La Fille du régiment/Acte II

La bibliothèque libre.
Administration de librairie théâtrale (p. 17-24).

ACTE DEUXIÈME.

Le théâtre représente un salon ouvrant, par trois portes au fond, sur une vaste galerie donnant sur le parc. Portes latérales. À droite, un clavecin. À gauche, une fenêtre et un balcon.


Scène PREMIÈRE.

La Marquise, La Duchesse de Crakentorp, elles sont assises ; à gauche, Un Notaire, devant une table, lisant un contrat de mariage.

Le Notaire, lisant. « Madame la duchesse de Crakentorp cède et abandonne au duc Scipion de Crakentorp, son neveu, son fief et sa baronnie rapportant dix mille florins de rente. »

La Duchesse. Très-bien !

La Marquise, au Notaire. Écrivez que, de mon côté, j’avantage ma nièce de ma terre seigneuriale de Berkenfield.

La Duchesse. À merveille !…

La Marquise, au Notaire. Nous sommes d’accord sur les autres clauses… faites en sorte, Monsieur le notaire, que le contrat de mariage soit prêt à être signé ce soir… (Saluant la Duchesse.) Je ne veux pas retarder l’honneur que madame la duchesse daigne faire à ma famille…

La Duchesse. Ajoutez que Sa Majesté le désirait… et que sa volonté…

Un Valet, annonçant. La voiture de madame la duchesse !…

La Duchesse, se levant. À ce soir, madame la marquise !…

La Marquise. À ce soir, madame la duchesse !…

La Duchesse, arrêtant la Marquise qui la reconduit. Je ne souffrirai pas, madame la marquise…

La Marquise, insistant. Permettez, madame la duchesse !…

La Duchesse, lui faisant la révérence. Madame la marquise !…

La Marquise, de même. Madame la duchesse !… (Elle sort, suivie du Notaire.)


Scène II.

La Marquise, puis Sulpice.

La Marquise, seule. Enfin, la voilà mariée !… mariée à l’un des plus grands seigneurs de l’Allemagne !… Cent cinquante quartiers de noblesse !… Si Marie n’est pas assez heureuse avec ça !…

Sulpice, à la cantonade. C’est bien, pleurard !… on y va.

La Marquise. C’est vous, Sulpice !…

Sulpice. Oui, madame la marquise… votre vieil intendant m’a dit que vous me demandiez.

La Marquise, s’asseyant à gauche. Approchez-vous… approchez-vous… je vous le permets.

Sulpice, à part. Cette vieille femme-là m’intimide comme une première bataille !…

La Marquise. Vous êtes un brave homme, un bon soldat, Sulpice…

Sulpice. Je crois ! morbleu !… (Se reprenant.) Vous êtes bien honnête, madame la marquise !…

La Marquise. Depuis trois mois bientôt que vous fûtes blessé dans l’un de vos affreux combats, et qu’à la prière de Marie, j’obtins qu’on vous transportât dans mon château, je n’ai eu qu’à me louer de vous !

Sulpice. Et moi pareillement, madame la marquise !…

La Marquise. Marie vous écoute… vous avez sa confiance… vous m’avez aidé à la rendre plus docile… Grâce à mes soins, ses maîtres ont eu quelque empire sur elle… son ton et ses manières soldatesques ont presque entièrement disparu…

Sulpice, à part. Merci, l’ancienne !…

La Marquise. Et j’ai pu lui choisir pour époux l’un des plus illustres seigneurs de la Bavière, le duc de Crakentorp. (Elle se lève.)

Sulpice. Voilà un fameux nom !…

La Marquise. Il y avait bien quelques difficultés… La vieille duchesse voulait retarder encore, sous prétexte de l’absence de son neveu… mais j’ai fait passer outre… et tout est convenu !

Sulpice. Et Marie… mademoiselle Marie ?…

La Marquise. Elle a consenti… mais pas avec cet empressement que j’aurais désiré… Aussi, je compte sur vous pour lui donner du courage… Nous signons ce soir même, ici, le contrat qu’on enverra au duc, à la Cour.

Sulpice. C’est ça… un mariage au pas de charge !

La Marquise. Mais ce n’est pas tout ! Les bonnes âmes du pays, jalouses de cette union, après avoir tout fait pour en détourner la duchesse, ont prétendu que Marie était gauche et mal élevée… Et jugez… si l’on se doutait de ce qu’elle a été !…

Sulpice, riant. Vivandière, une future duchesse !…

La Marquise. Silence ! au nom du ciel !… Aussi, je veux les confondre en leur montrant ses grâces, ses talents… Je veux que la voix charmante de Marie les ravisse, les transporte… et que son futur lui-même… Silence ! la voici !…

Sulpice, à part, la voyant entrer. Pauvre fille !… comme elle a l’air gai pour un jour de noces !…


Scène III.

Les Mêmes, Marie.

La Marquise, à Marie. Allons, approchez… approchez, mon enfant ! (Elle l’embrasse.)

