Aller au contenu

La Famille de Mourtray/Texte entier

La bibliothèque libre.
Traduction par É*** A*****.
chez l’Ouvrier, libraire (p. 10-271).
Illustration
Illustration
Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/11

LA FAMILLE

DE

MOURTRAY.




CHAPITRE PREMIER.


Depuis plusieurs siècles la famille de Mourtray étoit établie à Downton-Hall, dans l’une des provinces septentrionales de l’Angleterre. Le rang qu’elle y avoit tenu autrefois, quoiqu’il ne fût pas le premier du pays, avoit été assez considérable pour lui donner une très-grande influence ; mais l’attachement de cette famille à la cause royale, au milieu des guerres civiles, avoit entraîné dans sa fortune une diminution qui l’avoit fait décheoir de son ancienne splendeur. Cependant elle conservoit encore, parmi la noblesse du voisinage, une considération bien supérieure à celle qui s’attache ordinairement aux grandes maisons ruinées. C’étoit surtout dans la moyenne classe des anciens habitans de la province, que le nom de Mourtray avoit gardé son antique prépondérance : ils savoient que de tout temps leurs ancêtres avoient trouvé dans cette famille, des amis et des protecteurs, et que le défaut de moyens mettoit seul des bornes à sa munificence naturelle.

Un revenu de six cent livres sterling étoit tout ce qui restoit depuis bien long-temps aux nobles propriétaires de Downton-Hall : toutefois ce foible patrimoine leur avoit suffi pendant plusieurs générations, pour vivre avec aisance, et exercer une honnête hospitalité, jusqu’à ce que les progrès rapides du luxe dans les derniers temps, et l’accroissement considérable du numéraire mis en circulation, eussent fait monter à un tel point le prix de toutes les choses nécessaires à la vie, que cette modique fortune devenoit à peine suffisante à des gentilshommes, pour conserver quelque chose des convenances de leur état. L’histoire que l’on va lire, commence à cette époque.

Le seigneur actuel, qui n’étoit d’abord qu’un cadet, avoit passé sa jeunesse au service, où la modicité de sa fortune n’avoit pas été un foible obstacle à son avancement. Devenu chef de la famille, par le décès de son frère aîné, il fut bien aise, à la paix, de quitter une profession dont il étoit depuis longtemps dégoûté.

Son premier soin fut d’épouser une jeune demoiselle très-peu riche, pour laquelle il avoit conçu de l’inclination lorsque tous deux étoient encore extrêmement jeunes : il résolut de se retirer avec elle à Downton, et de suivre la bonne vieille coutume de ses aïeux, en résidant toute l’année à la campagne.

Ce plan, dans le principe, n’éprouva pas d’opposition de la part de la nouvelle mariée. Elle sortoit d’une situation si désagréable ! Forcée, pour exister, d’accepter un asile chez un vieux oncle d’un caractère dur et difficile, elle considéroit à peine la protection qu’il lui accordoit comme un dédommagement des soins qu’il exigeoit d’elle, et des contrariétés qu’il lui faisoit éprouver. Elle avoit passé plusieurs années dans cet esclavage, et voyoit avec chagrin que la fleur de sa jeunesse commençoit à se flétrir, sans que la position de son amant, ni la sienne, lui permît de concevoir l’espérance d’un meilleur sort. Lors donc qu’un événement inattendu vint décider son établissement : elle se trouva si heureuse de devenir l’épouse de l’homme qu’elle aimoit, et d’avoir en propre une maison et une volonté, qu’elle ne concevoit pas même la possibilité de désirer jamais le moindre changement de destinée. Le plan de vie de Mourtray présentoit d’ailleurs à sa jeune compagne l’attrait de la nouveauté. Jusqu’alors elle avoit presque toujours habité Londres, où elle avoit été jetée sans plaisir dans le tourbillon de la société, parce que son oncle, qui aimoit les distractions bruyantes, l’emmenoit partout avec lui, sans consulter son goût ; il n’étoit donc pas étonnant que son imagination lui peignît en beau le doux repos de la campagne, les plaisirs simples qu’on y goûte. et le bonheur de respirer un air pur.

On étoit dans la plus jolie saison de l’année : après un voyage agréable, mistriss Mourtray découvrit enfin sa nouvelle habitation, située au milieu de collines fertiles, mais dont l’amphithéâtre prolongé ménageoit à peine à l’œil une échappée de vallon où l’on apercevoit quelques hameaux clairsemés. L’uniformité des collines n’étoit rompue que par des lisières étroites de terres labourables, et par quelques pins qui sembloient avoir été répandus ça et là, plutôt en quelque sorte pour guider le voyageur, que pour orner le paysage.

Tout sauvage qu’il étoit, ce site parut charmant à mistriss Mourtray ; et quoique le château de Downton n’eût pas à s’enorgueillir des faveurs de la nature, les traces qu’il présentoit d’une culture supérieure à celle des terres adjacentes, lui donnoit un air de distinction qui, au premier aspect, prévint en sa faveur la nouvelle maîtresse du lieu.

Mais son plaisir n’était rien, comparé à celui de M. Mourtray. Chez lui, la possession de Downton se lioit à toutes les délicieuses idées d’amour, de liberté, d’indépendance ; elle se rattachoit au souvenir touchant de son jeune âge, à l’image respectée de ses vieux parens, à celle de l’ancienne splendeur de sa famille, enfin à mille petits plans d’amélioration qu’il s’étoit promis secrètement de réaliser s’il étoit jamais assez heureux pour posséder les deux objets les plus chers à son cœur, la femme de son choix et le domaine de ses pères.

Mistriss Mourtray, malgré son espèce de prédilection pour Downton-Hall, ne remarqua pas sans quelque surprise, la dégradation du château ; mais monsieur Mourtray la lui fit envisager comme un signe précieux et respectable d’antiquité ; il lui persuada aussi facilement qu’un enclos de trente acres de prairies négligées, avoit toute l’apparence d’un parc, et qu’une petite plantation d’ifs et de sapins, à laquelle aboutissoit un potager entouré de murailles de terre, pouvoit le disputer aux lieux de plaisance les plus renommés des trois royaumes. Enfin, l’admiration des deux époux s’épuisoit à l’aspect d’un taillis qui bornoit leur domaine, et qui étoit réellement joli, ou qui peut-être le paroissoit parce que c’étoit le seul que l’on trouvât à plusieurs milles de distance.

Mais tel est l’ordre naturel des choses ; le plus haut période de l’engouement est bientôt suivi de son déclin. Conserver au même degré ses affections dans le cours monotone d’une vie tranquille, est un effort qui n’appartient guère à la changeante humanité. Insensiblement les charmes de Downton commencèrent à s’affoiblir, surtout dans l’esprit de mistriss Mourtray. L’accroissement de sa famille fit naître de nouveaux besoins et de nouveaux désirs.

Mourtray persista seul à dire, et peut-être à penser qu’il ne donneroit pas son château pour la plus belle propriété de l’Angleterre. Il convenoit cependant que c’étoit dommage qu’il n’eût pas quelque peu d’argent à y dépenser en réparations, dont le sien avoit certainement besoin ; et quoiqu’il ne voulut point lui donner un extérieur moderne, encore moins l’embellir comme la maison de campagne d’un financier, il ne trouvoit pas hors de propos que l’intérieur des appartemens fût un peu restauré et proportionné du moins à la dignité imposante de l’édifice. Les terres lui paroissoient aussi susceptibles de quelque amélioration ; pour le présent, il étoit forcé d’avouer qu’elles présentoient un aspect un peu négligé.

Mais ces regrets lui échappoient rarement, à moins qu’il ne fût contrarié à l’excès par l’intempérie de la saison, ou que quelque chose n’allât pas bien dans l’exploitation rurale. Avec un jugement exquis, il possédoit une grande égalité d’humeur et une tranquillité d’esprit imperturbable, qui le rendoit insensible aux petits événemens, peu soucieux des bagatelles (ces fléaux de l’homme heureux), et qui le disposoit en général à être content de tout ce qui l’environnoit. Cette difficulté qu’il éprouvoit à ouvrir son âme à des impressions nouvelles, lui faisoit conserver avec plus de persévérance et de ténacité celles qu’il avoit reçues. De là vint qu’après son mariage, quoiqu’il découvrit que mistriss Mourtray n’étoit pas précisément telle que sa jeune imagination la lui avoit dépeinte, il continua d’éprouver pour elle l’attachement le plus tendre, lors même que ce sentiment eut cessé d’être de l’amour.

Passionné pour l’agriculture, dont il connoissoit beaucoup mieux la théorie que la pratique ; amateur éclairé de la musique et de la littérature, il trouvoit en lui-même une source intarissable d’occupation et d’amusement.

Trop fier pour rechercher la société des grands, avec lesquels ses moyens ne lui permettoient pas de figurer convenablement ; trop difficile pour se plaire dans celle de quelques voisins agrestes et illettrés, qui ne pouvoient sympathiser aucunement avec lui, ses liaisons étoient extrêmement circonscrites, et il avoit contracté l’habitude de vivre, autant qu’il étoit possible, en famille. Ses promenades s’étendoient rarement au-delà de son exploitation ; et comme il n’aimoit pas la chasse, il n’avoit aucune dépense à faire en chiens et en chevaux.

Mistriss Mourtray partageoit bien ses regrets sur la modicité de leur fortune ; mais elle n’étoit pas d’accord avec lui sur l’emploi qu’il faudroit faire de leur aisance : elle étoit convaincue qu’on pouvoit mieux dépenser son argent qu’à réparer un vieux manoir situé dans un désert, ou à donner de l’amélioration à des dépendances que nul regard humain n’étoit destiné à contempler. La privation d’une voiture étoit un de ses chagrins les plus vifs ; elle se ressouvenoit que, pendant sa jeunesse, elle avoit celle de son oncle à sa disposition ; immédiatement après son mariage, elle se trouvoit fort contente d’un modeste wisky que traînoit un vieux cheval aveugle ; peut-être même eût-elle été satisfaite alors d’une humble cariole, où elle eût vu son mari assis à son côté, mais ce temps n’étoit plus ; ses vœux avoient pris un plus haut essor ; elle souhaitoit présentement une voiture plus commode ; n’eut-elle qu’une chaise de poste, disoit-elle souvent, elle seroit complètement heureuse. Un attelage de deux chevaux forts et choisis, observoit-elle, serviroit à la fois à la culture et au harnois, alors on pourroit faire de temps en temps quelques promenades, ne fût-ce que pour amuser les enfans ; cette dépense et celle d’une chaise seroit fort peu de chose ; l’hiver du moins seroit un peu plus supportable, et l’on ne resteroit pas toujours claquemuré tristement au logis. Mourtray ne répondoit à ces observations et à toutes celles du même genre, qu’en secouant la tête d’une manière très-significative. Son caractère, son humeur, ses inclinations formoient un parfait contraste avec celles de sa moitié. Des riens devenoient pour elle des choses de conséquence, et les objets d’une importance réelle glissoient légèrement sur son esprit ; elle étoit perpétuellement en haleine et en agitation pour des vétilles, tandis qu’elle étoit incapable de se fixer à aucune occupation sérieuse. Douée d’une santé excellente, dont la force ajoutoit à sa vivacité naturelle, elle étoit beaucoup plus jeune qu’elle n’eût dû l’être à son âge. Aussi, dès que l’amour eut cessé d’être le principal mobile de son existence, elle ressentit avec une impatience toujours croissante, le besoin de la société, et celui de ces dissipations qu’elle croyoit être faites pour elle, comme si elle eût toujours été dans son printemps. Depuis longtemps elle négligeoit les talens que jadis elle avoit possédés, et qui n’avoient pas moins contribué que sa beauté à lui gagner le cœur de son mari. Le moyen, disoit-elle, de cultiver des fleurs dans un désert l Son bon naturel et ses inclinations honnêtes suffisoient en général pour la préserver de tout écart, parce qu’elle n’étoit pas livrée à la tentation ; sans cela, aussi ; peu maîtresse d’elle — même qu’elle l’étoit, elle eût couru grand risque d’errer, tout en détestant le vice. Accoutumée par Mourtray à être traitée comme un enfant gâté, il lui arrivoit quelquefois, pour des bagatelles, de mettre sa patience a l’épreuve ; mais, moitié par habitude, moitié par bonté d’âme, il n’en ressentoit qu^une impression légère et fugitive.

