La Flagellation en Russie - Mémoires d’une danseuse russe/06-09

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Librairie des Bibliophiles parisiens (p. 158-180).

CHAPITRE IX


Chez la modiste de Moscou. — Apprentissage
à coups de verges. —
Les clientes fouetteuses.



L a boïarine décida qu’on me mettrait en apprentissage chez une modiste de Moscou, Madame K…, pour y apprendre la confection des vêtements de femme. Ma nouvelle maîtresse avait tous les droits sur moi. On lui avait recommandé de ne me ménager en aucune façon et de me faire entrer le métier dans la tête à coups de verges sur le derrière. C’était, lui avait-on dit, le seul moyen de m’encourager à bien faire.

Je n’étais pas fâchée de m’éloigner pendant deux ans de cette maison où j’avais déjà tant souffert, espérant que je ne serais pas aussi exposée à la découverte incessante de mon postérieur. Je me trompais fort et j’eus à subir des corrections à tout bout de champ.

Nous étions là une trentaine d’ouvrières et d’apprenties, toutes susceptibles de recevoir le fouet. Quelques-unes étaient comme moi de jeunes serves envoyées là par leurs maîtres, pour y faire leur apprentissage. D’autres étaient des filles de moujiks louées par leurs parents comme ouvrières gagées dont le travail leur procurait des bénéfices. Il y avait des orphelines louées également par des parents éloignés qui s’en débarrassaient ainsi. Il y en avait une qui avait passé une partie de sa jeunesse dans un orphelinat de la ville.

Madame K… était une femme de trente-cinq ans, une brune à la peau très blanche, avec une abondante chevelure châtain foncé, des joues pleines, deux grands yeux noirs qui brillaient sous d’épais sourcils ; un soupçon de moustache estompait sa lèvre supérieure qui était comme sa jumelle un peu épaisse et d’un beau rouge sensuel. Elle avait une taille au-dessus de la moyenne, un corsage riche de promesses qu’il savait amplement tenir, des hanches saillantes et sous la cambrure des reins de robustes assises qui eussent fait délirer un flagellant. Cette jeune femme appétissante, avec tous ces reliefs, ne devait pas chômer d’adorateurs.

Madame K… habillait la plus élégante et la plus riche clientèle de Moscou et des châteaux environnants. Elle présidait à nos travaux et ne laissait à personne le soin de nous surveiller. Quand elle s’absentait, ce qui lui arrivait assez souvent, elle confiait la surveillance à la sous-maîtresse.

Elle passait plusieurs fois par jour dans les rangs, prenant sur sa table à ouvrage où elle était en permanence, la nagaïka qu’elle ne déposait presque jamais sans en avoir usé.

Le jour de mon entrée dans l’atelier, à la première promenade qu’elle fit, elle prit un corsage des mains d’une grosse rougeaude de vingt-quatre ans, la fille d’un moujik. La pâleur envahissait les joues de la pauvre fille quand la maîtresse lui prit l’ouvrage des mains.

— Tu ne sauras donc jamais faire que des points longs d’une aune, je vois que pour faire entrer le métier dans ta tête il faut que je m’y prenne par l’autre bout. Allons, hop ! en position !

La pauvre fille dut se trousser elle-même. Elle avait le derrière aussi rouge que sa figure. La maîtresse lui appliqua six coups de cordes de toute la force de son bras. L’ouvrière dut se remettre à l’ouvrage, des larmes pleins les yeux.

— Découds-moi çà et recommence. Si tu me fais encore des points aussi longs, tu sais ce qui te pend au derrière.

Elle repassa une heure après. La pauvre fille qui avait la vue trouble à force d’avoir pleuré, n’avait pu avancer beaucoup son ouvrage.

— C’est tout ce que tu as fait dans une heure ? Si tu te figures que je te paie à tes parents pour faire la fainéante, tu te trompes. Je vais d’abord m’indemniser sur tes fesses et ce soir tu me feras quatre heures de travail supplémentaire.

Cette fois, elle lui épingla les dessous aux épaules, la fit s’agenouiller devant sa chaise de travail et lui appliqua six nouveaux coups de cordes qui lui empourprèrent les fesses. Elle la laissa ainsi sanglotant, en face de nos yeux braqués sur son indécence, l’obligeant à continuer son ouvrage à genoux pendant deux heures. La pauvre croupe ne cessa de s’agiter tant que dura cette aggravation de supplice.

