La Fête de Saint Nicolas

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Revue des traditions populairesvolume 3, année 2, numéro 12, décembre 1887 (p. 41-42).

II

LA FÊTE DE SAINT NICOLAS EN ALSACE


Voici la Saint Nicolas, jour de grande réjouissance pour notre population d’Altkirch. Mais c’est avant tout la fête des enfants. Trois individus se déguisent, l’un en saint Nicolas à grande barbe, le second en âne, le troisième en père fouettard. L’âne, qui porte des grelots, est conduit par saint Nicolas, qui l’émoustille à coups de lanière. Le trio pénètre dans les maisons où il y a des enfants : ceux qui savent réciter des prières à saint Nicolas reçoivent, en récompense, des noix et des bonbons ; quant aux autres, ils sont corrigés séance tenante par le père fouettard, armé d’une grande verge.

La jeunesse ne subit pas cette épreuve sans préparation ; bien à l’avance, les bambins se sont confectionné des bâtons et ont prié force Pater ; chaque Pater a été inscrit par une entaille sur le bâton ; la dizaine a été marquée par une croix. Quand saint Nicolas fait sa tournée, il inspecte les bâtonnets ; mais si le nombre des entailles a été majoré par malice, c’est-à-dire si les parents soupçonnent leurs enfants d’avoir fait plus de croix que de Pater, ils font des raies noires qu’ils attribuent à saint Nicolas. Quand il y a des enfants terribles, qui ne veulent pas croire à saint Nicolas, on recourt aux grands moyens : on les charge sur la bourrique qui les emmène. (Express de Mulhouse.)

Comp. le feuilleton de la Landeszeitung fur Elsasse Lothringen du 6 décembre, où l’on met en rapport le culte de saint Nicolas avec celui du dieu Scandinave Niordr. Niordr prit dans la mythologie norraine les anciennes attributions de Niordr ou de Hagunis, comme dieu des sources et des eaux, il présidait à la pêche, à la navigation et par suite au commerce. C’est par la pêche et le commerce qu’il donnait la richesse et la propriété. (Cf. Bergmann, la Fascination de gulfi, Strasbourg, 1861, p. 261.)

Paul Ristelhuber.


SAINT NICOLAS ET LES ENFANTS[1].


II. — en belgique.


La veille de la Saint Nicolas, les enfants chantent dans presque toute la Belgique, notamment à Namur, Anvers, etc., le couplet suivant :

Ô grand Saint Nicolas, patron des Écoliers,
Apportez-moi des prunes dans mes petits souliers ;
Je serai toujours sage comme un petit mouton,
Je dirai mes prières pour avoir du bonbon.
Venez, venez, saint Nicolas            (ter),
Tra, la ! la !

Dans le sud du Brabant, aux environs d’Ottignies, les enfants ajoutent, la veille de la saint Nicolas, à leur prière du soir, ces mots :

Saint Nicolas, mon bon patron,
Apportez-moi toutes sortes de bon ;
Je vous promets sur ma foi,
Que je serai toujours bien sage.

Saint Nicolas, mon bon ami,
Apportez-moi des souliers gris
Pour aller en Paradis !
Au Paradis, il fait si beau,
On y voit tant de petits oiseaux !

(Recueilli à Anvers),


Saint Nicolas, mon bon patron,
Apportez-moi de bons bonbons
Pour faire aller mon petit menton.

(Bruxelles).

Voici une autre chanson qui est très populaire à Anvers et dans toute la province, où elle subit plusieurs variantes :

Sinte Nikolaas,
Nobelen baas !
Brengt wat in mijn schoentje,
Een appetje of een citroenje ;
Een nootje om te kraken
Dat zal wat beter smaken.
Geeft de kleine kind’ren wat,
En laat de grooten loopen
Door sinte Jakobs poorten.
De poorten zijn gesloten,
Loopt dan door de goten !
De goten zijn te nat,
Loopt dan door net verken zijn gat.
Het verken zijn gat is te warm,
Loopt dan door den darm,
Den darm is te rot,
Loopt dan door het poesjenellen kot.

Saint Nicolas,
xxxxNoble patron ! — Apportez dans mon petit soulier — Une pomme ou un citron ; — Une noisette à croquer, — (Cela) goûterait un peu mieux. — Donnez quelque chose aux petits enfants — Et laissez courir les grands — Par les portes Saint-Jacques. — Les portes sont fermées, — Courez alors par les égouts ! — Les égouts sont trop humides. — Courez alors à travers les fesses (le corps) du cochon — Les fesses (le derrière) du cochon sont ou est trop chaudes ou chaud. — Courez alors à travers son boyau, — Son boyau est trop pourri, — Courez alors par le trou de Polichinelle.

Dans tout le pays les enfants déposent dans la cheminée, à la porte de leur chambre, etc., un panier ou leurs sabots, suivant leur position, la veille de la saint Nicolas. Ils ont soin de mettre dans ce panier ou ces sabots des carottes, de l’avoine, etc., pour le baudet de Saint Nicolas, qui porte tous les cadeaux du saint.

On dit aux enfants d’aller, ce jour-là, se coucher de bonne heure et de s’endormir bien vite, parce que si saint Nicolas les trouve éveillés il ne leur donnera rien. Cela n’a évidemment pour but que de laisser aux parents le loisir de remplir les paniers ou les sabots.

Vers le soir on entend quelquefois des sonnettes dans le village : ce sont les sonnettes du baudet de saint Nicolas, qui fait sa tournée ; il est temps alors d’aller en hâte se coucher.

Ces apparitions fantastiques frappent l’imagination des enfants, et ils confondent souvent saint Nicolas avec l’homme noir de leurs rêves.

À Termonde et à Gand, on apprend à combattre cet homme noir par les vers suivants :

Klaasje, zoo zij niet wildt deugen,
Dan verschijdt de zwarte man.
Foei ! Piet, dat is een leugen,
Laat hem komen als hij kan.
Die aan zulk een man gelooft,
Is van zijn verstand berooft.

Petit Nicolas, si vous ne voulez pas bien vous conduire, — L’homme noir apparaîtra. — Fi ! Pierre, c’est un mensonge, — Laissez-le venir s’il peut. — Celui qui croit à pareil homme. Est privé de raison.

Une image qui représente les gestes de Saint-Nicolas est très populaire en Flandre ; au-dessous de chaque sujet on lit une inscription en vers flamands, accompagné d’une traduction française, rimée d’une manière approximative.

Nous reproduisons deux de ces scènes, dessinées avec une naïveté hors ligne. La première représente le saint à cheval ayant à côté de lui un sac dans lequel se trouvent les présents destinés aux enfants sages ; entre les jambes de son cheval on remarque les verges dont il gratifiera ceux qui n’ont mérité que des blâmes.

L’autre scène montre le saint à cheval sautant d’une cheminée à l’autre un sabot à la main, dans lequel il dépose sans doute les objets souhaités par les enfants.

Alfred Harou


  1. Sur la Saint Nicolas en Alsace, cf. le t. II p. 569.