La France juive/Livre Deuxième/VI/1

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Marpon et Flammarion (p. 382-445).


LE GOUVERNEMENT DU 4 SEPTEMBRE. — LA COMMUNE
LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE


Le 4 Septembre, comme ou devait s’y attendre, mit au pouvoir les Juifs français : les Gambetta, les Simon, les Picard, les Magnin, auxquels, s’il faut en croire M. de Bismarck, qui passe généralement pour assez bien informé, il faudrait joindre Jules Favre. C’est un financier juif, Edmond Adam, qui prend possession de la préfecture de police. Camille Sée, le secrétaire général du ministère de l’intérieur, est Juif.

L’ouvrage de M. Busch, le Comte de Bismarck et sa suite pendant la guerre de France, est très explicite à ce sujet. Le 10 février, en parlant de Strousberg, le ministre dit :

Presque tous les membres ou au moins beaucoup de membres du Gouvernement provisoire sont Juifs : Simon, Crémieux, Magnin et Picard, qu’on ne croyait pas Juif, et très probablement aussi Gambetta, d’après le type de son visage ; j’en soupçonne même Jules Favre.

Nous ne savons jusqu’à quel point le fait est exact pour Jules Favre, en tout cas il semble vrai pour Picard. Un Picard figure parmi les députés des notables juifs en 1806. Parmi les Juifs reçus à l’école Polytechnique en 1882, les Archives israélites mentionnent un Picard Berheim, — le fils de l’éditeur du manuel anti-français de Paul Bert. On sait le rôle joué dans l’affaire Tunisienne par le Juif Weill Picard.

Ce n’est pas, comme le prétend M. Henri Rochefort, à un calcul de Napoléon iii, fort au-dessus de ces petitesses, c’est à l’intervention énergique de Fould et de la Juiverie que le frère d’Ernest Picard avait dû de sortir d’un fort mauvais pas[1].

La situation était très simple. La France a passé son existence de nation à gagner des victoires éclatantes et à subir d’affreuses défaites, elle a eu tour à tour Tolbiac, Bouvines, Marignan, Rocroy, Denain, Fontenoy, Austerlitz, Iéna, Solférino et Crécy, Azincourt, Poitiers, Pavie, Rosbach, Waterloo ; elle n’avait qu’à faire ce qu’elle avait toujours fait dans des circonstances analogues, à signer la paix, à soigner ses blessures, à dire : « Je serai plus heureuse une autre fois. »

C’est ainsi que Bismarck, qui raisonnait d’après les principes du sens commun, avait compris les choses. Ainsi qu’il l’a déclaré à maintes reprises, notamment à M. Werlé, maire de Reims[2], il comptait signer la paix à Reims ; après quoi chacun serait rentré chez soi, les uns avec un pied de nez, les autres avec des lauriers, ainsi que cela se voit depuis le commencement du monde.

Deux milliards, c’était bien maigre pour les Juifs, qui traînaient après eux tout un personnel d’affamés, auxquels on avait promis les dépouilles de la France.

Il se produisit alors un des faits qui restera le plus singulier du xixe siècle et, on peut le dire, de tous les siècles. Un monsieur, né de parents restés Italiens, à peine Français lui-même, puisqu’il n’avait opté pour la nationalité française qu’au dernier moment et avec la certitude qu’une infirmité le dispenserait de tout service, doublement étranger, puisqu’il était Juif, et qui, en tout cas, ne représentait que les douze mille électeurs qui l’avaient nommé, vint dire :

« Mon honneur est tellement chatouilleux, mon courage est d’une essences si rare, que je ne puis consentir à ce qu’on fasse la paix et que, de mon autorité privée, je veux continuer une guerre à outrance. »

Dans les civilisations les plus rudimentaires, chez les Cafres et chez les Boschismans, il y a, dans les cas graves, un semblant de consultation du pays ; on demande à la tribu réunie : « Êtes-vous d’avis de prendre vos arcs, vos flèches ou vos tomahawks ? »

Les rois chevelus consultaient leurs leudes, Charlemagne consultait ses pairs ; sous l’ancien régime, on réunissait les États généraux dans les circonstances critiques. À force de marcher dans la voie du progrès, comme on dit, on a rétrogradé au delà des Cafres et, durant cinq mois, un aventurier génois envoya les gens se faire casser les bras et les jambes, pendant qu’il fumait des cigares exquis, et cela sans que nul ne s’avisât de protester.

Il est vrai que Gambetta avait eu un mot spirituel, de cet esprit un peu grossier, particulier aux Juifs, mais qui n’en porte pas moins.

« Comme je vous regarde tous comme des imbéciles, avait-il dit au peuple français, je vais, sur trente-huit millions de citoyens français, choisir un Badois comme secrétaire du gouvernement de la Défense nationale. »

Nul Français non plus ne fut jugé digne, même pour la défense de sa Patrie, de garder le secret de ces dépêches télégraphiques qui avaient alors une importance si considérable ; on choisit un homme qui était né à Lisbonne ; ajoutons que c’était de parents Belges, au dire de Vapereau.

Si l’histoire veut plus tard chercher la trace d’un de ceux qui ont joué le rôle principal dans ce qu’on a appelé, par antiphrase sans doute, le gouvernement de la Défense nationale, elle n’aura qu’à ouvrir le livret du Salon à la rubrique : Sculpteurs et graveurs étrangers sur médailles ou sur pierres fines, elle trouvera là : Steenackers (François-Frédéric), né à Lisbonne, M. H.

Il y eut en réalité, pendant cette période, deux souverains juifs : Le Taïkoun et le Mikado. L’un, Gambetta, s’occupa des intérêts financiers d’Israël, fit les emprunts et les marchés, logea les Juifs dans des places, où, comme Esquiros à Marseille, ils pussent s’enrichir rapidement ; l’autre s’occupa des intérêts généraux de la race et des Hébreux du dehors.

L’émancipation des Juifs d’Algérie, en pleine invasion, mit dans tout son relief le caractère juif, implacablement indifférent à tout ce qui n’est pas de la famille. Nous traiterons cette question à fond au livre iv.

Phénomène plus surprenant encore et qui marque bien l’affaissement du tempérament français ! Pas un de ces officiers, qui allaient se faire tuer pour le bon plaisir des Juifs, n’eut l’idée de monter chez ce vieux youtre, de le secouer dans la légendaire robe de chambre à ramages jaunes qu’il mettait pour haranguer les troupes du haut de son balcon et de lui dire :

« Misérable vieillard, nous avons abandonné le Père commun des fidèles pour venir faire notre devoir en France, nous avons sacrifié toutes nos préférences, toutes nos sympathies, tous nos souvenirs, nous obéissons à des drôles échappés de tous les cafés, vomis par tous les bouges, sortis de tous les cloaques, à des Spuller, à des Pipe-en-Bois, à des repris de justice comme Bordone, à des Polonais équivoques comme de Serres, et tu ne penses qu’à diminuer encore le peu de forces qui nous restent pour affranchir quelques abjects marchands de dattes et de pastilles du sérail ! »

Quand Gambetta et Crémieux eurent fait leur tâche, Jules Simon vint à Bordeaux annoncer qu’il était temps de représenter la grande pièce des cinq milliards pour laquelle l’emprunt Morgan n’avait été qu’un simple lever de rideau.

On a prétendu qu’on ne saurait jamais ce qui s’était dit dans cette entrevue de Bordeaux ; il n’est point malaisé cependant, d’après les faits, de deviner quel a été le canevas du discours. C’est la méthode de Tite-Live.

« Frère, a dû dire Jules Simon, tu t’en es assez donné toi et tes amis, cède la place aux Juifs allemands qui attendent impatiemment leur part de curée ; tu reviendras avec un autre tour dans ton sac et après avoir personnifié merveilleusement, par ton bouillant courage, la guerre à outrance, tu personnifieras avec tes qualités d’organisation et tes connaissances en géographie l’espoir de la revanche. »

Remarquez que dans ces conférences, où se décide le sort de la France, le Français originaire, le Français natif, le fils des Français, qui ont défriché le sol, fait la Patrie, n’intervient en aucune façon. Le dialogue se poursuit entre deux Juifs étrangers ; l’un est Italien et descend d’Allemands qui s’appelaient Gamberlé, l’autre est Suisse, s’appelle Schweizer de son nom primitif, Suisse de son nom d’acte de naissance, Simon de son nom littéraire[3]. Ni le premier, ni le second, n’ont reçu pour gouverner aucune espèce de mandat.

Il ne déplaît pas à l’imagination de se figurer les vrais représentants du pays, qui paye, qui combat, qui meurt, attendant dans une antichambre la fin de cette entrevue israélite.

— J’ai trois de mes enfants tombés pour la Patrie, dit un vieillard à cheveux blancs, faut-il sacrifier le dernier ? Je suis prêt.

— Faut-il aller soigner des blessés ou des varioleux ? interroge la Sœur de Charité ; j’attends vos ordres en priant Dieu pour vous.

— Grand merci, dit Jules Simon, que l’étude de la philosophie a rendu civil ; une prière cela ne fait jamais de mal.

— Dieu ! de quoi ? Est-ce qu’il y a un Dieu ! exclame Gambetta, en s’élançant vers la porte, avec ce mouvement de cavalier seul à la fois ondulant et chaloupeux, qui lui valut ses premiers succès à Bullier. Je me carapatte, je me cavalle, je m’esbigne pour l’instant, mais je reviendrai. Et toi, béguine, prends garde à toi ; je t’en ficherai des congrégations ; n’en faut plus ! Il y a des Jésuites, des Dominicains, des Frères, qui sont allés ramasser les mourants sous les obus pendant que je me brûlais les tibias au feu, je les ferai chasser de leurs cellules ; pour mieux témoigner mon mépris pour le pays, pour mieux déshonorer l’armée, je forcerai des officiers français à venir en grand uniforme pour prendre au collet des religieux et des vieillards.… Là-dessus, bonsoir la compagnie ! Vive le vin et vivent les filles ! Et en route pour Saint-Sébastien !..…

Sous toutes les formes, le Juif ainsi servit Bismarck. L’espion de la Prusse, à Metz, était un commerçant du nom de Mayer, — encore un ! — Découvert par les soldats français, qui brisèrent tout dans sa boutique, il se pendit. L’Allemagne ne fut guère embarrassée pour le remplacer. « On nous fait remarquer, disait le journal le Nord, à la date du 19 août 1870, que la plupart des espions prussiens pris en Alsace sont Juifs. Cet ignoble métier ne saurait être mieux exercé que par les enfants de cette race dégradée qui a eu cette exécrable fortune de produire en Judas le type le plus achevé de la perfidie et de la trahison. » Selon le Journal de Rouen, Régnier « n’était qu’un Juif prussien, paré pour la circonstance d’un nom français. »

L’Illustration nous a peint sous de saisissantes couleurs le Juif allemand dans son rôle d’espion pendant la guerre.

Le Juif, disait ce journal, dans un numéro du 27 septembre 1873, a été le fléau de l’invasion.

Tant que dure la bataille, le Juif reste en arrière. Il craint les coups.

Mais l’ennemi a-t-il fui, le champ de bataille est-il libre, alors le Juif allemand accourt.

Là il est maître et roi. C’est à lui qu’appartiennent tous ces cadavres. Ce n’est pas impunément que le soldat le désigne sous le nom caractéristique de corbeau.

En toute tranquillité, il dépouille les morts, il va de groupe en groupe. À le voir ainsi penché, courant, éperdu, avide, on dirait un parent qui cherche un frère, un ami. Il ne cherche que de l’or. Parfois on entend un gémissement, c’est un blessé qui supplie, mais le corbeau a bien le temps vraiment de s’arrêter pour de semblables vétilles. N’a-t-il pas une mission à remplir ?

Car il ne faut pas oublier ce côté, le digne personnage est fonctionnaire de l’État, il fait partie de l’organisation allemande, il ne se contente pas de voler, c’est là le côté personnel ; il est espion.

C’est le corbeau qui, après la bataille perdue, portera au quartier général tous les papiers trouvés sur les officiers supérieurs.

On voit que ce n’est pas là une sinécure ; d’ailleurs, là ne se bornent pas les fatigues. Il faut aller au-devant de l’armée, s’enquérir des ressources de chaque village, prendre des informations sur la situation et les forces de l’ennemi.

Quelquefois lorsqu’il est pris le Juif est fusillé, mais cela arrive bien rarement. D’abord, à cause de cette inexplicable passion qu’il nourrit pour sa triste personne, il prend toutes ses précautions et ne se hasarde qu’à bon escient. Ensuite, si malgré toutes ses ruses, il tombe dans un piège, il en est quitte pour opérer plus en grand. Il trahit les Allemands comme il espionne les Français ; à l’avenir il tiendra les renseignements en partie double et le métier n’en sera que plus lucratif.

Mais le triomphe, le rêve de cette étrange et repoussante personnalité, c’est l’armistice ; on est alors assez en paix pour n’avoir à redouter ni corde, ni balles ; on est encore assez en guerre pour pouvoir exercer son honnête métier.

Aussi que de profits !

D’abord il y a les réquisitions, qui rapportent quoique l’on soit obligé de céder la plus grosse part, mais on se rattrape avec le soldat ; il est bête le soldat, il donne pour un florin ce qui en vaut cent.

Puis, pour les gens industrieux, il y a encore d’autres ressources.

Nous avons, dans l’ouest de la France, aux environs du Mans, pu constater par nous-mêmes, que les Juifs, que l’armée allemande traînait à sa suite, louaient à la journée des soldats prussiens et se faisaient accompagner par eux dans les villages. Frappant à une maison, les Juifs exhibaient un parchemin crasseux revêtu de timbres plus ou moins authentiques. La traduction de ce papier, on la devine, un mot suffit à la rendre : réquisition. Comment le paysan aurait-il pu résister ; les soldats étaient là comme une preuve menaçante. Ils livraient leurs bestiaux que l’on allait vendre..…

Mais je vois poindre une inquiétude dans l’esprit de mes lecteurs. La Juiverie financière s’enrichit avec l’emprunt Morgan, le Juif anglais, Merton, qui devait finir tragiquement, lui aussi, est chargé d’une mission confidentielle, le Juif Esquiros trône à la préfecture de Marseille et par une réminiscence, sans doute, de son livre les Vierges folles, se fait, pour consentir à s’en aller, allouer une forte indemnité sur les fonds de la police des mœurs. Les Juifs allemands dépouillent nos morts et rançonnent nos paysans ; tout est pour le mieux, mais que deviennent pendant ce temps les petits Juifs restés dans Paris ?

