La Foi et la Raison/IV

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Imprimerie ouvrière Randé et Durand (p. 77-95).

IV.


Dans ton désir de sauvegarder les évangiles, tu m’as fait un semblant de concession en abandonnant la défense de l’Ancien Testament. C’est une faute, car tu ôtes forcément ainsi au Nouveau son caractère sacré. Celui-ci, en effet, ne peut subsister, si le premier, sur lequel il s’appuie, n’est qu’un recueil de légendes et de contes populaires rendus merveilleux par la tradition et l’imagination des Orientaux. Mais je passe outre et je réponds à ton dernier argument.

Aucun historien contemporain de Jésus n’a écrit sa biographie. En dehors d’un petit nombre de prosélytes, Jésus, quoi qu’en dise saint Luc[1], était absolument inconnu, et, dans les hautes sphères, personne ne se doutait ni de son existence, ni de son genre de mort. Ceci résulte des Actes mêmes des Apôtres. Pendant que saint Paul était prisonnier à Césarée, Festus, le gouverneur, parlant de lui au roi Agrippa, dit que les accusateurs n’allèguent contre lui aucun crime, « ils avaient seulement, avec lui, quelques disputes touchant leurs superstitions, et touchant un certain Jésus mort, que Paul assurait être vivant[2] ». Il est évident que, si Jésus avait accompli tout ce que racontent les évangiles, il aurait été assez connu pour que, parlant de lui, on ne dise pas un certain Jésus, expression plutôt employée au sujet de quelqu’un de tout à fait inconnu. Aussi faut-il admettre, avec plusieurs érudits, que le peu de mots consacrés au fondateur du christianisme, dans les « Antiquités » de Josèphe, ont été intercalés dans le texte longtemps après la mort du grand historien. D’ailleurs, celui-ci ne parle ni de la naissance, ni de la résurrection de Jésus.

— Mais ceux qui ont écrit les évangiles méritent plus de confiance, puisqu’ils étaient les propres disciples du Christ.

— D’abord, quoique disciples de Jésus, ils n’ont pas assisté à la conception de sa mère, et, partant, ne peuvent affirmer si c’est par l’opération du Saint-Esprit qu’elle a conçu. Ensuite, les évangiles n’ont pas été écrits par les disciples mêmes de Jésus. Le Saint-Esprit, qui eut le don de leur faire parler plusieurs langues, n’eut jamais celui de leur apprendre à écrire dans aucune ; les Apôtres étaient des illettrés[3].

Du reste, pour avoir une idée de la valeur historique des évangiles, il faut se reporter au temps où vivaient Jésus et ses disciples.

Les Juifs étaient alors le plus inquiet, le plus turbulent des peuples soumis à la domination romaine. Les autorités avaient constamment à sévir contre les fauteurs de troubles, de révoltes ou de soulèvements. Mais, ce qui paraîtra paradoxal, c’est que les plus exaltés ne se trouvaient pas précisément parmi les plus batailleurs, mais parmi ceux qui dédaignent généralement de recourir aux armes, c’est-à-dire parmi les prédicateurs. Pour comprendre cette anomalie, il faut remonter plus haut dans l’histoire des Juifs, presque à leur origine. Toutefois, il est inutile de recourir au Pentateuque qui ne mérite aucune créance. C’est un ramassis de fables, de légendes populaires unies à des lois religieuses, morales et hygiéniques empruntées aux Égyptiens et adaptées aux mœurs des Juifs soumis à la Chaldée, mais dont les anciens Hébreux n’avaient aucune connaissance.