Cependant chaque année ajoutoit au mécontentement de mistriss Mourtray, pat la diminution qu’apportoit à ses ressources l’accroissement successif de sa famille. Bien différente de son époux, elle ne s’occupoit en cela que du présent, tandis que celui-ci dirigeoit toutes ses pensées et toutes ses inquiétudes vers l’avenir. Mais le plus grand nombre de leurs enfans mourut en bas-âge ; deux seulement, un fils et une fille, atteignirent Page mûr. L^éducation du premier ne pouvoit manquer d’entraîner des dépenses onéreuses ; mais Mourtray qui lui-même en avait reçu une excellente, considéroit avec raison cet avantage comme l’un des plus précieux, et il retrancha dans ses dépenses quelques superfluités, il se restreignit même sur le nécessaire, afin de placer d’abord son fils Henry au collège de Winchester, et ensuite de l’entretenir décemment à Oxford.

Henry étoit un jeune homme très-vif, et quoiqu’il ne méconnut pas absolument les sacrifices que son père faisoit pour lui, l’aversion que lui inspiroit l’étude, étoit trop décidée pour qu’il put faire des progrès. Peut-être sa mère avoit contribué en partie à cette indolence ; il avoit toujours été son favori y à la maison elle ne souffroit jamais qu’on le contrariât, à moins que lui même ne fût en opposition avec elle ; souvent elle faisoit entendre qu’elle ne concevoit pas pourquoi l’on s’obstinoit à le diriger vers une profession quelconque, tandis qu’il étoit destiné à être un jour propriétaire de Downton. Ce langage étoit plus qu’indiscret ; Henry, cependant eut assez de bon sens pour reconnoître la nécessité de se créer des ressources, et il promit d’étudier les lois.

Mourtray se chargea lui-même de l’éducation de sa fille, et cette entreprise n’étoit pas au-dessus de ses forces ; car pendant tout le temps qu’il avoit passé à l’armée, au lieu de se jeter, comme la plupart de ses camarades, dans la dissipation et dans le libertinage il avoit employé tout son loisir à la littérature et à la musique ; il étoit devenu très-fort sur plusieurs instrumens, avoit beaucoup lu, écrivoit avec correction et élégance, et, comme il étoit doué d’une excellente mémoire, il fit bientôt d’Emma une écolière accomplie. Elle avoit des dispositions si heureuses, que son père, en dirigeant son éducation, continua bientôt par goût la tâche que, dans le principe, il s’étoit imposée par devoir. Les avantages qu’elle acquéroit ainsi étoient très-differens de ceux que procure la méthode frivole et superficielle des éducations à la mode. Le premier soin de Mourtray fut de graver dans son jeune cœur de claires et solides notions de la religion et de la morale ; et le second, d’orner son esprit par un dépôt choisi de connoissances utiles et agréables. Quelque passionné qu’il fut pour la musique, il ne souffroit pas qu’elle y consacrât assez de temps pour négliger des objets d’une plus haute importance ; quoiqu’il en soit, les dispositions qu’elle avoit, son application, et les leçons paternelles firent d’elle une virtuose passable.

Le hasard vint servir merveilleusement le désir qu’elle avoit d’étendre ses connoissances, particulièrement dans les langues. Un prêtre français, émigré, vint chercher un asile dans une petite ville, à deux milles seulement de Downton ; il étoit homme de lettres ; parloit et écrivoit sa langue avec la plus grande pureté, et en connoissoit toutes les finesses ; il étoit instruit pareillement en histoire, en géographie, en histoire naturelle, et dessinoit très-bien.

Le déplorable état d’indigence auquel il étoit réduit, le forçoit à chercher des moyens de subsistance, en donnant des leçons de français ; mais dans le lieu misérable de sa retraite, si peu de personnes avoient les moyens ou la volonté de payer la foible rétribution qu’il exigeoit, que le pauvre homme seroit probablement mort de faim, si Mourtray ne l’avoit engagé à donner des leçons à sa fille, et M. du Masson fut trop heureux de faire l’acquisition d’une jeune écolière si intelligente et si aimable.

Dans les premiers temps il se rendoit tous les jours à Downton ; son salaire à la vérité n’étoit pas considérable, mais on l’invitoit fréquemment à dîner, et jamais invitation ne pouvoit venir plus à propos ; ensuite, lorsqu’il devint plus familier dans la maison, on le retint quelquefois à passer la nuit, quelquefois même on le garda plusieurs jours de suite lorsque le temps était mauvais ; on imagine aisément que le maître et l’écolière s’en trouvoient bien.

La danse étoit le seul talent agréable qu’aucun des deux précepteurs d’Emma ne fut en état de lui donner, et probablement elle ne l’eut acquis que fort tard sans une circonstance dont on va parler.

À trois milles de Downton étoit situé un château magnifique, appelé Wilmington-Park, appartenant à un gentilhomme qui vint rendre visite à Mourtray, lorsque celui-ci s’établit à Downton ; depuis ce temps il s’étoit fait entr’eux un échange annuel de visites, toujours avec la plus grande cérémonie, et sans que souvent ils se rencontrassent. La communication étoit moins intime encore entre les deux dames, car milady Wilmington s’étoit fait une règle de ne jamais rendre visite aux personnes de la province, quoiqu’elle les reçut à sa table à des jours fixes ; mais, parmi les convives, le nombre des hommes excédoit toujours de beaucoup celui des femmes.

Que mistriss Mourtray ait été tentée d’aller grossir la cour de Wilmington, c’est ce qu’on ignore ; mais son mari tranchoit toute difficulté, en protestant qu’elle n’iroit point.

Il arriva que la chapelle de Wilmington eut besoin d’être entièrement réparée ; ce qui obligea la comtesse de daigner se rendre à sa paroisse qui étoit aussi celle de Downton-Hall, et où elle vit, pour la première fois, mistriss Mourtray, avec la petite Emma, âgée alors de dix ans ; les grâces et la figure de l’enfant la frappèrent ; car elle avoit la plus grande prédilection pour la beauté, et elle ne put s’empêcher de s’arrêter devant le banc de Mourtray, ainsi que ses deux filles dont la plus jeune saisissant la main d’Emma, protesta qu’elle ne s’en retourneroit pas sans elle. Mourtray lui dit en souriant que c’étoit impossible ; et pourquoi, s’écria lady Wilmington, qui ne pouvoit commander à son ravissement, pourquoi impossible ? Alors réfléchissant qu’elle n’avoit fait nulle attention à mistriss Mourtray, et que toutes ses politesses s’étoient adressées au mari, elle ajouta, en se tournant vers elle avec un sourire gracieux, quoiqu’elle ne lui adressât pas directement la parole : peut-être mistriss Mourtray aura la bonté de condescendre au désir de ma fille, et de me confier son aimable enfant ?

Mistriss Mourtray étoit prête à donner son consentement ; mais son mari se rendit plus difficile ; il fit plusieurs objections ; lady Wilmington, piquée, vouloit ne pas insister ; mais lady Isabella, sa fille, réitéra si vivement ses instances, auxquelles Emma joignit timidement les siennes, que Mourtray se rendit enfin ; il fut convenu, comme les jours alors étoient courts, qu’Emma passeroit la nuit à Wilmington, et que ses jeunes hôtesses la rameneroient chez elle, en voiture, le lendemain matin.

Cette visite fut un événement très-agréable pour Emma ; elle fut suivie de plusieurs autres, auxquelles Mourtray n’objecta plus rien ; lady Wilmington, aussitôt après la première, s’étoit rendue, dans sa calèche, à Downton, où elle étoit restée au moins dix minutes.

Mistriss Mourtray se hâta de lui rendre sa visite, et bientôt elle eut la satisfaction d’être invitée au plus prochain dîner public, où son mari l’accompagna, non sans répugnance.

Les relations entre les parens en demeurèrent là ; mais les enfans continuèrent de se voir beaucoup ; et la comtesse ayant engagé un excellent maître de danse à séjourner quelque temps chez elle, proposa, pour donner de l’émulation à ses filles, qu’Emma partageât cet exercice ; ce qui fut agréé par M. et mistriss Mourtray. Le premier cependant étoit fâché d’une circonstance qui éloignoit pour long-temps sa fille de ses yeux ; il n’approuvoit pas qu’elle passât souvent huit ou quinze jours avec des personnes d’un ton si différent de celui auquel sa fortune l’appeloit.

Mistriss Mourtray fut d’abord blessée du peu d’attentions qu’avoit pour elle la famille de Wilmington ; insensiblement elle s’accoutuma à des procédés qui furent les mêmes pendant plusieurs années. La nouvelle de l’arrivée de ses voisins dans la province, ne manquoit jamais de la mettre en grand mouvement ; la semaine suivante, le vieux cheval aveugle la traînoit régulièrement à Wilmington, où, à cause de sa fille, on lui faisoit la grâce de l’admettre ; mais l’accueil des dames étoit si froid et si maussade, qu’elle se trouvoit toujours dégagée d’un grand poids quand la visite étoit faite et rendue.

À la grande satisfaction de Mourtray, elle avoir cessé depuis long-temps de se rendre aux dîners publics, ne voulant pas étaler aux yeux une garde-robe antique. Cependant on lui doit cette justice, qu’elle étoit disposée à endurer plusieurs mortifications personnelles pour l’avantage de sa fille, qui continua d’être la compagne favorite des jeunes ladys Fontelieu, filles du lord Wilmington, jusqu’à ce qu’elle eût atteint sa quinzième année, époque à laquelle la famille du lord se rendit en Irlande ; trois années s’écoulèrent avant son retour.