Dans cette journée, elle en fouetta deux autres, une apprentie de treize ans, serve comme moi, et une ouvrière de vingt ans qui avaient élevé la voix pendant son inspection. Elle corrigeait toujours sur-le-champ le manque d’attention aux observations qu’elle adressait à l’ouvrière réprimandée. Elle appliqua à chacune, à la plus jeune comme à la plus grande, six coups de cordes qui leur rougirent les fesses. Elles en eurent pour dix minutes à se consoler.

Le lendemain j’eus l’occasion de faire connaissance avec la nagaïka de la modiste. Elle m’avait envoyée faire une commission dans un magasin du voisinage, en me recommandant de me dépêcher, si je ne voulais pas tâter de ceci… et elle me montra l’instrument de torture qui s’étalait sur la table à ouvrage.

Comme je ne connaissais pas la rue, je dus m’informer. Je trouvai assez vite la maison et une fois servie, je revins en courant, comptant bien avoir évité par mon zèle la correction promise en cas de retard. Mais madame me dit :

— Qu’as-tu donc fait ? Tu t’es amusée à regarder aux vitrines. Je vais t’apprendre à lambiner quand on t’envoie en course.

Je regardai la maîtresse s’avancer, la nagaïka en main, surprise qu’elle m’eût parlé ainsi quand elle pouvait voir à la palpitation de ma petite gorge naissante que j’avais dû me hâter. Elle me troussa lestement et trouva mon corps en moiteur, indice certain que j’avais dû courir.

— Parbleu, dit-elle, si tu t’es tant dépêchée, c’est que tu avais besoin de rattraper le temps perdu.

Et la nagaïka retomba sur ma chair en sueur, ce qui rendit les cinglées plus cuisantes. Elle m’en appliqua comme cela une douzaine qui me mirent le feu à la peau, au milieu des éclats de rire des ouvrières enchantées de voir fouetter sévèrement des fesses neuves qu’elles voyaient pour la première fois à découvert. Je n’avais rien dit, mais je pleurais comme une Madeleine quand elle rabattit mes jupes. Je dus malgré cela me remettre au travail.

Étant la dernière venue, on me chargeait de toutes les menues besognes, de toutes les courses dans les environs et j’étais le souffre-douleur de l’atelier. J’avais beau m’escrimer à faire de mon mieux, je n’avais jamais assez bien fait. Si j’allais faire une commission, je n’étais jamais revenue assez tôt. Si quelque ouvrière égarait un objet, c’était moi qui l’avais perdu.

Quand je rentrais d’une course, eussé-je volé en quelque sorte pour revenir plus vite, on me troussait et on me fessait sous prétexte de retard. On ne retrouvait pas l’objet égaré, on me troussait et on me fessait. Enfin j’avais beau faire, j’étais toujours troussée et toujours fessée et malgré le feu qui me cuisait le derrière, j’étais obligée de reprendre l’aiguille avec la sensation d’être assise sur un brasier.

Madame se servait de la main pour y revenir plus souvent. Ces vexations incessantes durèrent six mois jusqu’à ce qu’une nouvelle apprentie vînt prendre ma place.

Le troisième jour de mon arrivée, la modiste fut appelée au salon d’essayage par une de ses riches clientes, nous laissant sous la surveillance de la sous-maîtresse, une jeune femme de trente ans, aux cheveux châtain clair, avec des yeux bleus très doux. Elle était aux gages de la modiste depuis deux ans et soumise à la même discipline que nous. Elle nous était assez indulgente et nous laissait parler librement en l’absence de la maîtresse qui ne revenait pas toujours bien vite.

Elle revint cependant cette fois assez tôt pour rappeler une petite boulotte de seize ans. À l’appel de son nom, la jeune fille rougit, pâlit, verdit, passa en quelques instants par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Elle devait se douter de ce qui l’attendait. Moi je me posais la question sans pouvoir la résoudre. Les conversations qui avaient cessé à l’entrée de la maîtresse, ne reprirent pas. Les ouvrières se taisaient comme prêtant l’oreille à quelque bruit que je ne percevais pas.

Pendant que je me demandais le pourquoi de ce silence subit, des plaintes s’élevèrent du cabinet voisin dont nous n’étions séparées que par une mince cloison. Puis aux plaintes, succédèrent des cris tels qu’en poussent les filles fouettées sévèrement. Ces cris arrivaient de plus en plus distincts, augmentant d’intensité comme si la fessée s’accentuait. Les plaintes et les cris durèrent dix minutes, puis tout cessa. Les ouvrières et les apprenties semblaient au courant de ce qui s’était passé.