Rassurez-vous, ils se tirent fort bien d’affaire. On refuse du travail à des industriels qui ont cinq ou six cents ouvriers à faire vivre, on en accorde à toutes les filles d’Israël. Les dépositions faites devant la commission des marchés pour l’armement de la garde nationale sont édifiantes sur ce point. Citons seulement quelques lignes de la déposition de M. Berthe.

On n’en finirait pas, dit M. Berthe, si l’on cherchait à énumérer tout ce qui s’est fait pendant le siège. Longtemps j’ai vendu à un concierge de la rue Grenier-Saint Lazare chaque jour 4 ou 500 francs de marchandise qu’il allait porter à l’Hôtel de Ville ; il complétait le fourniment et allait le livrer.

Dans la même maison, une demoiselle de dix-huit à dix-neuf ans, Israëlite, belle-fille, marchande de bons dieux[4], avait su se faire ouvrir les portes de l’Hôtel de Ville et trouver moyen de livrer tous les jours 3 à 400 francs de marchandises.

Et moi, je n’ai jamais pu obtenir un marché ! Cette jeune fille passait devant moi, à l’Hôtel de Ville, comme en me narguant. Elle entrait de suite et il me fallait attendre des heures. J’avais trois ou quatre cents ouvriers à la maison !

J’ai remarqué que les Juifs luttaient avec les fournisseurs comme nombre tout au moins. La plupart des marchés étaient donnés à ces gens-là ; ils sont plus liants, plus patients que nous ; ils savent faire ce qu’il faut, ils font le nécessaire.

La demoiselle dont je parlais, me disait-on, ne veut payer que cela… ce sera mauvais ! tant pis.

J’avoue que nous avons ainsi fourni nous-mêmes de mauvaises marchandises.

Il y avait des Juifs et des Juives bien intrigants qui obtenaient ce que nous ne pouvions pas obtenir. Pour y arriver, il aurait fallu donner pourboires, déjeuners, dîners, et toutes choses qui ne m’allaient pas.

L’armistice signé, le Juif redevint marchand et peu s’en fallut qu’il ne réussît à empêcher le ravitaillement de Paris ; installés à Versailles, les Juifs achetaient à vil prix tout ce qui se présentait sur le marché et le revendaient à des taux exorbitants aux commerçants parisiens. L’ancien Gaulois a tracé un croquis juste de ce monde singulier qui se traînait sur les pas du vainqueur.

Dans les rues, dit-il, circulent les soldats de toutes armes raides et silencieux. Bruyants, au contraire, sont les Juifs allemands qui ont suivi l’armée exerçant leur petit commerce avec l’obstination et l’esprit de suite qui caractérisent la race judaïque. Ces pittoresques échantillons de l’Allemagne commerçante crient en mauvais français leurs marchandises sur le ton le plus aigu ; ils paraissent surtout bien fournis de tabac, à en juger par leur cri perpétuel : « Dabac à fimer et à brisser à deux vrancs la livre ! » Il y en a un notamment dont les intonations sont très comiques ; elles nous rappellent par certains côtés la voix de notre confrère Wolff.

Bismarck, en voyant arriver Jules Favre à Versailles, avait sifflé l’hallali. La Juiverie cosmopolite, qui avait inspiré, commandité, mené, prolongé la guerre, devait figurer dans le triomphe ; elle entra à Paris derrière les cuirassiers blancs. Un écrivain, que je ne connais pas, mais qui sait peindre, M. René de Lagrange, a fixé cette scène avec un accent de vérité incroyable, dans une étude publiée dans un coin du supplément du Figaro et qui, je l’affirme aux historiens futurs, est une des rares pages exactes qu’on ait écrites sur les événements de 1870-1871.

Ce ne fut pas l’armée, écrit M. René de Lagrange[5], que nous aperçûmes en premier lieu, ce fut l’État-major qui, évidemment, faisait l’office d’éclaireurs. Cette avant-garde arrivait au petit trot, jetant un œil inquiet, à droite et à gauche, sur le maigre bandeau de spectateurs qui formait la haie des deux côtés. Les cavaliers qui composaient cette escorte — je les vois encore — étaient presque tous des hommes de haute taille et de puissante stature, se tenant à cheval comme des écuyers de race. Ils portaient, pour la plupart, l’uniforme brillant des cuirassiers. Coiffés de casques dont le cimier portait des animaux chimériques, revêtus de cuirasses ornées d’armoiries en relief ou d’écussons en métal, ces cavaliers étincelaient sous les premiers rayons d’un soleil de mars.

La physionomie de ces soudards aristocratiques était en harmonie avec leurs mâles armures. L’ensemble en était grandiose. Leurs cheveux d’un blond roux, leurs moustaches fortement plantées et d’un jet hardi, leur teint clair et rouge à la fois, leurs yeux bleu de ciel au rayon farouche rappelaient, à s’y méprendre, le portrait de ces mêmes hommes, tracé autrefois par le burin de Tacite : Oculi cœrulei et truces, rutilæ comæ, magna corpora. Il faut être juste, néanmoins, même avec ses adversaires, ces physionomies avaient un grand caractère.

En voyant ces espèces de cavaliers géants, on eût dit ces Burgraves des bords du Rhin, contemporains de Barberousse, tels qu’on les voit sculptés sur la façade du château de Heidelberg ou dans les estampes d’Albert Durer. Tout ce groupe respirait l’Allemagne féodale, l’âge de fer, le règne de la force, le moyen âge militaire. Cette petite escorte, au milieu de laquelle on distinguait le roi de Prusse et M. Bismarck, toute armée qu’elle fût, n’avançait qu’avec précaution, comme nous l’avons dit. Entrer dans ce Paris, dans ce gouffre révolutionnaire à la suite d’un siège de cinq mois et demi, cela semblait peu rassurant. C’était entrer dans le volcan. Avant de risquer l’armée, l’État-major tâtait le terrain, de peur, sans doute, que, malgré toutes les précautions prises, quelque mine chargée de dynamite, ne vint à éclater sous les pas de l’armée d’envahissement. C’était un roi, des princes, des généraux faisant, ce jour-là, fonctions de uhlans.

Ce groupe militaire était immédiatement suivi d’un autre groupe, mais civil, celui-là. Le second groupe était, assurément, plus curieux encore que le premier. Derrière ces Centaures tout bardés de fer et étincelants d’acier, s’avançaient, enfourchés sur leurs chevaux comme des pincettes, des personnages bizarres vêtus de longues houppelandes brunes et ouatées. Mines allongées, lunettes d’or, cheveux longs, barbes rousses et sales, vermiculées en tire-bouchons, chapeaux à larges bords, c’étaient autant de banquiers israélites, autant d’Isaac Laquedem, suivant l’armée allemande comme les vautours. À cet accoutrement, il n’était pas difficile de reconnaître leurs professions.

C’étaient, évidemment, les comptables ou financiers juifs chargés de l’encaissement de nos milliards. Après l’État-major militaire, c’était l’État-major du Ghetto. Nous n’avons pas besoin de dire qu’une frayeur plus accentuée encore se laissait voir sur tous ces visages effarés et sordides.

Lorsque ce double cortège se fut écoulé, il se passa un assez long temps, plus d’une heure, au moins. Nous apprîmes, le lendemain, quelle avait été la cause de cette lacune ; l’État-major en question s’était arrêté à l’Élysée pour y déjeuner. M. Ernest Picard avait eu la gracieuseté d’y faire servir, à ses amis les ennemis, un festin de bienvenue arrosé de vin de Champagne.

Quand ce déjeuner républicain fut savouré et arrosé à souhait, le cortège reprit sa marche pour remonter les Champs-Élysées et se porter au devant de l’armée qui allait y entrer. Nous vîmes de nouveau défiler devant nous les Centaures cuirassés et rutilants, suivis des enfants d’Israël à barbes sales, mais cette fois-ci les physionomies n’étaient plus les mêmes. Le déjeuner avait produit son effet : la face enluminée par le vin des meilleurs crus de France, l’œil en feu, le sirop dans la moustache, l’attitude arrogante, assurés, d’ailleurs, qu’aucune agression n’était à craindre, qu’aucune mine n’éclaterait sous leurs pas, les généraux cuirassés remontaient au grand trot l’avenue[6].

J’ai constaté plus d’une fois, dans mes travaux historiques, l’hésitation qu’on éprouve à adopter le récit qui donne le mieux la note exacte et juste, et c’est pourquoi, je le répète, je ne crains pas de recommander cette page précieuse aux historiens de l’avenir.

J’habitais moi-même alors avenue Montaigne, et forcé de sortir pour un des miens malade, j’ai pu vérifier la scrupuleuse fidélité de ce tableau.

Picard, selon le témoignage des voisins, aurait assisté au commencement du repas et trinqué avec les Allemands, en tout cas, il vint lui-même à l’Élysée veiller à ce que rien ne manquât au déjeuner des vainqueurs.

Aux Juifs allemands s’étaient mêlés pas mal de Juifs français, qui déjà s’occupaient du fameux emprunt et cette Bourse, au milieu d’un camp, avait le plus étrange aspect ; elle était comme l’épilogue lamentable et comique, comme le commentaire sinistre et grotesque de cette guerre juive.

Tout est vrai, encore une fois, dans le récit de M. René de Lagrange, notamment l’épisode de ce malheureux ouvrier qui, fou de douleur patriotique, plongea son couteau dans le poitrail du cheval d’un général et, livré de suite à la Prévôté allemande, fut fusillé, croyons-nous, derrière le Palais de l’Industrie.

Cette exécution sommaire avait le caractère d’un présage et la signification d’un avertissement.

L’ouvrier parisien, tel qu’il était encore, gênait la Franc-Maçonnerie juive. C’était un type bien singulier que celui là. Tout se mêlait dans sa cervelle confuse ; il aimait la France et la Pologne, parce qu’elle avait été persécutée, il détestait ce qu’il appelait, on n’a jamais su pourquoi, le parti prêtre, mais il n’admettait pas, comme Paul Bert, que l’homme fût tout à fait semblable à un chien ; il regardait sans horreur le crucifix qui ornait son humble demeure, il se souvenait de l’avoir placé jadis sur le lit où quelque être cher venait d’expirer, il y suspendait aux Rameaux la branche de buis bénit que l’enfant rapportait ; près du crucifix, parfois, était attachée la croix d’honneur de quelque compagnon de Napoléon ier.

L’ouvrier parisien était, en effet, révolutionnaire et chauvin, il tirait sur la troupe aux jours d'émeute et sentait son cœur battre lorsque quelque régiment défilait dans les faubourgs. Convaincu, par la lecture d’Eugène Sue, que les Jésuites passaient leur vie à accaparer les héritages, il n’en disait pas moins un amical bonjour au Frère qui l’avait instruit. Il s’élevait avec force contre la superstition et aurait été désolé que son fils et sa fille ne fissent pas leur première communion. Le grand jour arrivé, il laissait la mère et l’enfant partir seuls pour l’église, puis, brusquement, jetait l’outil, passait la redingote des dimanches et, caché derrière un pilier, il cherchait le garçon ou la fillette, parmi la foule blanche qui ondulait dans la nef au bruit des cantiques, aux clartés des cierges ; quand il avait reconnu un visage aimé, il se détournait pour essuyer une larme, se trouvait face à face avec un camarade qui pleurait comme lui et disait : « Toi aussi, mon vieux... qu’est-ce que tu veux, cela vous remue »[7].

Habile de ses mains, maître indiscuté dans ces travaux moitié artistiques et moitié industriels où Paris, supplanté maintenant là comme partout par l’étranger, triompha si longtemps sans conteste, l'ouvrier parisien, servi par un goût inné, qui lui tenait lieu de savoir, chômait rarement et vivait relativement heureux.

Par ses qualités, son entrain, sa gaieté, ce type était tout particulièrement un objet de haine pour le Juif allemand ; par son patriotisme qui venait de s’affirmer pendant le siège, il était un obstacle à l’envahissement des étrangers parmi nous ; par sa loyauté, son désintéressement, son amour de tout ce qui était droit et honnête il était un danger pour la future dictature politico-financière du Juif Gambetta. La Commune fut une excellente occasion d’en tuer tant qu’on put. Dénoncés par les meneurs qui les avaient entraînés, par les Barrère qui, depuis, sont devenus ministres plénipotentiaires, victimes de leur courage, ces malheureux jonchèrent de leurs cadavres les rues, les avenues, les squares, les jardins, les parcs.

Vous les avez certainement rencontrés ceux-là, pendant le second siège, allant aux remparts avec conviction, faisant cuire leurs pommes de terre sous les arbres des Tuileries, défilant en bon ordre devant le palais de Rothschild et n’ayant pas la pensée d’y entrer. Pour la basse Juiverie allemande qui gouvernait Paris, l’hôtel de Monsieur de Rôthschild (mettez toujours un accent d’admiration sur l’ô), était un objet de vénération, et sans effort elle imposait le respect de cette demeure à ces multitudes armées[8].

L’Aryen, est-il nécessaire de le répéter, est un être de foi et de discipline et il garde ces sentiments même dans la révolution ; il est né pour être le croisé intrépide et croyant, le soldat de la vieille garde, la victime obscure et intéressante encore d’une Commune. Il est tour à tour le héros de la Chanson de geste, le grognard que célèbre Béranger, le combattant noir de poudre des trois Journées, celui qui

______……… Sur l’or jonché devant ses pas,
Vainqueur, marchait pieds nus et ne se baissait pas.

La Commune eut donc ainsi deux faces :

L’une déraisonnable, irréfléchie, mais courageuse : la face française.

L’autre mercantile, cupide, pillarde, bassement spéculative : la face juive.

Les fédérés français se battirent bien et se firent tuer.

Les communards juifs volèrent, assassinèrent et pétrolèrent pour cacher leurs vols. Certains négociants établis rue de Turbigo organisèrent la dévastation comme une opération commerciale et se retirèrent à New-York deux ou trois fois millionnaires. Comme le Nathan, dont parle Maxime du Camp, les Juifs firent la grande soulasse, seulement l’assassinat suivi de vol fut cette fois compliqué d’incendie.

La Commune eut également deux résultats.

D’abord elle enrichit, dans de modestes proportions, il est vrai, la bohème juive qui, après le passage du gouvernement de la Défense nationale, ne put guère que secouer les tiroirs, mettre la main sur de petites caisses oubliées, dépouiller surtout les palais, les ministères et les hôtels particuliers des chrétiens de leurs objets d’art. (La Commune n’a pas touché une seule fois à une propriété juive ; pas une seule des 150 maisons des Rothschild n'a été incendiée.)