Ce n’est qu’à partir de Josué que l’histoire des Hébreux commence à se préciser un peu. Mais, déjà, on les trouve bardés de fer, se précipitant comme un torrent dans le pays de Chanaan, renversant et détruisant tout sur leur passage, inondant le pays, soumettant les indigènes et faisant trembler les nations voisines. Ils n’ont pas de roi. Le plus vaillant d’entre eux est choisi pour chef et n’a d’autorité que pendant la durée de la guerre. Celle-ci terminée, tous se partagent le butin, et le chef, comme le dernier des guerriers, redevient simple citoyen. Ils n’ont pas de religion nationale. Des quantités de divinités sont en honneur dans le pays, mais sans rivalité ni jalousie. La tolérance religieuse est absolue. Il n’y a ni temple, ni synagogue, par conséquent pas de culte, pas de prêtre. Un simple sacrificateur est chargé d’offrir les holocaustes et de traduire aux hommes les volontés des dieux. C’est un être insignifiant dont le rôle subalterne n’est pas toujours sans danger. Il risque, si le dieu, qu’il a mission d’interroger, répond contrairement aux désirs du demandeur, à recevoir, surtout de la part d’un chef brutal, plutôt des horions que des présents. Ce qui paraît surtout dominer chez les Hébreux de cette époque, c’est l’équité et la justice. Aussi les adorateurs de Jéhovah, observateurs rigoureux des dix commandements, faisant droit à l’orphelin, à la veuve et à l’étranger, augmentent-ils constamment de nombre et acquièrent petit à petit une influence prépondérante. Plusieurs siècles s’écoulent ainsi pour les Hébreux avec ce régime essentiellement républicain. C’est le temps des Juges.

Mais tout a une fin. Jéhovah, en grandissant et en se fortifiant, éclipse peu à peu les autres divinités. Ou lui bâtit un temple, on lui consacre un culte, et, naturellement, ses serviteurs prennent une importance en rapport avec celle du dieu qu’ils représentent. Le prêtre, avec sa tiare, son éphod, son pectoral, couvert d’or, d’hyacinthe et de cramoisi, accompagné de ses lévites revêtus du lin le plus fin, remplace l’humble sacrificateur. Sa parole se transforme comme ses ornements. Il ne dit plus « j’écoute ! » mais « écoutez ! » ; il ne reçoit plus de horions, il en donne. Il domine dans les assemblées, et pèse de toute son autorité dans l’élection des juges. D’ailleurs, le clinquant a toujours eu une grande influence sur les esprits. En le voyant si beau, si majestueux, le peuple arrive à le considérer comme supérieur aux autres hommes et par l’élire chef suprême. Il joint ainsi la puissance au prestige.

À partir de ce moment, une ère nouvelle commence pour les Hébreux. Jusqu’alors, comme toutes les autres divinités, protégeant ceux qui l’adoraient et répondant invariablement lorsqu’on voulait bien l’interroger, Jéhovah était un dieu débonnaire. Avec le prêtre au pouvoir, il devient l’Éternel des armées, invisible et inabordable. Enfermé dans une caisse, arche du Seigneur, il ne tolère plus d’être interrogé ; mais, par la bouche du prêtre qui seul a droit de l’approcher, il donne des ordres précis et nets que tout homme doit exécuter sous peine de mort. Le peuple, devenu le troupeau du Seigneur, ne choisit plus son chef, mais le prêtre, au nom de Jéhovah, lui impose pour conducteur, non le plus habile et le plus vaillant des guerriers, mais le préféré de l’Éternel des armées. Aussi les défaites se multiplient, la misère augmente et le peuple, fatigué d’un régime qu’il accuse de ses maux, réclame l’établissement d’une monarchie.

Sous les premiers rois, une recrudescence d’éclat se manifeste dans l’histoire des Hébreux. De nouveau ils se font craindre et respecter de leurs voisins. Ils reconquièrent les pays perdus, ils étendent même leurs frontières. Mais, avec la royauté, les castes sont apparues, et non seulement le bénéfice de ces conquêtes revient aux seuls privilégiés, mais le peuple, obligé de supporter toutes les charges de l’État, est obéré d’impôts.

Une révolte, conduite d’ailleurs par des ambitieux, éclate bientôt. Mais au lieu de changer la forme du gouvernement, seule cause de leurs misères, les Hébreux, qui en veulent surtout à la dynastie, se contentent de remplacer leurs chaînes rouillées par des chaînes neuves. Une petite portion seulement, la Judée, reste fidèle à la maison de David ; la majeure partie de l’empire, sous le nom d’Israël, devient, sous la conduite d’un nouveau roi, la principale ennemie de ses anciens compatriotes.