La jeune boulotte reparut bientôt, ramenée par la maîtresse, les yeux rouges, les joues sillonnées par les larmes. J’étais fort intriguée par ce qui s’était passé dans le cabinet voisin. La maîtresse, je l’avais bien vu la veille et l’avant veille, et ce matin encore, fouettait les délinquantes sur le moment même. Mais à celle-ci, elle ne lui avait adressé aucun reproche, et cependant elle venait de la fouetter sinon sous nos yeux du moins à la portée de nos oreilles. Dès que nous eûmes quelques instants de liberté, je m’avisai de l’interroger.

— Il t’en arrivera autant à toi, me dit-elle, quand tu seras à même de travailler pour les grandes dames. Pour un point plus long que l’autre, pour un pli défait, sans même prendre la peine de donner une explication, se prétendant mécontentes, elles viennent se plaindre à la patronne qui, si elle est hautaine et arrogante avec nous, est d’une humilité de serve pour ses clientes riches et titrées. Elle ne leur refuse jamais la satisfaction qu’elles réclament, qu’elle leur donne et qu’elles prennent le plus souvent sur nos fesses. Mais tu la verras à l’œuvre, car il y a des dames qui viennent dans l’atelier se faire désigner les coupables.

La semaine dernière, ce fut la comtesse de Sha… qui vint se plaindre que le corsage qu’on lui avait livré la veille avait été mal défaufilé, qu’elle avait été obligée de faire terminer cet ouvrage par sa femme de chambre. Moi qui avais fait ce travail, je savais bien qu’il n’y avait pas un mot de vrai dans ses affirmations et Madame qui l’avait examiné sur toutes les coutures le savait aussi bien que moi. Cela ne l’empêcha pas de me conduire dans le cabinet voisin en disant à la comtesse qui est une femme de trente ans environ :

— Madame la Comtesse, voici la coupable. Je vais la fouetter devant vous, à moins que vous ne préfériez la châtier vous-même.

— Je veux bien, répondit la dame en roulant des yeux qui me donnèrent la chair de poule, la punir moi-même. Elle se souviendra mieux, quand elle aura un travail à achever pour moi, de la main qui l’aura fouettée comme il faut.

La patronne me troussa, me tenant penchée en avant. Ah ! j’eus vite apprécié la sévérité de la dame. Elle me fouettait avec la nagaïka de vingt-cinq cordes qui m’enveloppaient les fesses, froissant la peau à chaque coup asséné avec fureur. D’abord je me mis à gémir, puis sous l’affreuse cuisson je ne pus retenir des cris déchirants qui ont terrifié mes compagnes, se doutant bien que ce n’était pas pour rien que je hurlais ainsi. On nous corrige dans le cabinet voisin de l’atelier pour que les ouvrières et les apprenties sachent quel traitement on inflige à celles qui ont le malheur de commettre un oubli quelconque dans leur travail.

Quand mes fesses tuméfiées ne purent plus en supporter davantage, les cordes vinrent me cingler les cuisses, ce qui me fit pousser des cris de rage. Elle me fouetta ainsi pendant un long quart d’heure. J’avais le feu partout et je criais comme une écorchée.

Madame me conduisit ensuite dans un appartement isolé où les ouvrières traitées comme je venais de l’être ne pouvaient importuner leurs compagnes de dortoir et où j’ai gémi jusqu’au matin.

Le lendemain, j’eus l’occasion de voir la modiste dans un indicible effarement. Monsieur le Duc de R… fut introduit dans l’atelier. C’était un homme d’une cinquantaine d’années, à la barbe grisonnante, qui venait se plaindre de la part de Madame la Duchesse d’un corsage mal ajusté dont les coutures avaient craqué. La vérité, c’est que la dame, d’un embonpoint ridicule, voulait faire sa sylphide. La patronne s’inclina jusqu’à terre.

— Monsieur le Duc, voici la coupable, dit-elle en désignant au hasard une grande fille brune qui avait bien vingt ans. Nous allons la fouetter sévèrement pour lui apprendre à coudre plus solidement une autre fois. Si vous voulez bien nous suivre, Monsieur le Duc, vous verrez comme je corrige les ouvrières qui mécontentent mes clientes.

Le Duc fit un signe de tête et la modiste emmena l’ouvrière prise au hasard, qui se demandait pourquoi elle allait payer pour la coupable. Presque aussitôt nous entendîmes des sanglots derrière la cloison, puis des cris pendant cinq minutes.