Ensuite, — résultat autrement important, — elle fit égorger trente mille Français par des Français.

Les Allemands, en échange de leur haute et dédaigneuse protection, ne demandèrent qu’une chose à la Commune.

Après avoir détruit la prestige de nos armées, ils étaient offusqués encore de la glorieuse légende de nos ancêtres. Cette colonne, faite de canons pris à des Allemands, qui se dressait dans Paris, les gênait ; malgré leur facile triomphe sur le neveu, ils en voulaient encore à l’Imperator invincible que l’on apercevait drapé dans le manteau des Augustes.

Le matin dans l’azur, le soir dans les étoiles.

Maîtres de Paris, ils n’eussent pas touché à cette colonne, ils ont respecté partout les monuments de nos victoires et les images de nos héros, le tombeau de Marceau, les statues de Fabert, de Kléber, de Rapp. Il y a des choses que les Aryens ne font pas eux mêmes, mais ces choses-là, parfois, ils les font faire par des Sémites comme pour prouver que ceux-ci peuvent être utiles à l’occasion[9].

Qu’elle est émouvante cette scène du 16 Mai sur la place Vendôme ! Cette émotion vague, qui agite une foule assemblée, fait attendre des événements imprévus. On dit dans les groupes que les Invalides vont venir se ranger au pied de la Colonne pour la défendre, ces quelques survivants des grandes batailles, qu’on voyait jadis arriver tous les 5 mai et tous les 15 août pour déposer là des couronnes, ont revêtu leurs uniformes « par la victoire usés, » ils accourent tous :

. . . . . Lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil,
Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires,
Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres,
Portant le noir colback ou le casque poli,
Tous ceux, ceux de Friedland et ceux de Rivoli.

Rien ne se montre. L’heure a sonné. On attend le signal. Qui le donnera ? Grâce à Dieu, ce n’est pas un Français, c’est un Juif, c’est Simon Mayer.

Ecoutez Maxime Du Camp[10] :

Tout à coup un homme parut sur le couronnement, agita un drapeau tricolore et le lança dans l’espace, afin de bien indiquer que tout ce qui avait été la Révolution française, le premier Empire, la royauté de Louis-Philippe, la seconde République, le second Empire, disparaissait de l’histoire et allait faire place à l’ère nouvelle, symbolisée par la loque couleur de sang, que t’on appelle le drapeau rouge.

L’homme qui eut l’honneur de jeter au vent les couleurs de la France était digne de cette mission : il s’appelait Simon Mayer. Le 18 mars, il s’était noblement conduit à Montmartre. Capitaine au, 169e bataillon, que commandait Garcin, en remplacement du chef élu qui était Blanqui, alors incarcéré ou en fuite, ce Simon Mayer avait héroïquement aidé à l’assassinat du général Lecomte et de Clément Thomas. Cette belle action trouvait sa plus douce récompense à cette heure, sous le soleil, en présence des membres de la Commune attentifs et charmés. On entendit un son de clairon. Un silence énorme, comme dirait Gustave Flaubert, emplissait les rues. Chacun se taisait et tenait invinciblement les yeux attachés sur la colonne en avant de laquelle les cibles se raidissaient. Il était un peu plus de cinq heures du soir, de temps en temps, quelques coups de canon lointains semblaient une salve funèbre tirée du fond des horizons invisibles.

Un homme a vendu un Dieu qui venait porter au monde des paroles de miséricorde et d’amour, il s’appelait Judas, et il était Juif.

Un homme a vendu une femme qui s’était confiée à lui, il s’appelait Simon Deutz, et il était Juif.

Un homme, devant les Prussiens, a donné le signal pour renverser sur un lit de fumier le monument de nos vieilles gloires, il s’appelait Simon Mayer, et il était Juif[11].

Cette trinité sublime, Dieu, la Femme, le Génie, cette triple forme de l’idéal, la Divinité, la Beauté, la Gloire, de tout cela le Juif a fait de l’argent…

Avant de livrer Paris aux Juifs de la haute volée, la basse Juiverie profita de l’occasion pour assouvir un peu sa rancune séculaire. Quand un vénérable prêtre, en cheveux blancs, demanda à Dacosta quel crime il avait commis pour qu’on l’arrêtât, le Juif répondit par un mot typique où l’affectation de l’argot de Paris cache mal la haine qui vient en droite ligne de Jérusalem, « Il y a dix-huit cents ans que vous nous la faites. »

Gaston Dacosta excita particulièrement contre les prêtres Rigault, gamin féroce, sans doute, qui fut comme une manière de petit Néron ivre de toute-puissance, mais qui avait de bons moments et qui aurait fait infiniment moins de mal sans l’acolyte qui le poussait[12].

Quand on se rendit au greffe de Mazas, Gaston Dacosta, qui était aux côtés de Rigault, sans doute pour l’empêcher de faiblir, dressa la liste des otages, sur le dossier de l’un d’eux, il avait écrit d’avance : « Conservez cette canaille pour le peloton d’exécution[13] ! »

Le prénom d’Isidore de François, le directeur de la Roquette, qui présida aux exécutions, tendrait peut-être à faire croire, ainsi qu’on l’a affirmé, qu’il était également de souche israélite. Lui aussi pensait et s’exprimait comme Dacosta. « Voilà quinze cents ans, disait-il en parlant des prêtres, que ces gens-là écrasent le peuple, il faut les tuer leur peau n’est même pas bonne à faire des bottes. »

On aurait pu faire et l’on fera sans doute plus d’une découverte intéressante au point de vue de l’influence du type et de la race, en recherchant la famille de la plupart de ceux qui furent mêlés à ces horreurs, mais la France, alors, avait d’autres préoccupations. Livrée à la Prusse par les Juifs allemands qu’elle avait accueillis, saignée à blanc par Gambetta, déshonorée dans ses glorieux souvenirs militaires par Simon Mayer et les démolisseurs de la colonne Vendôme, elle allait se jeter dans les bras d’autres Mayer et d’autres Simon, elle envoyait le Bamberder à la Chambre, elle décorait le Juif Stern, elle se pâmait d’admiration devant les Rothschild qui allaient l’exploiter à fond.


Pas un homme de la majorité n’entrevit cette situation. Ce qui manqua à ces hommes qu’on appelait des cléricaux, ce fut simplement d’être chrétiens. Pas plus que les politiques de la Restauration, ils ne comprenaient la parole de l’Ecriture que nous avons déjà citée et qu’il faut toujours répéter, car elle est l’alpha et l’oméga de l’homme d’État : Discite justitiam moniti, avertis par les événements, apprenez la justice. » C’est sur la justice que revient sans cesse ce grand docteur en politique, Bossuet, « le seul, dit Doudan, dans son style toujours un peu précieux, qui eût pu faire le discours du trône de Dieu, si Dieu souffrait un gouvernement représentatif… » « Quand je nomme la justice, écrit Bossuet, je nomme en même temps le lien sacré de la société humaine, le frein nécessaire de la licence, l’unique fondement du repos, l’équitable tempérament de l’autorité et le soutien favorable de la sujétion. Quand la justice règne, la foi se trouve dans les traités, la sûreté dans les commerces, la netteté dans les affaires. » Ailleurs, il indique les conditions essentielles de l’équilibre social en une ligne plus éloquente et plus précise en sa sublime familiarité que tous les volumes des rhéteurs : « La Justice et la Paix sont deux intimes amies[14]. » « Justitia et Pax osculatae sunt. »

La justice est le premier besoin des peuples, en même temps que la garantie des intérêts, c’est la satisfaction d’une aspiration innée dans toutes les âmes humaines. La France apporte à cet amour la passion qui lui est propre. Que demande cette nation éprise d’idéal ? la justice. Que cherche-t-elle, même dans ses révolutions ? la chimère, l’ombre, la parodie de cette justice qui lui est nécessaire comme l’air pour respirer. Pourquoi la Royauté française, si chétive dans cette Ile-de-France qui fut son berceau, a-t-elle si vite et si prodigieusement grandi ? C’est que les premiers Capétiens furent, avant tout, des hommes de droiture et de justice. Quelle est l’image de roi restée la plus vivace et la plus populaire ? Est-ce celle de tant de monarques menant de hardies chevauchées et s’élançant au plus épais des rangs ennemis ? Non, c’est l’image d’un justicier assis sous un chêne. Plus que le souvenir du pont de Taillebourg défendu par un homme seul contre toute une armée, le souvenir de ces assises rustiques où chacun, sans intermédiaire, pouvait faire reconnaître directement son droit par celui qui avait la force, est demeuré gravé dans les âmes.

Pourquoi, après une si longue éclipse de la Royauté, alors que depuis de longues années le parti légitimiste n’était plus qu’un brillant état-major sans soldats, le pays appelait-il librement, spontanément, des représentants du principe monarchique ? C’est parce que la Monarchie, toujours tendre aux petits, avait su, à l’occasion, être sévère aux forts.

C’était pour faire justice que le pays, dans son intérêt, avait eu recours aux hommes de la tradition, aux députés du sol, à des hommes dont les familles, la vie ordinaire, le caractère étaient connus de tous et inspiraient confiance, en des temps troublés, à ceux-là même qui, dans les temps ordinaires, leur eussent préféré des bateleurs et des charlatans.

Il manqua à cette époque un homme animé de ce noble amour de la justice, un homme au cœur élevé, à l’âme grande, doux aux égarés, terrible aux pervers qui avaient vendu de sang-froid leur pays, qui prît la direction du parti monarchique et demandât avant tout le châtiment d’un aventurier comme Gambetta, qui s’était permis de conclure des emprunts sans l’autorisation du pays, d’un Ferry, d’un Jules Favre.

Non seulement les catholiques trahirent le mandat de justice qui leur avait été confié contre les hommes du 4 Septembre, mais ils laissèrent la répression de la Commune s’accomplir dans des conditions de sauvage iniquité.

Toute cette phase est, d’ailleurs, une de celles qui arrêteront le plus longtemps les penseurs de l’avenir qui auront là l’occasion d’étudier en action, à l’œuvre, la haute démocratie française, de voir quelle est sa moralité, ses vrais sentiments envers le peuple, la conception qu’elle se fait du Bien et du Mal, de la responsabilité, de l’égalité.

La Monarchie française, nous l’avons dit, exerçait virilement et chrétiennement sa fonction de justice, elle avait des gibets pour les financiers, les Enguerrand de Marigny et les Semblançay, de beaux échafauds de velours noir pour les Nemours, les Saint Pol, les Biron, les Montmorency, les Marilhac.

La Restauration, même dans ses défaillances et sa mollesse, n’eut pas la répression vile : elle ne prit pas le petit soldat, elle prit le maréchal prince de la Moskova, le général Mouton, la Bédoyère allié aux plus nobles familles de France.

La République fut impitoyable aux humbles, et trembla devant ceux qui avaient une apparence de situation, devant tous ceux qui avaient la noblesse bourgeoise, qui possédaient le bouton de jade du mandarin, qui étaient inscrits sur un tableau quelconque.

Tous ceux qui furent passés par les armes à Satory — à part Rossel — furent de pauvres diables, des minus habentes, des gens sans relations. Thiers avait accordé la grâce de Crémieux ; ce fut le général Espivent de la Villeboysnet qui le fit exécuter pour ainsi dire, de son initiative personnelle. Crémieux devait être fusillé en même temps qu’un chasseur à pied. Les membres de la gauche naturellement ne s’occupèrent en aucune façon du pauvre pioupiou chair à canon, bon à tuer, ils intercédèrent pour l’homme intelligent, responsable, pour l’avocat ! Le général Espivent, qui était de vieille race française, ne comprenait pas la démocratie de cette façon, et il déclara nettement qu’il entendait que l’avocat eût le sort du soldat[15].

Cette histoire de la Commune, encore si peu connue et dont la face changera complètement dès qu’on publiera les documents incroyables qui sont en quelques mains[16], fut le triomphe des petits papiers.

Tous les hommes du 4 Septembre, les Jules Simon, les Jules Favre, les Picard, Thiers lui-même, avaient été en relations avec la plupart des chefs de la Commune, et ne s’occupaient qu’à éviter les révélations compromettantes. Les instructions faites une première fois furent refaites à nouveau avec injonction de supprimer certaines accusations. On faisait évader ceux qu’on ne pouvait justifier[17], et il n’était point de jour où l’on ne saisît quelques lettres adressées clandestinement aux prisonniers comme celles que Jules Favre écrivait à Rochefort.

Les captifs se servaient des gages qu’ils pouvaient avoir — ce qui est assez compréhensible — et les avocats prévoyants imitaient ce bon Jolly, sur la tombe duquel Gambetta prononça un si beau discours, et se nantissaient des moindres chiffons de papier des captifs pour s’en servir plus tard contre eux[18].

Quelques pages noircies d’encre étaient alors le meilleur talisman contre la mort violente. Ranc, né malin, se saisit de la cassette de Thiers et Pallain entra dans la vie politique en allant négocier pour la reprendre. La légende rapporte que la cassette fut rendue, mais absolument vide, l’étonnante fortune de ce Pallain qui, malgré son absolue nullité, trouva moyen d’être directeur dans trois ministères à la fois, semblerait indiquer cependant qu’un ou deux papiers étaient restés dans la cassette. Le reste, toujours d’après la légende, aurait sauvé Ranc de toute poursuite après la chute de la Commune, c’est, en tout cas, un fait qui témoigne peu en faveur de l’indépendance de la justice militaire, qu’un homme qui mérite d’être condamné à mort le 13 octobre 1873 puisse se promener tranquillement jusqu’à cette époque et même siéger à la Chambre, sans que nul s’avise de le poursuivre. Ou il était coupable ou il ne l’était pas, dans le premier cas il eût été naturel de le poursuivre de suite, dans le second cas il eût peut-être été plus équitable de ne pas le condamner.

L’historien de l’avenir n’oubliera pas, sans nul doute, de compléter ce tableau par les traits qui éclairent les mœurs de tout ce monde qui criait tant contre la corruption des tyrans. Nous avons constaté, en parlant du gouvernement de la Défense nationale, que la France, sous le rapport des garanties et des droits, avait rétrogradé au delà des tribus Cafres, puisqu’on disposait du sang de ses enfants, de son argent, de ses destinées, sans daigner la consulter. Sous le rapport moral, c’est la lapinière qui parait être le modèle de la haute démocratie française dont des circonstances exceptionnelles mettent en pleine lumière la vie privée.