Emma fut transportée de joie à la nouvelle de l’arrivée de ses amies ; mais cette ivresse fut de courte durée ; car elles ne parurent pas du tout disposées à se souvenir de leur ancienne intimité. L’aimable enfant qui les avoit amusées étoit devenu présentement une jeune personne belle et accomplie ; ce qu’elles ne surent cependant que par la renommée ; car quoiqu’elles fussent depuis plusieurs semaines dans la province, elles avoient toujours trouvé divers prétextes pour ne faire à Emma, et ne recevoir d’elle aucune visite.

Une petite esquisse de la famille de Wilmington, pourra jeter du jour sur les motifs d’une telle conduite.


CHAPITRE II.


Le comte de Wilmington étoit, par sa naissance et par sa fortune, un des seigneurs les plus considérables de la province, où il avoit extrêmement à cœur de se ménager la faveur publique, pour être porté au parlement ; nulle autre considération n’eût pu le déterminer à passer plusieurs mois chaque année dans un séjour qu’il détestoit.

Il avoit coutume de quitter Londres à la fin d’août ; alors suivi d’un train nombreux et entouré de tout l’appareil du rang et de l’opulence, le comte et sa famille se rendoient à Wilmington-Park pour y végéter, comme ils avoient habitude de dire. Le comte durant quatre mortels mois qu’il sacrifioit à l’ambition, ce mobile premier de son existence, recherchoit la popularité, et étaloit une hospitalité fastueuse dont la progression ou le déclin devenoient sensibles, selon que les élections étoient plus ou moins prochaines.

Mais à travers cette pompe, cette magnificence et cette profusion intéressée, il ne manquoit jamais de percer quelques petites lésineries, et la cordialité, ce premier assaisonnement des mets, manquoit toujours à ses festins. Personne ne reconnut jamais en lui une libéralité franche, et lorsqu’il accordoit une grâce, c’étoit évidemment à son intérêt personnel qu’il la rapportoit. Un jour vous l’eussiez vu régaler toute une communauté d’habitans avec des pâtés et du vin de Bourgogne, et un autre jour suivre de l’œil à sa table mesquine le décroissement graduel d’une bouteille solitaire. Aujourd’hui il affectoit d’accueillir avec la plus profonde sensibilité les plaintes du pauvre contre l’opulent ; et demain il grondoit secrètement son cuisinier pour avoir donné à des malheureux quelques restes des mets de la veille. Ainsi sa parcimonie contrarioit ses vues ambitieuses, et rarement il réussissoit à lier sincèrement à ses intérêts ceux qu’il cherchoit à gagner.

Il n’étoit pas plus heureux dans ses efforts pour paroître gracieux et affable ; car quoiqu’il poussât au plus haut degré de perfection le talent de sourire à ceux qu’il détestoit, et qu’il eût pris l’habitude de donner à ses lèvres une contraction qui cherchoit à exprimer la bienveillance, sa hauteur naturelle se laissoit toujours plus ou moins apercevoir en dépit de ses efforts pour la cacher. Il évitoit avec soin de fixer ceux auxquels il adressoit la parole, de peur que ses regards sombres et durs ne trahissent ses pensées qui souvent étoient précisément l’opposé de ses discours affectueux. Cependant rien n’étoit plus ridicule que les phrases bannales dont il se servoit indifféremment pour arriver à son but ; car elles exprimoient non-seulement la plus haute considération pour les autres, mais encore la plus modeste opinion de lui-même.

À la ville, tout le temps qu’il ne consacroit pas à la politique, il l’employoit dans de basses et obscures intrigues. Mais à la campagne, il ne se permettoit pas ces écarts, par la difficulté de jeter un voile sur les actions d’un aussi grand personnage ; beaucoup de choses qui à Londres étoient sans conséquence et même de mode, pouvoient dans la province porter atteinte à sa popularité. C’étoit là un des motifs qui lui faisoient haïr le séjour de Wilmington ; un autre qui n’avoit pas un moindre poids à ses yeux, étoit l’énorme dépense qu’il étoit obligé d’y faire quelque peu de temps qu’il y demeurât.

Lady Wilmington, encore plus haute que son mari, mais qui du moins avoit un caractère un peu plus ouvert, n’affecta jamais les dehors de l’humilité. C’étoit, sous tous les rapports, une femme du plus grand ton, et il ne pouvoit lui être imposé de tâche plus pénible que de faire les honneurs des repas qu’elle étoit obligée de donner aux personnes du voisinage, qui la considéroient comme une espèce d’être aussi distinct d’elle et de sa famille, que des chats, des chiens et des singes. Assise au haut bout de sa table avec un air de nonchalance et de langueur, elle prétextoit une indisposition pour s’épargner l’ennui de parler à ses hôtes dont elle se donnoit rarement la peine de retenir les noms ; ou s’il étoit de nécessité absolue qu’elle leur adressât la parole, elle avoit un talent inimaginable pour confondre une personne avec une autre, et aussi souvent que cette méprise lui arrivoit ; son excuse étoit de dire : Eh bien ! monsieur tel, ou madame telle, n’est-ce pas la même, chose ? S’il lui passoit par la tête quelqu’idée qu’elle ne voulût pas différer de communiquer à sa famille, elle établissoit entr’elle et les siens une sorte de jargon inintelligible pour le reste de la compagnie : elle abandonnoit ses convives à ses filles, en permettant à celles-ci de les mistifier ; mais elle ne se mêloit jamais dans aucune de leurs plaisanteries : elle eût cru déroger à sa dignité.

Toute fantasque et toute désagréable qu’elle avoit pris à tâche de se rendre, elle n’avoit pas absolument un mauvais naturel, et dans un accès de bonne humeur, elle auroit volontiers rendu service aux personnes même qu’elle traitoit ainsi. Elle joignoit à un esprit vif un degré de jugement qui sembloit incompatible avec un orgueil si démesuré, et lorqu’elle le vouloit, (ce qui lui arrivoit souvent quand elle se trouvoit dans son élément, c’est-à-dire dans le grand monde,) elle étoit extrêmement aimable ; on y rendoit universellement justice à ses principes de rigide vertu, d’honneur et d’intégrité. Elle détestoit la bassesse de son époux, et ne manquoit pas d’y opposer, toutes les fois qu’elle le pouvoir, une conduite contraire ; mais l’avarice du comte déconcertoit souvent ses moyens. S’ils avoient été plus étendus, elle eut été probablement généreuse, car la munificence étoit, selon elle, un des attributs d’une naissance illustre.

Il subsistoit entr’elle et son époux la plus parfaite indifférence, que sa sincérité ne lui permettoit pas même de déguiser ; cependant, comme il étoit le chef de la famille, elle s’étoit fait un plan invariable de vivre avec lui sur un ton décent, par égard pour ses enfans, et pour maintenir la dignité de son propre caractère.

D’un autre coté, le comte qui excelloit dans l’art de la dissimulation, se montroit en public un mari aussi attentif et aussi complaisant qu’il l’étoit peu dans le particulier ; quoique les principes sévères de sa femme fussent pour lui en tout temps un épouvantail secret et qu’il apportât la plus soigneuse attention à soustraire à sa connoissance des actions qu’il savait très-bien devoir lui attirer son animadversion.

Lord et lady Wilmington avoient un fils et deux filles. Lord Fontelieu, leur fils, quoique dans sa vingt-troisième année, étoit peu connu dans le monde, ayant reçu son éducation en pays étrangers, et n’ayant pas fini le cours de ses voyages ; mais ceux qui l’avoient vu dans son enfance, en concevoient une idée avantageuse.

Les filles, lady Elisabeth et lady Isabella Fontelieu, étoient beaucoup plus connues ; toutes les deux passoient dans leur famille pour des beautés du premier ordre. L’aînée, qui touchoit à ses vingt ans, avoit été déjà depuis plusieurs années, introduite dans le monde. Ses prétentions à la beauté étoient fondées sur une longue, étroite et maigre figure, dénuée de grâce et d’élégance : deux grands yeux d’un bleu luisant, une peau d’un blanc mat, et des cheveux d’une couleur presque aussi fade, complétoient l’assemblage de ses charmes. Cependant quand elle étoit parée à son avantage, et qu’elle avoit du rouge, elle faisoit de loin quelque effet.

Quant à son caractère, c’étoient tous les défauts de sa mère renforcés, mais avec beaucoup moins de jugement et sans aucune de ses bonnes et agréables qualités. Grave et réservée, elle dérogeoit rarement, même en famille, à la dignité de ses manières. Quoiqu’elle aimât peu sa mère, elle la prenoit aveuglément pour modèle de sa conduite, parce qu’elle savoit que lady Wilmington étoit admirée de beaucoup de personnes. Mais elle ne possédoit pas le talent de l’imitation, et quand elle s’étudioit à copier la comtesse, elle ne réussissoit pas mieux à saisir les airs de grandeur, que les manières agréables. Elle n’étoit donc en faveur ni à la ville, ni à la campagne ; ni auprès des jeunes, ni auprès des vieux. Son père seul l’aimoit, parce qu’il s’imaginoit qu’elle avoit de la ressemblance avec lui, et parce qu’il démêloit sous l’apparente réserve de sa fille, une portion de sa propre subtilité qu’ail décoroit du nom de prudence. La foible part qu’avoit lady Elisabeth dans l’affection de lady Wilmington, elle la devoit au noble sang qui couloit dans ses veines, et qui portait la mère à respecter ses enfans comme étant d’un degré plus noble qu’elle-même. La jeune personne et ses parens étoient étonnés qu’elle n’eût encore reçu aucune proposition de mariage.

Lady Isabella, de deux ans plus jeune que sa sœur, fit son début dans le monde avec beaucoup plus de succès. On l’accusoit à la vérité d’être trop légère et trop inconséquente, mais elle montroit un naturel bon et obligeant. On étoit loin de se douter que sous cette apparence d’étourderie, elle cachoit beaucoup de finesse, et quoique souvent elle offensât par quelques airs insolens et par l’impertinence de ses manières, on étoit disposé à l’indulgence pour une très-jolie personne d’i^n rang élevé, gâtée par la flatterie, et d’aune pétulance à laquelle on supposoit qu’elle n’étoit pas toujours maîtresse de commander. On se sentoit donc entraîné par une disposition toute particulière, à lui pardonner ses torts, tant sa personne avoit l’art de séduire et de captiver. Plusieurs hommes furent épris d’elle, mais deux seulement s’aventurèrent à la demander en mariage ; leur proposition la fit rire dans le fond de son cœur, cependant son refus n’eut rien de désobligeant.

