La Figure de proue/Archange

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Eugène Fasquelle (p. 199-200).

Archange

Le vent du crépuscule, en Europe, autrefois,
Dans mes jardins mouillés faisait pleurer mes roses,
Et je sentais toucher subtilement mes doigts
Le grand archange entré par les fenêtres closes.

Archange du couchant, ombre, toute blancheur,
Qui fermais sur ton corps la robe de tes ailes,
Diras-tu si jamais ta face m’a fait peur,
Si tes plumes n’étaient chez moi comme chez elles ?

Si, livide et gonflé de vent comme un vaisseau,
Aux fenêtres du soir tu ne m’as fait des signes ?
— Ah ! n’ai-je aimé jamais ni mouettes ni cygnes
Pour m’effrayer du vol adolescent d’oiseau,


Et, pour trembler avec la honte de ma caste
D’une Présence auprès de mes sens animaux,
N’ai-je conçu, jamais dans ma poitrine chaste,
Un amour sans toucher, sans regard et sans mots ?