Cette lapinière a cependant un caractère, particulier, c’est une lapinière dans une étude de procureur, dans un cabinet d’homme de loi, le clapier témoin de ces amours semble être un carton vert. Jules Favre ne se contente pas d’avoir des enfants naturels, il s’ingénie à les faire entrer de force dans le cadre normal, il torture le code à propos d’eux, il commet des faux, il fait fusiller Millière qui a dénoncé ces infamies, il séquestre pendant trois mois, dans la maison de détention Versailles, l’infortuné Laluyé qui connaît trop de secrets intimes pour qu’on le laisse vivre et qui en effet finit par succomber aux mauvais traitements dans une autre prison[19].

Tout ce monde, amis ou ennemis, se tient ainsi par des histoires de doubles ménages, d’adultères entrecroisés, de fils supposés, de précautions légales prises pour transmettre une fortune, un nom, un titre parfois.

À tous ces trafics honteux, à ces marchandages, à ces impunités accordées aux gens dont on a peur, aux gens qui de près ou de loin touchent encore à la bourgeoisie, il faut opposer, pour achever la peinture de l’état d’âme des républicaine de 1871, le plus effroyable mépris de la vie humaine qu’on ait jamais vu à aucune époque.

Dans l’histoire, je cherche avant tout non le détail à scandale, mais le détail à symptôme, non le renseignement à sensation, mais le renseignement à réflexion. J’estime que des faits minuscules sont aussi intéressants pour l’étude d’une époque que des faits importants. Dans les grands faits effectivement, les batailles, les événements extraordinaires, c’est Dieu qui se révèle, dans les petits faits, c’est l’homme qui se trahit. Je regarde, par exemple, comme un excellent document cette conversation que le baron Olivier de Watteville, alors inspecteur général des prisons, eut avec Calmon, alors sous-secrétaire d’État au ministère de l’intérieur, et qu’il m’a autorisé à reproduire

M. de Watteville voulait maintenir l’arrestation d’un M. B. de M. que le gouvernement décora plus tard.

— C’est un de nos agents, laissez-le libre.

— Mais, Monsieur le sous-secrétaire d’État, il a fait fusiller quatorze gardes nationaux réfractaires à la Commune.

— C’était pour mieux cacher son jeu…

— C’est bien consolant, Monsieur le sous-secrétaire d’État, pour les familles des victimes.

Qui a prononcé ce mot affreux ? Est-ce un Sylla pour lequel la raison d’État justifie tout ? Un soldat habitué à risquer sa vie et pour lequel la vie des autres n’a pas plus de prix que la sienne ? Non, c’est un bureaucrate, un centre gauche, un libéral, un représentant des idées modernes, un membre de l’académie des Sciences morales et politiques. Quelle politique et surtout quelle morale on enseigne dans ces endroits-là !

Ce qu’il tomba d’êtres humains dans ces jours terribles, la moisson sanglante que fit la mort, nul ne le saura probablement jamais.

Les écrivains communalistes qui admettent le chiffre de trente mille morts sont plutôt en deçà qu’au delà de la réalité. Les hommes qui par leurs fonctions ont vu les choses de près avouent trente-cinq mille dans l’intimité. M. de Watteville, directeur au ministère de l’instruction publique, le frère de celui dont je parlais tout à l’heure et qui pénétra un des premiers dans Paris, fixe à quarante mille le nombre des victimes tant du côté de la troupe que du côté des insurgés.

On ne s’explique le chiffre dérisoire de six mille cinq cents morts donné sérieusement par M. Maxime Du Camp que par les conditions spéciales dans lesquelles travaille l’écrivain. Pour élever un monument qui, malgré ses imperfections, sera d’un considérable intérêt pour l’avenir, M. Maxime Du Camp a dû s’adresser toujours aux sources officielles et il a trouvé partout le concours le plus empressé, mais sous la réserve de ne point dire certaines choses, de se maintenir toujours dans une certaine convention.

La Franc-Maçonnerie juive, qui voulait dépeupler Paris pour faire place aux étrangers et les hommes du 4 Septembre qui voulaient châtier leurs électeurs révoltés, et, eux aussi, les aller chercher « dans leurs repaires, » eurent chacun de leur côté une idée ingénieuse qui prouve que le Progrès n’est pas un vain mot.

Les étrangers qui conduisaient la Commune changèrent les bataillons de quartier, ils les désorientèrent, les bataillons fédérés du boulevard Malesherbes combattaient à la place de la Bastille, les bataillons de la rue Mouffetard étaient boulevard Malesherbes. Cette mesure facilita les incendies, car des hommes connus dans une rue auraient hésité à allumer le feu chez leurs voisins, elle rendit la répression plus rigoureuse. Une fois vaincus, les soldats de la Commune ne purent échapper aux balles, dans leur quartier ils auraient été au courant des issues, ils auraient trouvé de l’aide pour se cacher. Toutes les portes, au contraire, se fermèrent devant eux et ils tombèrent par centaines sur les trottoirs ou la chaussée.

L’idée des républicains de Versailles était également bonne. Les généraux avaient demandé qu’on fit marcher les gardiens de la paix en tête de chaque colonne. Grâce à leur connaissance de Paris, la ville eût été reprise en quarante-huit heures, et l’on ne fût pas, comme il arriva, resté une journée entière devant un mur qu’on pouvait tourner en quelques minutes. Picard et Jules Favre s’opposèrent à cette mesure et réussirent ainsi à rendre la lutte beaucoup plus longue, l’exaspération plus vive, le massacre plus barbare.

Aux fédérés fusillés à la Petite Roquette, à la caserne Lobau, au parc Monceau, à la porte de Versailles, il faut ajouter mille deux cents hommes qui, pour diverses causes, insubordination, tentative d’évasion, furent passés par les armes non sur le plateau, mais dans les bois de Satory, où l’on exécutait encore le 10 juillet. Il faut encore joindre a ce chiffre ceux que la maladie décima. Les prisons, les Chantiers notamment, furent un enfer. Les malheureux gardés par des gendarmes le fusil chargé n’avaient pas le droit de se lever pour satisfaire leurs besoins, ils croupissaient au milieu de leurs ordures, au moindre mouvement on faisait feu.

Les députés conservateurs laissèrent tout faire, ils ne comprirent pas la parole de l’Ecriture : justitiæ Dei sunt rectæ, ils n’eurent ni les belles miséricordes ni les sévérités nécessaires. Ils causaient familièrement avec des hommes qui avaient usurpé le pouvoir et pénétré violemment dans l’ærarium et ils étaient impitoyables pour les malheureux qui, pressés par la misère, avaient accepté une petite place sous la Commune et barboté quelques sous dans une caisse où les gens du 4 Septembre, tous pauvres avant, tous riches après, n’avaient pas laissé grand chose.

Pour les infortunés de cet ordre ils étaient sans merci, ils ne trouvaient pas de tortures suffisantes pour les punir, ils les expédiaient au delà des mers dans des espèces de cages et regrettaient sans doute de ne pouvoir les envoyer tous au plateau de Satory.

Est-ce donc que le cœur des hommes de la droite fût cruel ou leur intelligence médiocre ? Non, seulement ils avaient le cerveau conformé d’une certaine façon, ils voyaient comme cela, ils étaient imbus des préjugés les plus bourgeois. Un homme, qui occupait une situation dans le monde, comme Jules Favre, pouvait tout se permettre, faire tuer des milliers de créatures humaines sans être jamais inquiété ; l’idée de fusiller un bâtonnier de l’ordre des avocats, un académicien, eût semblé sacrilège à ces gens polis, comme l’idée de livrer au bourreau un cardinal, un ’porporato’, l’eût paru aux souverains d’autrefois.

Les meneurs de l’Assemblée, d’ailleurs, avaient eu la soif du pouvoir et, au contraire, n’avaient jamais eu faim ; l’ambition leur semblait donc excusable dans ses plus abominables malfaisances, tandis que le malheureux, qui avait pris un emploi pour manger, leur paraissait digne de tous les châtiments puisqu’ils ne le comprenaient pas.

La notion de la réalité fut ce qui manqua surtout à ces hommes d’une honnêteté indiscutable, mais d’une expérience pratique nulle, qui, n’étant ni illuminés par en haut, ni renseignés par en bas, devraient fatalement être vaincus par des hommes qui sortaient tout meurtris, tout vibrants, tout fumants, tout souillés parfois de la vie la plus réelle et la plus difficile.

Prenez le plus illustre de ces vaincus, le duc de Broglie. Que pouvait-il savoir du Paris moderne ? Il n’avait probablement jamais mis les pieds ni dans un atelier, ni dans un café, ni dans un lupanar, il n’avait causé, les yeux dans les yeux, ni avec des ouvriers déraisonnant après leur journée faite, ni avec des agitateurs de carrefour, qui remuent la société en bouleversant des dominos, ni avec des filles qui vivent et meurent de la corruption des villes. Il quittait sa maison pleine d’exemples dignes d’être imités, de glorieuses traditions, de sentiments élevés, pour aller en voiture vers un autre salon où il retrouvait la même atmosphère, il n’était jamais sorti d’un monde où l’on parle et où l’on pense noblement, où les faiblesses mêmes se voilent d’apparences idéalistes, où les passions sont rarement basses. En regardant en lui-même, il n’apercevait rien qui fût une dégradation de l’homme, il se voyait tout jeune, travaillant comme s’il avait sa carrière à faire, obstinément fidèle, dans son optimisme généreux, à certaines idées libérales, ayant de l’orgueil, sans doute, mais le bel orgueil des lettres, la louable ambition de rendre des services à son pays.

Evidemment, cet ancien président du Conseil aura été mêlé activement au mouvement d’un siècle où le Juif a tout conduit et conduit tout sans avoir vu le Juif, sans deviner son rôle une minute, sans soupçonner ce que peut contenir de haine contre la vieille société française, contre l’aristocratie, contre le Christ, le cœur d’un Juif allemand, dont les pères ont été pendus entre deux chiens. Si le Juif lui est apparu, ce n’est guère que sous la forme d’un baron déjà débarbouillé, fort honoré d’être en pareille compagnie et s’y tenant à peu près convenablement ; il ne s’est pas douté que celui qui venait de l’appeler obséquieusement « mon cher duc » soudoyait les insulteurs qui allaient criant par les rues : « Demandez la banqueroute de l’Union générale, le suicide de M. Bontoux, l’arrestation du prince de Broglie ! »

Si on interrogeait sur la question juive l’ancien ministre des affaires étrangères, on retrouverait évidemment chez lui les théories tolérantes et larges que lord Macaulay, qui fut un orateur applaudi et un fin lettré, comme le duc de Broglie, développait, en 1831, dans son Essai sur les incapacités politiques des Juifs.

Avec moins d’éloquence et de mérite, la plupart des membres de la droite vivaient comme le duc de Broglie, dans la même sphère irréelle. Je gage bien que le vicomte Othenin d’Haussonville, par exemple, ne savait pas, quand il était député, le quart de ce qu’il a appris en allant parcourir les garnis, les bouges et les bals publics, pour son beau livre de l’Enfance à Paris.

Le premier qui s’occupa sérieusement des questions ouvrières, au point de vue conservateur et chrétien, fut un soldat. Pourquoi ? Parce que ce soldat avait vu la Commune de près, parce que le métier militaire, qui fait vivre au milieu de toutes les classes de la société rassemblées, met de suite un homme de la valeur du comte de Mun en face de la réalité, écarte les préjugés de l’éducation et les conventions de cénacle, constitue comme une admirable école d’observation pour des hommes qui sont organisés pour comprendre et pour penser.

Quoi qu’il en soit, les monarchistes de l’Assemblée de Versailles ne profitèrent de leur situation que pour assumer l’odieux d’une répression impitoyable que désiraient vivement, dans leur cœur, les futurs séides de Gambetta.

Ils frappèrent, à bras raccourcis, sur les petits et sur les humbles. L’usurpation des fonctions surtout, je l’ai dit, trouvait implacables ces naïfs qui n’avaient pas eu le courage de faire passer en jugement les hommes du 4 Septembre.

Les membres de la commission des grâces, Tailhand, Corne et autres Batbie, envoyèrent à la Nouvelle-Calédonie, comme coupable d’usurpation de fonctions, un vieillard qui, je crois, avait accepté sous la Commune d’être quelque chose comme sous-inspecteur des lampes dans un ministère.

Un jour qu’ils ergotaient sur ce cas, Gambetta passa, entendit quelques lambeaux de conversation et frappant vigoureusement, selon son habitude, sur l’abdomen d’un des membres de la commission :

— Bravo ! Messieurs, cria-t-il, avec un gros rire, s’il a usurpé, qu’il soit puni ! Soyons sans pitié pour ceux qui usurpent les fonctions publiques !

Puis il s’éloigna en les regardant d’un air de mépris.


Les années 1872 et 1873 virent donc le triomphe complet d’Israël. Il y eut, d’un bout à l’autre de l’Europe, un hosannah juif qu’accompagnait le bruit des millions. Les Juifs refirent, mais en des proportions prodigieuses, ce que Rothschild avait fait en petit au moment de la liquidation de 1815, ils s’enrichirent en prêtant aux Français, ils reprirent aux Prussiens ce que les Français leur avaient payé. Des cinq milliards quatre au moins restèrent dans leurs mains.

Bismarck n’avait rien à refuser à ceux qui l’avaient commandité pour la guerre ; Thiers était à genoux devant ceux qui donnaient comme une apparence de gloire financière à un pays écrasé sous toutes les hontes de la défaite.

Le roi du moment ce fut le Bleichroeder pour lequel la France devait entreprendre plus tard l’expédition de Tunisie.

C’est dans la seconde partie de ce travail, l’Europe juive, que nous aurons à nous occuper de l’Allemagne qui ne nous intéresse ici que par l’écho qu’eurent chez elle les spéculations dont le principal théâtre était la France.

Une étude fort remarquable, publiée dans la Revue du monde catholique et signée Hermann Kuntz, suffit à nous donner pour le moment l’essentiel pour le portrait et le rôle du personnage.

