La Flûte à Siebel (Waller)/Retour

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I


Il est parti, le pauvre Amour
Qui me caressait de son aile…
Je le trouverai, quelque jour,
Au fond de la vie éternelle.

C’était trop pur, trop clair, trop beau,
C’était impossible, je pense ;
Alors j’ai risqué la dépense
D’un marbre noir sur son tombeau.


Je retourne au passé, sans lutte,
Sans grande joie et sans remords ;
Tous mes petits enfants sont morts
Et je noue un crêpe à ma flûte.

Moi qui l’avais jetée au flot
Plein de victimes ! Repêchée,
Elle n’est pas encor séchée
Des vieilles larmes et de l’eau.

Elle est toujours triste et dolente,
Joyeuse, folle, et bonne aussi :
Elle chante, elle pleure, ô si
Vous aviez été mon amante !

II

Tu voulais, j’en suis sûr, cher ange,
Un amant intrompé, trompant ;
Ève, j’eusse été ton serpent,
Un serpent fou qui se dérange.


Oublie, et puis dis-toi qu’il faut
Au canard, au cygne, des ailes ;
Et que j’avais ce gros défaut
D’aimer toutes les demoiselles.

Car c’est bien là que nous allons
Bienfilâtre ou bien Malfilâtre
À moins d’imiter le Pilâtre
De Rosiers, qui fit des ballons,

Et de s’envoler vers la nue,
Secoué par les ouragans,
Avec douze paires de gants,
Pour la Nébuleuse Inconnue !