À cette première cause d’affaiblissement, s’en ajoute bientôt une autre beaucoup plus grave. L’aristocratie, mise en goût des richesses et des honneurs, finit par trouver pénible de les partager avec le clergé par trop exigeant. Pour se soustraire à cette obligation, elle abandonne le temple et rétablit les hauts-lieux. Alors commence cette lutte âpre, ardente et implacable du clergé contre l’aristocratie, lutte dont les prophètes ne nous donnent qu’une très faible idée et qui aboutit à la dispersion complète tant des Juifs que des Israélites. Aveuglé par la haine et par la colère, le clergé donne libre cours à sa rancune et perd toute notion de patrie, tout sentiment de nationalité. Son commandement suprême, c’est aimer Jéhovah de tout son cœur, de toute son âme. Patrie, famille, amitié, tout s’efface devant ce Dieu terrible, et quiconque sacrifie ailleurs que dans son temple est considéré comme un ennemi de Jéhovah et voué à la mort. Le véritable ennemi ce n’est plus le Syrien ni le Chaldéen, mais le Baalite, cette race de vipères pleine d’iniquité et de malice. Le Syrien, le Chaldéen, ce sont les instruments dont Dieu se sert pour frapper les Israélites coupables de l’avoir abandonné… On ne doit donc pas leur résister… Et, pour décourager les plus vaillants, les prêtres exagèrent les forces ennemies et préparent d’avance la défaite.

Israël est la première victime. Il est emporté par un tourbillon pour ne plus reparaître. Juda résiste quelque temps, mais son tour arrive, et, sans disparaître complètement, il devient sujet des Chaldéens. Le clergé, cependant, n’est pas encore satisfait. Des audacieux, au lieu d’implorer, de l’Éternel, un sauveur, ont osé se fier à leurs propres forces et inciter le peuple à la révolte armée. Ces impies de la race perverse, ces descendants des hommes au cou roide ont eu l’audace de vouloir entraîner leurs compatriotes à la rébellion contre les volontés de Dieu ! Il faut annihiler ces velléités de résistance, et, pour que le peuple ne se confie plus qu’à Dieu seul, il faut enfin lui faire connaître ce Dieu, le Dieu de ses pères… Il doit apprendre que si l’Éternel des armées sait combattre pour ceux qui observent ses lois, il sait encore mieux châtier ceux qui s’en écartent.

C’est de cette époque que date l’établissement des synagogues (temples et écoles), où l’on pratiquait le culte et où l’on enseignait la religion. Avec des lois attribuées à Moïse, avec des fables et des croyances populaires, on inculquait des principes démontrant que toute initiative vient de Dieu ; que l’action de celui-ci se manifeste différemment selon que l’on marche ou non dans sa voie ; que l’homme n’est rien par lui-même ; que le Juif, en particulier, doit observer la loi, témoignage de l’alliance contractée par ses pères avec leur créateur, et enfin qu’il ne doit pas chercher à reconquérir sa liberté avant le temps marqué, mais attendre que Dieu se souvienne de lui, comme il se souvint de ses ancêtres, et lui envoie, comme à eux, un prophète pour lui rendre à jamais son indépendance.

Toutes ces leçons orales furent réunies en un livre appelé « livre de Moïse » qui devint le code du judaïsme.

La double attribution de la synagogue eut pour effet de créer, à côté du prêtre qui célèbre le culte, un personnel enseignant. C’étaient des sortes de moines, auxiliaires du clergé, qui, sous le nom de rabbis (maîtres), acquirent bientôt une importance supérieure à celle des prêtres proprement dits. Ils s’entouraient de disciples, formaient des écoles, et non seulement enseignaient dans les synagogues, mais prêchaient aussi dans les rues, dans les carrefours, près des cours d’eau, partout enfin où ils espéraient recruter des prosélytes. Mais, à force d’expliquer et de commenter les écritures, ils finirent par les dénaturer complètement. Ce sont eux les auteurs des commentaires de la bible, connus sous le nom Talmud : recueil baroque et inintelligible où l’intolérance religieuse est poussée jusqu’à la frénésie. C’est là surtout que le Dieu d’Israël devient ce Dieu terrible et vindicatif, qui punit l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la quatrième génération.

On retrouve dans les épitres de saint Paul, principalement dans l’épitre aux Hébreux, cette façon rabbinique de commenter. L’évangéliste n’a pu effacer, chez lui, le talmudiste, et le Dieu d’amour de Jésus est toujours resté pour lui le Dieu implacable du prêtre Juif[4].