Quand les cris eurent cessé, mais non les sanglots nous entendîmes un bruit confus de voix, pendant dix longues minutes. Puis plus rien.

La patronne ramena la fouettée, qui avait deux ruisseaux de larmes sur les joues. Elle l’avait gardée dix minutes troussée, les fesses nues et rouges devant le Duc, pendant qu’ils conversaient, lui la complimentant sur la façon magistrale dont elle corrigeait les ouvrières fautives.

Il voulut même s’assurer par le toucher des effets de la flagellation, et la jeune fille eut à souffrir ses libidineux attouchements.

Il venait des dames se plaindre presque tous les jours, quelquefois avec leur mari, la plupart du temps sans motif plausible. Elles savaient que la patronne ne leur refusait jamais la satisfaction qu’elles réclamaient, leur offrant toujours au contraire de la prendre elles-mêmes sur les fesses des délinquantes.

C’était presque tous les jours qu’on entendait les plaintes, les sanglots, les cris que poussaient les malheureuses.

Quand j’eus quatorze ans, j’étais déjà assez formée, presque une petite femme. Madame m’envoya porter une caisse chez la marquise de L… avec Nadine, une belle fille de vingt ans, blonde comme les blés mûrs. C’était cette orpheline qui avait passé une misérable jeunesse jusqu’à l’âge de quinze ans dans un orphelinat de Moscou.

Nous fûmes reçues par un jeune groom de quatorze ans très déluré qui me prit le menton, et caressa ma gorge naissante, n’osant sans doute pas prendre les mêmes libertés avec Nadine. Il prit la caisse et la porta dans la chambre à coucher de sa maîtresse. Nous nous en retournâmes sans nous amuser, la patronne put le constater, car elle était dans l’atelier quand nous rentrâmes.

Il n’est donc pas possible de dépeindre notre surprise quand nous vîmes entrer sans frapper dans l’atelier la marquise de L…, qui s’annonça à haute voix. C’était une femme toute jeune, paraissant vingt-cinq ans à peine. Elle venait se plaindre à la modiste du retard qu’avaient mis à lui livrer la caisse les deux ouvrières qu’elle en avait chargées.

— Madame la Marquise, je suis vraiment confuse, dit-elle en nous désignant, du retard que ces deux polissonnes ont mis à vous faire la livraison. Mais nous allons, si vous le voulez bien, Madame la Marquise, les châtier comme il faut de leur négligence impardonnable.

— Si je le veux ! Eh ! oui, je le veux, dit-elle, l’œil flamboyant, il faut leur apprendre à trotter à ces serves-là quand elles vont faire une livraison chez une noble dame. Je me charge de la grande blonde qui doit être la plus coupable.

Nadine ne put s’empêcher de faire une petite grimace avec son nez qui parlait toujours. La Marquise vit cette grimace, elle regarda la pauvre fille d’un air féroce qui semblait lui promettre de lui faire payer cher cette grimace involontaire. Je ne croyais pas avoir si bien deviné.

La patronne nous entraîna dans le cabinet tant redouté de celles qui y avaient déjà passé, suivie de la plaignante. C’était la première fois que j’y étais conduite et cela pour une faute imaginaire. Madame troussa Nadine et présenta à la Marquise les fesses nues de la jeune fille, qui saillaient très rebondies, veloutées et d’un rose tendre.

À la première envolée, les cordes retombèrent avec un bruit sec sur la peau tendue. Je devinai, à la façon dont la Marquise maniait la nagaïka, que celles qui passaient par ses mains ne devaient pas en sortir sans quelque égratignure.

Elle appliquait des coups espacés, brandissant les cordes, leur faisant faire deux ou trois tours dans l’espace pour les envoyer avec plus de force. Les nœuds s’enfonçaient dans les chairs, laissant des marques rouges, les fesses semblaient grimacer affreusement sous ces terribles cinglées et Nadine, qui pourtant était très endurante, ne cessa de sangloter et de pousser des cris déchirants, arrachés par la torture que la marquise lui infligeait avec le plus grand sang-froid et un air de parfait contentement.

Ce supplice dura dix minutes. La fouetteuse n’avait pas appliqué plus de cinquante coups de cordes, mais elle l’avait fait avec une telle habileté, guidée par la férocité qu’on lisait sur son visage, que les pauvres fesses rondes étaient entamées en plusieurs endroits et la pauvre fille geignait toujours. L’aspect lamentable de ce beau postérieur tout à l’heure luisant comme du velours de soie était vraiment pitoyable ainsi détérioré et la fouetteuse se délectait visiblement à cet affligeant spectacle.

