La Figure de proue/Malaria

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Eugène Fasquelle (p. 57-58).

Malaria

I

Si tu veux bien, rentrons. Il ne fait plus très clair.
Le soleil dans les blés meurt comme dans la mer.
Vers la source d’eau chaude où des palmes se mouillent,
La terre est craquelée et grouille de grenouilles.

La plaine serait-elle un marais desséché ?
Quel est l’instinct qui fait que nous serrons les lèvres ?
— Ah ! j’ai peur ! Pourquoi donc tremblons-nous, si la Fièvre
Ne rampe pas vers nous comme un monstre caché ?…

II

Enfermez les enfants, voici le crépuscule…
Dans les blés, le soleil est presque trépassé.
Un monstre doucereux sort du sol crevassé :
C’est l’heure… Sentez-vous la fièvre qui circule ?
— Enfermez les enfants, voici le crépuscule.

Les enfants resteront derrière les carreaux
À regarder de leurs grands yeux, brûler la plaine.
Fermez tout ! L’été souffle une terrible haleine !
— Sans jouer, sans parler, menacés dans leurs os,
Les enfants resteront derrière les carreaux…