Marie, tendant la main à Sulpice. Bonjour, Sulpice !…

La Marquise. Elle est charmante !… Que de grâce !… de modestie !… Qui se douterait jamais qu’il y a un an, cette enfant-là… J’espère, ma nièce, qu’aujourd’hui vous allez faire honneur à nos leçons, en présence de tous les nobles du voisinage, que j’attends pour la signature de votre contrat.

Marie. Moi, ma tante !…

La Marquise. Sans doute !… vous chantez déjà fort bien… la romance, surtout !

Marie, bas à Sulpice. J’aimais mieux nos anciennes chansons !

Sulpice, de même. Et moi, donc !…

La Marquise. Nous allons essayer cette romance nouvelle, d’un nommé Garat, un petit chanteur français.

Sulpice. Un Français !… Crédié ! l’air doit être belle !

La Marquise. Sujet ravissant ! et d’un neuf !… les amours de Cypris.

Sulpice, de lui-même. Cypris !… connais pas !

La Marquise, se mettant au clavecin, à droite. M’y voici… commençons !

Marie, tristement, à part. Chantons !…

Sulpice, s’asseyant à gauche. Et nous, écoutons !

TRIO.
Marie.
« Le jour naissait dans le bocage,
» Et Cypris, descendant des cieux,
» Venait, chercher sous le feuillage
» L’objet si tendre de ses feux !
Sulpice, bas à Marie.
Nos chants étaient moins langoureux !

(Chantant à mi voix.)

Rantanplan !
Rantanplan !
Marie, de même, sur l’accompagnement de La Marquise.
Rantanplan !
Rantanplan !
C’est le refrain du régiment !…
La Marquise, l’interrompant.
Et mais ! qu’entends-je donc ?…
Marie, avec embarras.
Pardon ! pardon !… c’était une distraction !

(Continuant le chant.)

» Cet amant, à qui Vénus même
» De la valeur donnait le prix…
» Le plus aimable…
La Marquise.
Allez donc !
Marie.
» Le plus aimable du pays…
» Et de la beauté… de la beauté… »
Sulpice, allant lui souffler la ronde.
» Et de la beauté… de la beauté… » Bien suprême !
Marie, répétant avec distraction.
Bien suprême !
Le voilà, morbleu !
Il est là, corbleu !
Sulpice, avec force
C’est le Vingt-et-unième !
La Marquise, avec indignation.
Que dites-vous ! quoi ? l’amant de Cypris…
Sulpice, continuant.
L’effroi des amants, des maris,
Et de la beauté bien suprême !
Le voilà, morbleu !
Il est là, corbleu !
C’est le Vingt-et-unième.
ENSEMBLE.
La Marquise, entre eux.
Ah ! quelle horreur ! Est-il possible
De mêler un air si touchant,
Une romance si sensible,
Avec un chant de régiment !
Marie et Sulpice, à part.
Hélas ! hélas ! votre air sensible
Ne vaut pas nos refrains… vraiment ;
Et je sens qu’il m’est impossible
De les oublier maintenant.
La Marquise, à Marie, en retournant au clavecin.
Continuons !
Marie.
Je le veux bien ! (Bas, à Sulpice.)
Mais, hélas ! je n’y comprends rien !
« En voyant Cypris aussi belle,
» Bientôt les échos d’alentour…
La Marquise, la soufflant.
» De la jalouse Philomèle…
Marie.
» De la jalouse Philomèle…
La Marquise, de même.
» Redirent les soupirs d’amour !
Marie.
» Redirent les soupirs d’amour !
Sulpice, bas à Marie.
À tous les soupirs de la belle,
Moi, je préfère le tambour.
La Marquise.
Ma nièce, soupirons comme elle !
Tra la, la, la.
Marie, répétant.
Tra la, la, la. La, la, la, la, la.
La Marquise.
Non, ce n’est pas cela…
La, la, la, la.
Marie, variant.
La, la, la, la. La, la, la, la, la.
La Marquise.
C’est trop brillant, cela…
Sulpice.
Tra la, la, la, la, la
Mais c’est charmant cela…
Marie.
Tra la, la, la, la, la.
La Marquise.
Plus fort !
Marie.
Plus fort ! La, la, la, la.
La Marquise.
Plus doux !
Marie.
Plus doux ! La, la, la, la.
La Marquise.
C’est bien !
Marie.
C’est bien ! La, la, la, la
La Marquise.
C’est mal !…
Marie, avec humeur.
C’est mal !… Oh ! ma foi, j’y renonce…
Au moins au régiment
Le chant allait tout seul.
La Marquise.
Le chant allait tout seul. Ô ciel ! quelle réponse !
Marie.
En avant ! en avant !
Rantanplan ! plan, plan.
C’est le refrain du régiment.
Sulpice et Marie.
En avant ! en avant !
Rantanplan ! plan, plan !
C’est le refrain du régiment !
La Marquise, se bouchant les oreilles, avec dépit.
Ah ! quelle horreur ! Est-il possible
De mêler un air si touchant,
Une romance si sensible,
Avec un chant de régiment !