Dans une maison dont le ton habituel étoit une réserve hautaine, il est aisé d’imaginer que sa vive affabilité, ses manières engageantes et son sourire enchanteur lui avoient fait de nombreux partisans ; elle seule faisoit briller un rayon de gaîté à travers les brouillards nébuleux qui couvroient le reste de la famille, et les campagnards du voisinage ne se doutoient pas, dans leur simplicité, que tandis qu’elle les combloit de politesses, et écoutoit avec l’air du plus vif intérêt leurs longues histoires et leurs insipides détails domestiques, il lui arrivoit intérieurement, suivant l’expression de la province, de se gausser d’eux.

Il falloit l’examiner bien attentivement pour s’apercevoir qu’elle n’a voit aucun trait régulier, parce que sa physionomie étoit extrêmement agréable, pleine de feu et en général de gaîté ; le rire lui séioit d’autant mieux, qu’elle laissoit voir de fort belles dents, Un teint charmant, de beaux cheveux, une figure mignonne et distinguée, faisoient d’elle un objet d’admiration.

Elle étoit la favorite de sa mère qui cependant avoit trop de pénétration pour ne pas reconnoître en elle un penchant décidé pour la coquetterie ; elle savoir aussi qu’elle souffroit impatiement toute contrainte ; mais elle voyoit ses défauts avec beaucoup d’indulgence, parce qu’elle admiroit sa personne et que son humeur lui plaisoit.

Lord Wilmington ne la jugeoit pas de même ; accoutumé à fréquenter des femmes de mauvaise compagnie, il pensoit mal du sexe en général, et le caractère de lady Isabella lui inspiroit de telles défiances, qu’il insista pour lui donner une gouvernante, attendu que la mauvaise santé (réelle ou prétendue) de sa mère, ne lui permettoit pas d’être toujours avec ses filles. La gouvernante fut une française vivement recommandée pour la rigidité de ses principes. Elle n’avoit pas de grands talens, et le comte ne l’en aimait que mieux, parce qu’il la supposoit moins portée à l’intrigue ; et comme il jugeoit d’elle par lui-même, il tâchoit de se rendre certain de sa fidélité par de magnifiques promesses d’une libéralité future. Ce qui peut sembler étrange, c’est que l’adresse et la curiosité de lady Isabella lui inspiroient souvent des allarmes ; car il savoit que si, par un hasard malheureux, elle venoit un jour à découvrir quelqu’une des actions qui n’étoieat pas de nature à lui faire honneur, elle se feroit un plaisir infini de les révéler.

Durant l’espace de temps assigné pour la résidence de la famille à Wilmington, ils invitoient rarement leurs amis de Londres à venir les voir, le comte trouvoit toujours quelque prétexte pour s’en dispenser ; il savoir qu’une maison de campagne où l’on reçoit des citadins est à la vérité fort agréable, mais exige de grandes dépenses, et c’étoit déjà bien assez de celles qu’il s’imposoit lui-même, pour acheter la faveur de sa province. L’avarice et l’ambition se livroient sans cesse des combats au-dedans de lui, de sorte qu’il arrivoit rarement que l’une de ces deux passions triomphât sans causer à l’autre de violentes angoisses.

Lady Wilmington qui, à la ville, étoit très-répandue dans le monde, n’étoit pas fâchée, pendant quelques mois, de jouir du repos de la campagne : les jeunes ladys à la vérité murmuroient en secret d’être séparées de leurs concoissances ; mais ce n’étoient pas elles que l’on consultoit.

Lord Wilmington ayant été empêché pendant trois ans, par ses affaires d’Irlande, et par d’autres causes, de faire son voyage annuel dans ses possessions du nord, jugea prudent de dédommager ses voisins de sa longue absence, en les recevant plus fréquemment chez lui. Il avoit alors différentes vues secrettes, et il jugea que rien ne seroit plus propre à les favoriser que de donner quelques bals. D’abord il espéroit que cet amusement chéri des femmes, lui gagneroit les cœurs de toutes les épouses, de toutes les mères et de toutes les hlles des environs, et il s’attachoit surtout à elles à cause de la grande influence qu’il leur supposoit 5ur l’esprit des hommes. En second lieu, il souhaitoit extrêmement de marier sa fille aînée à un riche baronet ; majeur depuis peu, dont les ancêtres avoient toujours été en possession de nommer, pour le bourg voisin, un député au parlement, tandis que la famille de Wilmington nommoit l’autre ; mais le comte, durant la minorité de sir William EUiston (c’étoit le nom du jeune baronet), étoit parvenu par ses manœuvres à circonvenir ses tuteurs et à élire les deux membres. Ayant appris non-seulement que sir William étoit blessé de cette usurpation ; mais qu’il témoignoit publiquement la résolution de faire valoir ses droits aux prochaines élections, et qu’il avoit déjà commencé de cabaler avec succès, il se flatta, s’il pouvoit l’attirer à ses bals, de réussir, par ses cajoleries, à lui faire abandonner son dessein, et dans le cas où il échoueroit, il ne douta point que s’il lui faisoit épouser lady Elisabeth, (ayant des vues plus hautes pour sa sœur), il ne dirigeât à sa volonté les dispositions de son gendre.

Il n’eut pas plutôt arrêté le plan de ces fêtes, que sans révéler ses motifs, il se hâta de le communiquer à sa famille qu’il chargea de tous les préparatifs nécessaires, en recommandant bien d’allier, autant qu’il seroit possible, l’éclat le plus fastueux à la plus sévère économie.

Les jeunes ladys Fontelieu ne se possédèrent pas de joie à cette agréable nouvelle, et ce fut alors qu’elles se ressouvinrent d’Emma, qui leur seroit d’un grand secours dans toutes les petites décorations qu’elles vouloient sur-le-champ disposer.

La comtesse qui approuvoit qu’elles s’associassent Emma dans cette tâche, et qui d’ailleurs a voit quelque curiosité de la voir, envoya sa voiture avec un billet poli à mistriss Mourtray, pour la prier de permettre que sa fille passât quelques jours à Wilmington.

La permission fut donnée, à la grande satisfaction d’Emma, qui n’attribua plus l’indifférence passée de ses amies qu’à l’embarras et au désordre dans lequel elle présumoit qu’elles s’étoient trouvées pendant les premiers momens de leur retour ; elle fut confirmée dans cette opinion par l’accueil flatteur qu’elle reçut, particulièrement de lady Isabella, qui sembloit vouloir l’étouffer de caresses.

Lady Wilmington, en voyant Emma, put à peine en croire ses yeux ; elle savoit bien qu’elle étoit jolie, mais elle ne s’étoit pas figuré qu’elle dût la trouver une beauté parfaite, et elle ne put s’empêcher de regretter que tant de charmes fussent le partage d’une jeune campagnarde.

Le comte étoit allé à la ville, parce qu’il ne vouloir pas, disoit-il, être détourné de ses importantes occupations par les préparatifs des fêtes, et il ne comptoit revenir que la veille du premier bal.

Les jeunes ladys trouvèrent, ainsi qu’elles se l’étoient imaginé, des secours précieux dans le goût et dans l’adresse d’Emma : elle composa mille jolies devises pour orner la salle du bal et celle du festin ; elle fit servir à ce travail, avec une extrême patience, son aiguille et son pinceau. Les préparatifs de sa toilette lui donnèrent très-peu de distractions : elle n’avoir, à la vérité, que des habits extrêmement simples, mais sa jolie figure embellissoit tout ce qu’elle portoit, et son goût naturel lui avoit appris à arranger artistement ses beaux cheveux autour de sa tête, de la manière la plus agréable, à l’imitation des bustes antiques et des médailles.

Cependant la comtesse décida que, dans cette circonstance, toutes les jeunes personnes seroient parées uniformément, et sous le prétexte qu’Emma ne pourroit pas se procurer exactement les mêmes choses que ses filles, elle lui présenta un habillement complet qui fut accepté avec des remercimens, et délivra mistriss Mourtray d’une inquiétude qui Tavoit vivement agitée pendant quelque temps ; celle-ci, du reste, fut très-peu satisfaite du peu d’égards de lady Wilmington pour elle ; mais elle ne voulut pas pour cela se punir elle-même en refusant l’invitation circulaire qu’elle reçut en même temps que le reste du voisinage, pour se rendre à la fête qui se préparoit.


CHAPITRE III.


Au jour fixé pour le premier bal, la famille de Dovvnton-Hall se rendit à Wilmington ; Mourtray lui-même, sur les instances caressantes de sa fille, consentit à être de la partie ; mistriss Mourtray se pressa tant, se donna tant d’agitation qu’ils arrivèrent un peu trop tôt, car on étoit encore à table, et l’escalier n’étoit pas même éclairé. Lady Wilmington, ainsi surprise, ne fut rien moins que de bonne humeur ; elle salua très-froidement ; lady Elisabeth en fit de même, et lady Isabella qui auroit pu raccomoder les choses, étoit allée faire sa toilette. Mourtray auroit voulu dé] être de retour chez lui, blâmant la foiblesse qui l’avoit porté, contre ses principes, à se mêler dans la société de gens dont l’accueil avoit si peu de cordialité. Mistriss Mourtray trouva des distractions, à contempler, en s’extasiant, les ornemens de fantaisie dont le salon étoit enrichi, et Emma se recueilloit en anticipant, dans son imagination, sur les plaisirs de la soirée.

L’arrivée successive de la compagnie vint rompre la contrainte et la cérémonie qui avoient régné jusqu’alors, et les applaudissemens unanimes qui furent prodigués à la décoration élégante des appartenions, rendirent à lady Wilmington toute sa bonne humeur.

Alors elle daigna non-seulement jeter sur Emma un regard d’approbation, mais se ressouvenir que c’étoient son adresse et son habileté qui avoient contribué, en grande partie, à transformer sa maison en un palais de fées.

Ce ne fut qu’après que les danses furent commencées, que lord Wilmington fit son apparition ; au moment où il arriva, ses filles et Emma formoient un balancé qui captivoit l’admiration de toute la compagnie. Mêlé dans la foule, il demeura spectateur silencieux ; mais la danse ne fut pas plutôt finie, que prenant à part lady Isabella, il lui demanda quelle avoit été la troisième exécutante. S’il ressentit quelque surprise en voyant le changement que peu d’années avoient fait sur Emma, il n’en laissa rien paroitre, mais il se hâta de chercher Mourtray, et de le féliciter dans les termes les plus flatteurs d’avoir une fille si aimable.

Sir William Elliston, le secret objet de la fête, y arriva extrêmement tard : lourd et engourdi, sans grâce et sans vivacité, il étoit incapable d’y ajouter aucun lustre, et de se rendre agréable aux yeux des daines. Lady Elisabeth ne pouvoit comprendre le motif des politesses affectées que lui faisoit son père, et elle l’évitoit avec un dégoût marqué, Lady Isabella ne fît attention à lui que pour s’en moquer ; à l’égard d’Emma, elle avoit le choix d’un si grand nombre de danseurs, qu’elle fut toujours obligée de le refuser.