M. Bleichroeder, dit M. Kuntz, a en la plus grande part dans toutes les affaires financières et d’agiotage de la France nouvelle depuis 1866 à 1870[20]. Lorsque Paris dut payer sa rançon, Bismarck en appela aux lumières de M. Bleichroeder. Il le fit venir à Versailles pour vérifier les fonds avancés par son associé et ami intime, M. de Rothschild, dont la femme jouait l’irascible patriote au point que le pauvre ambassadeur d’Allemagne, comte Harry d’Arnim, crut nécessaire de s’en plaindre peu diplomatiquement. M. Bleichroeder reçut la croix de fer et fut gratifié de la particule, en récompense de cet éminent service. Sa fortune est devenue immense et ne le cède en rien à celle d’un Rothschild. Après son anoblissement, il fut créé aussi premier consul général d’Autriche. En cette qualité, il donna un dîner de cinquante couverts au corps diplomatique. La table, dressée dans une salle à manger décorée par les premiers artistes, était chargée de surtouts, candélabres, etc., en or et argent richement travaillé. Derrière chaque convive se tenait un domestique portant la livrée de la maison, surchargée de broderies d’or. On peut se figurer l’effet que devait produire la description de ce festin somptueux et de l’orfèvrerie estimée à plusieurs millions de M. Bleichroeder en l’an de grâce 1876, au moment où la population de Berlin était aux abois par suite du crack de 1873[21].

L’Allemagne ne tarda pas à comprendre le sens de la scène du Second Faust, dont nous parlions plus haut. Dupe d’une véritable fantasmagorie, elle croyait, avec le papier monnaie créé par le Juif, posséder de l’or réel et s’aperçut bientôt que cet or lui avait glissé entre les mains. Au bout de trois ans elle n’avait plus entre les doigts que des chiffons de papier qui valaient moins que des feuilles mortes, et tout l’or remué était allé s’enfouir dans les poches juives.

Les pertes infligées au peuple allemand, dit M. Kuntz, pendant cette période d’agiotage effréné, sont calculées à trois et même à cinq milliards par les statisticiens. On estime à trois ou quatre cent mille les familles de propriétaires, d’industriels, de petits capitalistes qui ont été ruinées pendant que les journaux les grisaient de gloire et excitaient leur haine contre l’Eglise, les jésuites, les œuvres religieuses.

En échange des milliards qu’ils volaient, les Israélites d’Allemagne organisèrent, en effet, le Culturkampf, qui leur a donné l’agitation anti-sémitique, comme la part qu’ils ont prise chez nous à l’expulsion de pauvres religieux de leurs cellules leur vaudra d’être expulsés de leurs palais.

Agiotage et persécution allaient, d’ailleurs, chez nous aussi, marcher de compagnie. Au préalable, les Juifs préparèrent cet envahissement qui est le complément obligé et en réalité le seul résultat appréciable de toutes les révolutions en France, ils attirèrent vers Paris tous les errants, tous les aventuriers, tous les négociants en mauvaises affaires du monde israélite, ils les casèrent dans les vides qu’avait faits la Commune dans les quartiers populeux.

En juin, juillet, août, septembre 1871, certaines rues semblaient désertes. A la fin de l’année, tout était plein, animé, vivant. Le Parisien pur sang, qui parcourait la ville en observateur, était tout étonné de rencontrer partout des types étranges qu’il n’avait jamais vus, de voir sur toutes les boutiques des noms de Mayer, de Jacob, de Simon.

Grâce à la facilité de la naturalisation, à l’incendie prémédité des actes de l’état civil, à la complaisance d’employés qu’on avait mis dans tous les endroits nécessaires, ces intrus se firent rapidement une sorte d’identité. Une difficulté les gênait, c’était ce diable d’accent allemand, ils jouèrent alors de la corde alsacienne et le bon M. d’Haussonville, avec la candeur qui caractérise notre aristocratie, les aida merveilleusement par cette société des Alsaciens-Lorrains qui, malgré ses louables intentions, nous a causé un mal incalculable.

Que n’aurait-on point fait pour ces Juifs alsaciens qui disaient si patriotiquement, avec l’un d’eux, le rabbin Isaac Bloch, si vertement relevé jadis par l’Univers, que la guerre de Prusse avait été conseillée par le Pape pour faire égorger les honnêtes gens, et que les Prussiens, conduits par la main de Dieu, étaient arrivés heureusement pour punir les coupables et faire sauver les innocents.

Qu’elle est touchante et qu’elle est grande cette généreuse et chère Alsace, qui a payé pour la France tout entière ! Quel cœur ne se sentirait remué en pensant à cette noble province que la guerre a séparée de nous ! Gloire à celle-là qui, silencieuse et digne, se penche sur ses houblonnières pour cacher ses larmes, et, quand elle relève la tête, interroge tristement l’horizon pour y chercher ce qui fut la Patrie !

Gloire à celle-là ! Mais honte à cette Alsace théâtrale qui s’est mise aux gages des saltimbanques, à cette Alsace de vitrine et de café concert que l’on voit partout, posant ou roucoulant des romances avec son éternel nœud dans les cheveux, à l’Alsace pleurarde, intrigante et quémandeuse qui déshonore la plus auguste infortune que jamais la terre ait contemplée.

L’une se recueille et prie, l’autre bat la caisse avec son deuil, vit de l’annexion comme le Savoyard vivait de sa marmotte, organise des représentations à bénéfice et des tombolas bruyantes où les Allemands qui figurent dans le comité mettent comme gros lot un zèbre pour rappeler, disent-ils, avec leur esprit un peu lourd, la rapidité avec laquelle les Français fuyaient en 1870.

L’une a donné Kléber, Kellermann et Rapp à la France ; l’autre se personnifie dans le type grotesque qu’on appelle là-bas le Schmuler, elle a donné des Koechlin Scharwtz, des Scheurer Kestner, des Risler, elle a enfanté des femmes assez mortes à tout patriotisme pour épouser les Floquet et les Ferry, les affameurs de Paris assiégé[22].

L’une doit être respectée et baisée au front comme une mère persécutée, l’autre doit être traitée comme une fille de brasserie éhontée qui salit dans la débauche un costume qui devrait être sacré désormais.

Les envahisseurs ne se contentèrent plus seulement d’être Alsaciens, ils furent Alsaciens Lorrains, ils eurent deux noms comme on a deux mains, pour prendre davantage.

Qu’ils vinssent de Cologne, de Francfort, de Hambourg, de Wilna, tous ces étrangers étaient patriotes fougueux. S’ils n’avaient pas été trahis par les officiers héroïques de Saint-Privat, de Gravelotte, de Bazeilles, on en aurait vu de belles ! La France de saint Louis, d’Henri IV, de Napoléon, de Condé, de Bossuet, de Fénelon avait croupi dans l’ignorance, ils ne voulaient plus de cela, ils n’entendaient plus être tyrannisés par leurs aïeux. Si vous leur demandiez ce que faisait en France leur arrière grand-père ou leur grand-père dans ces époques maudites, s’il était marchand, ouvrier, soldat, dans quelle ville il habitait, ils restaient cois, se sentaient devinés, et murmuraient : « C’est un clérical. »

Leurs opinions, d’ailleurs, trahissaient vite la fausseté des sentiments qu’ils affichaient avec, fracas. S’ils avaient aimé vraiment la France, ils eussent prononcé avec admiration le nom de Louis XIV qui avait réuni l’Alsace au royaume, leur grand homme, au contraire, était Gambetta qui, en prolongeant la guerre, était seul cause de la perte de deux provinces.

L’admirable solidarité des Juifs entre eux, leur esprit d’intrigue, permirent aux nouveaux venus de se débarrasser rapidement de tout ce qui, dans le petit commerce ou la moyenne industrie, était encore de tempérament français, avait gardé le bon sens et le jugement fin de leurs ancêtres. Ils se faufilèrent dans tous les comités et bientôt en eurent éloigné tout ce qui les gênait, ils embrigadèrent leurs ouvriers et les accoutumèrent à recevoir servilement un mot d’ordre. Ils parvinrent ainsi à faire élire dans cette ville, qui se prétendait patriote, des Badois comme Spuller et des Francfortois comme Leven.

Dès 1873, les Juifs avaient pris ouvertement la direction du mouvement républicain à Paris et forcé à les suivre la plupart des négociants qui voyaient clairement qu’on allait à la ruine, mais qui n’osaient résister, dans la crainte que le crédit ne leur fût coupé par les banques israélites. Dans la pétition adressée à M. Feray d’Essonne, par les représentants du commerce parisien, pour le féliciter d’avoir fait acte d’adhésion à la République, figurent 45 juifs parmi 160 signataires.

Nous trouvons là tous ceux qui, au début, ont contribué à donner à la République une apparence rassurante, au point de vue des intérêts : les Beaucaire, les Brunswig, les Cahen, Francfort et Elie, Godchaux, Hirsch, Heymann, Lantz, Lazard, Lyon, Oppenheimer, Rheims, Simon frère et Guesdon, Schwaab, Schwob, Trèves, Wimpfen. On remarquera combien de noms, parmi ceux-là, trahissent une origine allemande. Rien que ceci aurait dû donner l’éveil à la population parisienne et lui montrer où étaient ses véritables intérêts.

Selon leur habitude, les Juifs cherchèrent un faux Messie et l’eurent vite trouvé dans Gambetta. Nous peindrons, au chapitre consacré au personnage, le groupe d’affranchis qui se forma autour de lui et le monde spécial dont il fut le porte parole ou plutôt le docile instrument.

Mac-Mahon ne les gêna pas beaucoup. Fidèles à leur inexplicable engouement pour les demi-étrangers, les conservateurs, au lieu de s’adresser à un brave général, de souche bien française, à Canrobert ou à Ducrot, qui aurait risqué sa vie et aurait gagné la bataille, mirent leur confiance dans ce soldat fourbe qui, lui aussi, « ne parlait jamais et mentait toujours. »

Quoique le type fût affreusement mâtiné chez lui, Mac-Mahon, petit-fils d’Irlandais, peut être considéré comme un représentant de la race celtique au pouvoir.

« Le Grec a écrit Paul de Saint-Victor, fut l’enfant de génie de la famille aryenne. » On peut dire du Celte qu’il a été l’enfant terrible de cette famille.

Les Celtes ont eu des héros, des prophètes, des poètes on n’a jamais compté parmi eux un homme politique. De siècle en siècle sortent de cette race quelques personnages extraordinaires et presque légendaires. C’est un Celte que Du Guesclin, qui réconcilie la France avec la Victoire, c’est une Celte que Jeanne d’Arc, qui sauva la Patrie, elle-même semble avoir eu quelque révélation de cette identité d’origine avec le vainqueur de Cocherel. Quand elle monte à cheval pour aller délivrer Orléans, c’est à Jeanne de Laval, la veuve de Du Guesclin, que celle qu’inspiraient les Fées des fontaines envoie son anneau de jeune fille. C’est un Celte encore que Marceau, né à Chartres, en pleine terre druidique, un Celte comme la Rochejacquelein, qu’il rencontre au milieu de la mêlée, sur la place du Mans. Au moment où ils s’élancent l’un sur l’autre, le sabre haut, les soldats les séparent comme s’ils devinaient que c’étaient deux frères qui allaient combattre entre eux.

La promptitude à se dévouer, cette spontanéité, ce bel élan d’enthousiasme qui suscite tout à coup, du milieu de cette race des êtres d’inspiration d’une grandeur presque surhumaine, tous ces dons précieux sont annihilés par l’absence de toute faculté d’ordre, de mesure. Comme organisation sociale les Celtes livrés à eux-mêmes n’ont jamais pu dépasser le clan.

L’Irlande est morte des divisions de famille à famille, Pendant la guerre de Vendée, Charrette, Stofflet, le prince de Talmont passaient leur temps à se disputer et n’ont jamais pu combiner un mouvement général. Très capables d’accomplir quelque exploit exceptionnel, les Celtes sont hors d’état de poursuivre quelque dessein d’une façon suivie.

Mac-Mahon avait eu toutes les qualités de sa race sur le champ de bataille, il en eut tous les défauts au pouvoir. Il fut invraisemblablement grotesque comme Président, se laissa chasser d’une situation inexpugnable, ne parvint jamais à rien comprendre et finit par capituler honteusement devant quelques avocats qui tremblaient dans leur peau toutes les fois qu’il cherchait son mouchoir, en croyant qu’il allait saisir son épée. Il n’eut ni la souplesse, l’habileté politique d’un Grec comme Thiers, ni le sentiment du devoir, le respect de la parole, la ténacité à soutenir son droit qu’aurait eu un Germain. Thiers l’appelait « le soldat déloyal » et il justifia ce jugement en abandonnant tous ceux qui avaient cru à sa promesse formelle « d’aller jusqu’au bout. »

Avant lui Trochu, un autre Celte, avait agi exactement de même, n’essayant même pas de défendre la souveraine à laquelle il avait adressé des déclarations emphatiques, accumulant pendant des mois entiers mensonges sur mensonges comme un enfant qui est tout heureux de gagner une heure et s’évadant d’une responsabilité qu’il avait cherchée par vanité par un subterfuge digne d’un sauvage[23].

Chez Trochu comme chez Mac-Mahon, les deux hommes qui, pour notre malheur, jouèrent un rôle si considérable dans nos affaires, vous trouvez la même duplicité naïve. Quand le comte de Chambord descend à Versailles chez le conte de Vanssay, le Maréchal refuse de le recevoir ; à l’envoyé du Prince Impérial, au contraire, il répond qu’il est légitimiste ; il trahit tout le monde, il empêche tout par une sorte d’ambition personnelle très confuse qu’il n’ose s’avouer à lui-même. L’ambition est toujours ainsi chez le Celte, elle ne se détache pas en pleine lumière, en plein relief comme les objets dans le Midi, elle est indécise et lunaire comme un paysage d’Ossian.

Les Juifs, près du Maréchal, agirent par le baron Sina, et les Castries. Le baron Sina, richissime Juif de Vienne, qui avait embrassé la religion grecque, avait donné une de ses filles à un Castries, l’autre au prince Ypsilanti, qui avait des droits assez sérieux à la couronne de Grèce. Le beau-père, quand il avait accepté ce gendre absolument ruiné d’ailleurs, se voyait déjà assis sur les marches du trône hellénique et faisant pour le pays un emprunt dont il réglerait lui-même le courtage. Soit que la perspective d’être gouverné indirectement par un Juif, fût-il baptisé, ne leur dit rien, soit qu’ils fussent contents du roi Georges, les Grecs ne montrèrent aucun enthousiasme pour les droits du prince Ypsilanti et le baron mourut sans avoir réalisé son rêve. Mais la famille hérita de l’idée. Gambetta eut l’adresse de persuader aux Sina qu’il ne demandait pas mieux que d’appuyer la candidature du prince Ypsilanti au trône de Grèce et ceux-ci, de leur côté, firent tout ce qu’ils purent pour empêcher Mac-Mahon, qui chaque année allait chasser chez eux, de s’opposer sérieusement à l’établissement d’une République juive en France.

