La Fin de Lucie Pellegrin/La Fin de Lucie Pellegrin/VII

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G. Charpentier (p. 23-24).

VII

Dans l’antichambre, où il n’y avait personne, on eût dit qu’il s’agissait d’un départ. Au milieu du sens dessus dessous général, parmi toute sorte de cartons vides traînant à terre et sur les chaises, se trouvaient deux énormes malles à coins de cuivre et à clous dorés.

— Tiens ! fit avec surprise la grande Adèle, est-ce qu’elle irait aux bains de mer ?

Mais les deux élégantes malles, cette année, au lieu de leur cargaison légère de toilettes de plage, étaient bourrées d’un pêle-mêle d’objets qui soulevaient les couvercles, de nippes dont les bouts pendaient. Il s’agissait sans doute de quelque plus long voyage que celui de Dieppe ou de Trouville. Des gravures encadrées avaient même été enlevées de leur clou.

— On dirait plutôt un déménagement, remarqua Marie la frisée.

Par la porte ouverte de la cuisine, on retrouvait le même désarroi autour du fourneau éteint dont les cendres coulaient. Quelque chose d’extraordinaire avait bouleversé jusqu’à la vaisselle, jonché le carreau d’assiettes sales, de vieux os de poulet, d’épluchures, de bouteilles de Champagne vides.

Et elles restaient toutes quatre indécises, se consultant du regard, n’osant trop ni sonner, ni entrer. À la fin, la grande Adèle, toujours Miss au bras, se décida à écarter une malle pour aller frapper à la porte du salon. Puis, elles sonnèrent et frappèrent en même temps. Miss poussait de légers jappements.