La Marquise, à Marie. En vérité, ma nièce, je ne vous comprends pas… voilà vos anciennes habitudes, vos chants de régiment qui reviennent encore… Cela me met les nerfs dans un état… Aussi, Sulpice… c’est votre faute… vous l’encouragez !

Sulpice, faisant des signes à Marie. Le fait est que c’est un peu… un peu jovial.

Marie, bas à Sulpice. Comment ! et toi aussi !…

La Marquise. Au nom du ciel, Marie, ne soyez pas ainsi devant votre nouvelle famille ! Vous me l’avez promis à moi, votre bonne tante qui vous aime tant… Il y aurait de quoi rompre à jamais votre illustre mariage !…

Sulpice. Certainement ! c’est trop gaillard pour la circonstance !

La Marquise. Aujourd’hui, surtout, que je réunis les plus nobles têtes du pays… des têtes égales à la mienne !

Sulpice. Cré coquin ! quels chefs de file ! (Un domestique paraît à droite.)

La Marquise. Suivez mes conseils, je vous en prie… Je suis obligée de vous quitter pour faire encore quelques invitations dans les environs… Soyez raisonnable, mon enfant. Allons ! embrassez-moi… tenez-vous droite… levez la tête… là !… comme ça !… À la bonne heure !… Quelle jolie duchesse cela fera ! Embrassez-moi encore… Sulpice ! je vous la confie jusqu’à mon retour !

Sulpice. Suffit, madame la marquise, on fera sa faction en conscience !

La Marquise, se retournant au moment de sortir. Elle est charmante ! (Elle sort par le fond.)


Scène IV.

Marie, Sulpice.

Marie, à part. Tenez-vous droite !… levez la tête !… quel ennui ! quel supplice !

Sulpice. Par file à gauche… la voilà partie !… viens m’embrasser !

Marie, avec effusion. À la bonne heure, donc !… je te retrouve !… te voilà comme autrefois !

Sulpice. Est-ce que je peux t’aimer devant la vieille… elle me tient en respect avec ses grands airs… et puis, ses falbalas, ses panaches… rien ne m’impose comme les panaches !

Marie. Mais, moi… est-ce que je ne suis pas toujours la même pour toi… ta fille… la fille du régiment ?…

Sulpice. Motus sur cet article, mon enfant… te voilà grande dame par la grâce de Dieu et des Pirchefeld… tu as un rang, un nom… comme dit l’ancienne… faut y faire honneur.

Marie. Ah ! mon pauvre Sulpice, que je suis malheureuse !

Sulpice. Malheureuse !… toi, qui vas devenir duchesse, princesse… que sais-je ?

Marie. Oh ! ce mariage, Sulpice… il n’est pas encore fait…

Sulpice. Non… mais il va se faire… et puis, si c’est un brave homme, ton prétendu… tu l’aimeras.

Marie. Je ne crois pas !

Sulpice. Si fait… ça viendra… ça vient toujours.

Marie. C’est que… c’est venu pour un autre !

Sulpice. Nous y voilà !

Marie. Ce pauvre Tonio… ce jeune Tyrolien qui s’est engagé pour moi…

Sulpice. Allons donc !… est-ce qu’il pense encore à toi… depuis qu’il est des nôtres surtout… ces soldats, ça mène le sentiment tambour battant !… je sais ça par expérience, moi !… un amour par étape.

Marie. Tu crois ? j’en ai peur… aussi, de désespoir, j’ai fait tout ce qu’on a voulu… j’ai promis de me marier… à qui ?… je n’en sais rien… ça m’est égal.

Sulpice. À un duc, mon enfant… un grand seigneur… superbe ! Un duc, c’est toujours magnifique… c’est de l’état.

Marie. Et toi, je ne te verrai plus !

Sulpice. Si fait, morbleu ! dès que j’aurai un bras ou une jambe de moins, je reviendrai près de toi… un peu dépareillé. (Montrant son cœur.) Mais de là, toujours complet… et à moins que ton mari ne veuille pas de moi !

Marie. Oh ! quant à ça… sois tranquille, je te ferai mettre dans le contrat de mariage.

Sulpice. C’est ça… avec les charges.


Scène V.

Les Mêmes, Hortensius.

Hortensius. Dites donc, grenadier !

Sulpice. Hein ? voilà ce vieux hibou d’intendant !… Qu’est-ce qu’il y a ?

Hortensius. Il y a, grenadier, qu’on vous demande.

Sulpice. Qui ça… madame la marquise ?

Hortensius. Eh non, grenadier ! puisqu’elle est partie ! C’est un homme qui… un homme que…

Sulpice, avec ironie. Un homme qui… un homme que…

Hortensius. Enfin, allez-y voir.

Sulpice. C’est bien… on y va ! c’est étonnant comme il est aimable. (À Marie.) Allons, ferme ! puisque la vieille le veut… c’est pour ton bien… elle t’aime tant… voyons… un peu de courage.

Marie, tristement. J’en aurai… je te le promets.

Hortensius, bas à Sulpice. C’est un soldat… avec une épaulette en or.

Sulpice, s’arrêtant. Ah bah !