Les innombrables négociations à propos de Dulcigno, les commerces bizarres avec les Kohkinos et les Tricoupis n’ont pas eu d’autres raisons d’être.

Le duc Decazes, associé à beaucoup d’affaires financières, était, lui aussi, sous la domination des Juifs. La mère de la duchesse Decazes, Mme de Lowenthal, mariée au fils d’un banquier juif, avait été à Vienne l’âme damnée du baron de Hirsch[24]. On avait même annoncé les fiançailles de la fille du duc Decazes avec le jeune Lucien de Hirsch.

Le grand malheur de la France, alors, fut de ne pas trouver, pour se mettre à la tête de la politique, de vrais représentants du sol, de tomber dans les mains de cette noblesse particulière très modernisée, très avide d’argent, très mêlée aux spéculations de Bourse et par conséquent très enjuivée.

Le seul, qui fut au-dessus de ces préoccupations et qui eut une valeur morale incontestable, le duc de Broglie, fut constamment trompé par Léon Say.


La France put, cependant, avoir un moment l’ombre d’une espérance, elle avait trouvé un auxiliaire inattendu dans un Prussien aussi admirablement organisé, peut-être, pour la politique que le prince de Bismarck, mais moins viril que lui, affaibli et usé jusque dans les moelles par la passion qu’il eut toujours pour l’essence féminine, le Weibliches weren dont parle Goethe.

L’histoire, plus tard, dramatisera ce court combat entre le Chancelier de fer et le diplomate, comme elle a dramatisé la lutte de Cinq-Mars et de Richelieu, elle rendra ses véritables proportions à cet épisode qui aurait pu avoir des conséquences considérables sur les destinées du monde et qui passa presque inaperçu, grâce à cette presse juive, toute entière cette fois encore du côté du prince de Bismarck, et qui ne laisse apparaître des événements contemporains que ce qu’il en faut pour tromper l’opinion.

Le comte Harry d’Arnim n’était pas un simple favori comme Cinq-Mars, essayant de renverser, pour plaire à une coterie, un ministre supérieur à lui, il était considéré par le prince de Bismarck, lui-même, comme le seul homme qui pût le remplacer. Au commencement de 1872, le Chancelier avait même proposé à l’Empereur de nommer l’ambassadeur de France son ad latus.

Le comte d’Arnim voulait davantage. Secondé par la majeure partie de l’aristocratie allemande, appuyé par l’impératrice Augusta, il rêvait de se substituer à Bismarck et de continuer son œuvre, mais en changeant complètement le plan d’opération.

Le prince de Bismarck, comme il l’a déclaré avec la brutale franchise qui lui est habituelle, encourageait la République juive en France pour que la France fût impuissante, méprisée, déshonorée en Europe, sans s’occuper des dangers que présentait pour le monde le foyer d’infection qu’il laissait grandir.

Le comte d’Arnim, au contraire, voulait guérir la France pour que l’Europe ne tombât pas malade grâce à ce voisinage. Il s’inspirait de la maxime de Philippe II : « Mieux vaut éteindre l’incendie dans la maison de son voisin que de l’attendre dans la sienne. » A la France, une fois en monarchie, soit avec le comte de Chambord, soit avec le Prince Impérial, il offrait la Belgique et Metz en compensation de l’Alsace, tandis que l’Allemagne occupait la Hollande, et devenait une puissance maritime. L’Angleterre qui, en dépit des déjeuners du prince de Galles avec Gambetta, nous a constamment trahis et a fini par prendre Chypre et l’Égypte à notre barbe et à notre nez, était tenue en échec pour longtemps. L’Europe entrait dans une ère de paix et d’ordre qui aurait pu se prolonger un siècle.

Le prince de Bismarck, qui agissait alors de concert avec les Juifs[25], brisa comme verre le malheureux d’Arnim, qui, privé de ses emplois, dépouillé de tous ses titres, alla mourir en Suisse du chagrin d’avoir perdu une si belle partie : Tous ceux qui avaient été mêlés à ce mouvement, qui avait des ramifications partout en Allemagne, s’enfuirent pour échapper aux condamnations rigoureuses que fit pleuvoir sur eux M. de Bismarck, en un pays où les délits politiques sont assimilés à des délits de droit commun, où le régime est le même pour l’écrivain qui a attaqué le Chancelier que pour le voleur qui a dérobé un porte monnaie !

Le comte d’Arnim, d’ailleurs, ne trouva pas en France un conservateur pour le comprendre. Mac-Mahon et le duc Decazes laissèrent la baronne de Rothschild insulter, dans une réception officielle, l’ambassadeur d’une grande puissance qui poursuivait un dessein favorable à la France.

On ne croirait pas à cet aplomb d’une Juive, dont le grand père rognait des écus dans la Judengasse de Francfort, si les documents diplomatiques n’étaient pas là[26].

Le pauvre ambassadeur, qui sent bien que l’affront qu’on lui a fait a été inspiré de Berlin et qu’on obéit à un mot d’ordre de Bleichroeder[27], écrit au duc Decazes :

Il me semble que l’ambassadeur d’Allemagne, engagé à se présenter dans la maison la plus officielle de France, devrait pouvoir compter que les personnes admises, en même temps que lui, à l’hospitalité du chef de l’Etat, soient tenues de ne pas manifester par une attitude d’animosité rancunière et de nonchalance calculée que — pour ce qui le concerne — la paix n’est pas rétablie entre la France et l’Allemagne.

Vous et moi aurions répondu immédiatement : « Monsieur le comte, je suis désolé qu’on ait invité une personne aussi mal élevée, si elle a le malheur de se représenter à l’Élysée, je vous promets de la faire flanquer à la porte par les domestiques. »

L’infortuné Decazes songe à ses actions que Rothschild peut faire baisser le lendemain à la Bourse et il accouche du billet suivant qui, du reste, n’est pas mal tourné :

Paris, le 12 septembre 1873.

C’est au moment où commence mon audience que je reçois, monsieur le comte, votre lettre particulière datée d’hier.

Je ne parviens ni à admettre ou à comprendre qu’une pareille inconvenance ait pu se produire. C’est en vérité, M. le Maréchal, qui plus que tout autre, en serait surtout et directement atteint. Je vais donc l’entretenir de cet incident et prendre ses ordres.

En attendant, votre Excellence voudra bien agréer, avec mes regrets de ce qui ne peut être qu’un malentendu, l’expression bien cordiale de ma plus haute considération.

Quant au faubourg Saint-Germain, il est encore persuadé que la baronne de Rothschild, dont le mari était le banquier de M. de Bismarck et l’associé de Bleichroeder, a obéi à un mouvement de patriotisme, à un accès de chauvinisme français en insultant l’ambassadeur d’Allemagne. Les larmes viennent aux yeux de tous quand on raconte cette histoire. « La bonne baronne, murmurent les femmes, comme elle nous aime ! »

En revanche, les mêmes gens qui passent leur vie avec des Juifs prussiens, qui les invitent à toutes leurs fêtes s’indignent bruyamment dans leur patriotisme quand ils voient la bannière des Socialistes allemands figurer aux enterrements à côté de la bannière des Socialistes français.


Malgré tout la France, la vraie France honnête, patriote, travailleuse désirait tant la Monarchie, elle en avait tant besoin que la restauration de la Royauté fut bien près de se faire.

En réalité, le seul obstacle ce fut le comte de Chambord. Dieu me garde de manquer de respect à cette noble et pure mémoire ! J’ai pleuré à la mort du pauvre petit Prince Impérial plus que la plupart de ceux que l’Empire avait comblés de bienfaits. Je me rappelle, encore les heures de tristesse que j’ai passées dans mon jardinet au moment de la maladie du comte de Chambord, devant mes lys, qui s’affaissant sur leurs tiges, à mesure que les jours s’écoulaient, semblaient comme l’image de cette existence, comme le symbole de cette Monarchie de dix siècles, dans laquelle la France s’était si complètement incarnée.

L’histoire a cependant des droits, elle dira ce que nous disons : « Le comte de Chambord n’a pas voulu régner. Aux âges passés, le matin du sacre, l’archevêque de Reims allait frapper à la porte de la chambre occupée par le roi dans les appartements du Chapitre. — Le roi dort ! Répondait le grand maître des cérémonies. — Eveillez-le, disait l’archevêque. En 1873, la France a frappé à la porte de la chambre du roi, mais le roi ne s’est pas réveillé !

Si quelques écrivains, comme le dit Carlyle, regardent l’histoire comme une réunion de petites fioles étiquetées d’avance et dans lesquelles on fait entrer les faits, d’autres, au contraire, et nous sommes de ce nombre, veulent surtout dans l’histoire étudier des hommes, voir des êtres.

Quelle étude plus passionnante que celle-là quand, sans s’arrêter aux figures de convention que la consigne de chaque parti entend imposer, bon gré mal gré, à l’opinion, on se met dans la peau des gens, on s’efforce de deviner ce qu’ils ont pensé, ce qu’on aurait pensé peut-être à leur place !

Un mot suffit à peindre le comte de Chambord, le mot de Goethe sur Hamlet :

« C’est une âme chargée d’un grand dessein et incapable de l’accomplir. »

Nulle âme de roi ne fut plus haute, plus généreuse, plus droite, mais le tempérament n’y était pas. On voit, comme à travers du cristal, les combats qui se livrent dans ce cœur. Dès que l’occasion se présente, le comte de Chambord s’ingénie à chercher un prétexte, il essaie de gagner du temps, il se pelotonne dans son drapeau[28], comme nous nous pelotonnons dans nos draps quand on vient nous chercher à l’aube, l’hiver, pour une corvée ennuyeuse. Dès qu’il a reculé, il se raisonne, il se ramène lui-même.

À ce manque de déterminisme, il faut, pour demeurer dans l’analyse vivante, joindre l’intervention toute naturelle de la comtesse de Chambord. Laissez de côté toutes les phrases, restez dans la simple humanité, et figurez-vous ce que devait éprouver cette femme dévouée lorsqu’elle voyait son mari, heureux près d’elle, faisant la charité, chassant, mangeant bien et qu’elle se disait : « Demain, tout ce bonheur sera remplacé par des machines infernales, des coups de pistolet, des émeutes. »

— Je suis revenue une fois, disait souvent la duchesse d’Angoulême, mais je ne consentirai pas à revenir une seconde fois.

La comtesse de Chambord avait été élevée avec la duchesse d’Angoulême qui lui racontait sans cesse les scènes du Temple, les infamies républicaines presque inconnues, car c’est à peine si l’histoire a osé les relever, le long martyre du petit Dauphin que la pauvre princesse, blottie derrière la porte, entendait chaque matin hurler de douleur, sous les coups de Simon. « Madame, me disait quelqu’un qui a vécu longtemps à Frosdhorff, avait gardé de ces récits une impression ineffaçable. Le peuple de Paris lui inspirait une véritable terreur. »

Les défauts du comte de Chambord s’aggravèrent encore grâce aux habitudes contemporaines. Autrefois un prétendant dans cette situation eût trouvé quelque compagnon comme en avait eu Henri IV, n’ayant pas sa langue dans sa poche et parlant à son roi en camarade. Notre époque, de laquelle tout héroïsme a disparu, vit, au contraire, dans un perpétuel lyrisme écrit, dans une sorte de lyrisme journalistique, on a la gloire sans être obligé de se donner la peine de l’acquérir. L’avenir sera stupéfait en constatant que le comte de Chambord et le maréchal Mac-Mahon, qui n’ont jamais tenté un effort effectif pour sauver leur pays, ont été accablés de plus d’épithètes flatteuses que tous les sauveurs de peuples ensemble.

Le mensonge de l’adulation vaine a suivi le comte de Chambord jusque dans la mort et beaucoup de gens sont convaincus que ce sont les intrigues des d’Orléans qui ont empêché la restauration de la Monarchie.

Les faits contredisent absolument cette affirmation que suffirait, d’ailleurs, à démentir le caractère du comte de Paris.

Père de famille irréprochable, bon chrétien, travailleur infatigable, le comte de Paris ne répond pas complètement à l’idéal qu’un pays romanesque comme le nôtre se fait d’un souverain, il n’a rien qui monte l’imagination on regrette qu’un peu de flamme et d’enthousiasme ne s’ajoute pas à tant de sérieuses qualités.

Le rêve de celui auquel la naissance a imposé de si grand devoir eût été de vivre de la vie d’un planteur dans la libre Amérique. Chose curieuse, au commencement de 1870, le projet de départ du comte de Paris était définitivement arrêté et il avait fixé au mois de juillet la date de son installation au-delà de l’Atlantique.

On s’attache aux pays pour lesquels on a combattu et le comte de Paris, dont le calme courage avait excité l’admiration de l’armée dans la guerre de la Sécession, a gardé, de son séjour là-bas, un goût regrettable pour des institutions qui ne conviennent pas à la France. « C’est un prince qui n’a pas assez de préjugés, » a-t-on dit de lui, il serait plus juste de dire que c’est un prince qui a ou qui du moins a eu longtemps tous les préjugés du modernisme.

Les d’Orléans, nous l’avons dit, ont toujours accordé à l’argent une importance excessive, avoir pour eux est comme un complément, comme une prolongation d’être. La fréquentation des Yankées, chez lesquels le dieu Dollar est l’objet d’un véritable culte, n’a point modifié ces sentiments. Pour le comte de Paris et les siens, le fait de posséder beaucoup constitue un mérite et c’est sous l’influence de ces idées qu’une famille fermement chrétienne en est arrivée à donner au pays le spectacle démoralisant de la maison de France vivant sur un pied d’intimité avec la maison de Rothschild.

Tel est, je crois, l’impartial portrait d’un prince foncièrement honnête homme que la France, revenue de bien des chimères, sera peut-être bien contente de trouver pour mettre un peu d’ordre dans ce pays ravagé par une horde de bandits. Etant donné un tel homme, sa conduite vis à vis du comte de Chambord n’a pu être que très correcte. Il a été fort heureux, tous ceux qui l’ont approché de près en témoignent, d’être débarrassé de l’héritage de 1830 et de rentrer, non seulement dans la tradition monarchique, mais encore dans la bonne tenue, dans la décence qui conviennent à une famille rangée, à partir de la visite du 5 août 1873, il ne s’est plus considéré que comme un Dauphin.