Je craignais que ce bras redoutable n’entreprît la danse de mes fesses. Je vis cette cruelle femme s’asseoir dans un fauteuil savourant des yeux les dessins qu’elle venait de buriner sur la chair palpitante. Le tableau vivant resta exposé pendant que madame me troussait et m’appliquait trente coups de cordes qui me firent chanter tout le temps et jouer des fesses bien malgré moi.

Je croyais que c’était fini ainsi, mais la marquise se leva de son fauteuil, vint prendre la nagaïka des mains de la modiste en me disant que mes fesses seraient jalouses si elles n’avaient leur compte. Elle ne m’appliqua qu’une demi-douzaine de coups de cordes, mais de la façon dont elle les avait décochés sur Nadine. Arrivant avec cet élan les nœuds s’incrustaient dans mes chairs à vif, m’infligeant un véritable supplice.

Je hurlai à chaque cinglée. Les six coups appliqués avec cette violence suffirent pour m’incendier la peau.

J’eus le feu au derrière toute la journée, en poussant l’aiguille, car je dus reprendre mon ouvrage toute la nuit. La pauvre Nadine ne reparut pas à l’atelier.

Un jour, une jeune serve de seize ans qui était là aussi comme apprentie, envoyée par ses maîtres, revint les larmes aux yeux de porter une toilette à une élégante de la ville. La maîtresse la regarda et n’eut pas de peine à deviner ce qui lui était arrivé.

— Ah ! ah ! on t’a fouettée, ma belle, on a bien fait. Si tu ne l’avais pas mérité, cette dame, qui est la bonté même, ne t’aurait pas fessée. Voyons, qu’as-tu encore fait de travers ?

La jeune serve raconta avec des sanglots dans la voix, qu’elle avait glissé en entrant dans la chambre de la dame et s’était étalée de tout son long, elle d’un côté, le carton de l’autre. Alors la dame l’avait troussée et lui avait appliqué des coups de cordes sans compter pendant cinq minutes.

— Elle a bien fait, si c’était son plaisir. Aussi pourquoi vas-tu t’étaler sur le ventre, t’offrant dans la posture la plus engageante pour recevoir le fouet ? Voyons, montre-nous comme elle t’a arrangé les fesses, notre noble cliente ?

L’apprentie se troussa. Il y avait du sang sur les fesses et des taches rouges à la chemise. La dame au bon cœur devait être joliment féroce pour traiter aussi cruellement une pauvre fille qui avait eu le malheur de tomber devant elle.

— C’est une bonne leçon pour l’avenir. Tu prendras tes précautions une autre fois pour ne pas tenter ainsi la main d’une fouetteuse.

Quand madame fut sortie, j’entendis plusieurs histoires du même genre. Une grande fille de vingt-sept ans nous raconta ce qui lui était arrivé, il y a six semaines, chez une dame où elle avait été pour leur faire essayer un corsage.

— Deux femmes de chambre m’aidaient à épingler les morceaux d’étoffe. Je prenais des précautions infinies pour ne pas m’attirer les foudres de la dame, mais malgré toute mon adresse, elle prétendit que je lui avais heurté la gorge. Elle fit un signe à une de ses filles de chambre qui alla pousser un bouton. Presque au même instant le fils de la maison, un jeune homme de dix-sept ans, entra.

— Mon fils, cette femme que vous voyez là m’a gravement manqué de respect en heurtant brutalement la gorge de votre mère. Vous savez comment vous devez châtier un pareil outrage.

Les deux filles de chambre vinrent me trousser, me tenant penchée, et le jeune homme, qui avait pris sur la table la nagaïka dont se servait sa mère pour ses servantes, vint m’en appliquer une douzaine de coups, assénés avec une violence qui me projetait chaque fois en avant. Je me mordais les lèvres pour ne pas crier, mais je souffrais horriblement.

Quand je me redressai pour reprendre ma besogne, je fus surprise que mes dessous ne retombassent pas. Parbleu ! les filles de chambre les avaient épinglées et je dus reprendre ma besogne les fesses nues, à la portée de la nagaïka que brandissait le fils.