Marie, se retournant. Hein ? qu’est-ce que c’est ?

Sulpice, balbutiant. Rien !… rien. C’est un homme qui… un homme que… (À part.) Mille z’yeux ! ça m’a coupé la respiration. (Haut à Marie.) Attends-moi, mon enfant. (Il sort.)

Hortensius, à part. Oui… un soldat… deux soldats… et puis l’autre… c’est une caserne que ce château ! (Il sort.)


Scène VI.

Marie, seule,
C’en est donc fait et mon sort va changer,
Et personne en ces lieux ne vient me protéger !…
CAVATINE.
Par le rang et par l’opulence,
En vain l’on a cru m’éblouir ;
Il me faut taire ma souffrance…
Et ne vivre qu’en souvenir !…
Sous les bijoux et la dentelle,
Cachons des chagrins superflus…
À quoi donc me sert d’être belle,
Puisque hélas ! il ne m’aime plus !
Ô vous à qui je fus ravie, (Agitato.)
Dont j’ai partagé le destin…
Je donnerais toute ma vie
Pour pouvoir vous serrer la main !
Pour ce contrat fatal tout prend un air de fête…
Je vais signer, hélas ! mon malheur qui s’apprête !

(Elle va pour sortir, s’arrête tout à coup, en entendant au loin une marche militaire ; elle écoute attentivement et dit avec joie.)

Mais qu’entends-je au lointain ?… ciel ! ne rêvé-je pas ?
Cette marche guerrière… ah ! voilà bien leurs pas.

(Elle court à la fenêtre, l’ouvre et agite son mouchoir.)

Ô transport ! douce ivresse !
Mes amis, en ces lieux !
Souvenirs de tendresse,
Revenez avec eux !
Salut à la France ! (Cabaletta.)
À mes beaux jours !
À l’espérance !
À mes amours !
Salut à la gloire !
Voilà pour mon cœur,
Avec la victoire,
L’instant du bonheur !

Scène VII.

Marie, Soldats entrant tumultueusement de tous côtés et se groupant autour de Marie.
chœur.
C’est elle ! c’est notre fille !
Notre enfant ! quel destin !
Tes amis, ta famille,
Te retrouvent enfin !
Marie, dans leurs bras.
Mes amis ! mes amis ! votre main !… dans vos bras !
De plaisir, de surprise, ah ! l’on ne meurt donc pas !
Salut à la France !
À mes beaux jours !
À l’espérance !
À mes amours !
ENSEMBLE.
Marie.
Salut à la gloire !
Voilà pour mon cœur,
Avec la victoire,
L’instant du bonheur !
Chœur.
C’est elle ! c’est notre fille !
Notre enfant… quel destin !
Tes amis, ta famille,
Te retrouvent enfin !

Scène VIII.

Les Mêmes, Sulpice, puis Tonio.

Sulpice. Les amis… les camarades ici !…

Tous, l’entourant. Sulpice ! Sulpice !

Sulpice, avec joie. Les voilà tous !… tous près de nous !… Jacques… Thomas… Étienne… pas un ne manque à l’appel !

Marie, cherchant des yeux. Pas un…

Tonio, paraissant. Non, mam’zelle… non… pas un de ceux qui vous aiment !…

Marie, avec joie. Tonio !…

Tonio. Tonio… qui les a guidés… dirigés jusqu’ici !…

Marie. Tonio… mon Tonio !… oh ! cela fait un bien… quand on se croyait oubliée… (À Sulpice.) Mais regardez-le donc… il a une épaulette !…

Tonio. Dam ! quand on veut se faire tuer, on avance !

Sulpice. Je le crois parbleu bien !… salut, mon officier !… et ces pauvres camarades qui sont tous debout, bien fatigués et bien altérés sans doute… il faut les faire boire à ta santé…

Tous. Bien volontiers !…

Marie, à Sulpice. Et ma tante… si elle revenait !…

Sulpice. Tu as raison… mais là-bas, dans l’orangerie… au bout du parc…

Les Soldats. Holà ! quelqu’un ! la maison !


Scène IX.

Les Mêmes, Hortensius.

Hortensius. Ah ! miséricorde !… des soldats… toujours des soldats… Ah ça ! mais il en pleut donc des soldats !… qu’est-ce que c’est que ça ?…

Marie. Mes amis… mes camarades… à qui tu vas donner le meilleur et le plus vieux vin de ma tante…

Hortensius. Par exemple !…

Sulpice, à Hortensius. Tu as entendu le mot d’ordre… marche !…

Hortensius. Comment, marche !… qu’est-ce que c’est que ces manières-là ? ce château est donc au pillage ? Non ! je ne marche pas ! je me révolte… je m’insurrectionne… et à moins qu’on ne m’enlève…

Sulpice, aux soldats. Eh bien ! enlevez-le, vous autres !…

Hortensius, se débattant. C’est une horreur !… une trahison… une attentat de lèse-intendant ! (Les soldats l’enlèvent et partent en tumulte.)


Scène X.