Le 30 octobre 1873, après la publication de la fameuse lettre qui renversait tous les plans de restauration, Tailhand courut chez le comte de Paris et le trouva entouré des trois ducs : le duc de Broglie, le duc d’Audiffret-Pasquier et le duc Decazes.

— Il n’en veut pas, dit le duc d’Audiffret-Pasquier, monseigneur, à vous la manche.

— C’est impossible, interrompit le duc de Broglie, l’honneur vous le défend. Nous n’avons plus qu’à proroger le Maréchal et à voir venir.

Seul de tous les hommes importants du gouvernement, le duc d’Audiffret-Pasquier, celui que Thiers comparait à un hanneton dans un tambour, intrigua pour diminuer d’avance l’autorité du Roi. Il avait dit dans un banquet auquel assistaient plusieurs curés de Normandie : « Nous le ficellerons comme un saucisson et il lui sera impossible de bouger. »

Ce propos, rapporté au comte de Chambord, éveilla, sans doute, sa défiance contre l’Assemblée, mais au fond il ne demandait qu’à être découragé.

Ce qui frappe dans le comte de Chambord, je le répète, ce qui est vraiment pathétique, c’est l’antagonisme du tempérament qui se dérobe toujours et de la conscience qui pousse sans cesse à l’accomplissement du devoir.

Après la lettre du 27 octobre, qui ne parut que le 30, parce que l’Union la garda trois jours sans vouloir l’insérer et ne se décida qu’au reçu d’un télégramme impératif, on croit tout fini. Le 17 ou le 18 novembre, le comte de Chambord arrive à Versailles.

Qu’elle est émouvante cette journée du 19 novembre 1873, qui décida peut-être du sort de notre pays ! Les députés monarchistes qui se tenaient dans la maison voisine de celle du comte de Vanssay où était descendu le Roi savaient que le comte de Chambord était à Versailles, sans se douter qu’il était à deux pas d’eux... Ils suppliaient M. de Monti, M. de Blacas, M. de la Bouillerie, de leur faire connaître l’endroit où se trouvait l’auguste voyageur, ils s’accrochaient à eux pour les décider à parler.

Quelle était la situation ? Cent députés étaient prêts à se grouper sur la place d’Armes pour faire cortège au Roi ; dès qu’on les aurait vus entrer à l’Assemblée en criant Vive le Roi ! cent cinquante autres se seraient joints aux premiers et auraient poussé le même cri. La royauté reprenait tranquillement possession du palais de Louis XIV, elle était restaurée d’acclamation par les représentants du pays.

Le Roi n’eût rencontré aucune difficulté. Sur un mot de lui, Mac-Mahon serait venu lui présenter ses hommages et prendre ses ordres. Ducrot était tout à lui, Charrette aurait marché à ses côtés. Si le duc de Broglie subissant, comme nous l’avons dit, l’influence de Léon Say, qui déjà flattait Gambetta, l’homme des Juifs, n’avait pas aidé à la restauration autant qu’il l’eut dû, il n’avait guère gêné les royalistes dans leurs préparatifs, il n’aurait eu certes ni la volonté, ni le pouvoir de faire reconduire le Roi légitime à la frontière.

Ajoutons que trois mille zouaves pontificaux, parfaitement organisés et qui pouvaient se rendre à Versailles sans éveiller l’attention, étaient tout disposés à venir faire au Roi une escorte d’honneur. Un arsenal contenait à Rennes les armes de ces régiments.

Mais cela même eût été inutile. Tout aurait été emporté dans un élan d’enthousiasme, dans un large et irrésistible courant. L’âme française, ne l’oublions pas, ne ressemblait pas alors à ce qu’elle est aujourd’hui. Il y a un monde entre la France d’alors et la France actuelle, avilie par l’opportunisme, morte à toute pensée grande, pourrie dans les moelles, préoccupée de sales trafics, de pornographie et de scandales. Les formidables événements de la guerre et de la Commune avaient réveillé le patriotisme dans tous les cours, purifié les sentiments, on croyait encore au relèvement de la Patrie.

Le peuple de Paris, dégoûté des républicains qui avaient égorgé leurs anciens amis, acceptait très bien la restauration. J’ai entendu vingt fois des ouvriers qui allaient à leur travail ou qui en revenaient, dire philosophiquement « qu’ils ramènent leur Chambord et qu’on nous flanque la paix ! »

Le cœur défaillit au comte de Chambord à cette heure suprême ; au lieu d’agir en Roi et de mander le maréchal Mac-Mahon il lui demanda une entrevue.

De ce côté pouvait encore venir l’acte décisif qui eût tout sauvé. Si le Maréchal avait été de la race de ces militaires francs, joviaux et ronds d’autrefois, il aurait parfaitement compris que le comte de Chambord était de ces hommes qu’il faut jeter à l’eau pour les décider à nager. Il lui aurait donné rendez-vous, il l’aurait invité à déjeuner, il lui aurait fait boire un verre de champagne à la santé de la France, il aurait prévenu deux ou trois régiments de cavalerie dont tous les officiers étaient ardemment légitimistes, puis, brusquement, il aurait montré le souverain aux troupes. Cette fois encore on aurait crié à tue tête : Vive le Roi ! Le centre droit et le centre gauche auraient eu beau se réunir pour paperasser pendant des heures entières dans des commissions, ils n’auraient rien pu contre le fait accompli. Nous aurions quelques milliards de dette de moins aujourd’hui, et la France, au lieu d’être un objet de pitié pour les nations, serait redevenue l’arbitre de l’Europe.

Le maréchal Mac-Mahon n’était ni gai, ni franc, il couvait déjà solitairement je ne sais quel songe de présidence à vie, il refusa de recevoir le Roi.

Dans ce pays, qui était jadis le pays des initiatives hardies, des coups de tête, des bravoures endiablées, nul ne bougea. Le seul qui eut vraiment le sentiment de sa mission, le héros que la France attendait, le Prince Impérial était trop jeune, et sans doute il se disait en Angleterre « Si j’étais le comte de Chambord ! »

A partir de cette date on ne trouva plus dans le parti monarchique, pour employer une expression de Saint-Simon, que « cacades, paroles de neige et pistolets de paille. » On retomba dans cette perpétuelle convention qui perd et émascule une époque qui ne demande qu’à être trompée. On parle de soulèvements, de combats, de Vendée sur le papier, on laisse supposer vaguement que l’on conspire pour flatter l’abonné au moment des renouvellements[29]. Bref, on voit cette chose tout à fait falote, Arthur Meyer s’écriant de temps en temps : « Le Roi vient ! Montjoie-Saint-Denis ! En avant les fils des preux ! »

Le pauvre Roi ne songeait pas à venir, il s’en allait au contraire. L’effet que produisit sa mort attesta une fois de plus la place que tenait dans le monde l’idée qu’il représentait. La postérité, sans accepter les hyperboles des journaux boulevardiers, sera respectueuse pour cette figure, elle s’expliquera qu’un tel homme n’ait pas eu le courage de régner sur un peuple qui tue les princes qui ne lui ont fait que du bien et qui adule les tribuns qui l’ont leurré et ruiné.

A des nations chrétiennes, il faut de bons pasteurs de peuples comme furent si longtemps les Bourbons, à des pays affolés et exaspérés par les idées révolutionnaires, il faut des belluaires.

Le comte de Chambord n’était pas de cette race et, tout en encourageant ses partisans dans leurs espérances les plus aventureuses, tout en continuant sans doute de prier pour la France, il s’est peu à peu détaché d’elle. Je dirai presque qu’il s’en est détaché trop, car on eût aimé trouver dans son testament un mot pour tant d’hommes qui avaient défendu sa cause, un remerciement à des écrivains comme ceux de l’Union, un legs, sur 17 millions, pour ces Cercles ouvriers qui sont un si noble essai de socialisme chrétien.

Chose curieuse, ce prince, dont la mère avait été déshonorée par Deutz, fut soigné par deux médecins juifs, car Vulpian n’a été appelé qu’au dernier moment. A-t-il recherché cette expiation par esprit de sacrifice ? Je veux le croire car une telle préférence eût été bien singulière.

  1. Voilà au surplus le récit de M. Henri Rochefort dans l’Intransigeant du 21 mai 1883, récit auquel M. Arthur Picard n’a opposé aucun démenti, quoique le Conseil général des Basses-Alpes l’ait mis en demeure de le faire. Quand de pareils gaillards sont mêlés à des comptes de liquidation qui comprennent deux ou trois milliards et qu’ils se trouvent en compagnie d’hommes de leur trempe, vous jugez si les écus doivent rouler.

    « Quand je siégeais à l’Hôtel de Ville comme membre du gouvernement de la Défense nationale, écrit M. Henri Rochefort, Raoul Rigault, alors secrétaire du préfet de police Kératry, me remit un rapport, trouvé dans les cartons de l’ancien préfet et signé d’un commissaire de police, qui racontait l’arrestation et l’incarcération à Mazas d’un boursier accusé d’avoir volé 300,000 francs à diverses personnes.

    « Ce récit offrait d’autant plus d’intérêt que le voleur était le propre frère d’un membre du gouvernement du 4 Septembre, contre lequel Gambetta nourrissait l’hostilité la plus vive. Rien de plus curieux, en effet : le détenu allait passer en police correctionnelle, quand l’Empereur eut l’idée de proposer au député de l’opposition, frère du misérable, de sauver sa famille du déshonneur, à la condition que le farouche opposant passerait insensiblement dans les rangs de la majorité.

    « Le marché fut accepté, et le parti qui s’est appelé un instant la « Gauche ouverte » naquit de ce lavage de linge sale. Eh bien, cet ancien pensionnaire de Mazas, vous vous imaginez sans doute que les Spuller, les Challemel et autres puritains l’ont exclu à jamais de leur groupe immaculé ? Détrompez-vous : ils l’ont recommandé au suffrage universel avec autant de chaleur qu’ils en ont mis à exorciser M. de Bouteiller. Il est aujourd’hui député, et c’est à eux seuls qu’il le doit.

    « Nous serons moins odieux que ces honorables, et nous ne nommerons pas le voleur dont ils ont fait leur ami. Malheureusement, notre discrétion sera sans doute inutile, car il est probable que dès les premiers mots tout le monde l’a déjà reconnu. »

    M. Henri Rochefort parle d’un commissaire de police parce qu’il se souvient d’un rapport de M. Martinet, du 31 juillet 1867, constatant qu’il avait été obligé d’expulser M. Arthur Picard de la Bourse où sa présence au milieu de ses dupes faisait scandale. Le rapport constatant le vol de 300,000 francs à la succursale de la Société générale, rue de Palestro, l’arrestation de l’accusé et ses aveux, est de M. Boudeville, officier de paix ; il est du 11 décembre 1868 et il a été publié. Quels austères que ces députés de la gauche !

  2. Lire la conversation de M. de Bismarck avec le maire de Reims. M. Werlé, en quittant le Chancelier, consigna fidèlement le texte exact de cet entretien dans le journal qu’il tenait des moindres faits de l’occupation prussienne ; le Figaro a reproduit une partie de ce document.

    Le roi de Prusse quitta Reims pour se rendre à Ferrières, le mercredi 14 septembre, vers dix heures du matin.

    La veille, M. de Bismarck vint trouver M. Werlé et lui dit :

    « Nous partons demain ; je quitte, le cœur gros. — Nous espérions signer la paix à Reims, c’était la volonté du Roi et mon plus ardent désir : c’est dans cet espoir que nous sommes restés dix jours ici. — On nous force de continuer la guerre… on le regrettera. »

    — Monsieur le comte, interrompit M. Werlé, la France n’a aucun intérêt à continuer la guerre, et, pour qu’elle refuse la paix, il faut que vos conditions soient inacceptables.

    « Je vais vous les dire, reprit M. de Bismarck ; nous demandons deux milliards, Strasbourg avec une bande de terrain de 4 ou 5 lieues de large jusqu’à Wissembourg, afin que le Rhin coule des deux côtés dans des villes allemandes. — Nous demandons la réunion des Chambres, car c’est avec elles seules que nous pouvons traiter, et c’est, — ajouta-t-il, — cette dernière condition qui rencontre le plus de difficultés. »