Les rabbis firent presque un dogme de la croyance à la venue d’un messie libérateur, et les Juifs l’attendirent avec d’autant plus d’impatience que l’intolérance religieuse commençait à leur peser tout autant que le joug de leurs vainqueurs.

Sous la domination romaine cette intolérance fut telle que, même parmi les rabbis, s’élevèrent des protestations. Timides d’abord, elles devinrent de plus en plus hardies, et, bientôt, à côté des prédicateurs farouches, apparurent des figures plus douces ; aux discours véhéments, pleins d’anathèmes, succédèrent des paroles de paix et de miséricorde ; Jésus était au milieu de ces prédicateurs…

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Abandonnons maintenant tous ces rabbis, et le clergé et le peuple juif. Aussi bien, par suite de leur abêtissement provoqué par les prêtres, les Juifs approchent-ils de leur fin, et bientôt ils ne seront que trop à plaindre. Laissons donc ceux qui s’en vont, et occupons-nous de celui qui arrive, et qui, grâce à ce même abêtissement — les mêmes causes produisent souvent des effets opposés — va devenir le sauveur du genre humain.

Avec Jésus, la résistance aux doctrines des talmudistes, partagées par tout le clergé d’ailleurs, prit un aspect plus dogmatique. Il ne se contenta pas de prêcher une morale différente de la leur, il alla droit à leur idole, et hardiment il remplaça leur Jéhovah de jalousie et de vengeance par un père de charité et de miséricorde.

Aimer son prochain, observer les dix commandements constitue pour lui toute la loi et les prophètes… Les commentaires de la Bible (Talmud) sont une complication inutile et nuisible, contraire aux enseignements de Moïse… Les synagogues sont de trop ; Dieu ne demande pas de prières en commun… Il n’est pas besoin, pour obtenir le pardon des péchés, de faire des offrandes au prêtre ; il suffit de s’en repentir sincèrement. Croire, aimer, pardonner, voilà toute la doctrine de Jésus.

Hélas ! il y a encore là un principe de trop, du moins tel que le comprenait Jésus. Bien que combattant le clergé et sa doctrine, Jésus ne cesse pas, pour cela, d’être Juif. Il croit au Père éternel, au royaume du ciel, aux prophètes ; et, à ses disciples qui sont des illettrés, il explique les écritures. Comme tous ses compatriotes, il attend le messie. C’est même grâce à ses sincères convictions et à sa réelle piété qu’il attire à lui les âmes tendres. Mais aux qualités qui lui gagnent les âmes, il joint celles qui lui attachent les cœurs. Doux et compatissant, il est le consolateur des faibles. Bon et indulgent, il devient l’idole des malheureux. Naturellement ses propres disciples sont ses plus ardents admirateurs, et, devançant les autres, commencent à voir en leur maître le libérateur si ardemment souhaité.

Cette popularité et ces exagérations éveillèrent la jalousie et la colère des prêtres pour lesquels Jésus était déjà un sujet d’inquiétude.

Toutefois, il aurait probablement pu continuer pendant longtemps son ministère s’il ne s’était pas aliéné les Pharisiens.

Les Juifs étaient alors divisés en un grand nombre de sectes religieuses, et parmi les trois principales : Saducéens, Pharisiens et Esséniens, la secte pharisienne avait acquis, par son orthodoxie et son intolérance, une puissance considérable.

Jésus, à part quelques modifications personnelles, qu’en sa qualité de rabbi il avait le droit et même le devoir de faire, prêchait surtout les doctrines des Esséniens, lesquelles, au point de vue religieux, s’écartaient peu de celles des Pharisiens. Comme eux, Jésus attribuait tout au destin, croyait aux anges et aux démons, à l’existence de l’Esprit, à la résurrection des morts. Ces doctrines différaient surtout de celles des Saducéens qui ne partageaient pas toutes ces croyances. Cependant, ces derniers n’auraient rien pu contre Jésus, s’il avait eu, comme saint Paul plus tard, l’appui des Pharisiens, dont, en somme, il propageait les doctrines. Mais, d’accord au point de vue religieux, Jésus et les Pharisiens cessaient de l’être sur le terrain social. L’un prêchait l’égalité des hommes, principe qui froissait l’orgueil des autres autant qu’il nuisait à leur intérêt. D’ailleurs, ce qui, surtout, excitait la haine des Pharisiens et qu’ils ne pouvaient pardonner à Jésus, c’est que celui-ci attaquait leurs personnalités mêmes, en démasquant leur hypocrisie et en tournant en ridicule leurs charités ostensibles. Ils s’allièrent donc aux Saducéens, le poursuivirent et réussirent à le faire condamner.