Il témoignoit plus de penchant pour elle que pour l’une ou l’autre des deux sœurs ; mais dès qu’il eut appris qu’elle étoit sans fortune, il cessa très-prudemment de lui rendre des soins.

Lord Wilmington qui épioit avec attention tous ses mouvemens, voyant échouer l’un de ses plans, éprouva une double anxiété pour faire réussir l’autre ; dans cette vue, après le souper, où le Champagne n’avoit pas été épargné, il s’avisa d’attirer sir William dans une embrasure, et se mit à l’accabler de discours obligeans, lui répétant sans Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/66 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/67 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/68 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/69 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/70 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/71 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/72 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/73 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/74 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/75 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/76 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/77 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/78 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/79 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/80 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/81 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/82 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/83 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/84 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/85 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/86 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/87 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/88 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/89 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/90 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/91 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/92 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/93 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/94 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/95 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/96 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/97 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/98 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/99 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/100 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/101 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/102 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/103 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/104 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/105 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/106 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/107 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/108 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/109 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/110 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/111 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/112 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/113 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/114 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/115 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/116 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/117 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/118 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/119 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/120 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/121 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/122 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/123 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/124 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/125 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/126 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/127 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/128 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/129 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/130 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/131 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/132 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/133 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/134 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/135 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/136 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/137 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/138 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/139 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/140 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/141 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/142 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/143 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/144 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/145 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/146 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/147 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/148 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/149 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/150 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/151 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/152 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/153 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/154 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/155 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/156 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/157 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/158 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/159 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/160 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/161 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/162 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/163 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/164 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/165 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/166 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/167 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/168 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/169 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/170 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/171 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/172 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/173 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/174 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/175 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/176 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/177 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/178 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/179 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/180 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/181 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/182 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/183 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/184 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/185 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/186 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/187 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/188 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/189 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/190 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/191 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/192 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/193 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/194 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/195 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/196 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/197 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/198 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/199 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/200 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/201 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/202 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/203 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/204 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/205 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/206 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/207 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/208 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/209 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/210 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/211 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/212 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/213 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/214 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/215 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/216 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/217 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/218 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/219 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/220 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/221 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/222 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/223 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/224 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/225 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/226 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/227 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/228 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/229 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/230 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/231 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/232 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/233 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/234 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/235 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/236 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/237 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/238 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/239 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/240 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/241 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/242 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/243 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/244 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/245 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/246 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/247 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/248 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/249 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/250 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/251 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/252 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/253 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/254 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/255 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/256 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/257 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/258 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/259 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/260 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/261 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/262 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/263 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/264 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/265 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/266 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/267 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/268 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/269 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T1.djvu/270 avantages de celui qui l’employoit, se mit à bouleverser tout, fit des constructions et des plantations dont Mourtray n’étoit nullement convenu, et multiplia les dépenses au point d’excéder de beaucoup la valeur primitive du bien.


FIN DU TOME PREMIER.

LA FAMILLE
DE
MOURTRAY.




CHAPITRE PREMIER.


Lady Bell continua toujours de faire profession de la plus vive amitié pour Emma ; mais toute sa tendresse ne l’empêchoit pas de la traiter parfois avec une froideur hautaine, lorsqu’il arrivoit que la jeune lady fut environnée de personnes du grand ton.

Une légère indisposition l’avoit retenue quelques jours chez elle ; dès qu’elle fut rétablie, elle pria souvent Emma de daller promener au parc avec elle} car elle avoit cajolé le médecin de confiance de sa mère, pour qu’il lui prescrivît l’exercice comme absolument nécessaire à sa santé ; et elle eurt la permission de sortir autant de fois qu’il lui plairoit, sous la conduite de madame Dupiin. Le soin de sa santé était "le prétexte de ce goût subit pour l’exercice ; mais le motif réel qui la faisoit agir étoit caché, et elle espérojt qu’on ne le découvriroit pas.

Dans ces promenades, deux jolies personnes, telles que lady Bell et Emma, ne pou voient manquer d’être abordées par plusieurs hommes ; quelques-uns les accompagnoient la plus grande partie du temps qu’elles demeuroient au parc ; d’autres faisoient par occasion un tour ou deux avec elles ; mais il y en avoit un qui ne les quittoit presque jamais.

C’étoit un lieutenant des gardes, nommé Damford, dont la principale recommandation paroissoit être un grand œil noir, une tournure brillante, et une violente dose d’assurance.

Emma vit avec peine l’assiduité de ce jeune homme auprès de son amie ; elle se hasarda de lui faire entendre qu’il n’étoit pas convenable de l’accueillir ainsi ; mais lady Bell ne fit que rire de ce qu’elle appeloit une pruderie ridicule, elle dédaigna ses avis, et disoit toujours à l’officier, en s’en allant : À demain matin ; faites des vœux pour le beau temps.

Emma la conjuroit en vain de ne pas donner ainsi des rendez-vous au capitaine Damford ; elle n’en tenoit compte. En conséquence, Emma, quoique certaine qu’elle alloit offenser vioPage:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/16 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/17 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/18 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/19 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/20 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/21 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/22 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/23 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/24 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/25 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/26 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/27 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/28 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/29 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/30 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/31 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/32 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/33 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/34 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/35 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/36 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/37 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/38 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/39 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/40 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/41 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/42 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/43 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/44 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/45 pendant, aussitôt qu’elle ne le vit plus, les charmes du bal s’évanouirent pour elle ; et pour éviter la conversation de Sydney, elle pressa sa mère de sortir.

Mistriss Prouting, quoiqu’elle eut été moins contrariée que son cousin, n’avoit pas fait la moitié de sensation qu’elle espéroit de faire ; elle ne le contraria donc pas, lorsqu’il assura, après que tout le monde se fut retiré, que pour amuser des gens qui croyoient lui faire trop d’honneur en venant chez lui, il s’étoit jeté dans une énorme dépense, et s’étoit donné une peine incroyable, sans qu’il lui en revînt aucun avantage.


CHAPITRE II.


Peu de jours après le bal, Emma reçut une lettre de du Masson, avec lequel elle correspondoit quelquefois. Après quelques mots sur ses propres affaires, il entroit dans le détail circonstancié de la détresse absolue à laquelle se trouvoit réduite une famille française de la première distinction, récemment arrivée en Angleterre, et qui présentement, à ce qu’il marquoit, habitoit un galetas, dans une rue étroite, près de Hay-Market.

Du Masson, sur un sujet semblable, avoit une éloquence toute particulière ; et quoiqu’en général il ne fut pas insensible aux malheurs de qui que ce fut, il éprouvoit une toute autre compassion Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/48 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/49 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/50 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/51 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/52 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/53 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/54 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/55 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/56 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/57 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/58 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/59 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/60 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/61 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/62 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/63 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/64 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/65 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/66 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/67 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/68 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/69 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/70 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/71 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/72 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/73 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/74 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/75 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/76 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/77 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/78 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/79 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/80 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/81 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/82 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/83 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/84 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/85 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/86 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/87 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/88 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/89 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/90 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/91 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/92 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/93 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/94 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/95 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/96 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/97 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/98 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/99 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/100 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/101 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/102 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/103 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/104 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/105 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/106 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/107 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/108 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/109 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/110 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/111 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/112 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/113 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/114 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/115 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/116 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/117 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/118 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/119 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/120 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/121 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/122 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/123 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/124 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/125 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/126 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/127 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/128 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/129 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/130 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/131 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/132 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/133 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/134 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/135 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/136 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/137 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/138 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/139 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/140 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/141 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/142 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/143 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/144 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/145 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/146 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/147 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/148 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/149 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/150 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/151 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/152 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/153 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/154 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/155 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/156 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/157 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/158 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/159 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/160 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/161 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/162 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/163 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/164 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/165 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/166 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/167 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/168 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/169 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/170 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/171 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/172 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/173 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/174 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/175 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/176 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/177 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/178 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/179 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/180 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/181 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/182 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/183 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/184 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/185 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/186 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/187 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/188 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/189 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/190 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/191 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/192 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/193 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/194 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/195 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/196 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/197 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/198 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/199 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/200 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/201 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/202 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/203 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/204 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/205 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/206 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/207 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/208 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/209 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/210 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/211 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/212 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/213 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/214 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/215 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/216 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/217 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/218 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/219 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/220 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/221 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/222 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/223 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/224 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/225 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/226 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/227 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/228 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/229 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/230 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/231 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/232 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/233 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/234 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/235 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/236 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/237 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/238 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/239 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/240 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/241 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/242 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/243 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/244 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/245 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/246 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/247 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/248 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/249 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/250 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/251 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/252 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/253 gneur avec les femmes dont les principes étoient aussi relâchés que les siens, il respectoit encore la vertu. Dès qu’il eut reconnu que la douleur d’Emma n’avoit rien de dissimulé, il prit aussitôt le ton de la réserve : la fraîcheur de l’air avoit aussi contribué à dissiper les fumées du vin, et reconnoissant qu’il l’avoit cruellement insultée, il crut qu’il ne pourroit jamais réparer suffisamment sa faute. Il conçut donc de très-bonne foi la résolution de découvrir d’où partoit le plan d’iniquité de l’existence duquel il étoit bien convaincu.


CHAPITRE X.


EMMA crut prudent, à son arrivée dans Wimpole-street, de supposer qu’une indisposition subite ne lui avoit pas permis d’attendre le retour de sa voiture, et elle se retira dans sa chambre, où elle étoit très-aise d’être seule. Son indisposition n’étoit pas entièrement simulée ; le trouble de ses esprits, la pluie et le froid l’avoient mise réellement très-mal à son aise.

En admettant que la rencontre de lord Wilmington n’eût été que l’effet du hazard, sa conduite avoit été telle qu’elle ne pouvoit pas douter qu’il n’eût conçu les desseins les plus injurieux à son honneur. Son cœur se soulevoit d’indignation à cette pensée ; mais Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/256 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/257 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/258 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/259 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/260 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/261 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/262 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/263 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/264 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/265 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/266 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/267 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/268 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/269 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/270 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/271 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T2.djvu/272

Les dames se retirèrent pour se coucher : Emma, malgré sa lassitude et son indisposition, s’occupa jusqu’à ce que ses yeux se fermassent tout-à-fait, à relire la lettre de lord Miramont, qu’elle savoit déjà par cœur.


FIN DU TOME SECOND.

LA FAMILLE DE MOURTRAY.



CHAPITRE PREMIER.


Ce ne fut qu’à une heure après midi, qu’Emma fut en état de se lever ; elle se ressentoit des agitations de la veille et de l’inclémence du ciel, à laquelle elle avoit été exposée ; elle achevoit de déjeûner seule, parce que sa mère étoit sortie, lorsqu’elle reçut avec quelque surprise la visite de Sydney, qu’elle n’avoit pas vu depuis son départ pour Canterbury.

