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La Femme pauvre/Dédicace

La bibliothèque libre.
G. Crès (p. 10-11).


À Pierre Antide Edmond

BIGAND-KAIRE

capitaine au long cours


La voici, enfin ! cette Femme pauvre que vous avez tant désirée sans la connaître, et que j’ai placée — comme il convenait — sous l’invocation des Défunts.

Je ne sais pas d’homme plus étonnant que vous, mon cher Bigand, et cela, je l’écrirai, quelque jour, le plus somptueusement que je pourrai.

Votre amitié, que je n’avais pas prévue et que j’ai dû croire envoyée du ciel, est certainement une des rares merveilles qu’il m’aura été donné de voir sur terre.

À l’exception de notre grand peintre Henry de Groux, qui donc est descendu aussi profondément que vous et d’aussi bon cœur dans ma fosse noire ? Souvenez-vous que vous fûtes mon hôte, quand j’habitais la maison sans nom, la maison de putréfaction et de désespoir que j’ai essayé de peindre et dont vous avez, j’imagine, emporté l’horreur dans la splendide et sanglante Asie.

À vous donc, cher ami, ce douloureux livre qui me fut dicté par l’énergie de votre âme et qui serait, sans doute, un chef-d’œuvre, si je n’en étais pas l’auteur.

Que Dieu vous garde du feu, du couteau, de la littérature contemporaine et de la rancune des mauvais morts !

Grand-Montrouge, mercredi des Cendres, 1897.

LÉON BLOY.


Le texte du présent ouvrage a été revu sur un exemplaire de la première édition (1897), corrigé de la main de l’auteur et dont nous avons dû la communication à la bienveillance de Madame Léon Bloy. (Note des Éditeurs.)