Mais ils avaient compté sans l’amour ! Ce que leur haine a détruit, l’affection des apôtres va le faire revivre. Jésus va devenir « Christ » et portera éternellement témoignage contre eux.

Nous voilà arrivés aux fondateurs inconscients du christianisme, aux inspirateurs des évangiles : ils sont tous Juifs ; nous les connaissons maintenant. Et si à leurs croyances, à l’ardente affection qu’ils ont vouée à Jésus, nous ajoutons leur étonnante simplicité d’esprit, nous pourrons apprécier plus exactement la valeur de leurs témoignages.

J’ai dit que c’est l’amour qui a ressuscité Jésus. Toutefois entre sa mort et cette résurrection il y eut, chez les Apôtres, un moment d’angoisse. Ils avaient une telle conviction que leur maître était le prophète promis par Moïse, que cette mort prématurée et ignominieuse trouble leurs idées, soulève leurs consciences et les plonge dans une profonde consternation. Ils sont tristes, abattus, n’osent plus se montrer. Ils doutent presque de Jésus. Déjà ils le renient.

Excepté Jean, pas un n’assiste à son exécution. Pas un ne suit sa dépouille jusqu’au sépulcre. Ils ont peur de comprendre pourquoi Jésus, sur leurs instances de rétablir le royaume d’Israël, répondait toujours que le moment n’était pas encore venu. Quelle déception ! Et cependant cet écroulement de leurs espérances ne parvient pas à éteindre, dans leurs cœurs, l’affection qu’ils ont pour leur maître.

Ce n’est pas seulement, comme le dit Renan, parce que Jésus savait gagner tous les cœurs que les apôtres continuent à l’aimer, mais bien plutôt parce que, cœurs simples et volontiers, dirais-je vierges, ces hommes savaient réellement aimer ; et il ne leur fallait qu’un songe, un souffle, un rien, le moindre incident, pour raviver cet amour, l’exalter et le porter jusqu’à l’adoration. Cet incident se produit : Magdelaine a revu le Maître !…

Alors l’esprit des Apôtres s’ouvre… Jésus est ressuscité !… Ce n’est pas un libérateur d’Israël comme au temps des Juges, comme l’était Moïse, que les prophètes ont annoncé ; c’est un sauveur du genre humain !… Ils comprennent tout maintenant : et la mort de Jésus, et la trahison de Judas, et leurs propres doutes !… Jésus c’est le bouc-émissaire qui se charge du péché d’Adam. Ils se le disent entre eux, le racontent à tout le monde, s’enivrent de leurs paroles, et, à force de s’exalter, ils finissent par avoir des songes, des hallucinations et par confondre les effets de leur imagination en travail avec des révélations d’en haut. Que fallait-il donc de plus, des esprits ainsi préparés et dupes de leur propre imagination, pour trouver, dans une foule de citations bibliques équivoques des prophéties et des promesses concernant ce sauveur de l’humanité ? Et une fois trouvées, les appliquer à Jésus, comme d’autres l’ont fait pour Dosithée et Simon le Magicien, interpréter sa naissance, sa mort et sa mission sur la terre selon toutes ces divagations prophétiques et paraboliques, n’était-ce pas une conséquence logique et même forcée de toutes leurs croyances chimériques ?




  1. Luc, XXIII, 8.
  2. Actes XXV, 19.
  3. Actes IV, 13.
  4. Rom. II, 5, 8, 12 ; V, 9 ; XII, 19 ; XIII, 4 ; II Cor. XI, 2 ; II Thess. I, 8, 9 ; Hébr. V ; VI ; VII ; X, 29, 30, 31.