La Flûte à Siebel (Waller)/Complainte pour Margot

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COMPLAINTE POUR MARGOT


À Antoine Clesse


Elle partit par les faubourgs
Mélancoliques, l’Adorable !
Lors je me mis devant ma table
En méditant des calembours.

Je rejetai cet exercice
Supérieur à l’art d’aimer.
Je ne puis pas mieux exprimer
L’horreur de mon défunt caprice.


Aimer ! Aimer ! Être refait !
Souffrir de l’épine dorsale…
Oh ! la sottise colossale
Que nous commettons, en effet !

............
............
............
............[1]

Je vais mourir : le médecin
M’a dit que le ciel me réclame.
Ô ma chérie, à toi cette âme
Dont tu fus le sombre vaccin !

Ne pleure pas trop sur ma tombe,
Cela te ferait mal aux yeux ;
Fais-moi simplement tes adieux
Avant qu’en poussière je tombe.


Je pars triste, vieux, morne, seul,
Rejoindre le grand Malfilâtre ;
Le feu va s’éteindre dans l’âtre ;
Viens me coudre dans mon linceul.

Sais-tu coudre ? Alors, viens, mignonne ;
Entre en assourdissant tes pas.
Au Ciel la porte d’or rayonne ;
Prends garde, ne me pique pas !

Ferme-moi les yeux, je regarde
Dans l’éternité désormais.
Margot ! Margot que tant j’aimais,
Du haut du ciel bleu je te garde.

Va, retourne par les faubourgs,
Où des yeux luisent dans les caves ;
Les trottoirs te font des bonjours
Et les passants, des offres graves.



  1. Strophe révoltante. (Note de l’auteur.)