Sulpice, Marie, Tonio.
ensemble.
Tous les trois réunis,
Quel plaisir, mes amis !
Quel bonheur, quelle ivresse !
Doux instants de tendresse !
Sulpice.
Doux souvenir !
Tonio.
Doux souvenir ! Beau temps de guerre !
Marie.
Ah ! loin de nous…
Sulpice.
Ah ! loin de nous… Vous avez fui !
Tonio.
Il reviendra…
Sulpice.
Il reviendra… Je n’y crois guère…
Marie.
Ce temps passé… mais le voici…
Près de toi, Sulpice, et près de lui
ensemble.
Tous les trois réunis,
Quel plaisir, mes amis, etc.
(Sulpice passe entre eux.)
Tonio.
Tu parleras pour moi !
Marie.
Tu parleras pour moi ! Tu parleras pour lui !
Tonio.
Tu combleras mes vœux !
Marie.
Tu combleras mes vœux ! Tu le dois, mon ami.
Sulpice.
Mais vous ne savez pas… écoutez-moi…
Marie et Tonio.
Il me faut ta promesse,
Puisque j’ai sa tendresse…
Et puisque j’ai sa foi !
REPRISE DE L’ENSEMBLE.
Tous les trois réunis,
Quel plaisir, mes amis !
Quel bonheur, quelle ivresse !
Doux instants de tendresse !
Nous voilà réunis.

Sulpice. Mais la tante, mes pauvres enfants… la terrible tante… j’ai une peur affreuse qu’elle ne vienne… (À Tonio.) Aussi mon brave, du courage… et en route !…

Tonio. La quitter !… quitter Marie, maintenant !… Oh ! jamais ! rien ne peut plus m’en séparer ; je la demanderai à la marquise elle-même, et si l’on me refuse, si l’on me repousse… eh bien ! je parlerai alors… et l’on verra !…

Sulpice. Et qu’est-ce que tu diras ?

Tonio. Je dirai… je dirai ce que je ne voudrais pas dire… ce que m’a confié mon oncle le bourgmestre de Laëstrichk, chez qui je me suis arrêté en venant ici… je lui ai tout conté… mon amour, mon chagrin de la naissance de Marie… Oh ! le brave homme !… il m’a révélé un secret qui doit nous rendre tous heureux !…

Marie et Sulpice. Un secret !

Tonio. Sans doute… mais j’ai promis à mon oncle de le taire, à moins qu’on ne me force à parler… et grâce à notre bon Sulpice… nous n’en viendrons pas là… nous attendrirons la marquise.

Sulpice. Oui… avec ça que c’est facile… une vieille qui n’entend pas raison… sur l’article mariage, surtout !…

Marie. Qui sait ! elle m’aime tant… et si mon bon Sulpice voulait lui parler pour nous.

Sulpice. Eh bien ! je risque la bombe !… je me dévoue… mais à une condition…

Tonio et Marie. Laquelle ?…

Sulpice. C’est qu’il va s’en aller… et que la douairière ne le verra que plus tard, après la bataille si nous la gagnons… Je la connais, si elle vous trouvait ensemble, tout serait perdu !

Tonio, allant à Marie. Oui… je m’en vais… je pars !…

Sulpice. Si c’est comme ça que tu t’en vas ! Silence ! écoutez…

Marie. Quoi donc !

Sulpice. Une voiture qui s’arrête, c’est sans doute elle qui revient… Et les autres qui sont là à boire… Et la famille des Crikentorp qui va revenir… si les camarades voyaient ces têtes-là. En v’là une rencontre qui serait terrible ! (À Tonio.) Va-t’en ! va-t’en !

Tonio. Adieu, Marie… adieu !… (Il gagne le fond.)

Sulpice, le rappelant. Non, pas par là… Par la petite porte du parc… Allons, demi-tour à droite, file !… (Il ouvre la porte à gauche pour faire sortir Tonio, la Marquise paraît sur le seuil. À part.) La tante ? nous sommes bloqués.


Scène XI.

Les Mêmes, La Marquise.

La Marquise. Qu’ai-je vu !… Un soldat ici !… près de ma nièce !… Comment, Sulpice, vous avez permis…

Sulpice, à part. Voilà que ça commence !

Marie. Ma tante !…

La Marquise. Taisez-vous !

Tonio. Madame…

La Marquise. Qui êtes-vous, monsieur ? Que voulez-vous ? Que venez-vous faire ici ?…

Tonio. Écoutez-moi, de grâce !…

ROMANCE.
Pour me rapprocher de Marie,
Je m’enrôlai, pauvre soldat,
Et pour elle risquant ma vie,
Je me disais dans le combat :
Si jamais la grandeur enivre,
Cet ange qui m’a su charmer,
Il me faudrait cesser de vivre,
S’il me fallait cesser d’aimer !
ENSEMBLE.
La Marquise.
Qu’a-t-il ? quelle audace !
Qu’ose-t-il espérer ?
De ces lieux qu’on le chasse !
Il n’y peut demeurer !
Tonio.
Pardonnez mon audace !
Que je puisse espérer !
Ce bonheur, cette grâce
Que je viens implorer !
Sulpice.
Pardonnez son audace !
Laissez-leur espérer
Ce bonheur, cette grâce,
Qu’ils osent implorer.
Marie.
Pardonnez son audace !
J’ai permis d’espérer,
Avec lui cette grâce,
J’ose ici l’implorer.
Tonio.
Tout en tremblant, je viens, madame,
Réclamer mon unique bien !
Si j’ai su lire dans son âme,
Mon bonheur est aussi le sien !
Jusqu’à l’espoir mon cœur se livre ;
Sa voix saura vous désarmer…
Il nous faudrait cesser de vivre,
S’il nous fallait cesser d’aimer !
REPRISE DE L’ENSEMBLE.

