La Figure de proue/À la louange des Ports de mer

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Eugène Fasquelle (p. 86-88).

À la louange des Ports de mer

Vous vivez en mon cœur, ports de mer, ports de mer
Arrondis et calmés devant le large amer.

Autour des paquebots arrêtés sur leurs quilles,
Cette odeur de goudron, d’ordure et de coquilles,

Cette odeur rude du départ et du retour,
Je la respire, sur vos quais, avec amour.

J’aime le clapotis qui berce et qui soulève
En vous, tant de reflets, de commerce et de rêve,


Et l’esprit du voyage erre à travers vos mâts
Dont craquent doucement les sous-bois délicats.

Beaux ports, beaux ports de mer de mes villes diverses
Dans le bleu méridional ou les averses,

Beaux ports où l’on peut voir se balancer de près
Le soleil pris, le soir, dans le haut des agrès,

Je vous chéris du fond de ma première enfance
Qui devinait déjà la joie et la souffrance.

Les barques de Honfleur qui se marquent H. O.
Partaient sans bruit à l’heure où la mer monte haut.

Elles partaient vers l’inconnu qui tente et brille,
Avec l’obscur désir d’une petite fille,

Alors que j’ignorais encor que mon destin
Me donnerait la mer, le risque et le butin.

Or, puisque maintenant se gonfle ma poitrine
De grand enthousiasme et de brise marine,


Salut à vous ! J’ai pris aussi mon large vol
Devers un autre ciel, devers un autre sol,

Ô vous qui m’accueillez au bout de tout voyage,
Beaux ports, beaux ports de mon bonheur et de mon âge !