  3. Il est toujours amusant de voir comment ces gens-là se respectent entre eux. Voilà comment, au mois de mai 1884, le journal de Gamberlé traitait ce pauvre Jules Simon : « M. Schweizer dit Suisse, dit Simon, qui a changé de nom comme tous les comédiens, etc., etc.
  4. Presque tous les marchands d’objets de sainteté et d’ornements d’église sont Juifs ; ce qui leur permet à la fois de réaliser de jolis bénéfices avec une clientèle qui paie régulièrement, et d’espionner ce qui se passe dans le monde ecclésiastique. Tous les procès scandaleux dans lesquels des prêtres ont été mêlés ont été organisés de cette manière, grâce à un mot surpris, à un piège tendu. La façon d’agir du parti catholique en France, sa candeur, son absence de toute précaution seront un éternel sujet d’émerveillement pour l’Avenir.
  5. Figaro du 28 février 1883.
  6. Voir un article du Bien Public, 3 mars 1871, où j’ai, je crois, donné l’impression vraie du départ des Allemands, remontant en bataille l’avenue des Champs-Élysées au milieu des fanfares et défilant devant l’Arc de Triomphe.
  7. Voir à ce sujet, comme excellent document sur l’état d’esprit réel de la population parisienne, le curieux Journal tenu pendant la Commune, par le curé de Saint-Thomas d’Aquin, l’abbé Ravailhe. Au moment de faire faire la première communion à ses enfants, le digne curé craint que les Fédérés, qui occupent la place et le musée d’artillerie, ne s’opposent à la sortie de la procession ; il va tranquillement trouver le chef de poste. — Comment donc, répond le brave insurgé, et il fait mettre ses hommes sous les armes et sonner le clairon, pendant que les enfants passent en chantant. Le lendemain le bataillon était changé, et M. l'abbé Ravailhe ajoute qu’il ne sait pas ce que l’officier fédéré est devenu. Il aura été tué (par derrière) par quelque ami de Simon Mayer et de Dacosta, ou dénoncé aux Versaillais par quelque Franc-Maçon, auquel l’opportunisme aura donné, plus tard, un poste de percepteur ou de sous-préfet. La place qu’il occupait à l’atelier doit être occupée aujourd’hui par un étranger.
        En 1848, au moment où l’on commençait les barricades pour les journées de Juin, et où le quartier Mouffetard était en pleine effervescence, on enterrait le curé de Saint-Médard et son clergé désira que, selon l’usage, le corps du défunt pût faire une dernière fois le tour de l’église qui avait été la sienne. L,e« ouvriers se prêtèrent de grand cœur à ce souhait, et enlevèrent devant le cercueil les pavés qu’ils remettaient dès que le cortège était passé.
  8. Un témoin oculaire et très véridique, j’en suis convaincu, me racontait ce petit fait qui est caractéristique. Le 27 ou le 28 mai, quand tout était déjà perdu pour la Commune, les Fédérés avisèrent sur la place de Belleville la boutique d’un bonnetier, et ma foi, ils se mirent à s’emparer des chaussettes avec la joie enfantine que nous avons tous éprouvée à changer de linge après quelque grande fatigue. Un sergent arrive, leur reproche de déshonorer leur cause par le pillage, et voilà nos gens retournés et restituant tout ce qu’ils avaient pris. N’est-ce pas très Parisien ?
  9. Les officiers prussiens assistèrent à la chute de la colonne du balcon du Ministère des finances. La Prusse garda pour trophée la statue de la Victoire qui était boulonnée dans la main de l’Empereur et qui, malgré toutes les recherches, n’a jamais pu être retrouvée.
  10. Convulsions de Paris, tome 11, pages 287-288.
  11. Par un rapprochement singulier, ce fut encore un Juif qui joua le principal rôle dans cette scandaleuse cérémonie de l’installation de Cazot comme président de la Cour de cassation qui a déshonoré à jamais notre grande magistrature.
        On croyait jusqu’au dernier moment que nul président de chambre ne consentirait à recevoir l’administrateur d’une compagnie financière aujourd’hui en faillite, l’homme taré dont la nomination était un soufflet sur la joue de chaque magistrat.
        Quand, le mercredi 23 avril 1883, on entendit Bédarrides inviter Cazot à prendre possession de son siége, une huée s’éleva, soudaine, irrésistible, unanime. « Huissiers, faites faire silence ! s’écria Cazot exaspéré. « Ce fût tout, et cette scène si courte est restées présente à la mémoire de tous ceux qui en ont été les témoins indignés.
  12. Ce fut à Raoul Rigault que beaucoup d’ecclésiastiques durent de pouvoir quitter Paris, et cela, dans des circonstances bien singulières, et dont je puis garantir l’exactitude. Un capitaine de la Commune, Lalanne, obsédé toujours par cette idée de voir des souterrains partout, avait été faire une perquisition chez les Augustins de la rue de la Santé. Il ne trouva pas de souterrains naturellement, mais fut frappé par l’accueil qu’il reçut de la Supérieure qui était une femme d’une haute intelligence, il parla d’elle à Raoul Rigault. Le délégué à la Police fil atteler la voiture de Piétri, et vint causer plusieurs fois avec la religieuse « je devine ce que vous n’osez pas me demander, disait-il en s’en allant, des laissez-passer pour vos calotin…. en voilà. Je suis sûr que si j’étais vaincu vous me cacheriez encore ici… » La personne qui m’a donné ces détails était absolument convaincue que lorsque Raoul Rigault fut surpris, rue Gay-Lussac, c’est vers le couvent des Augustines qu’il se dirigeait.
  13. Le Juif hongrois, Léon Franckel, né à « Buda-Pesth », et membre de la Commune, était un descendant du célèbre Basses Alpes ou « Abravanel », Ministre des finances d’Isabelle la Catholique, et qui dut quitter l’Espagne lors de la grande expulsion de 1491. La famille Basses Alpes, réfugiée en Autriche, y prit, nous apprennent les Archives israélites, le nom de Franckel. N’est-ce point curieux cet arrière neveu d’un Ministre des finances d’Espagne, devenu quelque chose comme Ministre des travaux publics en France, et vengeant les siens en assassinant nos prêtres ?
        Vermersch, ainsi qu’il l’a reconnu lui-même, descendait d’une famille juive d’Amsterdam.
  14. Justitia fundamentum Regni, lit-on sur la façade du Hoff Burg, le palais impérial de Vienne, et l’inscription est bonne et bien placée.
  15. Crémieux était si sûr de sa grâce que, lorsqu’on vint le prendre au fort Saint-Nicolas pour le mener au Pharo, il était convaincu qu’en l’emmenait pour entériner les lettres de grâce, ce ne fut qu’en apercevant les troupes rangées en carré qu’il comprit la vérité, il se trouva mal, et on fut obligé de l’asseoir sur une chaise pour le fusiller.
  16. Ajoutons que tous les Papiers des Tuileries n’ont pas été brûlée, comme on le croit généralement. Quelques-uns furent sauvés pendant le premier siège par M. de Piennes. Les plus importants avaient été déposés dans les caves de la maison qu’occupait la grande aumônerie, rue de Rivoli. Au moment de l’entrée des troupes dans Paris, on signala leur présence, à cet endroit, au général Douay qui venait d’arriver sur la place du Carrousel il les fit immédiatement charger sur 17 ou 18 fourgons, et sans en rien dire à Thiers, il les envoya sous escorte à Cherbourg d’où ils furent expédiée en Angleterre.
        Ce sont ces documents qui montreront ce qu’était la république des hommes du 4 Septembre, et qui vengeront, par le mépris de l’histoire, les malheureux qu’ils ont fait égorger.
  17. Félix Pyat, dont chacun connaissait la retraite, resta tranquillement caché rue Pigalle, et ne quitta Paris qu’avec un passeport parfaitement régulier.
        Un fonctionnaire important du Ministère de l’intérieur a encore en sa possession un ordre de faire évader six détenus signé Thiers et contresigné Calmon.
  18. Au point de vue de l’abaissement des caractères, on rapprochera cette époque des petits papiers d’une autre époque de guerre civile. Qui ne connaît l’histoire d’Agrippa d’Aubigné, amoureux de Diane de Talcy, qu’il est trop pauvre pour épouser ? On lui propose de tirer parti des documents sur la conspiration d’Amboise qui sont en sa possession, et qui compromettent gravement le chancelier de l’Hôpital. Il va chercher les pièces, les jette au feu et dit, « je les ai brûlées de peur qu’elles ne me brûlassent, car j’avais pensé à la tentation. »
  19. Laluyé, qui vivait tranquillement à Rueil, et contre lequel on ne put absolument relever aucune charge, fut détenu administrativement pendent trois mois. Voilà comment se comportait au pouvoir ce Jules Favre qui, sous l’Empire, avait toujours le mot de vertu en bouche.
  20. Livraisons des 15 et 31 octobre 1881.
  21. N’oublions pas cependant que si l’Allemagne consent à se servir du Juif comme instrument, et à le récompenser au besoin, elle le tient absolument à l’écart de tout ce qui touche à l’honneur et à la dignité du pays. Quand le fils de ce Bleichroeder, qui s’était faufilé on ne sait comment dans le corps d’officiers des hussards de la garde, se présenta devant ses camarades, une huée énorme s’éleva, on lui cracha à la figure, et il dut s’enfuir précipitamment. Jamais les officiers allemands, qui ont encore quelques traditions des anciens chevaliers Teutoniques, n’admettront qu’on puisse confier un drapeau à un homme qui est prêt à le vendre pour de l’argent, puisqu’il met l’argent au-dessus de tout.
  22. L’excuse de ces familles est qu’elles sont plus allemandes que françaises. Mme Jules Ferry est une arrière-petite-fille de l’héroïne du roman de Goethe, Werther.
        La fameuse Charlotte, Charlotte Buff, née à Wetzlar, a épousé Johann Christian Kestner de Hanovre, elle est donc la grand’mère de M. Kastner, dont la file est devenue la femme du président du Conseil, ami de Bleichroeder. L’élément cabotin est toujours plus ou moins représenté dans ces familles. La célèbre Mlle Duverger, qui se trouve parente de Jules Ferry par alliance, ne perd jamais l’occasion de le rappeler, elle a tenu à préciser sa filiation par une lettre adressée aux journaux, au mois d’octobre 1884.
    Montmorency.
    Monsieur,

    Ma mère était la tante de M. Charles Kestner, qui était mon cousin, par conséquent. Elle m’a souvent raconté l’histoire de Charlotte. Seulement elle y ajoutait l’anecdote que voici :
        Charlotte, ma grand-tante, étant en voyage avec une vieille parente, fut obligée de s’arrêter dans une auberge oû ces dames durent passer la nuit, par suite du retard des chevaux de poste.
        La parente savait d’une façon un peu incertaine ce qu’on disait dans sa famille : que Charlotte était l’héroïne du roman de Goethe. La chambre qui leur fut donnée avait deux lits, et le hasard fit que les rideaux de ces lits représentaient, le suicide de Werther !
        — Si c’est elle, pensait la vieille dame, elle ne se couchera pas.
        Mais Charlotte n’a rien témoigné, et elle s’est couchée.
        A-t-elle dormi ? Personne n’en a jamais rien su.
        J’ai voulu vous renseigner sur un fait, assez curieux en somme, et, persuadée que vous ne m’en voudrez pas, je vous prie d’agréer, Monsieur, mes plus empressées salutations.

    Augustin Duvergne.
  23. Trochu, notez-le, s’arrange même pour ne pas mentir à l’Impératrice, quand elle lui demande si on peut compter sur lui, il ne répond ni oui ni non, il répond : « Madame, je suis breton, catholique et soldat. » Tout cela est strictement vrai. Il avait dit : « le gouverneur de Paris ne capitulera pas, » et il donne sa démission au moment de la capitulation. C’est le pendant de l’histoire du seigneur breton qui avait engagé sa parole de ne pas voir le roi à son passage à Paris, et qui, pour ne pas manquer à la lettre de son serment, causa avec lui dans l’obscurité.
  24. Voir La Société de Vienne, par le comte Paul Vasili.
        Qui ne connaît le mot de Marie-Antoinette : « Vous m’en direz tant ! » A l’heure présente, il n’est pas d’homme politique, même avec des sentiments chrétiens très sincères, qui soit invulnérable à cette terrible force de l’argent. On se défend longtemps, mais on finit par céder devant certaines sommes si considérables que les consciences en sont comme terrassées. Les plus fermes hésitent un moment, puis regardent ceux qui sont autour d’eux, comprennent la signification de certains regards muets et capitulent. M. Brunet, un magistrat qui passait pour intègre, un ancien ministre de l’Ordre moral, consent à devenir le second du baron de Hirsch, à prendre sa part des dépouilles de tant de malheureux. Il part pour l’Orient, au mois d’août 1885, pour défendre les intérêts du juif. Il est vrai, dit le Gaulois, que le baron fait royalement les choses. « Pour preuve nous ne voulons citer que ce que M. Brunet racontait l’autre jour au Palais, au milieu d’un groupe serré d’avocats de tous âges. Il racontait que, détestant la mer, il ferait son voyage par Vienne, jusqu’au terminus des chemins de fer austro- serbes, que de là, aux frais du baron, il se rendrait en poste jusqu’à Sarambey, tête de ligne du chemin de fer de Constantinople, ne voyageant que pendant le jour, les postillons eux-mêmes ne voulant pas se risquer à voyager la nuit. »
        Quel exemple ce vétéran du barreau donne-t-il aux stagiaires, et de quel droit les journaux conservateurs reprochent-ils à Floquet de se faire l’homme d’affaires de Mustapha ?
  25. Voir, dans les pièces publiées par le comte d’Arnim, le rôle joué par le Juif Simon Deutch, ami de tous les républicains français.
  26. Nous avons déjà insisté sur le caractère psychologique très curieux de ces aplombs de Juifs et de Juives. Comparer dans cet ordre à l’acte de Mme de Rothschild se permettant de manquer de respect à un ambassadeur accrédité près du gouvernement français, la scène incroyable de Sarah Bernard à la frontière (octobre 1884), refusant de laisser visiter ses bagages, et accablant d’injures les douaniers, relire aussi l’épisode de Gambetta appelant ses adversaires misérables et fumier, quand il est dans l’opposition et faisant saisir à son banc et enfermer un représentant du peuple, dont le discours ne lui plait pas. Le côté significatif, c’est la docilité, avec laquelle on accepte, on subit, ni les gens du monde, ni les députés ne protestent. Il n’y a guère que les gabelous qui aient conservé quelque sentiment de leur dignité.
  27. Les Antécédents du procès d’Arnim, chez Plon.
        A l’occasion du mariage de Mlle Béatrix de Rothschild avec Maurice Ephrussi, M. Bleichroeder envoya, comme cadeau de noces aux jeunes époux, un tableau de Hans Makart, « une allégorie nuptiale très regardée, très commentés, » dit le Gaulois. Allons, tant mieux, notre argent sert à quelque chose !
  28. Il n’est point douteux maintenant, pour tout homme de bonne foi, que la question du drapeau n’ait été qu’un prétexte. A l’Assemblée de Bordeaux, quelques députés orléanistes s’adressèrent à M. de la Ferté, qu’ils savaient muni des pleins pouvoirs du comte de Chambord, et lui demandèrent si la question du drapeau serait un obstacle. M. de la Ferté répondit qu’il était autorisé à affirmer que cette question ne ferait pas de difficulté, il ajouta que, dans son opinion, il lui semblait impossible de ne pas maintenir le drapeau tricolore que les malheurs de la dernière guerre venaient de rendre sacré.
        Le 29 ou le 30 juin 1871, M. Bocher rencontra dans la salle à manger des Réservoirs trois députés légitimistes : le duc de La Rochefoucauld-Bisaccia, le comte Armand de Maillé et le vicomte de Gontaut-Giron, il leur demanda quel était le sens de la lettre que le comte de Paris venait de recevoir : « Il me tarde de vous serrer sur mon cœur, mais la délicatesse m’oblige à vous prier d’attendre que je me sois expliqué avec le pays sur les questions réservées. » Ces messieurs déclarèrent qu’ils n’y comprenaient rien et qu’il n’y avait pas « de questions réservées. » Quoiqu’il fût près de minuit à la fin de l’entretient, on courut chez M. de la Ferté, on le fit lever, on lui expliqua ce dont il s’agissait, il se troubla, pâlit et dit : « je suis désavoué, ce doit être la question du drapeau ! »
  29. Il y eut cependant, quelque temps avant la mort du comte de Chambord, un commencement de conspiration assez sérieusement organisée, ce qui prouve une fois de plus la justesse de ce que nous disions de l’oscillation perpétuelle de cet esprit. S’il eût vécu, le comte de Chambord, qui n’aurait eu qu’à vouloir pour régner et qui n’avait pas su vouloir, aurait probablement essayé, par scrupule de conscience, de revenir par une échauffourée.