La Marquise. En vérité ! c’est d’une hardiesse !… un homme de rien ! un soldat !

Tonio. Sous-lieutenant, madame… et avec du bonheur et encore quelque bonne blessure !…

Sulpice. Certainement !… Une jambe de moins, et il fera son chemin ; c’est comme ça qu’on marche à la gloire chez nous !…

La Marquise. J’espère, au moins, que cet amour n’est pas partagé par ma nièce… par l’héritière des Berkenfield.

Marie. Ma tante…

La Marquise. Je ne vous demande rien, mademoiselle… je ne veux rien savoir… je rougirais trop de me tromper.

Tonio. Rougir d’être aimé d’un honnête homme, d’un bon militaire qui a voulu se faire tuer vingt fois pour se rendre digne d’elle. Non, madame, non, je connais Marie, elle ne rougira pas plus de moi que de ses anciens amis, de ses vieux camarades…

Marie. Quant à ça, ma tante, il a raison, mon régiment, mon père… (Touchant son cœur.) Il est là, voyez-vous… et rien au monde ne pourra l’en ôter !…

Sulpice. Voilà parler, mille z’yeux !…

La Marquise, sévèrement. Sulpice !… (À Tonio.) Monsieur, ma nièce est promise… dans une heure on signe le contrat… Vous voyez qu’il est inutile de conserver plus longtemps le fol espoir qui vous amène ici ; et je vous prie de quitter ces lieux à l’instant même.

Tonio. Ainsi, madame… vous me renvoyez, vous me chassez !…

La Marquise. Je ne vous retiens pas, du moins !…

Sulpice, à part. Ça se ressemble !

Tonio. Eh bien, puisque vous m’y forcez… puisque vous m’enlevez Marie… puisque vous voulez faire mon malheur et le sien… rien ne me retient plus… Je suis dégagé de ma promesse et je parlerai !

La Marquise. Que signifie ?….

Tonio. Ça signifie que mon oncle, le bourgmestre de Laëstricht, qui connaît votre famille et toutes celles du canton, m’a révélé un secret qu’il m’avait fait jurer de taire, pour votre honneur, et pour ne pas priver celle que j’aime de vos bienfaits. Mais, maintenant, on saura tout !

La Marquise, vivement. Monsieur !

Tonio. Le capitaine Robert n’a jamais épousé votre sœur !…

La Marquise. Monsieur !…

Marie et Sulpice. Qu’entends-je ?…

Tonio. Attendu que vous n’avez jamais eu de sœur… et Marie n’est pas votre nièce !…

La Marquise, à part. Ah ! mon Dieu !…

Sulpice et Marie. Que dit-il ?…

Tonio. Marie est libre !… elle est la fille du régiment, qu’on a trompé pour lui enlever son enfant d’adoption… Et ses amis, son seul père ont le droit d’enchaîner sa volonté, de disposer de sa main.

Marie, courant à la Marquise. Madame !

La Marquise, d’une voix étouffée. Marie, mon enfant, je vous en prie… je vous en conjure… ne croyez rien de ce que dit cet homme.

Tonio. On le prouvera !… et nous reviendrons tous ici la chercher, l’emmener, sans que personne puisse s’y opposer…

La Marquise. M’enlever Marie… jamais !…

Sulpice. Au fait ! ils en auraient le droit !

La Marquise, avec reproche. Et vous aussi, Sulpice. (À Tonio.) Sortez, monsieur, je vous l’ordonne. Quant à vous, Marie, rentrez dans votre appartement… et si vous avez quelque affection pour moi, vous m’écouterez, vous m’obéirez comme à la personne qui vous aime le plus et le mieux au monde : allez, mon enfant, allez !

Sulpice, à Tonio. Et nous, volte-face !…

La Marquise. Restez, Sulpice !…

Sulpice. Moi ? (Marie sort par la droite et Tonio par le fond.)


Scène XII.

La Marquise, Sulpice.

Sulpice, à part. Ah ! mon Dieu ! qu’est-ce qui va se passer ?

La Marquise. Nous sommes seuls… répondez : Croyez-vous qu’ils auraient l’audace de venir ici, chez moi… me forcer…

Sulpice. Dame ! s’il dit la vérité ; si le capitaine Robert…

La Marquise. Ah ! ne prononcez pas ce nom-là !…

Sulpice. Si vous n’êtes pas sa tante…

La Marquise, avec explosion. Sulpice !… (S’arrêtant tout à coup.) Écoutez-moi, vous êtes un honnête homme, vous ne voudriez pas perdre une pauvre femme qui se confie à vous.