À la vérité il n’avoit demandé que mistriss Mourtray, mais Peter qui pensoit qu’il étoit égal qu’il vit l’une ou l’autre de ses maitresses, l’avoit conduit auprès d’Emma, qui depuis longtemps avoit cherché inutilement à faire entendre à ce garçon, qu’elle ne vouloit pas recevoir de visites en l’absence de sa mère.

Emma fut fâchée de voir que Sydney ne paroissoit pas dans son assiette ordinaire, et qu’une tristesse inacoutumée étoit répandue dans tout son maintien. Comme elle avoit conçu pour lui la plus haute estime, elle lui demanda avec intérêt des nouvelles de sa santé. Il répondit qu’il se portoit assez bien, mais sa réponse, quoique polie, fut laconique, et quand elle s’efforça d’égayer la conversation, elle le trouva ou distrait ou réservé. Convaincue qu’il avoit quelque peine secrète qu’elle ne devoit pas chercher à découvrir, elle gardoit de son côté le silence, jusqu’à ce que se rappelant qu’il étoit parti le jour du bal masqué, elle lui demanda s’il n’avoir pas regretté de ne pas s y être trouvé.

Un léger sourire vint éclaircir pour un moment sa physionomie, et secouant la tête, il dit : je ne crois pas qu’ail y eut là beaucoup à regretter ; mais, miss Mourtray, peut-être n’êtes-vous pas de mon avis ? — Pardonnez-moi, j’en ai rapporté au total une impression défavorable, quoique la nouveauté du spectacle m’ait d’abord amusée ; à travers beaucoup de manques insipides, il y en avoir quelques-uns de très-aimables et de très-gais ; le plus remarquable étoit un diseur de bonne aventure que personne n’a jamais pu découvrir, quoiqu’il, parût connoître tout le monde, et qui racontoit à chacun des choses véritablement étonnantes.

— Et que vous a-t-il dit, madame ? — Oh ! il est inconcevable qu’il ait pu savoir une partie des choses qu’il m’a dites j il en est que je n’avois pas bien comprises alors, mais je les comprends à présent. — Il vous a donc prédit quelqu’agréable événement ou qui vient d’arriver, ou qui est sur le point de survenir ? — Pas du tout, il m’a conseillée dans un langage mystérieux de me prémunir contre certaines personnes qui depuis se sont montrées à découvert, et parfaitement ressemblantes à la peinture qu’il m’en avoit faite. Quoiqu’Emma parlât de plusieurs, elle n’entendoit appliquer cette phrase qu’à lord Wilmington.

Sydney observa que ces prédictions n’avoient pu être faites que parce que les personnes avoient trahi leurs propres secrets, dont souvent elles-mêmes n’avoient pas de connoissance, ou parcs que le devin avoit pris de secrètes informations sur leur compte.

Emma dit que certainement elle ne lui avoit rien fait connoître de ce qui la concernoit. — Êtes-vous bien sûre de cela, madame, dit Sydney avec un léger sourire ? croyez-vous que les paroles soient toujours nécessaires pour révéler ce qui se passe en nous ? rendez plus de justice à vos yeux et à votre physionomie, leur langage est trop expressif pour qu’on puisse s’y méprendre.

Emma rougit, et pour détourner la conversation, elle demanda à Sydney depuis quand il étoit de retour. — Depuis hier au soir seulement, madame. En ce moment il vint à la pensée d’Emma qu’assurément c’étoit par lui qu’elle avoit entendu prononcer son nom, lorsqu’elle étoit sur le point de monter dans le carrosse de place, et elle fut troublée des conjectures étranges qu’une semblable rencontre avoit pu faire naître en lui ; elle n’eut pas cependant le courage de le mettre au fait. Sydney, voyant qu’elle gardoit le silence, observa qu’il avoit Fait un temps épouvantable. Cela n’exigeoit point de réponse ; il continua ; à peine étoit-il possible de se procurer une voiture. Emma reconnut qu’il étoit trop vrai que c’étoit lui. — Mais, ajouta-t-il en la regardant, vous vous occupez peut-être fort peu, madame, du mauvais temps. Emma ne put se méprendre à l’application : je ne me soucie pas, dit-elle gravement, de sortir quand il pleut. — En vérité ! alors mes yeux m’ont bien trompés, et ce n’étoit pas vous que j’ai rencontrée à pied hier au soir. — Pardonnez-moi, monsieur, dit EmPage:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/19 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/20 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/21 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/22 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/23 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/24 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/25 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/26 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/27 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/28 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/29 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/30 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/31 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/32 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/33 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/34 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/35 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/36 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/37 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/38 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/39 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/40 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/41 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/42 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/43 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/44 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/45 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/46 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/47 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/48 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/49 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/50 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/51 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/52 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/53 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/54 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/55 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/56 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/57 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/58 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/59 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/60 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/61 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/62 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/63 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/64 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/65 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/66 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/67 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/68 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/69 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/70 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/71 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/72 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/73 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/74 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/75 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/76 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/77 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/78 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/79 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/80 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/81 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/82 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/83 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/84 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/85 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/86 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/87 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/88 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/89 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/90 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/91 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/92 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/93 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/94 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/95 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/96 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/97 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/98 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/99 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/100 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/101 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/102 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/103 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/104 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/105 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/106 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/107 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/108 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/109 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/110 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/111 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/112 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/113 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/114 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/115 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/116 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/117 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/118 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/119 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/120 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/121 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/122 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/123 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/124 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/125 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/126 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/127 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/128 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/129 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/130 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/131 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/132 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/133 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/134 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/135 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/136 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/137 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/138 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/139 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/140 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/141 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/142 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/143 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/144 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/145 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/146 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/147 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/148 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/149 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/150 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/151 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/152 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/153 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/154 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/155 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/156 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/157 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/158 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/159 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/160 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/161 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/162 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/163 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/164 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/165 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/166 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/167 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/168 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/169 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/170 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/171 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/172 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/173 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/174 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/175 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/176 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/177 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/178 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/179 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/180 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/181 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/182 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/183 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/184 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/185 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/186 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/187 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/188 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/189 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/190 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/191 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/192 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/193 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/194 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/195 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/196 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/197 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/198 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/199 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/200 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/201 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/202 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/203 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/204 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/205 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/206 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/207 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/208 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/209 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/210 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/211 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/212 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/213 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/214 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/215 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/216 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/217 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/218 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/219 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/220 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/221 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/222 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/223 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/224 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/225 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/226 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/227 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/228 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/229 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/230 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/231 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/232 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/233 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/234 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/235 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/236 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/237 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/238 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/239 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/240 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/241 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/242 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/243 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/244 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/245 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/246 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/247 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/248 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/249 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/250 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/251 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/252 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/253 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/254 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/255 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/256 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/257 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/258 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/259 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/260 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/261 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/262 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/263 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/264 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/265 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/266 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/267 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/268 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/269 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/270 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/271 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/272 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/273 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/274 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/275 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/276 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/277 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/278 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/279 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/280 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/281 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/282 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/283 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/284 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/285 Page:Hervey - La Famille de Mourtray T3.djvu/286


CHAPITRE XIII.


Un soir, après qu’Emma avoit été engagée avec lord Miramont dans une conversation très-longue, durant laquelle les mots : Je vous aime, sembloient s’être arrêtés vingt fois sur le bord des lèvres du marquis, elle se sentit dans une si grande agitation, que lorsqu’elle se retira dans sa chambre, après souper, elle ne put se décider à se mettre au lit. Pour calmer ce trouble, elle eut recours à la lecture. Deux heures s’étoient ainsi écoulées, lorsqu’en se levant pour se déshabiller, elle remarqua une lumière extraordinaire à une fenêtre en face de sa chambre, qu’elle reconnut dépendre de l’appartement de lord Miramont.

Le vieux château de Wilmington étoit de forme quadrangulaire ; le pavillon du fond étoit occupé par les maîtres du château ; toutes leurs croisées donnoient sur la campagne ; au-dessus étoient logés les domestiques attachés immédiatement au service de leurs personnes. Le reste de leurs gens étoit relégué dans un bâtiment séparé. Les appartemens du nord, qui faisoient face à une longue avenue, étoient rarement habités, excepté lorsque le château étoit entièrement rempli ; les meubles en étoient vieux et usés. Le pavillon de l’est étoit, en général, affecté aux hommes ; il donnoit sur une vaste cour, ainsi que le corps de logis en face, où étoient plusieurs appartemens agréables et commodes ; c’étoit dans ce dernier pavillon qu’Emma étoit logée. À côté de sa chambre en étoit une petite, occupée par une vieille concierge impotente ; c’étoient là les deux seuls habitans de tout ce corps de logis.

Sur trois côtés du château régnoit une longue galerie qui alloit se terminer à la porte d’entrée de l’appartement de lady Wilmington, et qu’il falloit traverser en entier pour communiquer de cet appartement avec celui d’Emma.

Celle-ci voyant que cette clarté extraordinaire provenoit de la chambre de lord Miramont, et qu’elle faisoit des progrès rapides, ne douta point que la chambre ne fût en feu ; car un peu avant que cette flamme brillât, tout le pavillon de l’est étoit couvert de la plus profonde obscurité.

Mortellement effrayée, et sachant bien d’après la disposition des appartemens, que si elle tiroit la sonnette, elle ne pourroit se faire entendre d’aucune créature humaine, excepté de sa vieille voisine, qui ne pouvoit être d’aucun secours, elle courut précipitamment le long de la galerie, en criant : au feu, au feu ; et l’odeur qu’elle sentit, en passant, confirma entièrement ses craintes.

Il continuoit de régner un profond silence ; elle n’entendoit que l’écho de sa propre voix ; et dans le doute de savoir quelle étoit parmi toutes les portes, celle de la chambre de lord Miramont, elle frappoit indistinctement à toutes ; mais personne ne l’entendoit encore. ; Lorsque ses alarmes augmentèrent, elle redoubla ses cris ; et enfin, une petite voix aiguë, qu’elle reconnut être celle de sir Harry, s’écria : ô ciel ! qu’y a-t-il donc ?

La maison est en feu, répliqua-t-elle. Ah ! lord Miramont ! Où est sa chambre ?

— C’est affreux j c’est horrible, s’écria sir Harry, Me voilà réduit à l’alternative, ou de périr d’un rhume, ou d’être brûlé dans mon lit.

Emma, sans s’occuper de lui, continua de sonner l’alarme, en criant au feu de toute sa force, et frappant violemment à une porte qui ne pouvoit manquer d’être celle de lord Miramont, puisqu’on voyoit la flamme par le trou de la serrure. Alors redoublant ses cris à la porte du baronnet, elle le conjura de se lever et de venir à son secours.

