forme, commun à cette époque, et à laquelle suppléaient, avec un rare bonheur, souvent, les qualités de l’esprit et de la race.

Peu de temps après que, soit lassitude, crainte ou déception, le farouche dévouement de Mme de Genlis se fut lassé, une autre barrière s’élève entre la mère et les enfans. Les deux derniers billets de Marie-Adélaïde courts et déchirans, furent écrits au seuil d’une prison.

La princesse avait été mise en arrestation pendant qu’elle était plongée dans le deuil que lui causait la mort de son père succombant sous le poids de tant de calamités et de honte.

Et cependant, à l’heure où l’abime était creusé à jamais, moins de deux mois après l’exécution de Louis XVI, Madame d’Orléans reçoit cette dernière preuve de l’inconscience qu’elle a déjà observée en Philippe :


Paris, 6 mars 1793.

« Mon fils vient de m’apprendre que vous lui annoncez que j’ai perdu mon beau-père. Il ne tient pas à moi de vous donner toutes les consolations que vous pouvez désirer.

« Je vous offre toutes celles dont je puis disposer dans ce moment. Raprochez-vous de nous. Il nous sera bien doux à mon fils et à moi d’adoucir vos peines, s’il est possible. Je crois vous connoître assez pour être sûr que vous ne vous seriez jamais éloignée de vos enfans et de moi, si vous n’aviez suivi que les mouvemens de votre cœur. N’écoutez que lui et cédez aux instances que je vous fais. »


La sécheresse protocolaire du billet que Philippe reçut directement de sa femme à ce sujet ne put lui laisser aucune espérance de voir se reconstituer le foyer détruit :


7 mars 1793.

« J’ai reçu votre lettre. Je suis on ne peut plus touchée de la part que vous prenez à ma douleur. J’ai expédié ce matin un courrier pour charger M. Villot, qui étoit attaché à mon père, de vous annoncer la perte affreuse que je viens de faire et qui m’accable.

« L. M. A. DE BOURBBON »


Eloigné de ses enfans, séparé à jamais de sa femme, abandonné de son parti auquel il vient de donner pourtant le plus terrifiant des gages, Philippe a réalisé la prédiction qui terminait la dernière lettre à lui adressée par l’infortunée Princesse de Lamballe.


Ce jeudy, 3 septembre (1791).

« Les circonstances, mon frère, relatives à vos affaires avec ma belle-sœur, ne me permettent pas de vous recevoir. Je suis fâchée que vous preniez la peine de venir à ma porte et qu’elle vous fût fermée, et j’ai cru devoir vous en prévenir. Vous avez rejetté mon conseil ; malheureusement, vous avez porté les choses au point que nous ne pouvons plus nous voir.

Adieu, mon frère, je souhaite que vous puissiez être heureux après avoir fait le malheur de toute votre famille.

« M. L. P. DE SAVOYE. »


XI

S’il est difficile de déterminer la part directe de Mme de Genlis dans la vie politique du Duc d’Orléans, on ne saurait plus méconnaître celle qu’elle prit dans sa vie domestique ; cette part s’aggrave de cela, qu’étant donné le caractère de Philippe, ces deux vies ne pouvaient, sans danger, être séparées.

Trop justement, la Duchesse d’Orléans eût pu appliquer, à l’égard de son mari, ce mot de la gouvernante sur l’influence présumée de Mme de Chastellux : « Avant de la connaître, Madame d’Orléans adorait et chérissait tout ce qu’elle devait aimer, et maintenant... »

Maintenant, par la faute de Mme de Genlis, il n’existait plus de famille au Palais-Royal ; et c’est alors que la Révolution y entra...

La gouvernante fut-elle, du moins, l’éducatrice modèle que croyait reconnaître Philippe ? Tous ses efforts, il faut l’avouer, tendirent vers ce but. Si là s’était borné son rôle, sans qu’il usurpât sur celui de la mère, on peut avancer que les enfans de Philippe-Egalité eussent été remarquablement élevés. De leur gouvernante, ils auraient acquis ce qui convenait pour vivre pratiquement dans des temps nouveaux, de leur mère, ce qui est indispensable pour vivre noblement dans tous les temps.

Toutefois, discuter la qualité de l’éducation que dispensa Mme de Genlis est hors de notre sujet. Seul le droit souverain qu’elle s’arrogea dans cette tâche doit être ici mis en cause.

En ce qui concerne les griefs de l’épouse, nous ne nous montrerons pas plus sévères que la Duchesse d’Orléans elle-même : n’a-t-elle pas écrit à son mari : « Si Mme de Sillery avoit été honneste, elle m’auroit répondu qu’elle me rendoit mes enfans... tout auroit été dit, et j’aurois été à ses pieds... »

Quels qu’aient été les jugemens sur ce point délicat, la vie sentimentale de Mme de Genlis, exempte, en somme, de scandale, n’eût relevé que de sa conscience ; mais elle ne rendit pas à la Duchesse d’Orléans ses enfans, et c’est en cela que Mme de Genlis ne fut pas « honneste. »


G. DU BOSCQ DE BEAUMONT ET M. BERNOS.

  1. Voyez la Revue du 1er avril.
  2. Mme de Sillery. — Brûlart était le nom patronymique des Sillery-Genlis.
  3. Mme de Sercey.
  4. Fille adoptive de Mme de Genlis.
  5. Femme du plus fidèle ami d’Égalité, dont il fut le défenseur devant le tribunal révolutionnaire.
  6. Luckner.
  7. Bataille de Valmy.
  8. Peintre polonais.
  9. César du Crest, neveu de Mme de Genlis.
  10. Écrit d’une autre main que l’adresse.
  11. Beaujolais n’avait pas encore été baptisé.
  12. Le décret interdisant le port des noms féodaux.
  13. Puisqu’il n’était qu’ondoyé.
  14. Il s’agit de la mort du Duc de Penthièvre.