Sulpice. C’est bien de l’honneur, madame la marquise.

La Marquise. Il y a des secrets qui brisent le cœur ; vous me plaindrez, je l’espère, et vous ne m’abandonnerez pas !…

Sulpice, à part. Que va-t-elle me dire, bon Dieu !

La Marquise. La haute noblesse de ma famille, son désir de me faire contracter un mariage digne mon nom, m’avait condamnée au célibat, bien au delà de l’âge où les demoiselles de mon rang se marient d’ordinaire. J’avais trente ans, et quoique belle alors, j’étais libre encore…

Sulpice, à part. Pauvre fille !

La Marquise. Le capitaine Robert m’avait vue… et mes faibles attraits lui inspirèrent des pensées bien coupables…

Sulpice. On dit qu’il était…

La Marquise. Charmant !… je l’aimais, je ne m’en défends pas… et malgré mon horreur pour une mésalliance, je lui aurais donné ma main, si son départ pour une campagne nouvelle ne nous eût brusquement séparés à Genève, où j’avais eu la faiblesse de le suivre en secret…

Sulpice. Ah ! ah !

La Marquise. Quelque temps après, je vins l’attendre dans ce château… mais j’y revins seule… sans elle…

Sulpice. Elle !… qui donc ?

La Marquise. Ma fille !…

Sulpice. Marie !…

La Marquise. Ma fille… dont il fallait cacher la naissance au risque de me perdre…

Sulpice, à part. Oui… oui… j’y suis à présent !…

La Marquise. Comprenez-vous, maintenant, pourquoi entourée de cette noblesse si fière, si hautaine… je tremble que mon secret n’éclate à tous les yeux… comprenez-vous aussi… que j’aime Marie, et que me l’enlever ce serait m’arracher la vie…

Sulpice. On ne vous l’enlèvera pas, madame la marquise, on ne vous l’enlèvera pas !

La Marquise. Ce mariage sauve tout… il donne un nom, un rang à celle que je ne puis avouer… et me permet de lui assurer toute ma fortune… décidez Marie à le contracter… et j’aurai pour vous une éternelle reconnaissance !…

Sulpice. Suffit, madame la marquise… suffit !

La Marquise. Et quant à mon aveu, songez-y, Sulpice… c’est ma vie, mon honneur que je vous ai confiés !…

Sulpice. Fiez-vous à moi, madame la marquise… un cœur de soldat… ça ne trompe pas… et ça ne trahit jamais !


Scène XIII.

Les Mêmes, Hortensius.

Hortensius. Madame la marquise !… (Ils se séparent avec effroi ; Hortensius recule.)

La Marquise. Qu’y a-t-il ?… que me voulez-vous ?

Hortensius. La société commence à venir… le notaire attend déjà dans la bibliothèque… et tous vos vassaux s’apprêtent à danser devant le château !…

La Marquise, à part. À mon Dieu ! dans quel moment !…

Hortensius, bas à Sulpice. Et les autres qui sont là-bas, à boire…

La Marquise, à Hortensius. Eh bien ! faites entrer le notaire… c’est ici que je recevrai… sortez !… (Hortensius sort. À Sulpice.) Ne perdez pas un instant… allez trouver Marie… allez !…

Sulpice. J’y vais, madame la marquise… j’y vais… mais, tenez, à votre place, moi je chercherais un autre moyen de faire le bonheur de Marie… et je romprais tout cela…

La Marquise. Mais je le voudrais maintenant, que je ne le pourrais plus sans un bruit, un scandale qui éveillerait peut-être des soupçons !… Eh ! tenez, les voici… je compte sur vous, sur vous seul, mon brave Sulpice… (lui tendant la main.) Mon ami !…

Sulpice. Madame la marquise !… (À part.) Pauvre femme !… et quand je songe que depuis un an, Marie est là, près d’elle… et qu’elle n’ose pas… cré coquin !… mais moi, à sa place, je lui dirais vingt fois par jour en l’embrassant… je suis ta… (Voyant la Marquise qui le regarde.) J’y vais, madame la marquise… (Il sort vivement.)


Scène XIV.

La Marquise, Un Valet faisant entrer successivement les personnes invitées. Le Notaire, La Duchesse.

(On entend un air de valse sous les fenêtres du château.)

La Marquise, à elle-même. J’éprouve un trouble… une agitation… et recevoir dans un pareil moment ! (Allant à la Duchesse qui entre.) Ah ! madame la duchesse… avec quelle impatience nous vous attendions, ma nièce et moi… je vais avoir l’honneur de vous la présenter tout à l’heure…

La Duchesse. N’est-elle point ici ?…

La Marquise. Elle va venir… sa toilette qu’elle finit… elle a tant à cœur de plaire à madame la duchesse… et puis, vous le savez… le trouble, l’émotion d’un pareil moment !…

Le Notaire, développant le contrat. Tout le monde est-il présent ?…

La Duchesse, avec ironie. Tout le monde, excepté la future… et à moins qu’une indisposition…

La Marquise. Sans doute… elle a les nerfs si délicats… je vais envoyer savoir… (Apercevant Sulpice, bas.) Ah ! Sulpice !… eh bien ! Marie ?…


Scène XV.