La menace incessante du coup attendu me fit commettre maladresses sur maladresses, qui m’attiraient chaque fois deux ou trois violentes cinglées de ces satanées cordes qui attisaient le feu dans mes fesses. J’en reçus comme ça une cinquantaine. J’en ai gardé des bleus pendant huit jours.

— Moi, raconta ensuite une apprentie de seize ans, de petite taille, au buste replet, aux hanches saillantes, que Madame envoyait toujours faire les livraisons chez une dame de haut lignage, chaque fois que je vais chez la Duchesse de Th… porter une commande, il faut que je lui essaie les objets. Monsieur le Duc assiste toujours à l’essayage.

J’ai beau m’escrimer à bien faire, je reçois chaque fois avant de m’en aller une fessée à la main que m’applique le mari, pendant que sa noble épouse me tient troussée. Et je vous assure que cette main d’homme de trente ans se fait rudement sentir. Il m’applique ainsi une trentaine de claques qui me laissent, quand je m’en vais, les fesses rouges et brûlantes, qui le lendemain sont toutes bleues.

Hier, le Duc n’assistait pas à l’essayage. J’allais partir sans avoir reçu la dose accoutumée quand il entra brusquement.

— Vous arrivez à propos, dit sa femme, pour châtier cette petite pécore qui n’a commis que des maladresses aujourd’hui. Vous pourrez augmenter la dose pour qu’elle s’en souvienne mieux la prochaine fois.

Cette arrivée inattendue me glaça d’effroi. La Duchesse me troussa et le Duc se mit à gifler mes fesses nues avec un entrain du diable. Il me fessa comme il ne l’avait jamais fait. Je sentais des picotements à fleur de peau à chaque claque qui me froissait la chair. On aurait dit des piqûres d’épingles. Je me démenais comme une possédée, poussant des cris de détresse. Il m’appliqua ainsi une cinquantaine de claques sévères.

Quand il fut plus bas que les fesses, il s’avisa de me gifler les cuisses, mais avec une telle violence qu’après une douzaine de claques les picotements se produisirent sous la peau. Ils me congédièrent quand j’eus fini de crier mais non de pleurer.

Un après-midi, nous vîmes entrer dans l’atelier une dame d’une quarantaine d’années, suivie de sa fillette, une gamine de douze ans, encore en robe courte. C’était Madame la générale de X…

Madame K… se précipita à la rencontre de ses nobles clientes, s’inclinant avec courtoisie, roulant deux fauteuils en leur demandant ce qui lui valait l’honneur de leur visite. La générale se plaignit qu’on avait fait une robe étriquée à sa fille. La modiste parut indignée et se fit désigner la coupable par la surveillante des travaux. C’était une grande fille de vingt-six ans.

— Madame la générale, nous allons la châtier sévèrement en votre présence, et si Mademoiselle votre fille veut la corriger elle-même, nous lui confierons sa correction.

La patronne attendait les ordres de la générale pour conduire la coupable au cabinet voisin. Mais la gamine, qui avait vu la nagaïka sur la table à ouvrage de la modiste, s’en était emparée, et s’avançait, son petit bras levé, menaçant, vers la coupable désignée. Elle passa la nagaïka dans sa main gauche, et appliqua une paire de gifles à tour de bras sur la joue droite, qui enfla et rougit, mettant des larmes dans les yeux de la souffletée.

La maîtresse, voyant l’intention de la jeune fouetteuse, s’empressa de souscrire au désir de sa jeune cliente, équivalant pour elle à un ordre. Elle troussa la grande fille, comme lorsqu’elle maniait elle-même les cordes, mais cette fois elle épingla les dessous aux épaules.

La patiente était agenouillée, le corps incliné vers une chaise basse, le front appuyé sur le siège, présentant sa croupe et ses cuisses. Ses jambes étaient emprisonnées dans des bas violets.

Ce n’était pas la première fois que cette main de douze ans maniait la nagaïka. Les cordes, chaque fois qu’elles retombaient avec une vigueur qu’on n’aurait pas soupçonnée dans ce jeune bras, enveloppaient la large surface des chairs qui rougissaient à vue d’œil.

La féroce petite personne, très drôle avec ses jupons courts, avait dû s’exercer pour pouvoir pratiquer ainsi son cruel divertissement.

La mère et la fille s’en allèrent enchantées d’avoir obtenu une aussi prompte et aussi complète satisfaction de leurs griefs.

Quant à la malheureuse, qui n’avait pas cessé de pousser de véritables hurlements tout le temps que dura son supplice, elle fut envoyée au lit sans souper.