Elle éprouva un frémissement d’horreur qu’il est impossible de décrire, en se rappelant avoir entendu dire au marquis, que lorsqu’il étoit dans son premier sommeil, le bruit du canon pourroit à peine l’éveiller. Que falloit-il donc faire ? Tous ses efforts pour se faire entendre de lui, avoient été jusqu’alors infructueux.

Elle étoit sur le point d’ouvrir la porte ; mais elle eut la présence d’esprit de n’en rien faire, de peur que l’entrée subite de l’air extérieur ne donnât aux flammes une nouvelle activité.

À la fin, lorsque hors d’elle-même, elle étoit au moment d’aller frapper à la porte de lady Wilmington, sir Harry parut dans la galerie avec des pincettes à la main, et réunit tous ses efforts à ceux d’Emma pour réveiller lord Miramont. Mais le baronnet ne vit pas plutôt sous la porte la lumière des flammes, qu’effrayé pour lui-même, il s’enfuit aussi loin que ses jambes grêles purent le porter. En ce moment, cependant, la lumière donnant en plein sur les yeux de lord Miramont, le réveilla, et il répondit quelques mots entrecoupés aux cris d’Emma, qui le pressoit de se lever. Elle éprouva une joie inexprimable, en l’entendant sortir de son lit.

Alors, elle se hâta de lui dire qu’il falloir qu’il quittât sur-le-champ sa chambre, et elle courut chercher des domestiques. Sir Harry avoir déjà été les réveiller ; de sorte qu’en un moment, l’alarme devint générale. Emma en rencontra qui se précipitoient dans la galerie, tandis que les autres apportoient des pompes qui s’étant trouvées sous la main, donnèrent lieu d’espérer que les flammes seroient bientôt éteintes.

Pendant ce temps-là lady Wilmington et lady Elisabeth s’étoient levées, et descendoient précipitamment l’escalier. Emma, rassurée sur le compte de Miramont qu’elle entendit donner des ordres aux domestiques, alla les joindre aussitôt.

En peu de temps, on vint dire que le feu étoit entièrement éteint. Il n’avoit fait d’autres ravages que de brûler les meubles de la chambre de lord Miramont et d’un cabinet voisin ; l’épaisseur considérable des murs les avoit préservés d’être la proie des flammes.

Au milieu du tumulte et de la confusion de cette scène, un spectateur désintéressé auroit eu matière à rire, en voyant la manière dont tous les personnages étoient affublés, sans qu’ils s’en aperçussent, dans la terreur qui les agitoit.

La comtesse qui ne se montroit jamais, sans avoir épuisé toutes les recherches de la toilette, conservoit sous son bonnet de nuit son air de dignité ; elle et sa fille étoient légèrement vêtues ; elles avoient seulement jeté sur leurs épaules une camisolle de flanelle.

Emma, la seule qui ne fut pas déshabillée, étoit vêtue comme de coutume.

Mais l’objet le plus ridicule, étoit sir Harry Paragon ; il étoit assis, tout tremblant, dans un coin, craignant ce redoutable rhume qui ne sortoit pas de sa pensée ; ses dents claquoient ; il avoit entièrement perdu et le vermillon de ses joues, et, ce qui est encore plus désagréable à dire, l’ébène de ses sourcils. Ses caleçons, bordés de taffetas rose, lui étoient, hélas ! d’un très-foible secours pour préserver du froid ses membres décharnés.

Il se livroit aux plus douloureuses lamentations sur la crainte que sa santé n’éprouvât une atteinte dangereuse, par la nécessité, disoit-il, où il s’étoit trouvé de se lever dans un état de moiteur et de transpiration ; et quelque désir qu’eût lady Wilmington d’être obligeante envers lui, elle avoit beaucoup de peine à écouter patiemment ses doléances sur lui-même, tandis qu’il ne donnoit pas la plus légère marque d’intérêt aux autres, dans un accident qui avoit failli leur être si funeste.

Lord Miramont, enveloppé dans une grande redingotte, avec un mouchoir à demi-brûlé autour de la tête, ne parut qu’un moment avant que le feu fut entièrement éteint ; il avoit réuni ses efforts à ceux de son cousin, dont l’activité et l’intelligence s’étoient employée fort utilement dans cette occasion.

Le feu avoit pris par la négligence du domestique de lord Miramont, qui avoit laissé brûler une lumière sur la table du cabinet de toilette voisin de la chambre de son maître.

Tout le péril étoit dissipé ; une autre chambre venoit d’être préparée pour le marquis ; chacun se retira pour prendre du repos. Emma remercia le Ciel avec ferveur d’avoir fait d’elle l’instrument qui avoir sauvé d’une destruction inévitable son bien-aimé lord Miramont.

Après une nuit aussi agitée, il est aisé de croire que la compagnie ne se rassembla le lendemain que très-tard. Comme Emma traversoit une salle, lord Miramont parut à la porte opposée ; il courut tout à coup à elle avec transport, et la pressant dans ses bras ; Charmante conservatrice de mes jours, s’écria-t-il, femme excellente ; je vous jure ici un amour éternel.

Emma confuse, interdite, se dégagea doucement de lui ; mais il saisit sa main qu’il baisa plusieurs fois, malgré sa résistance. Pardonnez-moi cette liberté, belle Emma, continua-t-il (mais je ne puis plus long-temps retenir l’aveu de mes sentimens : mon cœur est tourmenté, abattu ; il a besoin de support, de consolation. Oh ! oui, je dois, je veux vous dire que je vous aime, que je vous idolâtre, que je vous adore.

Tout ce qu’éprouvoit Emma dans ce moment est impossible à peindre. Elle ne put que bégayer quelques mots, pour exprimer la satisfaction qu’elle ressentoit de lui avoir été utile ; et tandis qu’elle parloit, le vermillon le plus vif coloroit ses joues.

— Oh ! j’ai mille choses à vous dire, s’écria-t-il ; mais j’entends quelqu’un. Je voudrois, charmante Emma, vous ouvrir tout mon cœur : ce soir donc, lorsque les parties seront commencées

Un laquais qui vint à passer ne lui permit pas de finir. Emma, toute tremblante, et sachant à peine ce qu’elle faisoit, se rendît du mieux qu’il lui fut possible, à la salle du déjeuner, où le marquis la suivit de quelques minutes.

Il n’y avoit encore là que la comtesse et sa fille. Lord Fontelieu les rejoignit bientôt. Après les premiers complimens et de mutuelles félicitations d’avoir échappé au péril, lady Wilmington remarquant qu’elle ne voyoit pas sir Harry, lui fit dire, par un domestique, que le déjeuner étoit prêt.

Le domestique revint dire que sir Harry Paragon présentoit ses respects à ces damés ; mais qu’il aimoit mieux déjeuner dans son lit. La terreur, les fatigues et le froid qu’il avoit éprouvés la nuit dernière, avoient, disoit-il, dérangé entièrement sa santé.

Pauvre créature ! dit lord Miramont : on devroit véritablement le conserver dans une boite garnie de coton : alors, Elisabeth, vous partageriez vos soins entre lui et votre épagneul, digne compagnon de tous les deux.

En vérité, mon cousin, répondit-elle d’un ton fâché, il est cruel à vous de plaisanter de la sorte. Je voudrois que chacun se mêlât de ses affaires. Quant à sir Harry, on doit le plaindre de l’extrême délicatesse de sa constitution. Mais parce que vous êtes fort comme un cheval, vous n’avez pas de pitié pour les autres.

— Je suis sûr, répliqua-t-il, que sir Harry dispense tout le monde d’avoir de la sollicitude pour lui ; car il ne s’occupe absolument que de lui-même. Cette nuit, pendant les alarmes générales, toutes ses pensées ont été absorbées par la crainte de gagner un rhume et par l’inquiétude de savoir si son nécessaire et tout l’attirail de sa toilette n’a voient pas été la proie des flammes.

Lady Wilmington désiroit détourner la conversation : elle parla, avec les plus grands éloges, de la présence d’esprit et du zèle persévérant qu’Emma ma avoit manifesté dans une circonstance où la frayeur auroit pu mettre beaucoup de jeunes personnes dans l’impossibilité d’agir. Je crois, ajoutât-elle, que sans le courage la vigilance de miss Mourtray, ce château, quelque solide qu’il soit, auroit considérablement souffert ; et vous, Miramont, certainement vous lui êtes redevable de la vie.

— Je le sais, répliqua-t-il, et jamais, jamais je ne l’oublierai. J’ai déjà tâché d’exprimer en partie, à miss Mourtray, les sentimens que j’éprouve ; mais elle a trop de pénétration, ajouta—t-il, en jetant sur elle un coup d’œil significatif, pour ne pas comprendre ce que j’ai omis de lui dire.

— Sans doute, dit lady Wilmington, vous devez erre reconnoissant mais vous ne devez pas douter que l’humanité de miss Mourtray ne l’eût portée à montrer la même activité s’il se fut agi de tout autre.

— Peut-être pas tout-à-fait la même, dit Emma intérieurement.

Lady Elisabeth cher choit à se venger de ce que lord Miramont avoit jeté du ridicule sur son amant. Elle se tourna vers Emma, et dit : Il y a une chose que je voudrois savoir, et je m’étonne que personne n’en ait été frappé. Comment s’est-il fait, miss Mourtray, que vous vous soyez trouvée cette nuit complètement habillée ?

— Je ne m’étois point couchée, madame, et j’étois sur le point de me mettre au lit lorsque je vis briller une lumière extraordinaire à la croisée eu face de la mienne.

— Pourquoi donc vous couchez-vous si tard ?

— Parce que j’avois lu.

- Comment donc ! romanesque et jolie ! Et pour consommer le tout, une aventure !

— Fi, fi ! Elisabeth, dit gravement lady Wilmington. Ce qu’il vous plaît d’appeler une aventure, et de rapporter comme une circonstance agréable, a failli être la plus tragique catastrophe.

— Pauvre Elisabeth ! dit lotd Miramont, avec un rire ironique ; souffrez que je vous invite à aller voir si rien ne manque à votre petit épagneul. Avec le temps, je l’espère, le grand sera aussi en votre possession, et vous pourrez le soigner de même.

Lady Elisabeth, avec la pâleur de la rage, sortit précipitamment de la chambre, en disant qu’elle ne savoit pas ce qu’il vouloit dire.

Sir Harry, très-avant dans la soirée, se hasarda enfin à paroitre sur l’horizon. Son visage avoit repris son apparence accoutumée ; mais son corps étoit soigneusement enveloppé dans une douillette de soie grise, bordée de fourrures. Son aspect dissipa en partie la mauvaise humeur d’Elisabeth.

Cependant Emma, qui n’avoit fait presque aucune attention à ce qui s’étoit passé, soupiroit impatiemment après l’instant où les parties commenceroient ; c’étoit le moment qui devoit décider de sa destinée. Tout le jour elle n’avoit songé qu’à la déclaration que le marquis lui avoic faite, et qui étoit depuis si long-temps attendue.