Les Mêmes, Sulpice.

Sulpice, bas à la Marquise. Impossible de la décider à venir !…

La Marquise, de même. Ah ! mon Dieu !

Sulpice. Mes instances, mes prières… rien n’a réussi… elle refuse…

La Marquise. Que faire ?… que devenir ?…

Sulpice. Je la connais… elle ne viendra pas !…

La Marquise. Ô ciel !…

Sulpice. À moins, peut-être, que je ne lui dise tout !…

La Marquise. Y pensez-vous !…

Sulpice. Alors, le respect, l’obéissance… vous comprenez… elle n’osera plus !… (La Duchesse se rapproche.)

La Marquise, bas. Eh bien ! s’il faut ce dernier sacrifice… allez, et qu’elle vienne à tout prix !… (Sulpice sort.)


Scène XVI.

La Marquise, Les Invités, Le Notaire.

Le Notaire. M. Le duc Scipion, retenu par son service, à la cour, m’a fait remettre sa procuration, par laquelle il consent à s’unir à mademoiselle Marie…

La Marquise, avec orgueil. De Berkenfield !…

Le Notaire. De Berkenfield… Tous les articles du contrat étant arrêtés entre les deux familles… il ne reste plus qu’à signer !…

La Duchesse, avec colère. Signer !… mais encore une fois, madame la marquise, et votre nièce ?… on ne se conduit pas ainsi avec la première noblesse du pays !

La Marquise, à part. Ah ! je me sens mourir !…


Scène XVII.

Les Mêmes, Marie, Sulpice.

La Marquise, apercevant Marie. Ah ! c’est elle !…

Marie, s’élançant d’une voix étouffée. Ma mère…

La Marquise, l’empêchant d’achever. Marie !… mon enfant !…

Sulpice, à la Marquise. Prenez garde !… on a les yeux sur vous !…

La Duchesse. Enfin, madame la marquise…

Marie, avec effort, passant à la Duchesse. Oh ! maintenant, ce contrat… donnez… je suis prête… (On entend du bruit au dehors.)


Scène XVIII.

Les Mêmes, puis Tonio, Les Soldats.
FINALE.
Tous.
Mais, ô ciel ! quel bruit ! quels éclats !
Tonio, paraissant, aux soldats.
Suivez-moi ! suivez-moi !
Les Invités, avec effroi.
D’où viennent ces soldats ?
Chœur des Soldats.
Au secours de notre fille,
Nous accourons tous ici,
Oui, nous sommes sa famille,
Et nous serons son appui.
Mon enfant, sèche tes larmes,
Plus de crainte et plus d’alarmes,
Mon enfant, non, plus d’effroi ;
Nous voici tout près de toi.
Tonio, montrant Marie.
Ils viennent la sauver… car on la sacrifie ;
On voudrait nous ravir le bonheur et la vie ;
Et d’un mariage odieux
Lui faire, ici, serrer les nœuds.
Les Soldats, avec force.
Jamais ! jamais !
Les Invités.
Expliquez-vous !…
Tonio.
Expliquez-vous !… Je ne dois plus me taire…
Les soldats.
Marie était la vivandière,
Et la fille du régiment !
Les invités.
Une fille de régiment !
Sulpice.
Tout est connu maintenant !
Marie, s’avançant.
Quand le destin, au milieu de la guerre,
Enfant me jeta dans leurs bras,
Ils ont recueilli ma misère,
Ils ont guidé mes premiers pas !
Ils ont pris soin de mon enfance…
Ah ! mon cœur pourrait-il jamais
Oublier sa reconnaissance…
Quand j’existe par leurs bienfaits !
Les invités, se rapprochant d’elle.
Au fait, elle est charmante !
Ce noble aveu, vraiment,
Prouve une âme excellente,
Et mon cœur le comprend !
La Duchesse, à Marie, avec bonté.
Oublions le passé… signons, ma chère enfant !
Tonio, regardant Marie qui prend, la plume.
Marie, elle consent !
La Marquise, à part.
Ô ciel ! tant de douleur,
Et c’est pour moi… si soumise et si bonne,
(Courant à Marie qui va signer.)
Arrêtez ! arrêtez ! l’époux que je lui donne,
Ah ! c’est l’époux que son cœur a choisi…
Et cet époux… cet époux… le voici !
Sulpice, avec transport montrant la Marquise.
C’est bien, morbleu ! j’ crois que si j’osais,
Pour ce trait-la, j’ l’embrasserais !
La Duchesse, et Les invités.
Quel affront ! et quelle insolence.
(La Duchesse et tes invités sortent.)
CHŒUR GÉNÉRAL.
Salut à la France !
À ses beaux jours !
À l’espérance
À nos amours !
leurs




FIN.