Cependant la soirée s’écouloit sans qu’il fût question de cartes ; la nuit précédente sembloit avoir mis tout le monde hors de son assiette accoutumée ; on ne parla pas non plus de musique, personne n’étoit disposé à en faire.

Mais à la fin lady Wilmington se mit en devoir d’arranger une partie ; Emma trembloit que lord Miramont ne put pas se dispenser d’en être.

Heureusement, lady Wilmington n’avoit pas oublié ce qui s’étoit passé le matin entre sa fille et lui. Pour empêcher que la querelle ne se renouvelât, elle le mit à l’écart ; elle prit lord Fontelieu pour son partenaire, et laissa lady Elisabeth à sir Harry.

Aussitôt que le jeu fut commencé, lord Miramont joignit Emma qui, selon sa coutume, travailloit à sa tapisserie, auprès de l’une des cheminées, et très-loin de la table de jeu qui étoit voisine de la cheminée opposée ; et comme la chambre avoit soixante pieds de long, il y avoit sujet de craindre que leur conversation pût être entendue.

Lord Miramont n’eut pas plutôt pris un siége à côté d’elle, qu’il lui dit à voix basse : J’ai tant de choses à dire, tant de choses à expliquer, chère miss ! que je tremble que vous n’ayez pas la patience de m’écouter jusqu’au bout.

Emma pensa dire : N’ayez pas peur de cela ; mais elle garda le silence, et il poursuivit.

— Vous ne vous doutez pas depuis combien de temps je vous aime ; car je dois vous l’avouer, j’ai combattu jusqu’à ce dernier moment mon inclination. Mais presque depuis le premier jour où je vous ai vue, je me suis senti entraîné vers vous par un attrait irrésistible ; cependant, certains motifs ajoutés à un préjugé ridicule dont je m’étois imbu contre le mariage, me déterminèrent à tâcher d’étouffer cette passion naissante, si incompatible avec mon genre de vie, et… —

Lord Miramont s’arrêta ; il parut embarrassé ; mais se remettant bientôt : je ne sais pas comment, continua-t-il, je pourrois vous donner le détail du progrès de mes sentimens ; je vais donc briser court, en ajoutant seulement que j’étois sur le point de vous les découvrir, lors de notre dernière entrevue à Londres, chez ma tante. Quand vous m’apprîtes que vous étiez à la veille de partir pour la campagne, je faillis me précipiter à vos pieds, en vous conjurant de rester, et de rester pour moi. Mais en ce moment un souvenir vint me fermer la bouche. — Vous partîtes ; combien je devins malheureux ! J’étois dans cet état de peine et de souffrance que les poètes prêtent aux ombres don, t les corps ont été privés de la sépulture : rien ne me plaisoit ; rien ne m’amusoit.

Ici Emma leva les yeux vers lui, ces beaux yeux qui exprimoient si bien ses pensées. Il parut comprendre leur langage ; car il répéta avec énergie : non, rien sur mon honneur. Je demeurai dans cet état douloureux, jusqu’à l’arrivée de Fontelieu, qui me pria de l’accompagner ici.

Après ce que j’ai dit, je n’ai pas besoin d’exprimer la joie avec laquelle J’acceptai une invitation qui alloit me fournir l’occasion de vous voir. J’arrivai cependant sans aucun projet fixe sur ce que je de vois faire ; mais pouvois-je habiter le même toit que vous, et rester indécis ? Chaque jour, chaque moment vous rendoit plus chère à mes yeux ; je reconnus que je ne pouvois pas plus long-temps vivre sans vous ; cependant, j’avois des raisons de différer l’aveu de mes sentimens ; mais le tendre intérêt que vous avez pris à ma conservation ne me permet plus de me taire, et je ne puis retenir plus longtemps un secret qui mille fois avant ce jour a été sur le point de m’échapper. Présentement, si je puis oser croire que je ne vous suis pas indifférent ; si vous daignez encourager mes espérances ; ah ! parlez, mon adorable Emma ; donnez-moi seulement un regard, un seul regard…

Emma leva timidement son visage que couvroit la rougeur ; mais elle ne parla point.

Il poursuivit : je ne sais comment je dois interpréter votre silence ; car vous détournez de moi les yeux. Après vous avoir dévoilé mes sentimens, jugez combien il est cruel pour moi d’être forcé d’ajouter… Sa voix s’altéra ; il parut dans une agitation extrême ; tandis qu’Emma, surprise et alarmée, osoit à peine respirer, de peur de perdre un mot de ce qui alloit suivre.

— Qu’il y a, poursuivit-il, un empêchement… un obstacle fatal… qui ne me permet pas d’oser pour le présent solliciter l’honneur de votre main ; mais…

— En ce cas, interrompit vivement Emma, pourquoi me tenir ce langage qui est tout-à-fait hors de saison ?

— Prenez patience, je vous conjure, charmante miss ; Tobstacle dont je parle n’est pas insurmontable ; je puis le vaincre, et je le vamcrai, quoique je craigne bien que ce ne soit pas sans la plus grande difficulté. Plût au ciel que la délicatesse me permît de vous développer ce mystère. Mais, je vous en conjure, ne faites ni à moi ni à vousmême rinjure de supposer que j’osasse m’adresser à vous, si mes vues n’étoient pas avouées par l’honneur. Laissez-moi seulement espérer que, lorsque ce malheureux obstacle n’existera plus, vous consentirez à être à moi. Souffrez que je m’assure de votre cœur, et alors je travaillerai avec courage à ma félicité, et je mourrai ou je serai à vous. Parlez donc, ma chère Emma, faites-moi connoître quel est le sort qui m’attend.

Pendant le commencement de cette conversation, Emma n’avoit pu cacher qu’avec peine les délicieuses sensations auxquelles son âme étoit livrée ; mais insensiblement elles s’étoient évanouies pour faire place à la défiance, au dépit et au chagrin. Elle crut que le marquis vouloir se moquer d’elle : s’il n’a voit d’engagement avec aucune autre femme, quel obstacle pouvoir arrêter son mariage Elle lui dit donc d’un air offensé : que puis-je vous répondre, mylord ? Que pouvez-vous attendre de moi ? Sûrement vous n’espérez pas que j’écoute plus long-temps ce langage ambigu ?

— Grand dieu ? Concevriez-vous des doutes sur mon honneur ? Si j’étois libre, je tomberois en ce moment même à vos pieds, et je ne me releverois pas que je n’eusse obtenu de vous la promesse d’être irrévocablement à moi.

— Mais puisque vous avouez, mylord, que vous n’êtes pas libre, il est inconvenable que vous continuiez cette conversation, et je vous déclare positivement que je ne veux plus en entendre un mot.

Emma fit alors un mouvement pour se lever ; mais il la retint : oh ciel ! s’écria-t-il, avec quelle froideur, avec quelle cruauté vous me parlez ! Vous ne connoissez pas les tourmens que vous me faites souffrir. Ah ! pourquoi la nuit dernière avez-vous sauvé mes jours, s’ils sont de si peu de prix à vos yeux ?

Emma fut alarmée de la violence de son émotion ; elle craignit que ce qu’il disoit ne fût entendu, et, rappelant son courage, elle lui dit d’une voix basse et adoucie : vos jours certainement ne sont pas d’un foible prix pour tous ceux qui vous connoissent ; mais comme il paroît que votre situation est couverte d’un voile que rien ne peut déchirer, permettez-moi de refuser d’engager mes affections, lorsque je ne suis pas sûre que vous ayiez la liberté d’y répondre.

— Juste dieu ! s’écria-t-il, que puis-je dire pour vous convaincre de la pureté de mon amour ? Je sais qu’il auroit été plus respectueux que j’en eusse différé l’aveu, jusqu’à ce que j’eusse détruit l’obstacle qui s’oppose à mes désirs ; c’étoic ma résolution fixe, et je proteste solennellement que j’y aurois tenu, si je ne vous eusse rencontrée ce matin : alors mon cœur transporté d’amour et de reconnoissance, ne put pas se contenir plus long-temps. Mais, au nom du ciel, ma charmante Emma, jugez-moi avec votre candeur et votre générosité accoutumées, et plaignez-moi au lieu de me blâmer. Réservez-moi, je vous en conjure, ce cœur qui m’est cher au-delà de tout ce qu’il est possible d’exprimer ; réservez-le moi jusqu’à ce qu’il soit en mon pouvoir d’en réclamer la possession. Oh ! combien alors je serai heureux !

Emma, quelque peine qu’elle éprouvât à garder le silence, eut le courage de s’obstiner à ne pas le rompre : elle se leva, s’approcha de la table de jeu, et resta jusqu’au souper, assise à côté de lady Wilmington,

Rien ne pouvoit égaler la tristesse et la mortification qui éclatoient dans la contenance du marquis. Emma ne s’en aperçut que trop ; elle-même étoit bien triste et bien malheureuse. Cependant, au milieu du tumulte de ses pensées, elle éprouvoit un contentement intérieur qui la calmoit. J’ai agi, se disoit-elle, comme mon père m’auroit conseillé d’agir. Quelque foible que je sois, je n’ai pas encore révélé ma tendresse à un homme qui a confessé qu’il n’étoit pas libre de m’offrir sa main. Si je m’étois mise à sa merci, je serois méprisable à mes propres yeux.

Lady Wilmington étoit trop fine observatrice pour ne pas avoir remarqué qu’il s’étoit passé quelque chose d’extraordinaire entre Emma et son neveu ; cependant elle eut la prudence de n’en rien témoigner.

Mais sir Harry Paragon, avec sa petite voix flûtée, s’écria : — Eh ! mon Dieu, qu’avez-vous donc tous les deux ? Avez-vous fait vœu de silence ?

— Miss Mourtray, dit lady Elisabeth, ressent les effets de la terrible alarme de cette nuit, et lord Miramont, le contre-coup.

— Il n’est pas du tout surprenant, dit lord Fontelieu, avec sa gravité ordinaire, qu’après un événement de cette nature, plusieurs d’entre nous soient dans un état de trouble et de malaise ; c’est pourquoi, si vous m’en croyez, retirons-nous ce soir de bonne heure.

La motion fut généralement adoptée ; mais il fut impossible à Emma de fermer les yeux de toute la nuit ; elle étoit aussi confuse qu’affligée de voir se terminer si mal une attente caressée depuis si long-temps, et quelle croyoit à la veille de se réaliser. En vain elle se tourmentoit le cerveau pour tâcher de deviner quel pouvoit être cet empêchement que lord Miramont prétendoit ne pouvoir révéler sans manquer à l’honneur. Elle ne doutoit nullement que lady Fredville ne fût impliquée là-dedans : mais de quelle manière, puisqu’elle étoit mariée ? C’est ce qu’il étoit impossible à Emma de concevoir.


FIN DU TOME TROISIÈME.